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1576. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Ils ne sont pas les seuls à travailler dans cette direction. […] Il fut donc, quoiqu’il ait eu un appartement à Paris ces dernières années, l’homme d’un seul pays, comme il fut l’homme d’une seule étude. […] Il n’y a rien contre lui, mais sa fermeté seule est un crime !  […] Mais ces Sciences sont-elles les seules légitimes ? […] Ce contraste seul est un enseignement.

1577. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Taine en fournissait, par sa seule existence, un indéniable témoignage. […] La seconde est, seule, strictement conforme à la nature du genre. […] Une seule fois, d’Aurevilly fit allusion devant moi à cette descendance. […] D’autre part, le titre seul du livre enveloppe une philosophie. […] L’amour seul faisait battre son cœur, mais un amour d’une délicatesse et d’une complication infinies.

1578. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Mais je dis qu’une telle idée n’est qu’une chimère, et bien loin d’accorder que nous puissions avoir la notion d’un comique plus parfait que celui de Molière, de Shakespeare et d’Aristophane, je soutiens que nous n’avons pas même l’intuition de l’idéal d’une seule de leurs comédies. […] Elle ouvre librement, largement, sans réserve, son esprit aux impressions du comique, son âme à celles de la beauté… La toile tombe ; elle s’est parfaitement divertie, sans se demander une seule fois si elle avait raison, et si l’Esthétique de M.  […] Bien plus, qu’un seul bon juge loue ce qu’elle condamne, elle ne croira pas avoir raison contre lui. […] Et quand on pense qu’il y aurait moyen d’effacer cette contradiction, de les effacer toutes, par urne phrase, une seule petite phrase ! […] Non, Dorante ; pas même Racine ; Corneille seul.

1579. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

. — En effet, par sa seule présence, une sensation, notamment une sensation tactile ou visuelle, engendre un fantôme intérieur qui paraît objet extérieur. […] Celles de la vue sont innombrables ; nous en commettons tous les jours dans la vie courante, et on en fabrique à volonté dans les spectacles optiques ; au moyen du stéréoscope, nous donnons à deux surfaces planes l’apparence d’un seul corps doué de profondeur ; et cent autres illusions analogues. […] La seule différence, c’est que tout à l’heure un corps indépendant, extérieur et stable correspondait effectivement et rigoureusement à notre simulacre, et que maintenant cette correspondance effective et rigoureuse n’a plus lieu. […] De cette façon, l’antécédent réel d’un effet — le seul antécédent qui, étant invariable et inconditionnel, soit considéré par nous comme la cause — peut être, non pas une sensation quelconque actuellement sentie, mais simplement la présence, en ce moment ou au moment immédiatement précédent, d’un groupe de possibilités de sensation. […] Ce qui est indépendant et permanent lui semble seul digne d’attention, et désormais, pour peupler la scène de l’être, il met au premier rang cette Possibilité et les autres semblables. — Par contrecoup, il écarte ou laisse de côté comme peu importantes les sensations fugitives ; à force de les omettre, il oublie que les propriétés, les pouvoirs et les forces n’en sont qu’un extrait.

1580. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

les gens vraiment amoureux sont des monomanes comme moi, qui ont une seule idée, laquelle absorbe toutes leurs sensations. […] Leurs passions prédominantes, presque les seules, sont la vengeance, l’amour de l’orgie et les femmes. […] Il ne faut voir en soi qu’un coin de la nature à observer, le seul qui ait été mis d’une façon constante à notre portée. […] Nous connaissons mieux, par la seule lecture de ses écrits, la personnalité d’un Pascal que la personnalité de tel ou tel qui nous conte par le menu ses faits et gestes, — choses qui s’oublient, — et qui nous retrace ses moindres pensées, ses moindres paroles. […] Pour Loti comme pour Baudelaire, — et c’est là leur seul point commun, — la mort est toujours présente.

1581. (1903) La renaissance classique pp. -

Seuls les chefs d’école, les théoriciens et les praticiens de la doctrine peuvent être mis en cause. […] L’un ne se sépare point de l’autre : ces deux facteurs, qui ne se distinguent qu’à l’analyse et pour la commodité du langage, sont une seule et même chose. […] Amoindrir ou supprimer en nous la faculté poétique, c’est rendre incomplète ou impossible la seule communication que nous puissions avoir avec la réalité. […] Il n’admet pas que nous n’écrivions que pour nous seuls, que nous nous considérions comme en dehors de sa sphère. […] Au milieu de cette effervescence universelle, nous ne pouvons pas être les seuls qui nous croisions les bras.

1582. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Brunetière, assurément, et le pauvre chansonnier est atteint et convaincu de n’avoir été poète qu’une seule fois, dans une seule chanson ; il est renvoyé avec mépris aux cafés-concerts ; et M.  […] Il laisse entendre qu’il est seul ou presque seul à posséder certains secrets. […] D’un seul mot, qui dit tout, il l’appelle son Marivaux. […] Bourget sont les seuls guides de la génération actuelle. […] Bourget, comme tout être vivant, change par cela seul qu’il vit.

1583. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

D’où le spectre de Banquo, que Macbeth est seul à voir. […] Jamais, pas une seule petite fois, je n’y avais rencontré de femmes. […] Et ce pauvre Valette reste seul avec son déshonneur. […] Il n’est pas le seul. […] Donc, Paul reste seul.

1584. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Un seul refusa de lui rendre hommage ; un seul entreprit de briser l’idole encensée de tant de gens éclairés. […] Lui seul, ainsi qu’Apelle, pouvoit représenter ce rapide conquérant. […] Un seul cordelier gardoit un profond silence. […] Les ouvrages seuls d’Alvarès & de Lémos font foi de ce fait. […] La modération seule n’étoit du côté de personne.

1585. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Sa vie et sa doctrine n’eurent-elles qu’une seule et même teneur entière et rigide en toute leur durée ? […] Ainsi vous préparerez le seul règne de la philosophie…. […] A Pétersbourg, il est seul ou n’a affaire qu’à des esprits absolus. […] La bête a l’inconvénient de ne venir jamais seule ; elle introduit le fripon. […] Mais attendez que l’AFFINITÉ NATURELLE DE LA RELIGION ET DE LA SCIENCE les réunisse dans la tête d’un seul homme de génie.

1586. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

On se rappelle le garde forestier dont parle Kipling, seul dans sa maisonnette au milieu d’une forêt de l’Inde. […] Jamais, aux heures de tentation, on ne sacrifierait au seul besoin de cohérence logique son intérêt, sa passion, sa vanité. […] Seule, en effet, l’émotion du second genre peut devenir génératrice d’idées. […] Nous n’allons pas nous engager, à seule fin de corriger une expression inexacte, dans une étude comparée des deux sexes. […] Mais cette influence ne s’exercerait avec efficacité que si elle pouvait être seule.

1587. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

L’histoire seule de M. […] Hyde de Neuville est le seul ministre de la Restauration qu’il ait vu. […] Dans ces deux révolutions qu’on cite, une seule est entièrememt accomplie, c’est la révolution anglaise. […] Or personne, je le pense (et cette conclusion ressortirait de notre seule étude), personne ne refusera à M. […] Thiers ; mais c’est par la simplicité seule, par la grandeur et la netteté des lignes, que son récit prétend à les égaler.

1588. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Il ne voyait pas que, comme dans les jeux des courses, celui qui va toujours et sans s’arrêter un seul instant, n’avançât-il que peu à peu, ira plus loin que celui qui s’élance d’abord, qui extravague et bondit à l’aventure, M.  […] Le premier volume, le seul qu’il ait donné de ces Origines, ne représente que la moindre partie de ses travaux dans cette branche intéressante ; il se hâta de le publier pour justifier de ses titres à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, où il fut nommé aussitôt après, en 1838. […] Il y mêla, envers le nouvel auteur, toute sorte de chicanes rétroactives, étrangères à l’œuvre présente, la seule qui fût en cause. […] Il nous fait apprécier comme la perle du genre des Enfants sans souci une petite farce, une parade à un seul personnage, très spirituelles et très amusantes, le franc Archer de Bagnolet ; on en ferait encore maintenant un joli lever de rideau du Palais-Royal. […] Je l’y ai suivi, ou mieux, surpris plus d’une fois dans le cours de ces recherches paisibles : tout se taisait, le jour tombait, il était seul, lisait près d’une fenêtre ; le bruit des feuillets qu’il froissait entre ses doigts ressemblait à ces craquements mystérieux qui, dans les froides et muettes nécropoles, marquent seuls par intervalles le travail du temps.

1589. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

On se dit que le chant tout seul n’est peut-être pas un monument suffisant dans la mémoire des hommes, de ceux qui n’auront pas, jeunes eux-mêmes, entendu la jeune voix du poète ; on se dit qu’une harpe éolienne n’éternise pas d’assez loin un tombeau. […] Des critiques ont remarqué qu’il n’est pas dans Homère une seule beauté mémorable que le divin vieillard ne répète, ne varie en trois ou quatre endroits, au risque souvent de l’affaiblir ; je ne sais s’ils ont conclu de là pour ou contre l’existence d’un Homère. […] Jocelyn, seul, dans la Grotte des Aigles, rentre dans une situation qu’ont rêvée une fois tous les cœurs sensibles épris de la nature au printemps. […] Dieu seul sait la distance entre nous, Seul il sait quel degré de l’échelle de l’être  Sépare ton instinct de l’âme de ton maître, etc. […] Lamartine y va toujours par le plus droit chemin, d’un seul essor, en vue de tous.

1590. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Chez les anciens, Cicéron, Sénèque et Pline le Jeune nous offrent seuls des exemples comparables d’une littérature à la fois si abondante et si délicate dans de pareils empêchements : frigidis negotiis, disait Pline, quæ simul et avocant animum et comminuunt. […] Mais, malgré la révision de l’auteur, combien de qualités mobiles, de composés pour ainsi dire instantanés, ont disparu, ou du moins se sont modifiés en se fixant, et dont ceux qui ont assidûment entendu le maître peuvent seuls rendre aujourd’hui témoignage ! […] La gloire historique, qui, d’après l’exemple d’Augustin Thierry, le tente noblement, et qui est en effet le seul vœu d’agrandissement légitime qu’il ait à former, lui suggéra ce sujet et ces travaux, d’où il retira incidemment tant de profit pour sa critique littéraire. […] M. de Lamartine seul a partagé quelquefois les honneurs de ces citations toujours certaines et applaudies. […] Au lieu d’un seul volume, l’auteur en a donné deux (1838), et il en a fait son chef-d’œuvre.

1591. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

» Ce mot est le seul de la lettre qui fasse allusion à l’état des événements publics. […] La seule pensée de celui-ci, son ombre, lui donnait, dès l’instant qu’elle en parlait, le vertige sacré des prêtresses ; elle prédisait à tous venants sa sortie de l’île d’Elbe et les maux qui se déchaîneraient avec lui. […] Une bienveillance précieuse nous permet de reproduire quelques lignes qui peignent cette situation intérieure : « J’ai vu hier Mme de Krüdner, écrivait Benjamin Constant212, d’abord avec du monde, ensuite seule pendant plusieurs heures. […] Il écrivait : « Je me dis qu’il faut que je sois ainsi pour vous ramener à la sphère d’idées dans laquelle je n’ai pas le bonheur d’être tout à fait moi-même ; mais la lampe ne voit pas sa propre lumière et la répand pourtant autour d’elle… J’avais passé ma journée tout seul, et je n’étais sorti que pour aller voir Mme de Krüdner. […] Dans André Chénier, imitant quelque épigramme grecque, le seul sentiment exprimé est celui de la beauté superbe et des rivaux confus.

1592. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Mais il se trouve qu’une circonstance favorable nous met à même d’introduire sur son compte la seule nouveauté possible, c’est-à-dire quelque chose de positif. […] Et si le bien existe, il doit seul exister !  […] Ainsi, dans le chaos des poëtes chaque germe, chaque élément est seul et n’obéit qu’à son poids ; mais quand tout cela est arrangé, chacun est un tout à part, et en même temps une partie du grand tout. […] si tu ne viens pas seule ici, chaque aurore, Rêver au peu de jours où j’ai vécu pour toi, Voir cette ombre qui t’aime et parler avec moi, D’Élysée à mon cœur la paix devient amère, Et la terre à mes os ne sera plus légère. […] La patrie allume ma voix ; La paix seule aguerrit mes pieuses morsures, Et mes fureurs servent les lois.

1593. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Celui-là seul qui l’a créée pourra l’expliquer. […] Aussi ne levait-il jamais les yeux jusqu’à elle, et, le seul symptôme auquel on pût soupçonner son amour, c’était la rougeur de son visage ordinairement pâle et le tremblement de sa forte main en lui présentant, comme aux autres faneuses, l’écuelle de cuivre pleine d’eau de la source où elle buvait debout quand on se levait de table après le repas de midi. […] Elle s’en alla, comme le matin, pleurer seule dans la grange ; mais cette fois c’étaient des larmes de joie. […] Elle l’avait bien vu venir de loin par le sentier des chèvres, mais elle n’avait rien osé dire, et elle s’était en allée dans le verger, derrière la maison, pour le laisser seul avec son père. […] Pendant que les porteurs, avec lesquels je devais retourner le soir par les mêmes sentiers de la montagne, se reposaient et se réchauffaient à table, au feu de la cuisine, je m’enfermai seul dans une petite cellule voûtée qui servait autrefois d’archives au château.

