Dans son « Introduction à l’histoire de la littérature anglaise », il explique avec une clarté parfaite sa méthode et son but : les documents historiques, parmi lesquels il compte les œuvres littéraires et les œuvres d’art, ne sont pour lui « que des indices au moyen desquels il faut reconstruire l’individu visible ». […] Comment ce mot de beauté, que je viens d’employer, peut-il s’appliquer également aux tragédies de Sophocle, d’un dessin si net, d’un plan si parfait, et aux drames informes que des confréries représentaient pendant des journées entières sur des tréteaux dressés en plein vent ?
Sans doute on ne peut pas plus comparer La Bruyère à Molière qu’on ne compare le talent de peindre les caractères à celui de les faire agir et de faire sortir leurs traits de la situation où l’art sait les placer ; mais, supérieur à Molière par l’étendue, la profondeur, la diversité, la sagacité, la moralité de ses observations, il est son émule dans l’art d’écrire et de décrire, et son talent de peindre est si parfait, qu’il n’a pas besoin de comédiens pour vous imprimer dans l’esprit la figure et le mouvement de ses personnages. […] Il n’avait pas lu ce qu’elle dit de Mithridate : « C’est une pièce charmante, on y est dans une continuelle admiration ; on la voit trente fois, et on la trouve plus belle la trentième que la première. » Il n’avait pas lu enfin ce qu’elle dit d’Esther, ni remarqué ce sentiment profond des beautés nouvelles que Racine avait puisées dans l’histoire sainte, ni le pressentiment qu’elle conçut d’une pièce du même genre encore plus parfaite, pressentiment qui fut réalisé par Athalie.
Il disait avec une grâce parfaite, car son propos se retrouvait charmant dès qu’il le voulait : « Ma langue m’a porté grand dommage, aussi m’a-t-elle fait beaucoup de plaisir : c’est raison que je paie l’amende. » Si l’on ne se tenait sur ses gardes en lisant Commynes, on se prendrait par instants, non seulement à excuser et à goûter Louis XI, mais à l’aimer pour tant de bonne grâce et de finesse. […] Des poètes, des romanciers en ont tiré des sujets ; mais ni le roman de Walter Scott, ni la chanson de Béranger, ne rendent la réalité dans toute sa justesse, et avec la parfaite mesure qu’elle nous offre sous cette plume de Commynes, curieuse, attentive, fidèle, et si étrangère à un but littéraire, à un effet dramatique.
L’histoire de l’abbé Prévost commence déjà elle-même à ne plus être de notre temps ni de notre civilisation ; on passe encore sur le manque de cœur de Manon, mais il est difficile de pardonner l’avilissement du chevalier, et il faut le parfait naturel de l’auteur pour nous amener à l’émotion à travers les scènes dégradantes où il nous conduit. […] Mérimée est un artiste consommé : l’abbé Prévost ne l’est pas du tout, même lorsqu’il est un peintre si parfait de la nature.
Il est parfait à présent, mais pour des classes de lycée, des morceaux d’éloquence et des exhibitions de chaire. […] Les vers sortaient du cerveau de Delille aussi parfaits et aussi vides que s’ils eussent été frappés par le balancier d’une machine.
Jean Aicard, et cela est parfait. […] Il n’y a pas dans son volume de compositions parfaites, ni les longues, ni les courtes. […] La parole n’était plus ce vêtement simple de la pensée, tirant toute son élégance de sa parfaite proportion avec l’idée à exprimer. […] Cette qualité, c’est la santé parfaite de l’esprit. […] Non, Sainte-Beuve n’avait pas la santé parfaite de l’esprit.
Mais que cette parfaite orthographe, si on ne la possède par usage et d’enfance, est donc rare !
Renée, dans un intéressant chapitre, a tracé avec une parfaite justesse le portrait de ce roi qu’il ne s’agit pas d’idéaliser, à cause de son suprême malheur ; c’est assez que le respect contienne la plume lorsque l’historien est obligé de noter en lui, à côté des vertus et de l’honnêteté profonde, l’absence totale de caractère et de relever les défauts habituels de forme, de dignité extérieure et de convenance qui, par malheur, n’étaient pas secondaires dans ce premier rang qu’il occupait.
Enfin, mademoiselle Plessy, qui remplissait le rôle de la chanoinesse Amélie de Moldaw, a été pleine de réserve et de bon goût, et dans deux ou trois de ces longues tirades où excellait mademoiselle Mars avec ses inflexions si savantes, elle s’est souvenue très-heureusement du parfait modèle.
elle tourbillonne autour de lui avec une rapidité si vertigineuse — et si aisée ; il la soutient, il la guide, dans un caprice de pas sans cesse rompus et entre-croisés, avec une si impeccable sûreté ; l’harmonie de leurs mouvements est si parfaite que, si vous espérez jamais voir une grâce plus précise unie à une force plus souple … inutile de chercher, vous ne trouverez pas.
Teodor de Wyzewa … Villiers de l’Isle-Adam, le plus admirable des musiciens des mots, parfait dominateur des sonorités verbales, et dont les poèmes ont le charme mystérieux et subtil de mélodies infiniment pures.
Voilà qui est parfait, pourvu qu’il s’agisse de l’instruction sérieuse, de celle qui cultive la raison.
Ce qui distingue le langage des femmes du grand monde et de la cour, du langage commun, c’est moins l’usage de certains tours, de certaines formes et de certaines expressions réputées nobles et élégantes, que l’ignorance parfaite des paroles et des locutions grossières, qui ont pris naissance dans le peuple.