1594. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Je les ai applaudis quelquefois aux premières représentations ; mais j’avoue que j’applaudissais de confiance, et, quand j’entendais le public les applaudir avec enthousiasme, je pensais que le public, seul juge en cette matière, avait raison, et que j’étais apparemment sourd de cette oreille. […] « — Eh bien, leur dis-je, je vais vous définir à mon tour le seul socialisme vrai qui vous travaille et qui vous pousse à votre insu ici, pour exiger ce que vous ne savez pas définir, et dont vous croyez que nous avons le secret et la formule. […] ajoutai-je en concluant, vous reconnaissez donc qu’il n’y a qu’un seul socialisme pratique : c’est la fraternité volontaire et active de tous envers chacun, c’est une religion de la misère, c’est le cœur obligatoire du pays rédigé en lois d’assistance. […] » Je ne demandais plus à la muse que j’aime Qu’un seul chant pour ma mort, solennel et suprême ! […] La maison presque seule leur reste ; ils y souffrent les extrémités de la misère.

1595. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

À présent, seule, en repos dans ma chambrette, je lirais, j’écrirais beaucoup, je ne sais sur quoi, mais j’écrirais. […] s’en trouvera-t-il beaucoup, s’en trouvera-t-il un seul ? […] Non, je serais seule et la belle solitude ne vaut rien. […] Cela seul est solennel : ne plus voir ce qu’on voit. […] Naufrages de l’humanité que Dieu seul connaît, dont il a caché les débris dans les profondeurs de la terre, comme pour les dérober à notre curiosité !

1596. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Il fut aussitôt enlevé de sa résidence ; puis, seul avec le cardinal Pacca, pro-secrétaire d’État, sans un domestique, sans personne des siens, — on ne permit ensuite qu’à un petit nombre de le suivre, — on le jeta dans une mauvaise voiture, sur le siège de laquelle le général français avait pris place. […] « Enfin je réfléchissais que le verre s’étant brisé, comme on dit, en d’autres mains que les miennes, il s’ensuivait naturellement que celui qui ne prenait pas la peine d’approfondir les choses et qui s’arrêtait à la seule rupture extérieure, — rupture non de mon fait ni de mes œuvres, — devait croire que mon éloignement du ministère n’était pas un avantage. […] Le Pape, si fidèle quand ses intérêts seuls étaient en question, fut doux et conciliant devant les caresses de l’Empereur. […] Le 19 mai 1814, le Pape rappelait Consalvi au ministère par le décret suivant daté de Foligno, écrit de sa propre main et qui respire l’amitié autant que l’estime : « Ayant dû céder aux impérieuses circonstances dans lesquelles nous nous trouvions, et mû par le seul espoir d’amoindrir les maux qui nous menaçaient, nous avions été obligé de subir la volonté du gouvernement français déchu, qui ne voulait pas souffrir, dans la charge de notre secrétaire d’État, le cardinal Hercule Consalvi. […] « Conspirer contre notre auguste et seul bienfaiteur serait une infamie sans nom.

1597. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

L’Italie seule voudrait-elle n’être peinte que des traits de l’adulation ? Il y a quelques traits de vérité ; mais l’ensemble du tableau est faux, outré, comme tout tableau qui n’est vu que sous un seul jour, comme toute peinture où l’imagination n’emploie que les couleurs de la prévention et de la haine. […] La grande-duchesse allait tous les soirs se promener en voiture à l’Ardenza ; cette promenade, la seule qu’il y eût à Livourne, était alors sans ombre, et on ne pouvait y aller qu’au soleil couchant, à l’heure où la brise de mer soufflait la fraîcheur humide des flots sur la plage. […] — Non, seigneur, me répondit-elle en rajustant son corset rouge sur sa poitrine ; pardonnez, je me croyais seule et je faisais participer mon nourrisson au bonheur qui nous attend ce soir. […] Les deux enfants dont je devins la seule mère, puisque Fior d’Aliza n’en avait plus, furent nourris du même lait par moi et par la chèvre, et bercés dans le même berceau.

1598. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Albert Thibaudet écrivait dans La Nouvelle Revue française : « A-t-on remarqué que le Midi n’a donné à la France, dans toute son histoire littéraire, pas un seul de ses grands poètes ? […] À cet odieux système, la langue d’oïl n’a pas gagné (nous sommes bien d’accord sur ce point) un seul grand poète de premier rang et la langue d’oc, en a, certainement, perdu plusieurs. […] Cela, à seule fin de prouver que la race méridionale possède un fonds de poésie aussi riche que les autres. […] Ou, du moins, ce sont là des miracles que seuls de véritables poètes peuvent accomplir. […] Fernand de Rességuier avait exprimé son étonnement que Toulouse n’eût jamais eu, en dépit des encouragements et des fleurs distribués par son Académie, un seul grand poète français.

1599. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Laissons de côté le premier argument tiré de ce préjugé universel que le cerveau est le seul sensorium ; car c’est là une simple pétition de principe. […] Il y a là non pas deux choses — d’une part, un groupe de conditions (causes), d’autre part, un résultat (effet) — mais une seule et même chose vue différemment. […] Cette question ne peut avoir qu’un seul sens : quelles sont les conditions connues du tissu musculaire vivant et les modes de réaction de ce tissu, quand on l’excite ? […] La seule transformation qui ait lieu ici est celle de certains facteurs analytiques en un fait synthétique. […] Le processus nerveux et le processus sensitif ne sont pas pour moi deux processus, mais deux aspects d’un processus seul et unique.

1600. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXV » pp. 299-300

Mérimée, à faire applaudir à l’Académie l’Éloge de Rabelais, de ce grand écrivain dont on ne peut lire tout haut une seule page. […] Il n’a pas voulu être ou paraître dupe un seul instant, même dans un éloge académique.

1601. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Dans cette épître Sur la paresse, la seule que La Harpe ait distinguée, on voit Bernis au naturel, assez gracieux, mais sans force, sans élévation de but et sans idéal. […] J’en ai, de tout temps, retenu ces vers qui ne sont pas les seuls qu’on pourrait citer : Dieu, père universel, veille sur chaque espèce ; Il soumet l’univers aux lois de sa sagesse ; De l’homme elle s’étend jusqu’au vil moucheron : Il fallait tout un Dieu pour créer un ciron ! […] On veut trop faire fortune aujourd’hui, et on craint trop de la perdre quand on l’a faite : c’est le mal général qui afflige aujourd’hui l’Europe ; car, Dieu merci, on a beau dire, nous ne sommes pas les seuls qui méritions des reproches. […] En novembre 1754, le duc de Penthièvre descendit chez l’ambassadeur avec sa suite et y logea treize jours : « Je me suis très bien tiré de cet embarras, disait galamment Bernis : après beaucoup de dépenses faites avec profusion, mais sans désordre, il me reste l’amitié d’un prince honnête homme, et la satisfaction d’avoir contenté tous les ordres et tous les étages de sa maison. » Duverney se charge de suivre en cour les intérêts de Bernis ; la seule chose urgente, ce sont les secours pécuniaires. […] Ses vues se tournèrent toutes du côté de la paix, pour terminer, d’une part, une guerre dont il ne prévoyait que des désavantages, et d’une autre, pour tirer sa nation d’une alliance contraire et forcée dont la France portait le fardeau, et dont la maison d’Autriche devait seule retirer tout le fruit et tout l’avantage.

1602. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

La traduction du traité de l’Orateur de Cicéron fut le seul écrit que M.  […] Dans la prison de Rennes, on lui avait donné pour surveillant un sans-culotte qui, moyennant salaire d’un modique assignat par jour, était chargé de ne le pas perdre de vue un seul instant, même dans le sommeil. […] Le début est spirituel ; on y voit le Brutus toujours inquiet, et faisant l’Argus, même quand il est couché sur ce lit où chaque soir, comme lui dit le poète, Vous dormez d’un seul œil, tandis que l’autre veille, Et que votre suspect tranquillement sommeille. […] C’est ainsi qu’en multipliant à plaisir ses travaux, et en se créant avec une rare vigueur de pensée ces surcroîts et comme ces superfluités d’action et d’emploi au milieu d’occupations qui, seules, eussent absorbé tout autre, Daru, sans s’en douter, préludait à ce rôle qui devait l’illustrer un jour, celui d’administrateur de la plus forte trempe sous le capitaine le plus infatigable qui ait jamais existé. […] Nulle part, et dans les Satires ou les Épîtres pas plus que dans les Odes, il ne serre d’assez près les images, et ne fait saillir en un vers tout à fait exact ce détail particulier qui seul égaye à la fois et réalise la poésie.

1603. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Ce n’est plus en compagnie de son amie, c’est seul, à une saison moins belle et quand un pied de femme ne se tirerait pas aisément des mauvais pas, qu’il fait ses excursions et qu’il va à la découverte du pays. […] Faut-il dès lors s’étonner que la santé et la vertu, ces dons qui peuvent seuls adoucir l’amer breuvage que présente la vie à chacun de nous, se trouvent plus en abondance et soient moins menacées dans les champs et dans les bois ? […] Dès les premières pages, on y lit une délicieuse invocation au bonheur domestique, dont Cowper ne jouissait qu’imparfaitement sans doute, mais qu’il appréciait avec une si pieuse et si chaste délicatesse : Félicité domestique, toi la seule bénédiction du Paradis qui ait survécu à la chute ! […] Il se figurait avoir commis un péché, je ne sais lequel, le seul irrémissible, et qui avait rendu son âme déserte du côté de Dieu. […] Viens lui parler de devoir, de convenance, lui dire combien la vérité morale est aimable, combien le sens moral infaillible… Ne t’épargne pas sur ce sujet… Déploie toutes tes facultés de déclamation et d’emphase à la louange de la vertu… Pousse ta prose éloquente jusqu’à surpasser l’éclat de la poésie… Il y manque toujours une toute petite parole à voix basse, que Celui-là seul peut prononcer de qui le verbe atteint d’un coup son plein effet, et qui dit aux choses qui ne sont pas d’être, et elles sont à l’instant.

1604. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

On racontait aussi qu’un soir que l’archevêque rentrait seul de l’île Saint-Louis (où logeait Mme de Bretonvilliers) par le Pont-Rouge, ou plutôt une nuit qu’il s’en revenait en chaise de la rue de Grenelle, c’est-à-dire de chez La Varenne, vers la Croix-Rouge, il avait été attendu par huit hommes munis de flambeaux, lesquels, sous prétexte de lui faire honneur, l’avaient accompagné en pompe jusqu’à l’archevêché, non sans le haranguer au préalable et lui adresser tout le long du chemin mille compliments dérisoires. […] Deux autres ecclésiastiques compromis, l’un notamment nommé Bourdin, ami et compagnon de Le Noir, et qui confessait avoir pris part aux libelles de ce dernier, en s’offrant de prouver tout ce qu’on avait avancé et en demandant d’être renvoyé par devant le juge d’Église, seul compétent, au lieu des juges laïques qu’on lui avait donnés, furent condamnés aux galères, et Bourdin aux galères perpétuelles (1683). […] Il y était seul, l’après-midi qu’il mourut, avec son amie la duchesse de Lesdiguières, nièce du cardinal de Retz, et qui était sa dernière liaison ; quoique cette dame ne fût plus jeune, on n’avait pas laissé, par habitude, d’en médire. […] … Si l’infraction d’une seule loi peut contre-balancer toutes nos bonnes œuvres, et que, par le seul manquement, on soit coupable comme si l’on avait manqué à tout, qui pourra se sauver de la rigueur d’un jugement où rien ne nous sera pardonné ? […] Un homme qui connaissait bien les hommes, le cardinal de Forbin-Janson, avait tiré son horoscope : « M. de Noailles, avait-il dit, sera un jour chef de parti, mais ce sera sans le vouloir ni le savoir. » Encore une fois, au point de vue politique et ecclésiastique extérieur, et comme archevêque dirigeant tout un Ordre auguste et vénérable, M. de Harlay n’avait qu’un défaut, celui qui fit tort au sage roi Salomon ; et La Bruyère, ce grand et excellent juge, l’a dit avec bien de la modération et de la finesse ; car c’est très probablement à l’archevêque de Paris qu’il pensait lorsqu’il a tracé ce Caractère : « Il coûte moins à certains hommes de s’enrichir de mille vertus que de se corriger d’un seul défaut ; ils sont même si malheureux que ce vice est souvent celui qui convenait le moins à leur état et qui pouvait leur donner dans le monde plus de ridicule : il affaiblit l’éclat de leurs grandes qualités, empêche qu’ils ne soient des hommes parfaits et que leur réputation ne soit entière.

1605. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

on aimerait à le savoir ; les ombrages seuls de Saint-Gratien pourraient nous le dire. […] Catinat s’en aperçut ou s’en douta ; le soupçon seul, une fois entré dans son esprit, devait achever de le déconcerter et le rejeter à l’excès du côté de la prudence. […] Une des curiosités de Bayle était de savoir si ces lettres étaient bien authentiques ; il en écrivit à son correspondant de Paris, l’avocat Matthieu Marais : on lui répondit que la famille les désavouait ; mais ce désaveu tout verbal ne prouvait qu’une seule chose : c’est que la famille n’entendait pas être responsable ni complice de l’impression. […] On possède peu de détails originaux et de renseignements écrits sur ces dix années de sa fin : la tradition presque seule a parlé. […] Quand on est un guerrier brave, simple, modeste, dévoué, tout au devoir, sans jactance, quand on arrive et quand on avance par son seul mérite, quand on garde et qu’on observe un esprit de modération et d’équité dans un métier de violence, c’est qu’on a les yeux sur Catinat ; on prend de loin Catinat pour exemple et pour modèle.

1606. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Le prodigue de votre Évangile ne quitta qu’une fois la maison de son père, n’offensa ce bon père qu’une fois, après s’être assis au festin de réconciliation, il ne retourna point partager avec les pourceaux leur nourriture immonde : à moi seul était réservé ce comble de l’avilissement et de l’ingratitude. […] Ce sont presque les seuls endroits à noter à cette époque de la Correspondance. […] Il n’est pas reconnaissable quand il est seul ou, ce qui est presque la même chose, en tête-à-tête avec son frère, et quand il a un véritable auditeur. […] La plus grande ou plutôt la seule incommodité de La Chesnaie est l’éloignement de la paroisse. » Sous tous ces vœux de petitesse et d’humilité et à travers ces alternatives, il est clair qu’un combat se livre en lui ; est-il fait ou non pour le sacerdoce ? […] Au lieu de cela, en dehors de l’étude et d’une lecture assez étendue, mais toute sérieuse, La Mennais jeune n’a que des relations et des préoccupations d’un ordre unique : une guerre, à Saint-Malo, du petit séminaire contre l’Université, Saint-Sulpice à l’horizon pour toute capitale, et deux ou trois amis avec qui il correspond sur les mêmes objets élevés, mais toujours pris d’un seul point de vue ; rien d’ailleurs qui vienne renouveler l’esprit et lui offrir une variété d’aliments.

1607. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

Ils n’ont pas l’instrument intérieur qui divise et discerne ; ils pensent par blocs ; le fait et le rêve leur apparaissent ensemble et conjoints en un seul corps  Au moment où l’on élit les députés, le bruit court en Provence742 « que le meilleur des rois veut que tout soit égal, qu’il n’y ait plus ni évêques, ni seigneurs, ni dîmes, ni droits seigneuriaux, qu’il n’y ait plus de titres ni de distinctions, plus de droits de chasse ni de pêche ; … que le peuple va être déchargé de tout impôt, que les deux premiers ordres supporteront seuls les charges de l’État ». […] « Au seul nom des nouvelles assemblées, dit une commission provinciale en 1787745, nous avons entendu un pauvre laboureur s’écrier : Hé quoi ! […] J’ai vu dans le dépôt de Rennes plusieurs maris arrêtés sur la seule dénonciation de leurs femmes, et autant de femmes sur celle de leurs maris ; plusieurs enfants du premier lit à la sollicitation de leur belle-mère ; beaucoup de servantes grosses des œuvres du maître qu’elles servaient, enfermées sur sa dénonciation, et des filles dans le même cas, sur la dénonciation de leur séducteur ; des enfants sur la dénonciation de leur père, et des pères sur la dénonciation de leurs enfants : tous sans la moindre preuve de vagabondage et de mendicité… Il n’existe pas un seul jugement prévôtal qui ait rendu la liberté aux détenus, malgré le nombre infini de ceux qui ont été arrêtés injustement. » — Supposons qu’un intendant humain, comme celui-ci, les élargisse : les voilà sur le pavé, mendiants par la faute de la loi qui poursuit la mendicité et qui ajoute aux misérables qu’elle poursuit les misérables qu’elle fait, aigris de plus, gâtés de corps et d’âme. « Il arrive presque toujours, dit encore l’intendant, que les détenus, arrêtés à vingt-cinq ou trente lieues du dépôt, n’y sont renfermés que trois ou quatre mois après leur arrestation, et quelquefois plus longtemps. […] Beugnot, I, 142. « Pas un seul des habitants de la baronnie de Choiseul ne se mêla à ces bandes, composées des patriotes de Montigny, de contrebandiers ou de mauvais sujets des environs. » — V. sur les braconniers du temps, Les deux amis de Bourbonne, par Diderot.

1608. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Cette fois Jane comprend enfin qu’elle a introduit dans son existence un animal stupide et farouche qui va la ravager, s’il reste un seul jour de plus. […] Il y a de ces choses extrêmes, de ces raca inexpiables, qu’il ne faut pas plus dire au public, en masse, qu’à un seul homme en particulier. […] Mais, restée seule avec son enfant, Jeannine — c’est son nom, — s’entend appeler par un homme qui, debout dans l’embrasure d’une fenêtre, lui parle sans retourner la tête. […] Tellier la rencontre, en venant rendre visite à madame Aubrav ; et, resté seul avec elle, il lui dénonce son ancienne maîtresse comme une femme tarée qui n’est pas à voir. […] » Et le cri de la mère réfute, à lui seul, tous les paradoxes de la prédicante.

1609. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Au moment de sa mort, elle fut universellement regrettée, comme ayant su, sans nom, sans fortune, sans beauté, et par le seul agrément de son esprit, se créer un salon des plus en vogue et des plus recherchés, à une époque qui en comptait de si brillants. […] Je prie qu’on ne confonde pas du tout ce plat volume de 1820, pure spéculation et fabrication de librairie, avec les deux volumes de 1809, les seuls qui méritent confiance, et dont je veux parler. […] Mais, vers la fin, Mme Du Deffand, qui se levait tard et n’était jamais debout avant six heures du soir, s’aperçut que sa jeune compagne recevait en son particulier chez elle, une bonne heure auparavant, la plupart de ses habitués, et qu’elle prenait ainsi pour elle seule la primeur des conversations. […] Ne cherchons donc la vérité sur les sentiments secrets de Mlle de Lespinasse que dans ses propres aveux et chez elle seule. […] oui, justement, madame, c’est un mémoire que j’ai à lui remettre tout à l’heure, et je veux le lire avant de le lui donner. » Ainsi tout pour elle se rapporte à la passion, tout l’y ramène, et c’est la passion seule qui donne la clef de ce cœur étrange et de cette destinée si combattue.

1610. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

— « C’était mon mari, il est mort. » Mme Geoffrin eut une fille, qui devint la marquise de La Ferté-Imbault, femme excellente, dit-on, mais qui n’avait pas la modération de sens et la parfaite mesure de sa mère, et de qui celle-ci disait en la montrant : « Quand je la considère, je suis comme une poule qui a couvé un œuf de cane. » Mme Geoffrin tenait donc de sa grand-mère, et elle nous apparaît d’ailleurs seule de sa race. […] Une seule femme y était admise avec la maîtresse de la maison : c’était Mlle de Lespinasse. […] D’un seul mot : Voilà qui est bien, elle arrête à point les conversations qui s’égarent sur des sujets hasardeux et les esprits qui s’échauffent : ils la craignent, et vont faire leur sabbat ailleurs. […] Elle y réussit par mille petits artifices et bons offices d’amitié, et par une liberté et une sévérité qui semble être sa seule fin en tirant le monde à elle ; car elle ne cesse de gronder ceux qu’elle a une fois enjôlés. […] Ce qu’il y a de plus clair, c’est que, même en donnant, elle voulait se payer par ses mains, et qu’elle savait goûter toute seule la satisfaction d’obliger.

1611. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Durant près de vingt-cinq ans (1748-1772), Diderot fut, d’abord avec d’Alembert, et ensuite seul, le soutien, la colonne et comme l’Atlas de cette énorme entreprise, sous laquelle on le voit un peu courbé et voûté, mais toujours serein et souriant. […] Cette médiocrité dans tous les genres est la suite d’une curiosité effrénée et d’une fortune si modique, qu’il ne m’a jamais été permis de me livrer tout entier à une seule branche de la connaissance humaine. […] À propos d’un saint Benoît mourant et recevant le viatique, par Deshays, il fait voir que si l’artiste avait montré le saint un peu plus proche de sa fin, « les bras un peu étendus, la tête renversée en arrière, avec la mort sur les lèvres et l’extase sur le visage », en raison de cette seule circonstance changée dans l’expression de la principale figure, il aurait fallu changer par suite toutes les physionomies, y marquer plus de commisération, y répandre plus d’onction attendrie : « Voilà un morceau de peinture, ajoute-t-il, d’après lequel on ferait toucher à l’œil à de jeunes élèves, qu’en altérant une seule circonstance on altère toutes les autres, ou bien la vérité disparaît. On en ferait un excellent chapitre de la force de l’unité. » Diderot en tout ceci est grand critique, et dans cet ordre de critique générale auquel aucun art, sous prétexte de technique, ne saurait se dérober : Il me semble, dit-il, que quand on prend le pinceau, il faudrait avoir quelque idée forte, ingénieuse, délicate ou piquante, et se proposer quelque effet, quelque impression… Il y a bien peu d’artistes qui aient des idées, et il n’y en a presque pas un seul qui puisse s’en passer… Point de milieu, ou des idées intéressantes, un sujet original, ou un faire étonnant. […] Diderot, dans ses Salons, a trouvé la seule et vraie, manière de parler aux Français des beaux-arts, de les initier à ce sentiment nouveau, par l’esprit, par la conversation, de les faire entrer dans la couleur par les idées.

1612. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Dans sa jeunesse, il avait été, comme toute la fleur de la Cour, dans le cortège de Ninon, un peu son amant et beaucoup son ami ; il correspondit quelquefois avec elle pendant sa longue disgrâce : le petit nombre de lettres authentiques qu’on a de Ninon sont adressées à Saint-Évremond, et elles nous la font bien connaître par le côté de l’esprit, le seul par lequel elle a mérité de survivre. […] Ninon fut des premières à s’émanciper comme femme, à professer qu’il n’y a au fond qu’une seule morale pour les hommes et pour les femmes ; qu’en réduisant, comme on le fait dans le monde, toutes les vertus du sexe à une seule, on le déprécie, et qu’on lui fait tort et injure ; qu’on semble l’exclure en masse de l’exercice de la probité, cette vertu plus mâle et plus générale, et qui les comprend toutes ; que cette probité est compatible chez une femme avec l’infraction même de ce qu’on est convenu d’appeler uniquement la vertu. […] Elle avait le sentiment vif du ridicule, et elle saisissait les gens d’un trait et d’une seule image. […] Il est temps de me résumer sur Ninon et de bien marquer le seul côté par où je l’envisage. […] Je conseille de relire, à ce propos, ce que dit si sensément et si énergiquement Jean-Jacques Rousseau au livre V de l’Émile, dans le passage qui commence ainsi : « Je ne sache que la seule Mlle de L’Enclos, etc., etc. » et la note qui précède.

1613. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

À peine marié et tout étonné de s’être lié, il part seul un matin, s’en va en Normandie, voit dans je ne sais quel port un vaisseau qui fait voile pour le Portugal, est tenté de s’y embarquer, et s’en revient après cette première infidélité. […] Qu’on me pardonne cette seule observation sur le ménage de Courier ; mais le ton des lettres qu’on a publiées de lui à sa femme, autoriserait seul la remarque. […] Courier commença à s’en mêler, non pas tout à fait, comme il le dit, le premier et « seul au temps de 1815 », mais à la fin de 1816. […] Pour ce qui est de la Cour, toutes les fois qu’il a eu à en parler, il a fait aussi son tableau, un même tableau hideux, d’une seule couleur, gravé et noirci avec soin, sans compensation et sans nuance. […] Ce Simple discours fut incriminé : « Sachez, avait-il dit, qu’il n’y a pas en France une seule famille noble, mais je dis noble de race et d’antique origine, qui ne doive sa fortune aux femmes : vous m’entendez. » C’était là une impertinence historique, et qui parut attentatoire à tout l’ordre de la monarchie.

1614. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Comme il le rencontra qui se promenait seul pendant la récréation, il l’interpella au milieu de ses camarades : « Eh bien, lui dit-il, vous cherchez un sujet d’épigramme ?  […] Il fut en même temps député de Paris à la Chambre des représentants, seule législature dont il ait jamais fait partie. […] L’orage a frappé le chêne Qui seul était mon soutien. […] Sa vie littéraire, pour moi, finit à ce moment : non qu’il n’ait encore écrit, causé, raillé, ou même risqué des tragédies et comédies62 ; mais, si l’on excepte ses agréables Souvenirs, il n’a plus rien fait qui accroisse réellement cet héritage de choix, le seul dont la postérité se soucie. […] Parlant de l’honorable historien Lémontey qui, en petit comité, sous la Restauration, avait tout son courage libéral et tout son trait, mais qui, à la seule vue d’un étranger, rentrait aussitôt dans sa circonspection et s’y renfermait : « Une goutte d’eau, disait Arnault, suffisait pour mouiller toute sa poudre. » Pour lui, c’était tout le contraire ; sa poudre partait par tous les temps.

1615. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

En écrivant un pareil titre, que nous osons blâmer parce qu’il n’est pas clair, au front d’un livre qui est tout clarté, l’auteur a parlé, d’ailleurs, comme tant de mystiques, une langue intelligible pour lui seul. […] Une femme seule a pu écrire ce livre et s’en cacher. […] « Seul le coucou promène sa plainte de cachette en cachette. […] L’auteur des Horizons célestes n’est plus que lui seul. […] Personne n’a mieux fait qu’elle l’histoire ironique et vraie pourtant de la consolation humaine ; personne n’a levé une empreinte plus poignante du cœur déchiré par la mort et resté seul dans la vie.

1616. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Certainement, il n’y a en France qu’un seul homme qui ait pu parler ainsi d’un autre homme : c’est M.  […] Lasserre, est l’œuvre d’un seul, mais que je n’hésite pas à ranger parmi les esprits supérieurs de ce temps, qui en a si peu. […] De cela seul qu’il est plus chrétien qu’eux, l’auteur de l’Homme est, d’emblée, et par le fond même des choses, supérieur à ces trois moralistes au cœur sec, qui regardent la société du haut de leur moi, et qui n’en ont guères peint que les surfaces. […] Il en a marqué la différence dans une phrase sur les femmes, qui les classe d’un seul trait, du reste : « Les femmes aiment ce qui brille, — dit-il, — elles n’aiment pas ce qui resplendit. » Le livre de l’Homme est partout semé de mots semblables. […] Les chrétiens seuls, et les chrétiens à foi profonde et enflammée, accepteront avec ferveur ces récits naïfs et incroyablement sublimes.

1617. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Au fond des tranchées, en première ligne, il note que les seuls événements de son histoire « ce sont les changements de l’ordre naturel, la tombée de la nuit, la naissance du jour, un ciel couvert ou étoilé, la chaleur ou la fraîcheur de l’air. […] Roger Cahen est seul en face de la nature.‌ J’ai été habitué de longue date à la solitude ; j’ai appris à l’aimer et à la rendre féconde ; je travaille intérieurement le plus possible ; je sais vivre au milieu des gens qui me sont indifférents comme si j’étais seul, sans récriminations insensées contre eux et sans me ronger moi-même, en toute paix, avec un complet détachement de ceux auprès desquels je dois vivre. […] Seul, absolument seul jusqu’à cette heure, il nous représente, au milieu de la guerre, une attitude d’amateur qui fut celle, vis-à-vis de la vie, d’un nombre immense de jeunes lettrés. […] Pour les hommes, la souffrance physique seule comptait ; mais, comme officier, j’avais de pénibles journées.

1618. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Il fut un temps où cette seule annonce aurait mis en émoi le public partagé en une double rangée d’admirateurs enthousiastes. […] C’est pour elle et par son ordre qu’il écrivit les Annales de l’Empire, le seul ouvrage peut-être de sa façon qui soit décidément ennuyeux. […] Chaque secte est la seule (à l’entendre) qui ait trouvé la vérité ; chaque livre contient exclusivement les préceptes de la sagesse ; chaque auteur est le seul qui nous enseigne ce qui est bien.

1619. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Sa vie publique, tout en dehors et pleine d’excitation, a, durant de longues années, fait sortir aux yeux de la France et du monde entier certains défauts et certaines dispositions intérieures, dont ses amis seuls avaient jusqu’alors le secret : toutes ses humeurs, ses splendeurs de bile et ses âcretés de sang si je puis dire, ont fait éruption. […] Il parle aux autres, c’est pour eux seuls et non pas pour lui qu’il écrit ; aussi c’est leur suffrage plus que le sien qu’il ambitionne, et de là vient que son talent ne de rendra jamais heureux, car le fondement de la satisfaction qu’il pourrait en recevoir est hors de lui, loin de lui, varié, mobile et inconnu. […] Si vous y prenez garde, la seule qualité acquise qui ait été imprimée en lui avec force, et qu’il ait invariablement retenue, est celle qui rendrait propre à ce métier, une grande circonspection. […] J’ai écrit à Fontanes pour lui demander des détails, mais il ne me les donnera pas, et jusqu’ici je n’ai rien su que par vous seul.

1620. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

Un esprit supérieur y échappe pour son compte, pour ce qui dépend de lui seul, mais n’en triomphe pas dans ce qui l’entoure : Napoléon, dans cette campagne, en fit la douloureuse épreuve. […] Ligny, une des terribles batailles du siècle et qui ne put être éclipsée que par Waterloo, Ligny fut une vraie victoire : c’eût été une victoire décisive sans un concours de circonstances dont une seule pourtant fut capitale, selon M.  […] Pour lui, prenant en fin de compte un demi-parti, il se contenta d’envoyer dans la direction de Bry une seule de ses divisions (Durutte), qui, dès lors, n’atteignit le but qu’en tâtonnant et sans servir à autre chose, la journée finie, qu’à précipiter la retraite des Prussiens ; et lui-même il arriva à Frasnes sur les derrières de Ney, trop tard, et quand il n’y avait plus à agir. […] Napoléon les conjura encore par son génie à Fleurus ; et, voyant sa grande combinaison première, celle qui consistait à tourner les Prussiens, se faire attendre ou échouer, il en improvisa à l’instant une autre. « Tiens-toi tranquille, disait-il à Friant qui s’inquiétait, il n’y a pas qu’une seule manière de gagner une bataille. » Se portant, en effet, vers Ligny, à un endroit où le ruisseau fait coude, et d’où l’on apercevait, à travers une éclaircie d’arbrés, les corps prussiens échelonnés, il les prit en écharpe par du canon, et bientôt, dépassant Ligny même, il les fit attaquer à revers par sa garde.

1621. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Sabbatier est de ceux qui s’indignent « à la seule pensée de voir rabaisser nos grands écrivains au niveau de quelques extravagants d’Allemagne ou d’Angleterre » (page 21). […] Lycée, Jeux Floraux, Académie, il brillait partout ; il cumulait, comme cet héroïque lutteur, le laurier de Delphes, le chêne de Pergame et le pin de Corinthe ; il aurait volontiers laissé écrire au-dessous de sa statue : « Ceci est la belle image du beau Milon, qui sept fois vainquit à Pise, sans avoir, une seule fois, touché la terre du genou. » Or, le jour où son genou fléchit en effet, le jour où la palme (style du genre) lui échappa et où il fut évincé par un plus heureux, il ne sut plus se consoler, il resta dépaysé longtemps, l’esprit tendu, avec tout un attirail oratoire qui ne sert que dans ces sortes de joûtes, et qui, en se prolongeant, doit nuire au libre développement des forces naturelles. […] — La littérature était aussi avilie que la politique… » Nous sommes affligé d’avoir à transcrire de tels passages que nous abrégeons du moins ; les seuls noms d’exception que cite M. Sabbatier, comme faisant éclair dans ce noir tableau, les seuls écrivains orthodoxes qui trouvent grâce à ses yeux, ce sont MM.

1622. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Les essais dans ce genre ont encore plus mal réussi aux Anglais qu’aux autres peuples ; ils manquent essentiellement de grâce dans tout ce qui exige de la légèreté d’esprit : ils manquent de cette promptitude, de cette facilité, de cette aisance, qui s’acquiert par le commerce habituel avec les hommes réunis en société dans le seul but de se plaire. […] Elles seules choisissent leur genre de vie ; les autres sont forcées de se résigner à celui que la destinée leur impose ; et quand on est amené à l’exercice d’une vertu par la privation de quelques avantages personnels, ou par le joug des circonstances, on n’a jamais toutes les idées et tous les sentiments que peut faire naître cette vertu librement adoptée. […] Sans examiner ici philosophiquement la destinée des femmes dans l’ordre social, ce qui est certain, en général, c’est que leurs vertus domestiques obtiennent seules des hommes toute la tendresse de cœur dont ils sont capables. […] Lui, formé pour la méditation et la valeur ; elle, pour la douceur et la grâce attirante ; lui, pour adorer Dieu seul ; elle, pour adorer Dieu en lui. » 53.

1623. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

Pour beaucoup de nos contemporains, la religion est évanouie, la science est lointaine ; par la littérature seule leur arrivent les sollicitations qui les arrachent à l’égoïsme étroit ou au métier abrutissant. […] Il m’aurait été même impossible de réduire mon sujet ainsi compris en un seul volume, si je n’avais très rigoureusement défini ma matière. […] On pouvait autrefois se permettre bien des excursions, quand les xvie , xviie et xviiie  siècles constituaient seuls à peu près toute la littérature dont on parlait ; on étoffait le peu qu’on savait du moyen âge français, par le peu qu’on savait du moyen âge provençal. […] Il m’a communiqué les notes manuscrites d’un cours qu’il a professé à l’École Normale sur le xvie  siècle : la personnalité originale dont il a empreint cette étude, comme toutes les autres, m’a seule imposé la discrétion dans l’usage que j’ai fait de ces notes suggestives et de ces plans lumineux.

1624. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Mais rien n’aboutissait : dans la littérature, qui seule doit nous occuper, tous les efforts individuels se perdaient dans l’inerte masse des débris du passé. […] Le xive et le xve  siècle auraient fait la Renaissance, si l’antiquité seule avait suffi pour donner au génie français l’impulsion efficace et définitive. […] La Renaissance française est un prolongement et un effet de la Renaissance italienne : la chronologie seule suffirait à l’indiquer. […] Rompant tous ses liens, rejetant la gêne de la loi morale, l’oppression des préjugés et des respects traditionnels, l’individu tend à être le plus longtemps possible : il affirme que sa valeur est en lui, et de lui ; le mérite seul inégalise l’égalité naturelle des hommes ; l’idée de la gloire raffine l’égoïsme instinctif, et fournit un principe d’action suffisamment revêtu de beauté ; par elle, l’individu emploie sa vie à se créer une vie idéale après la mort, plus prochaine et plus humaine en quelque sorte que l’éternité promise au juste chrétien.

1625. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

En vain, elle se jette sur lui et « l’enveloppe de baisers, de larmes, de cris, de morsures » ; il s’arrache d’elle en disant : « Je ne vous vois plus seule. […] Le seul amour tragique est l’amour des sens. […] Nulle part vous n’y reconnaissiez l’application sincère de ces axiomes inspirés à Bourget par le théâtre de Dumas : « … L’amour seul est demeuré irréductible, comme la mort, aux conventions humaines. […] Ou, si une force involontaire agit en lui, comment la fatalité n’en est-elle pas du moins tempérée par cela seul qu’il la prévoit ?

1626. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Cette idée seule nous fait sourire. […] Certes, nous reconnaissons que le christianisme est une œuvre trop complexe pour avoir été le fait d’un seul homme. […] Nos seules lois sur l’exercice illégal de la médecine eussent suffi pour couper court à sa carrière. […] L’humanité dans son ensemble offre un assemblage d’êtres bas, égoïstes, supérieurs à l’animal en cela seul que leur égoïsme est plus réfléchi.

1627. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

Un admirable hasard nous a conservé l’Orestie, la seule trilogie complète qui soit restée du théâtre grec. […] Le mythe souffle sur un ossuaire fait de lambeaux informes, de restes sans nom : l’ossuaire se réveille, tressaille, se redresse, rajuste ses mille membres qui ne font plus qu’un seul corps ; et c’est Atrée ou Thésée, Rustem ou Rama, Siegfried ou Pélage. […] Seule, Déméter, la bonne déesse, toujours affamée puisqu’elle nourrit tout, avait déjà mangé une épaule. […] C’est peut-être le seul mélodrame qu’ait commis la Grèce ; elle y a réussi avec la perfection qu’elle mettait en toute chose.

1628. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

* * * — Quand je me couche un peu gris, j’ai la sensation, en m’endormant, d’avoir la cervelle secouée dans un panier à salade par une femme, dont je n’aperçois que le bras et la main — et ce blanc bras et cette blanche main sont ceux de la Lescombat que j’ai entrevus une seule fois chez un mouleur. […] Une seule fois, une femme nue sortit d’un gigantesque pâté, sauta sur la table, et dansa. […] J’étais dans la salle à manger, le soir d’un de mes mercredis, causant et buvant avec deux ou trois amis… La nuit finissait, l’aurore se leva à travers les petits rideaux, mais une aurore d’un sinistre jour boréal… Alors tout à coup beaucoup de gens se mirent à courir en rond dans la salle à manger, saisissant les objets d’art, et les portant au-dessus de leurs têtes, cassés en deux morceaux, entre autres, je me souviens, mon petit Chinois de Saxe… Il y avait aux murs, dans mon rêve, des claymores, des claymores immenses ; furieux j’en détachai une et portai un grand coup à un vieillard de la ronde… Sur ce coup, il vint à ce vieillard une autre tête, et derrière lui deux jeunes gens qui le suivaient, changèrent aussi de têtes, et apparurent tous les trois avec ces grosses têtes ridicules en carton, que mettent les pitres dans les cirques… Et je sentis que j’étais dans une maison de fous et j’avais de grandes angoisses… Devant moi se dressait une espèce de box où étaient entassés un tas de gens qui avaient des morceaux de la figure tout verts… Et un individu, qui était avec moi, me poussait pour me faire entrer de force avec eux… Soudain je me trouvai dans un grand salon, tout peint et tout chatoyant de couleurs étranges, où se trouvaient quelques hommes en habit de drap d’or, avec sur la tête des bonnets pointus comme des princes du Caucase… De là je pénétrai dans un salon Louis XV, d’une grandeur énorme, décoré de gigantesques glaces dans des cadres rocaille, avec une rangée tout autour de statues de marbre plus grandes que nature et d’une blancheur extraordinaire… Alors, dans ce salon vide, sans avoir eu à mon entrée la vision de personne, je mettais ma bouche sur la bouche d’une femme, mariai ma langue à sa langue… Alors de ce seul contact, il me venait une jouissance infinie, une jouissance comme si toute mon âme me montait aux lèvres et était aspirée et bue par cette femme… une femme effacée et vague comme serait la vapeur d’une femme de Prud’hon. […] » l’autre, un séducteur par la force des poignets de tout le féminin qui lui tombait sous la main… Et mon ami ajoutait qu’il serait sûr d’avoir à lui tout seul l’héritage de son oncle, le coucheur dans les lits vides, s’il voulait prendre une maîtresse, et le choisir comme confident et comme intermédiaire pour carotter de l’argent à son père et à sa mère au sujet de l’entretien de ladite maîtresse.

1629. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

« Ô fille, ma fille chérie, seule tu n’iras point là, mais éveille ta jeune sœur, qu’elle aille se promener avec toi. — Ô mère, ma jeune sœur est encore une si jeune enfant, elle cueille toutes les fleurs qu’elle trouve sur le chemin. […] — Ô fille, ô ma fille chérie, seule tu n’iras point là, mais éveille ton plus jeune frère, qu’il aille se promener avec toi. […] Si le vers manque d’une syllabe on y supplée : J’irai me plaindre J’irai me plaindre (6) Au duc de Bourbon (duque) Mais de par la musique ces trois derniers petits vers n’en forment en réalité qu’un seul de 15 syllabes : J’irai me plaindre, j’irai me plaindre au duque de [Bourbon]216. […] La poésie populaire est le pays de la licence, de toutes les licences : on pourrait même dire que la licence est la seule vraie règle de sa versification.

1630. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

On a dit encore43 que « la critique des beautés est stérile », celle des défauts seule est utile et « nous instruit de la vraie nature du génie ». […] Faguet et Brunetière semblent poser en principe que les beautés de l’écrivain sont visibles pour tous, que ses défauts seuls sont cachés ; comme le devoir d’un bon critique est d’apprendre quelque chose à ses lecteurs, il vaut mieux assurément leur montrer des défauts que de ne rien leur montrer du tout. […] La seule utilité de la critique des défauts, c’est de préserver le goût public contre certains engouements fâcheux, et peut-être de préserver le génie même contre certains écarts. […] Chacun de nous a cette conviction secrète qu’il représente à lui seul l’esprit national, et il refuse à cet esprit les qualités ou les défauts variés qu’il admire ou pardonne chez toute autre nation.

1631. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Quelquefois c’était dès le matin ; il allait, il gravissait la montagne et la ruine, brisait les ronces et les épines sous ses talons, écartait de la main les rideaux de lierre, escaladait les vieux pans de mur, et là, seul, pensif, oubliant tout, au milieu du chant des oiseaux, sous les rayons du soleil levant, assis sur quelque basalte verte de mousse, ou enfoncé jusqu’aux genoux dans les hautes herbes, humides de rosée, il déchiffrait une inscription romane ou mesurait l’écartement d’une ogive, tandis que les broussailles de la ruine, joyeusement remuées par le vent au-dessus de sa tête, faisaient tomber sur lui une pluie de fleurs. […] Là, seul comme le matin, plus seul encore, car aucun chevrier n’oserait se hasarder dans des lieux pareils à ces heures que toutes les superstitions font redoutables, perdu dans l’obscurité, il se laissait aller à cette tristesse profonde qui vient au cœur quand on se trouve, à la tombée du soir, placé sur quelque sommet désert, entre les étoiles de Dieu qui s’allument splendidement au-dessus de notre tête et les pauvres étoiles de l’homme qui s’allument aussi, elles, derrière la vitre misérable des cabanes, dans l’ombre, sous nos pieds. […] Il se dit qu’il fallait que dans ce palais lugubre, inexpugnable, joyeux et tout-puissant, peuplé d’hommes de guerre et d’hommes de plaisir, regorgeant de princes et de soldats, on vît errer, entre les orgies des jeunes gens et les sombres rêveries des vieillards, la grande figure de la servitude ; qu’il fallait que cette figure fut une femme, car la femme seule, flétrie dans sa chair comme dans son âme, peut représenter l’esclavage complet ; et qu’enfin il fallait que cette femme, que cette esclave, vieille, livide, enchaînée, sauvage comme la nature qu’elle contemple sans cesse, farouche comme la vengeance qu’elle médite nuit et jour, ayant dans le cœur la passion des ténèbres, c’est-à-dire la haine, et dans l’esprit la science des ténèbres, c’est-à-dire la magie, personnifiât la fatalité.

1632. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

Jamais, non, jamais, vous ne l’avez vue, vous qui l’avez bien vue, plus correcte, plus ingénieuse et plus franchement aimable ; ainsi, toute seule, elle se défend à outrance ; elle comprend qu’elle va succomber, mais elle succombera, comme le gladiateur, dans toute l’énergie de la victoire ; seulement, en tombant dans cette noble arène, illustrée par elle, elle pourra dire, elle aussi, son : —  Reminiscitur Argos ! […] Dans ce beau drame de la coquetterie aux prises avec l’honneur d’un galant homme, Célimène est seule, sans autre défense que son esprit, sans autre protection que sa beauté. […] Dans ce grand xviie  siècle, où tout était à sa place, les hommes et les choses, comment se fait-il qu’Alceste seul ne soit pas à la sienne ? […] — À elle seule, cette femme, et grâce à cet instinct merveilleux qui ne l’a jamais trompée, elle a été renseignement universel de ce temps-ci ; elle a remplacé cette vieille société française que la révolution avait emportée dans un pan de sa robe sanglante ; elle a retrouvé l’élégance, la politesse, le bon goût, l’ajustement ; que dis-je ?

1633. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

C’est vous dire qu’il ne pensa pas une seule minute à se mettre en quête des maisons à vendre, ni même des maisons à louer. […] Ils sont, avec l’Art, sa seule joie et sa seule sollicitude. […] l’artiste, qui, mêlant son âme à l’âme des bois et des fleuves, peut seul — ce mystérieux hymen accompli — évoquer sur la toile leurs poésies intimes.

1634. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Il connaît seul les secrets de cette admirable alliance de la liberté de l’homme, fondement de toute morale, et de cette nécessité providentielle, résultat des lois mystérieuses de l’harmonie générale qui régissent le monde. […] J’ai vu naguère la ville éternelle, la ville antique des souvenirs, la ville qu’un pauvre voyageur, venu de la Judée, seul, mais accompagné de la force de Dieu, rendit la ville des destinées nouvelles, la capitale du monde chrétien, comme elle avait été la ville des destinées anciennes, la capitale du monde païen. […] Enfin, l’intervention de la Providence divine a été plus visible que jamais, parce que la raison humaine a marché dans des voies plus visibles que jamais ; et c’est, en dernier résultat, le seul prodige réel qui préside toujours à la naissance des sociétés. […] Il était, sans doute, convenable et nécessaire que les sages intervinssent dans l’examen des questions nouvelles ; mais il eût été désirable qu’eux seuls y fussent intervenus.

1635. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Souvenirs d’une Cosaque 19 I La seule originalité de ce livre est dans le mot Cosaque. […] Son seul succès a été le scandale. […] Ils ont été une raison de plus pour se jeter à cet homme, qui, à lui seul, vaut un orchestre et qui joue de la réputation des femmes, comme de ses pianos qu’il éreinte ! […] Puisque nous avons de la fierté, il faut laisser tous ces extravasements et ces extravagances, odieux dans d’autres livres où des femmes déshonorent elles et leurs amants pour le seul plaisir de les déshonorer, tandis qu’ici on a au moins pour excuse l’abandon !

1636. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

De notre temps, elle est la seule femme d’un esprit consistant et d’une instruction déterminée, qui ait eu, avec Mme Daniel Stern, la prétention d’écrire l’histoire. […] L’imagination, ce singe de l’intelligence, a dit Schiller, — ce qui n’est pas mal pour un Allemand, — l’imagination, qui est la première des facultés de la femme et d’un misérable siècle, chez qui la Raison est épouvantablement affaiblie, doit entraîner la femme, quand elle veut être littéraire, vers le roman dans lequel, d’ailleurs, elle cherche toujours un peu une place pour ses souvenirs et un miroir pour sa personne… D’un autre côté, par cela seul que le Roman est la forme la plus populaire des formes littéraires de ce temps, il rapporte du succès à plus bas prix… et l’Histoire, la sévère, l’Histoire, la désintéressée, n’a pas ces avantages… Il faut se croire très homme pour l’aborder. […] Il n’y a pas dans les quatre livres de Mlle Bader un seul fait (je dis : un seul !

1637. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

Il y a même de très grands écrivains, de très grands artistes, qui emploient leur talent et leur art à fausser l’histoire et à faire d’elle la servante ou d’un système ou d’un parti ; par cela seul se déshonorant de ce qu’ils l’ont déshonorée… Michelet est de ceux-là, par exemple, et la critique peut pleurer sur lui, parce qu’elle sait tout ce qu’en le perdant la vérité y a perdu. […] Et tout de même que les disciplines de guerre les plus dures sont les mieux entendues et produisent toujours les résultats les plus grands, tout de même les autres disciplines, qui produisent, dans les sociétés comme dans les armées, la solidarité, la cohésion, l’efficacité du commandement et l’ascendant moral, — la seule raison véritable qu’on puisse donner de ce mystère de la victoire, — font les peuples les plus forts et les plus glorieux. […] Le colonel Ardant du Picq nous dit quelque part qu’il n’a jamais eu une foi entière à ces gros bataillons, auxquels croyaient ces deux grands hommes, qui valaient mieux à eux seuls que les plus gros bataillons… Eh bien, aujourd’hui, cette tête vigoureuse ne croit pas davantage à la force mécanique ou mathématique qui va les supprimer, ces gros bataillons, malgré leur grosseur et leur nombre ! […] Il est officier et commande par deux motifs ; l’officier français par un seul.

1638. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Et enfin, dans ces derniers temps, nous avons eu Dupin, ce vieux soulier ferré de Dupin, extrait des crottes du Morvan, qui n’a jamais écrit une seule phrase de langue ou de sentiment français en toute sa vie, qui fut longue ! […] Nulle part, la biographie, qui est l’histoire d’un Monsieur seul, n’a donné encore de ces chefs-d’œuvre de portraiture comparables, par exemple, à la Joconde au César Borgia et à La Maîtresse de Raphaël. […] La biographie de Nelson, si fort admirée en Angleterre, est moins épique que son héros et même que le visage de son auteur, la seule chose épique qu’il y eut en Southey, disait lord Byron. […] … Avec une incompréhensible modestie, Louis Vian a demandé à Laboulaye une préface, qu’il aurait pu faire tout seul et mieux.

1639. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

La femme, si toutefois il y en a une parmi les concubines qu’on puisse appeler la femme légitime, la femme, l’épouse, que le droit romain avait grandie jusqu’à la Matrone et que le Christianisme seul pouvait grandir davantage, n’existe pas pour la Grèce. […] Lerminier assure avec juste raison que tout cela n’épargna pas une seule faute à un État quelconque de cette Grèce, livrée à ses passions. […] Cette forme aimée et poursuivie comme un rêve, et enfin saisie par ces esprits nets et aiguisés, comme la lumière est saisie par les angles du diamant taillé qui la captive, explique la seule supériorité qu’ils eurent, leur force incomparable dans les arts, et surtout dans les arts plastiques, où la conception de l’infini est le moins nécessaire. […] Manquant, comme les démocrates grecs, du véritable instinct politique, méconnaissant la réalité de leur temps comme les Grecs méconnaissaient la réalité du leur, ils établissent entre les gouvernements et les nations modernes, et les gouvernements et les nations de l’antiquité, un rapport qui n’a jamais existé que d’eux seuls à cette partie de l’antiquité, morte !

1640. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

… Toutes questions qui restent sans réponse, si on s’en tient à la lettre seule des documents biographiques, mais qui commencent d’en laisser voir une, si on ose éclairer l’individualité de Charles-Quint par l’individualité de l’Espagne. […] On peut l’affirmer avec sécurité, tout le temps qu’il n’y aura pas pour l’éternelle et péremptoire instruction des générations un Mémorial de Yuste comme il y a un Mémorial de Sainte-Hélène (et il paraît que cette grande confession à la Postérité qui tente les âmes les plus fortes, en fait de grands hommes, et qui avait aussi tenté Charles-Quint, n’existe plus), on n’aura le mot des questions que soulève ce mystère à demi voilé qui s’appelle le Charles-Quint de Yuste dans l’histoire, qu’en le demandant à l’Espagne, après l’avoir demandé à lui-même, car lui seul, il ne répond pas ! […] … Impossible donc de l’expliquer, ce solitaire en contradiction, quand on n’interroge que lui seul, tandis qu’au contraire, en se jetant à l’Espagne comme à un flambeau, en la prenant, cette Espagne du xvie  siècle, et en la mettant, avec son esprit ressuscité, bien en face de cet empereur découronné de sa propre main, de cette fière et mélancolique figure de Sacrifié, mais de Sacrifié hautain et volontaire, vous pouvez peut-être trouver le secret de son sacrifice et saisir enfin la vérité ! […] Ils n’ont été que de simples chroniqueurs, et ni l’un ni l’autre de ces messieurs n’a été, un seul instant, au-dessus du document… qu’il n’a pas trouvé !

1641. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Wallon, et telle la première critique qu’on est tenté de faire de son livre ; mais cette critique va au fond et emporte tout l’ouvrage dans le seul cinglement de ce reproche, quels qu’en soient les mérites, d’ailleurs, naturels ou voulus. […] Pour soumettre et adoucir ces hommes altiers, violents, prompts à l’injustice, obstinés à la maintenir quand une fois ils l’avaient commise, Blanche ne se fiait point à elle seule, et elle emportait dans ses déplacements de guerre ou de politique, dans toutes les entreprises de sa régence, son fils en bas âge, comme un talisman. […] Elle opposait aux barons, moins faciles à l’enthousiasme que les Hongrois, cet enfant, élevé par elle pour ne jamais commettre un seul péché mortel, et de la suavité duquel s’échappait une mystérieuse influence, plus puissante sur eux que le Saint-Chrême apporté par les anges à Clovis. […] Le seul reproche grave qu’on puisse adresser à l’auteur de Saint Louis et son temps, c’est d’avoir trop effacé l’hagiographe sous l’historien politique.

1642. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

Et ne l’eût-on que pour une seule personne, cette faculté, ce serait déjà glorieux ! […] Pour se faire bien comprendre, il faut en revenir sans cesse à l’image de la glace, de cette glace d’une si belle eau et dont le seul enchantement — comme pour les cœurs — est d’être très pure et très fidèle. […] — a éclaboussé tous ceux d’une race dont il est probablement le seul grand coupable. […] Or, si les moyens de cette ambition, — qui furent les moyens employés par toutes les ambitions de l’époque que Gobineau a réfléchie dans sa glace historique, — si ces moyens furent répréhensibles, et le comte de Gobineau les montre tels, il faut se rappeler cependant que cette ambition voulait la force temporelle de l’Église, l’indépendance de l’Italie vis-à-vis des nations étrangères, l’abaissement des Maisons féodales, — qui a toujours fait la gloire de ceux-là qui les abaissèrent en vue de cette vérité politique (qui est la seule peut-être) ; l’unité du pouvoir, — l’écrasement enfin du Condottierisme, le fléau le plus épouvantable de cette époque.

1643. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

Trois héros seuls se détachent, en relief et en détail, des autres héros dont il parle : La Tour d’Auvergne, Desaix et Hoche. […] Mais il se vengeait de l’ignorance et de l’incrédulité de leurs esprits en restant enfoncé dans leur cœur et en leur inspirant les vertus qui viennent de lui seul : la miséricorde, la générosité et la justice. […] C’est le seul reproche (de composition) qu’on puisse faire à ce livre ému, éloquent, substantiel et rapide. […] La spirale, tout à coup, s’arrête… et tout ce peuple sans nom devient le marchepied d’un seul !

1644. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

À force d’exagérer, d’extravaguer, de s’enivrer de mots et d’images ; à force d’insulter le bon sens, — cette hydre dont il n’écrasera jamais une seule tête ; à force de se remuer, de sauter, de bondir dans le faux, Vacquerie finit, une belle fois, par se retrouver dans la vérité, dans la raison, dans le bon sens… comme s’il en avait ! […] Nous en avons rencontré plus d’un de ces fiers penseurs, crevant d’imaginations qu’ils ne pouvaient faire sortir, ayant trop d’idées pour pouvoir en exprimer une seule. […] Nous sommes pour la liberté de cœur. » — « Nous estimons par-dessus tout — dit-il ailleurs — les natures dévouées qui s’oublient dès qu’elles aiment, et qui paieraient de leur honneur et de leur paradis les joies de l’amant. » Parmi toutes les passions que Vacquerie respecte et couronne, il n’y en a qu’une seule qu’il ne comprend pas plus que les passions de la tragédie de Racine : c’est la passion de la décence, de la chasteté et du devoir ! […] Émotion inexprimable, d’être seul dans ces mondes inédits, dans ces strophes non touchées, dans la pureté de ces créations, dans la virginité de ces aurores !

1645. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

, tandis que la réalité, — faut-il dire pure pour dire toute seule ?  […] C’est son genre, c’est peut-être à jamais son seul genre d’originalité. […] Mais ce fait de n’être jamais que négativement et non pas affirmativement Russe, ce fait l’empêche, lui, d’être inventeur, comme les autres talents russes, qui ont toutes les puissances de l’esprit excepté l’invention, la seule chose qui s’affirme et qu’on n’imite pas. […] Manière de travailler qui, seule, le classerait à un rang presque subalterne ; car l’Inspiration n’a pas pour procédé de tendre la main, quand cette main est celle du talent, ou le chapeau, qui est plus grand que la main, quand cette main est celle du Génie !

1646. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Ou n’a pas oublié sans doute que les prétentions en présence sur cette question de l’enseignement, c’étaient, d’une part, l’innocuité morale, des classiques et leur convenance littéraire, et de l’autre, le danger auquel ils exposent de jeunes esprits qui prennent leurs premiers plis et reçoivent les terribles premières impressions de la vie, — terribles, car ce sont peut-être les seules qui doivent leur rester ! […] Saint-Bonnet se distingue par une chose d’un mérite absolu et impérissable comme la métaphysique elle-même, et cette chose, fût-elle seule, suffirait pour classer très haut l’écrit où elle paraît pour la première fois. […] Or, dans cette longue période, il le montre partout admis par l’autorité religieuse, qui n’avait qu’à dire un seul mot pour le supprimer. […] Saint-Bonnet paraît seul avoir saisi la question là où elle est réellement, c’est-à-dire dans l’état effrayant de la pensée européenne et dans la nature de l’esprit humain.

1647. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Saint Anselme de Cantorbéry32 [Le Pays, 13 février 1853] Si le talent seul faisait la destinée des livres, nous poumons nous dispenser peut-être de parler de ce dernier ouvrage de M.  […] M. de Rémusat a beau nous dire, avec une intention qui ne trompe personne : « Descartes ne serait pas aisément convenu que saint Anselme fut un de ses maîtres. » Tout ce qui s’occupe de philosophie n’en sait pas moins que l’argument de saint Anselme, sur l’existence de Dieu (et l’existence de Dieu, c’est toutes les questions de la philosophie dans une seule), est le même dans le Monologium que dans les Méditations. […] Nous avons dit plus haut : Toute philosophie gît dans une seule question, l’existence de Dieu en face de l’existence du monde, et il serait aisé de montrer que, quelque solution qu’on adopte sur cette question, et toutes peuvent se ramener à deux principales ; en d’autres termes, soit que Dieu et la matière soit congénères, soit que Dieu l’ait tirée de lui-même, le panthéisme inévitable et menaçant revient toujours ! […] si tel est le résultat que donne la réflexion de l’homme livrée à elle-même sur ce problème fondamental, il n’y a plus qu’à repousser, loin de soi, la métaphysique comme chose vaine tout au moins quand elle n’est pas dangereuse, et à revenir à l’enseignement, à l’autorité, à la tradition, à la révélation surnaturelle, à tout ce que la Philosophie appelle dédaigneusement le mysticisme, car le mysticisme seul est assez fort pour répondre quand le rationalisme reste muet.

1648. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

L’histoire de l’Église est la seule, enfin, qui permettrait à l’esprit humain de se passer de toutes les autres histoires. […] L’histoire d’un seul siècle… que dis-je ? l’histoire d’un seul Pape, dans l’histoire de l’Église, a de tels rayonnements en avant et en arrière que ce n’est plus l’histoire d’un siècle ni d’un Pape, mais l’histoire de l’Église universelle et éternelle, concentrée dans la minute d’un siècle ou d’une vie d’homme, comme tout un horizon répercuté et concentré dans une facette de diamant… En intérêt, l’Histoire de la Papauté pendant le xve  siècle, par l’abbé Christophe, vaut, avec d’autres événements et des personnalités différentes, son Histoire de la Papauté pendant le xive  siècle, et elle a le même mérite d’unité dans la variété qui est le caractère particulier de toutes les histoires détachées de l’histoire générale de l’Église, qui a bien raison de s’appeler catholique, c’est-à-dire universelle ; car si Dieu l’ôtait de ce monde, il s’y ferait un de ces trous, comme dit Shakespeare en parlant des monarchies qui croulent, que rien — quoi qu’on y jette — ne peut plus combler ! […] Seule, Lucrèce Borgia sort des mains de l’abbé Christophe nettoyée et essuyée des incestes qui l’avaient salie, et presque lumineuse de fidélité conjugale ; et cette vertu, pendant si longtemps calomniée, envoie comme un reflet de sa splendeur à Alexandre VI et comme une présomption d’innocence.

1649. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

… Pour tout dire avec un seul mot : verrons-nous enfin se lever parmi nous, du milieu des têtes à discussion qui pullulent, la tête à conception qui manque toujours ? […] Seul après Lamennais, Cousin a prétention de système. […] Et quand nous avons cité Hegel, nous avons cité en un seul, qui les vaut tous, les autres jaugeurs d’idéalités, tous les Ixions de cette nuée vide ! […] Sa méthode, nous dit-il, est au fond de toutes les grandes philosophies, et il le prouve en nous donnant de chacune d’elles une empreinte chaude, lumineuse, éclairée à l’intérieur et rendue translucide, comme seuls en savent lever les maîtres.

1650. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Elles en diffèrent essentiellement, et par leur forme extérieure, — brillante et solide, — et même par leur fond littéraire très exceptionnel ; car Lemerre est peut-être le seul éditeur de Paris qui publie spécialement des poètes. […] André Chénier, cette aurore de poète, plus délicieux, comme le soleil, à l’aurore, que s’il avait atteint la frénésie de son disque flamboyant à midi, tient de son destin cette fortune de ne nous apparaître qu’à travers trois ou quatre chefs-d’œuvre absolus capables à eux seuls d’immortaliser un homme, et les mœnia interrupta du génie arraché brutalement à son œuvre par une mort sanglante. […] Les païens modernes, qui sont partout, se sont particulièrement épris de ce tour de force et de souplesse d’André, se faisant Grec du temps de Périclès, à la fin du xviiie  siècle, comme Chatterton, le seul analogue de Chénier dans l’histoire littéraire, s’était déjà fait du Moyen Age, avec un talent peut-être égal. […] Cette flûte d’Alcibiade dont avait joué Chénier, qui, comme Alcibiade, ne l’avait par jetée aux fontaines, mais dans le sang qui noyait la France ; cette flûte, plus enchantée que celle de Mozart, avait tellement pris les oreilles et l’imagination charmées, que de ce ravissant Chénier on n’avait pas, tout d’abord, entendu autre chose… et que Barbier fut regardé par tous comme le seul Archiloque de la France, tandis qu’il y en avait deux, et qu’il n’était que le second.

1651. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

Si puissante qu’elle soit, la vulgarité toute seule ne réussirait pas tout à fait. […] Lui qui ne fut jamais capable de créer un type (il n’y en a pas un seul dans ses ouvrages : Sangrado et Turcaret ne sont que des noms heureux), Le Sage a créé, sans le vouloir, quelque chose de plus mince et de plus odieux que ses œuvres. […] Il aurait certainement été plus heureux avec les imbéciles d’aujourd’hui… Ils lui eussent payé cher ses lignes… S’il avait vécu dans cette glorieuse et adorable époque, il aurait peut-être gagné autant d’argent qu’Alexandre Dumas, le Roi du Feuilleton, à liste civile, — par parenthèse, le seul descendant de l’auteur de Gil Blas qui ait, je crois, dit un jour du mal de son père, pour faire croire probablement qu’il n’en était pas le fils… « Il faut égorger ceux qu’on pille », disait Rivarol. […] Turcaret, dont il ne reste plus que le nom, qui, à lui seul, vaut toute la pièce, a été claqué presque aussi haut que Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro.

1652. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Ils l’appellent l’esprit de la lune, l’espérit des ciales, et même l’évêque des cigales, les jours où ils l’aiment davantage, car ils l’aiment, cet homme qui en sait plus long qu’eux, par les seules forces mystérieuses de sa pensée, sans avoir comme eux rien appris ! […] Il les connaît, il les agite, il les remue et les penche, il leur ouvre le sein, il les décompose, et avec une puissance bien supérieure à celle qu’il possède, et dont il fait preuve quand il n’a affaire qu’à l’homme seul. […] Lorsque, dans le cours du roman, Espérit parvient à faire jouer sa tragédie, il éclate tout à coup, à la représentation qu’il a achetée par tant d’efforts, une émeute effroyable qui, à elle seule, ferait lire le livre du Marquis des Saffras et classerait l’homme qui l’a peinte. […] L’émeute qui ouvre le fier roman de La Prison d’Edimbourg, ce chef-d’œuvre, est moins saisissante et moins terrible ; et ce n’est pas la seule attestation que l’auteur du Marquis des Saffras nous donne de sa haute aptitude à pétrir les cœurs populaires et à traduire avec une énergie digne d’elles les fortes passions qu’ils contiennent.

1653. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Quand les parents aiment assez profondément leurs enfants pour vivre en eux, pour faire de leur avenir leur unique espérance, pour regarder leur propre vie comme finie, et prendre pour les intérêts de leurs enfants des affections personnelles, ce que je vais dire n’existe point ; mais lorsque les parents restent dans eux-mêmes, les enfants sont à leurs yeux des successeurs, presque des rivaux, des sujets devenus indépendants, des amis, dont on ne compte que ce qu’ils ne font pas, des obligés à qui on néglige de plaire, en se fiant sur leur reconnaissance, des associés d’eux à soi, plutôt que de soi à eux ; c’est une sorte d’union dans laquelle les parents, donnant une latitude infinie à l’idée de leurs droits, veulent que vous leur teniez compte de ce vague de puissance, dont ils n’usent pas après se l’être supposé ; enfin, la plupart ont le tort habituel de se fonder toujours sur le seul obstacle qui puisse exister à l’excès de tendresse qu’on aurait pour eux, leur autorité ; et de ne pas sentir, au contraire, que dans cette relation, comme dans toutes celles où il existe d’un côté une supériorité quelconque, c’est pour celui à qui l’avantage appartient, que la dépendance du sentiment est la plus nécessaire et la plus aimable. […] La base principale d’un tel lien, l’ascendant du devoir et de la nature, ne peut être anéanti ; mais dès qu’on aime ses enfants avec passion, on a besoin de toute autre chose que de ce qu’ils vous doivent, et l’on courre, dans son sentiment pour eux, les mêmes chances qu’amènent toutes les affections de l’âme : enfin, ce besoin de réciprocité, cette exigence, germe destructeur du seul don céleste fait à l’homme, la faculté d’aimer, cette exigence est plus funeste dans la relation des parents avec les enfants, parce qu’une idée d’autorité s’y mêle, elle est donc par la même raison plus funeste et plus naturelle ; toute l’égalité qui existe dans le sentiment de l’amour suffit à peine pour éloigner de son exigence l’idée d’un droit quelconque ; il semble que celui qui aime le plus, par ce titre seul, porte atteinte à l’indépendance de l’autre ; et combien plus cet inconvénient n’existe-t-il pas dans les rapports des parents avec les enfants ?

1654. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre premier. Des signes en général et de la substitution » pp. 25-32

Dans l’une, les deux anneaux du couple apparaissent ; dans l’autre, le premier anneau seul apparaît. […] Cette résistance n’a fait que de se répéter plus forte quand l’image a reparu. — Prolongez et variez l’épreuve : vous trouverez dans le mot un système de tendances toutes correspondantes à celles de l’image, toutes acquises par lui dans son commerce avec l’expérience et l’image, mais à présent spontanées, et qui opèrent tantôt pour le rapprocher, tantôt pour l’écarter des autres mots ou groupes de mots, images ou groupes d’images, expériences ou groupes d’expériences. — De cette façon, le nom tout seul peut tenir lieu de l’image qu’il éveillait, et, par suite, de l’expérience qu’il rappelait ; il fait leur office et il est leur substitut. […] On substitue aux objets réels qu’on imaginait d’abord des chiffres qui les remplacent partiellement ; ils les remplacent au seul point de vue qu’on avait besoin de considérer en eux, je veux dire au point de vue du nombre.

1655. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Les dieux, ces parvenus, régnent, et seuls debout Composent leur grandeur de la chute de tout. […] Voici une large période qui n’est au fond qu’une antithèse : Cent mille hommes criblés d’obus et de mitraille, Cent mille hommes couchés dans un champ de bataille, Tombés pour leur pays par leur mort agrandi, Comme on tombe à Fleurus, comme on tombe à Lodi, Cent mille ardents soldats, héros et non victimes, Morts dans un tourbillon d’événements sublimes, D’où prend son vol la fière et blanche Liberté, Sont un malheur moins grand pour la société, Sont pour l’humanité, qui sur le vrai se fonde, Une calamité moins haute et moins profonde, Un coup moins lamentable et moins infortuné Qu’un innocent, un seul innocent, condamné, Dont le sang ruisselant sous un infâme glaive, Fume entre les pavés de la place de Grève, Qu’un juste assassiné dans la forêt des lois, Et dont l’âme a le droit d’aller dire à Dieu : “Vois ! […] L’idée se matérialise en quelque sorte, et, même avant l’intelligence, la voix seule et l’oreille marquent et sentent l’antithèse.

1656. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Je ne pense pas que personne, dans aucun temps, ait pris plus sérieusement la vie que ce petit Breton de vingt-cinq ans dont l’enfance avait été si pure, l’adolescence si grave et si studieuse, et qui, au sortir du plus tragique drame de conscience, seul dans sa petite chambre de savant pauvre, continuait à s’interroger sur le sens de l’univers, — et cela, dans un tel détachement des vanités humaines, que ces pensées devaient rester quarante ans inédites par la volonté de leur auteur. […] Savoir est de tous les actes de la vie le moins profane, car c’est le plus désintéressé, le plus indépendant de la jouissance… C’est perdre sa peine que de prouver sa sainteté ; car ceux-là seuls peuvent songer à la nier pour lesquels il n’y a rien de saint. » L’Avenir de la Science est un livre de foi, car je ne connais point de livre où le scepticisme et le dilettantisme mondains soient traités avec un mépris plus frémissant de colère. […] Et, d’autre part, vous pouvez constater que cet esprit est celui de son œuvre entière et que, dans les trente volumes qui la composent, il n’y a pas une seule idée d’importance qui ne soit au moins en germe dans ce livre qu’il appelle plaisamment « son vieux pourana ».

1657. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Charles Morice Gustave Kahn a compris que, pour les projets qui s’imposent, ni la prose seule, ni les vers seuls ne suffisent. […] Remy de Gourmont Ce poème de vingt-huit feuillets (Domaine de fée) est sans doute le plus délicieux livret de vers d’amour qui nous fut donné depuis les Fêtes galantes et, avec les Chansons d’amant, les seuls vers peut-être de ces dernières années où le sentiment ose s’avouer en toute candeur, avec, la grâce parfaite et touchante de la divine sincérité.

1658. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Laurent Tailhade à l’hôpital » pp. 168-177

C’est peut-être le seul (j’entends des fournisseurs habituels de nos grands quotidiens) qui ne soit pas assommant et qui ne se croie point obligé de pontifier, avec des phrases solennelles. […] Et puis, c’est le seul qui ait compris ses devoirs de critique. […] Je me hâte d’ajouter que Dubois-Desaulle était un honnête garçon qui ne s’était rendu coupable d’aucun délit de droit commun et que ses opinions libertaires seules (l’épidémie à la mode) avaient conduit aux compagnies de discipline.

1659. (1890) L’avenir de la science « XIV »

Les individus ne pourraient seuls entreprendre et publier certains travaux. […] Mais du moment où la religiosité de l’homme en sera venue à s’exercer sous la forme purement scientifique et rationnelle, tout ce que l’État accordait autrefois à l’exercice religieux reviendra de droit à la science, seule religion définitive. […] Un million vaut un ou deux hommes de génie, en ce sens qu’avec un million bien employé on peut faire autant pour le progrès de l’esprit humain que feraient un ou deux hommes de premier ordre, réduits aux seules forces de l’esprit.

1660. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Ce terrible problème religieux qui pèse comme un spectre sur la conscience du XIXe siècle, nous le résoudrions si nous étions seuls au monde. […] Nous allons plus loin ; nous admettons, pour ceux qui croient bien à tort qu’eux seuls ont raison, le droit à l’intolérance, pourvu que cette intolérance ne se traduise pas en actes contraires à la liberté des autres. […] Je ne demanderais pour récompense que de recommencer ; je ne me plains que d’une seule chose, c’est d’être vieux dix ans trop tôt.

1661. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

Parmi les Pères de l’Église grecque, deux seuls sont très éloquents, saint Chrysostome et saint Basile. […] Il y fait l’histoire de sa vie et de ses souffrances… Il prie, il enseigne, il explique les mystères, et donne des règles pour les mœurs… Il voulait donner à ceux qui aiment la poésie et la musique des sujets utiles pour se divertir, et ne pas laisser aux païens l’avantage de croire qu’ils fussent les seuls qui pussent réussir dans les belles-lettres191. » Enfin, celui qu’on appelait le dernier des Pères, avant que Bossuet eût paru, saint Bernard, joint à beaucoup d’esprit une grande doctrine. […] Un seul maître : Jésus-Christ.

1662. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 3, que l’impulsion du génie détermine à être peintre ou poëte, ceux qui l’ont apporté en naissant » pp. 25-34

Section 3, que l’impulsion du génie détermine à être peintre ou poëte, ceux qui l’ont apporté en naissant En effet, il n’y a pas un grand mérite à mettre la plume à la main d’un jeune poëte, le premier venu, son génie seul la lui auroit fait prendre. […] Parmi les artisans illustres qui font tant d’honneur aux deux derniers siecles, le seul Raphaël, autant qu’il m’en souvient, fut le fils d’un peintre. […] Mais il se trouva que le génie seul de cet enfant n’avoit pas laissé de le mener jusques à l’intelligence de plusieurs propositions d’Euclide.

1663. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

Il l’affirme comme le seul fait qui puisse maintenant sauver le genre humain de malheurs immenses, et son affirmation n’est fondée que sur son observation de l’état présent de l’univers. […] C’est un enfantillage de penser qu’en cessant d’être la religion qu’il fut toujours, le catholicisme sauvera le monde, qui ne croit plus au catholicisme et qui le repousse ; et c’est la contradiction la plus effroyable pour un philosophe qui devrait avoir l’habitude du raisonnement, que d’appeler une Religion progressive celle dont on a ôté le Dogme, c’est-à-dire la seule chose qui donne aux systèmes religieux, — qui, sans elle, ne seraient que des systèmes, — leur caractère sine quâ non de religion. […] Déclaration solennelle, dont nous aimons à prendre acte et qui équivaut à celle-ci : c’est qu’après la religion catholique, de l’aveu même de la philosophie, il n’y a plus de religion possible pour les hommes, et que toutes les têtes des philosophes se mettraient-elles, bout à bout, les unes sur les autres, et feraient-elles toute une pyramide de cerveaux, elles ne parviendraient pas à en construire péniblement la queue d’une seule, en dehors de cette circonférence du catholicisme qui étreint l’Univers et la Pensée !

1664. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

« Cratès disait à un jeune homme : Que fais-tu là seul ? […] Et plût à Dieu que ce travers, si c’en est un, fût le seul de ma vieillesse ! […] L’homme colère en est-il la seule victime ? […] Malgré cette puissance illimitée, on ne peut me reprocher un seul châtiment injuste. […] L’absence de ses enfants la laissa seule sous le poids de cette affliction.

1665. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Il fallait, en un mot, proclamer le spiritualisme chrétien dans l’art comme le seul spécifique assez puissant pour le guérir de son mal, comme la seule piscine assez profonde pour le laver de ses souillures. […] Au bout de quelques semaines, il s’aperçoit qu’il aime encore sa quadragénaire ; il fait quelques tentatives pour être reçu chez elle, et, ne pouvant y réussir, il se tue, sans qu’une seule idée morale, un seul sentiment de famille, un seul mouvement de repentir, se mêlent à ce drame implacable. […] Elle seule vous donnera la vraie résignation et le vrai courage. […] Le seul reproche, au contraire, que l’on puisse adresser à M.  […] Le seul danger, lorsqu’on a à peindre la vertu et la perfection, est d’être froid : M. 

1666. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Dorénavant toutes ses pensées, tous ses dangers, le monde entier disparaît pour lui dans une seule question : quand trouveront-ils le cadavre dans le bois ? […] C’est la seule qui puisse s’accorder avec cette sensibilité passionnée. […] Vos amoureux seront fades, car le seul intérêt qu’offre leur âge, c’est la violence de la passion, et vous ne pouvez peindre la passion. […] Ce coin du feu où ils vont passer la soirée est un sanctuaire, et les tendresses de famille sont la seule poésie dont ils aient besoin. […] Celui-là seul a vécu et est un homme, qui a pleuré au souvenir d’un bienfait qu’il a rendu ou qu’il a reçu.

1667. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIV » pp. 337-339

Sainte-Beuve n’a pu vouloir, au reste, dans ce parallèle, que poser la limite du talent de Béranger ; il l’a apprécié et loué ailleurs, et il ne prétend rien retrancher sans doute de ses premiers jugements ; mais, cette fois, il aura tenu à faire sa restriction sur ce seul point où Béranger prête le flanc. […] Il faut toujours compter, quand on le juge, sa vertu, sa force morale, ce sentiment qui lui a fait jouer un grand rôle dans les crises politiques et dominer parfois les hommes les plus violents au seul nom de la patrie.

1668. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Désaugiers, Marc-Antoine-Madeleine (1772-1827) »

On ne saurait lui reprocher une seule épigramme. […] Alphonse de Lamartine Désaugiers, contemporain de Béranger, délire plus sincèrement ; il est ivre lui-même de l’ivresse de verve qu’il répand à plein verre autour de lui ; le plaisir est la seule politique de cet Anacréon de Paris.

1669. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre premier. De l’Écriture et de son excellence. »

La Bible seule ne ressemble à rien : c’est un monument détaché des autres. […] Ce n’est pas la seule chose extraordinaire que les hommes s’accordent à trouver dans l’Écriture : ceux qui ne veulent pas croire à l’authenticité de la Bible, croient pourtant, en dépit d’eux-mêmes, à quelque chose dans cette même Bible.

1670. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Suard aurait dû ne point laisser passer cela ; il aurait coupé à la racine la seule espèce de défaut plus tard reprochable à ce style si simple d’ailleurs, si vrai, et surtout fidèle à la pensée. […] Un endroit des Contradictions montre bien à quel point la pensée de Mlle de Meulan allait d’elle seule et se formait en toutes choses ses propres jugements. […] Elle ne goûtait rien tant que ce don créateur là où il éclate dans sa merveilleuse plénitude : Molière, Shakspeare et Walter Scott étaient ses trois grandes admirations littéraires, les seules où il entrât de l’affection. […] Vous savez avec quelle joie je m’y suis soumise, et dans quelle espérance ; vous m’avez peut-être vue même les envisager avec quelque fierté, en prenant une résolution dont ces inconvénients faisaient le seul mérite. […] Le sentiment qu’elle inspire est tel que les termes d’estime et de respect peuvent seuls le rendre, et que c’est presque un manquement envers elle, toujours occupée d’être et si peu de paraître, que de venir prononcer a son sujet les mots d’avenir et de gloire 15 mai 1836.

1671. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Instinct déclaré encore d’une âme que les seules beautés naturelles raviront, que l’art né des hommes touchera peu ou même choquera, et qui, dans Paul et Virginie (seule tache peut-être en ce chef-d’œuvre), ira jusqu’à déclamer en quatre endroits très-rapprochés contre les monuments des rois opposés à ceux de la nature ! […] C’est, au sein de l’individu doué, un de ces mystères qui marquent combien la seule observation psychologique rencontre en d’autres termes les mêmes problèmes que la théologie. […] voilà qu’il leur a payé à elles deux, dans cette seule offrande, la dot du génie. […] Les seuls vers imprimés, je crois, et peut-être les seuls composés par Bernardin, se trouvent dans la Décade philosophique (10 brumaire an III)65, et ont pour sujet la naissance de sa fille Virginie. […] « Une seule épine me fait plus de mal que l’odeur de cent roses ne me fait de plaisir…..

1672. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Ô mon seul bien et ma seule espérance, Et ne vous puis asseurer de ma foy. […] Elle apprit par lui la fuite de Bothwell dans les îles Shetland d’où il s’était embarqué pour le Danemark, pour y reprendre, avec ses anciens écumeurs de mer, la vie de pirate et de brigand, seul refuge que lui laissait sa fortune. […] « Vous recepvrez des tokeus de moy pour vous ramentevoir de faire prier pour l’âme de vostre pauvre cousine, destituée de tout ayde et conseil, que de celuy de Dieu, qui me donne force et courage de résister seule à tant de loups hurlants après moy : à Dieu en soyt la gloire ! […] « La reine, affectée de ce spectacle douloureux, voulut être seule. […] « Cet écrit achevé, Marie, seule dans son cabinet avec Jeanne Kennethy et Élisabeth Curle, s’informa de ce qu’elle avait d’argent.

1673. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Voiture est peut-être le seul de nos poètes qui soit sensiblement teinté de goût espagnol. […] Racan appartint toute sa vie à l’école du négligé facile, et continua tout seul la tradition du lyrisme élégiaque des Mont-chrétien et des Bertaut. […] Malherbe est vaincu : sa versification seule prévaut. […] Comme il écrit pour des gens très raffinés, et pour cette coterie seule, il met de la finesse partout, il la fabrique avec un tortillage d’images, de plaisanteries, d’allusions, dont ils ont seuls la clef, et ainsi il est pour nous obscur et fatigant. […] Si on veut voir comment, depuis l’héroïque jusqu’au burlesque, toutes les façons de fausser la nature s’entretiennent et peuvent s’unir dans un seul esprit, on n’a qu’à examiner l’oeuvre folle et fantaisiste de Cyrano de Bergerac.

1674. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Les seules certitudes qu’ils aient sont les exaspérations de la conception bourgeoise de l’œuvre d’art, essentiellement individualiste donc réservée à quelques inities. […] Ils ne peuvent pas vivre seuls. […] A côté des fondateurs du dadaisme, les seuls qui soient logiques avec eux-mêmes et dont le cas mérite attention, sont venues se ranger toutes les victimes de la société bourgeoise intellectuelle. […] Seul un patriote mystique peut entreprendre des réformes, car plus son patriotisme est transcendent, plus pratique est sa politique. […] Finalement, voici la justification de ce que les critiques modernes du christianisme considèrent comme inexplicable, de ces luttes gigantesques pour des questions théologiques insignifiantes, engendrées par un seul mot, un seul geste : il s’agissait parfois de concessions de l’étendue d’un pouce.

1675. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

— cria de loin le meunier ; celle-ci se leva et nous laissa seuls. […] — Tu es donc seule ici ? […] — Oui, je suis seule, me répondit-elle d’une voix faible et craintive. […] Diki-Barine était le seul dont la figure restât impassible ; il se tenait toujours immobile. […] On appelle ainsi, en Russie, un homme taciturne, et qui vit seul.

1676. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Il s’éveille tout seul. […] … Pourquoi es-tu là, toute seule ? […] Je crois que Sully Prudhomme se trompe, en n’admettant qu’une seule harmonie ou qu’un seul rythme des vers. […] Travail diligent et subtil, consacré au seul amour ! […] Tu n’y descendras point seul !

1677. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Si la source est réellement miraculeuse, l’âne seul, étant le seul qui en aura bu, sera le seul rajeuni. […] Un seul but : amuser ; un seul mérite : plaire. […] Dénouement véritable, seul logique, seul possible, seul vrai, et d’une haute moralité. […] Ils se croient seuls dans le pavillon. […] Tu la prives de la seule joie qu’elle puisse avoir.

1678. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 354-356

La Philosophie ne me donnera que d’inutiles raisonneurs ; l’honneur humain, que des hypocrites ; la Politique, que des courtisans ; mes récompenses, que des flatteurs ; mes châtimens, que des esclaves : toi seule peux me donner des Sujets. Par mes bienfaits, j’enchaînerai leurs cœurs ; par tes leçons sublimes, tu les épureras ; par mes soins, je contiendrai les vices ; par ta force divine, tu feras germer les vertus ; j’encouragerai les arts, tu formeras les mœurs ; je ferai respecter la justice, tu en inspireras l’amour ; tu parleras quand les Loix se tairont ; & si jamais l’oubli des saints devoirs, si l’ivresse de la puissance pouvoit jamais m’égarer moi-même, alors tonne du haut des Cieux, remplis mon ame d’un effroi salutaire, rappelle-moi à mes sermens ; & que, traîné devant ton Tribunal, je reconnoisse qu’en toi seule les Princes ont un Juge, & les Peuples un vengeur ».

1679. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 377-379

« Un homme qui écrit l’Histoire, dit M. de Fénélon, doit en embrasser & en posséder toutes les parties ; il doit la voir toute entiere, comme d’une seule vue. Il faut en montrer l’unité, & tirer, pour ainsi dire, d’une seule source tous les principaux événemens qui en dépendent.

1680. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 380-382

Une pénétration singuliere, & l’ardeur la plus opiniâtre pour l’étude, l’entraînerent de bonne heure à tous les genres du savoir. l’Astronomie, la Physique, les Mathématiques, la Métaphysique, la Morale, l’Histoire, fixerent tour à tour son application, & lui devinrent si familieres, que ses connoissances dans une seule de ses parties, suffiroient pour lui faire un nom. Le seul écueil, dont il ne put se garantir, fut un amour excessif pour les systêmes des Anciens.

1681. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VI. Voltaire historien. »

Il sut accorder une politique profonde avec une justice exacte, et peut-être est-il le seul souverain qui mérite cette louange. […] Renoncer à sa morale tendre et triste, ce serait renoncer au seul moyen nouveau d’éloquence que les anciens nous aient laissé.

1682. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Vers l’âge de dix-huit ans, il resta trois années entières sans sortir ; il n’était pas seul pourtant, et avait toujours nombreuse compagnie de jeunes gens et de jeunes personnes. […] Neuilly, nom symbolique, lui représente ses amis morts durant le siége, et il les invoque comme un seul être. […] Seuls, les génies hors de ligne de M. de Chateaubriand et de madame de Staël ne ressentirent nulle atteinte et ne subirent pas de déviation. […] La douleur seule compte dans la vie, et il n’y a de réel que les larmes. » Et ailleurs : « Montrez-moi celui qui a pu arriver à trente ans sans être détrompé. […] Il y a chez lui un grand effort de tout dire à la fois, un embarras de choisir et comme un bégayement entre des pensées qui sont toutes pour lui coexistantes et contemporaines, ou plutôt qui ne sont qu’une seule et indivisible pensée.

1683. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

C’est le quartier-général, en effet, la discipline seule qui de bonne heure a manqué à ces recrues généreuses et faciles, à ces ardentes levées de bande qui eurent leur coup de collier chacune, mais qui, trop vite, la plupart, ont plié. […] Deux seuls grands esprits souvent cités résistèrent à cet Empire et lui tinrent tête, M. […] Quelquefois, un seul coup de vent suffit pour tout changer. […] Elle était bien jolie ; et de pensers touchants, D’un espoir vague et doux chaque jour embellie, L’amour lui manquait seul pour être plus jolie ! […] Ce fut durant la participation de Nodier, comme secrétaire, aux travaux du chevalier, que celui-ci fit paraître son Horace éclairci par la ponctuation, ouvrage curieux et subtil, dont le titre seul promet, parmi les hasards de la conjecture, bien des aperçus piquants.

1684. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

De la même façon qu’il a composé des caractères ; le domaine seul est différent, l’art et ses lois n’ont pas changé. […] Au contraire, un loup seul peut faire celle de La Fontaine, « un loup rempli d’humanité », philosophe, et qui médite le plus sérieusement du monde. […] Nul ne trouve un seul instant l’affaire obscure ou douteuse. […]     Il dit que du labeur des ans Pour nous seuls il portait les soins les plus pesants. […] L’ombrage n’était pas le seul bien qu’il sût faire.

1685. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Le théâtre ordonnait pour la perception d’un spectacle l’usage de toutes les facultés humaines, un morcellement du travail sensationnel ; mais la vue, seule sollicitée, dès lors accaparant la majorité des forces sensitives de l’être, combien puissante serait-elle à percevoir ce qu’elle perçoit de la vie ! […] Tel sera atteint le second degré du fictif dans la vie, le second degré de l’art, après la primitive élimination des sensations étrangères à l’objet artistique, par la restriction des sensations à un seul ordre sensitif ; et, après l’art théâtral, les arts séparés de la peinture, de la littérature et de la musique seront acquis, quand sera démontré le pouvoir de chacun de ces arts de donner à lui seul l’impression d’une chose vivante. […] B, et C… Tristan, ai-je expliqué, est un drame de musique ; mais la lecture du seul texte littéraire pourrait montrer encore un drame du mode racinien, Tristan étant un type, Isolde un type, et cetera. […] Le second acte : — Maléfices psychologiques, crie le prélude ; le désir qui tout-à-l’heure criait dans la concupiscence et la contrition crie maintenant dans la seule concupiscence et vers de mauvais accomplissements ; cependant que se débat l’âme possédée sous le démon de son désir. […] quand les Amfortas chutent, seul je demeure, je suis vierge formidablement, je suis chaste, j’aurai l’Épouse.

1686. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Huysmans l’a entrevu aujourd’hui, une seconde, et sa seule parole a été celle-ci : « Avez-vous lu mon livre ?  […] que nous vous remercions, d’avoir imprimé ce que nous sentons… » Il y a des carmélites qui m’ont fait dire qu’elles prieraient pour moi, samedi… et ma béguine qui vient d’entrer chez moi, et à qui on a dit que j’étais une sorte de curé laïque… elle ne sait plus où elle en est… Oui, oui, il n’y a plus un seul exemplaire… les 2 000 sont partis… on va mettre huit machines… C’est éreintant tout de même… J’ai parlé huit heures, aujourd’hui… je n’ai plus de voix !  […] Enfin sur toutes choses, deux opinions d’une autorité presque égale, dont l’une dit blanc, l’autre dit noir, et les notions de tout, confuses, incertaines, et dans cette anarchie de croyances, plus une seule vérité debout, et qui ne soit entamée par le doute. […] À la suite d’une scène, où la femme de l’académicien, lui dit froidement qu’il est sans talent, cocu, ridicule, et que toute sa valeur, il la doit à elle seule, il sort en disant : « C’en est trop ! […] Lui, vraiment, le seul grand acteur depuis Frédérick-Lemaître, et qui y songe ?

1687. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Je ne prendrai pas pour exemple, dans ce volume même, tout ce qui tient au blocus continental et à ces questions de douanes qu’il fait suffisamment comprendre, à la seule condition d’y donner tout leur développement : mais si l’on s’attache à cette expédition de Masséna en Portugal, expédition ingrate s’il en fut, pleine de mécomptes, où tout avorte, où les combats acharnés restent indécis, où personne n’a d’illusions, et où, si peu qu’on en ait, le résultat trouve encore moyen de tromper un reste d’espérance ; si l’on suit cette expédition dans l’Histoire de M.  […] L’amour des peuples n’est que de l’estime… Le roi m’écrit qu’il veut revenir à Morfontaine : il croit me mettre dans l’embarras ; il profite d’un moment où j’ai, en effet, assez d’autres occupations… Il me menace, quand je lui laisse mes meilleures troupes, et que je m’en vais à Vienne seul avec mes petits conscrits, mon nom et mes grandes bottes… Il dit qu’il veut aller à Morfontaine plutôt que de rester dans un pays acheté par du sang injustement répandu. […] Thiers, plein de son objet, et y portant, comme il fait toujours, le courant et le torrent de sa pensée, raconte comment et pourquoi il aime l’histoire, la connaissance complète des faits, leur exposé exact et lumineux, comment un seul point resté douteux l’excite à la recherche et à la découverte, comment une seule erreur qui lui échappe le remplit de confusion. Il veut savoir, il veut s’expliquer le mouvement des choses humaines, mais se l’expliquer d’une manière si particulière, si précise, si appropriée à chaque ordre de faits et à chaque branche d’affaires, que cette seule connaissance, pourvu qu’on y atteigne, lui paraît constituer la condition fondamentale, l’essence même de l’histoire ; il appelle cela l’intelligence.

1688. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

C’était la solution inévitable, la seule possible alors et la seule bonne, pensaient M.  […] À s’en tenir à ce que dit le narrateur, l’apologiste éloquent du régime fondé en 1830, et d’après son seul exposé, quelle idée, à la distance où nous sommes, est-il naturel que l’on se forme de ce régime même ? […] Je m’étonnerais donc (si je ne le savais si absolu dans sa manière de voir) qu’aujourd’hui qu’il examine à loisir ces affaires du passé, il ne se soit point posé un seul moment cette question : Que serait-il arrivé en 1830, si dans les rangs de ce ministère Laffitte, ou à côté, il s’était trouvé à temps un homme véritable, un Casimir Perier du mouvement et d’une politique plus hardie, agressive et non plus défensive ? […] Dès à présent, et comme on n’a pas tout à fait oublié d’ailleurs ce qui s’est passé ensuite, on est en mesure, ce me semble, de répondre à la première question que je me suis posée : Quelle idée peut-on se former, d’après cette seule lecture, du régime politique que l’ouvrage est destiné à justifier ou même à glorifier ?

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