Le 15 du même mois, elle adressait à sa fille ces réflexions d’une profonde sagesse et d’une parfaite honnêteté : « Si Quanto avait bridé sa coiffe à Pâques de l’année qu’elle revint à Paris, elle ne serait pas dans l’agitation où elle est.
Tels sont, comme je crois, ces Ecrivains qui pensent Que ce ne sont les lieux ou les astres qui dansent A l’entour de la terre ; ains que la terre fait Chaque jour sur son axe un tour vraiment parfait ; Que nous semblons ceux-là qui, pour courir fortune, Tentent le dos flottant de l’azuré Neptune, Et nouveaux, cuident voir, quand ils quittent le port, La nef demeurer ferme, & reculer le bord.
L’imitation la plus parfaite n’a qu’un être artificiel, elle n’a qu’une vie empruntée, au lieu que la force et l’activité de la nature se trouve dans l’objet imité.
Mais pour ceux qui savent combien était haut le sentiment de la responsabilité chez ce parfait honnête homme, il paraîtra que ses dernières préoccupations, — celles où il puisa la paix suprême, — ont été pour un examen de conscience plus intime et où il s’arrêta moins à peser les idées auxquelles il avait lié sa vie qu’à venfier la façon même dont il avait usé de la vie.
C’est un analyste qui examine l’organe et qui dit : « Étant donné l’ensemble, il est tout naturel, il est nécessaire que la partie ait ce vice ; l’animal en pourra crever, mais nous aurons compris la nécessité de sa fâcheuse aventure. » Taine n’est pas parfait, mais il a une intelligence indépendante ; ses enfants tiennent directement de son tempérament et non point d’une politique adoptée pour obtenir soit la popularité, soit les faveurs du pouvoir.
Le discours sur l’Influence de Boileau, sous cette première forme moins complète, moins parfaite, me paraît donc en même temps plus proportionnel et plus digne de l’excellent esprit de M. […] L’analyse, au contraire, n’exigeant d’autre docilité que l’attention, etc. » Suivent des éloges desquels il résulterait vraiment que la clef universelle est trouvée, et dont on rencontrerait l’écho monotone, sinon la rédaction aussi parfaite, dans toutes les préfaces et dans tous les programmes d’alors. […] En un mot, une barrière assez marquée sépare à certaines pages le classique Daunou des grands et parfaits écrivains du xviie siècle, je veux dire ce culte sans cesse proclamé de l’analyse, et tout ce qu’il suppose avec lui. […] M. de Talleyrand, ministre des affaires étrangères après le 18 fructidor, lui écrit une lettre aimable et coquette pour lui offrir la place de secrétaire général auprès de lui : Talleyrand doublé de Daunou, cela eût fait, convenons-en, une combinaison piquante et parfaite ; chacun aurait eu de quoi prêter à l’autre. […] Daunou rencontrait une vieille connaissance, une matière de prédilection : aussi son Discours préliminaire de 1809, et celui, d’une plus grande étendue, qu’il a consacré à la Harpe en 1826, sont-ils peut-être ce qu’on a écrit chez nous de plus parfait (ad unguem) en ce genre de littérature critique, modérée et ornée.
Je ne sais pas pourquoi l’on est convenu de considérer comme parfaite une certaine beauté négative, où l’on a évité toutes sortes de fautes ; c’est par une illusion d’optique que l’on croit avoir évité toutes sortes de fautes, et que l’on s’imagine voir dans l’harmonie et la mesure plus de perfection que dans la fougue désordonnée. […] Nous verrons Goethe, dans son vaste cabinet de travail qui ressemble à un petit musée, entouré de statués antiques, et, durant plusieurs jours, le crayon à la main, l’œil attaché sur les plus parfaits modèles, dessinant des formes idéales avant d’écrire son Iphigénie. […] Il n’y a qu’à ne pas chercher des raisins sur les épines et des figues sur les chardons, et alors tout est parfait. » Le Chevalier s’est amusé à démontrer la vanité de la méthode suivie en critique littéraire par ce pauvre Schlegel, ainsi que par Jean-Paul, « l’homme de la lune400 », et par Hegel. […] Il ose se permettre des propos sensés, mais il a soin de les faire excuser par la grâce parfaite de ses manières, de son ton ; il produit la raison, mais il la voile avec autant de scrupule que la pudeur en a pour exprimer une idée libre. […] Je vous dirai hardiment que toutes les tragédies grecques me paraissent des ouvrages d’écoliers, en comparaison des sublimes scènes de Corneille et des parfaites tragédies de Racine. » Lettre à Horace Walpole.
L’œuvre dramatique parfaite a deux existences en propre, l’une scénique, l’autre livresque, et qui ne peuvent se faire tort. […] que cette psychologie évitant la dissertation rétrospective, la patiente dissection, cherche au contraire les occasions de réaction les plus frappantes, et affronte les êtres avec un cynisme parfait ? […] Un exemple nous vient parfait comme un chef-d’œuvre, et c’est un musicien qui nous le donne. […] Appropriation parfaite où chaque accord a sa valeur tour à tour grave, tendre et forte, et d’autant plus que plus discrète, où quel relief inattendu prendront de courtes scènes de violence comme celle de la colère de Golaud ! […] Mais du moins elle exige une mise en œuvre parfaite, et ne saurait s’accommoder d’une esthétique de la négligence et d’à peu près.
C’est d’un contraste parfait avec le point de départ qui vient de nous être si fidèlement marqué
L'intérêt du sujet est grand, et l’historien a rempli tout ce sujet par sa lucidité parfaite, par son impartialité élevée, et par l’innombrable quantité de notions précises et nouvelles qu’il a su combiner et conduire.
On y embrasserait dans un seul coup d’œil les premiers essais gigantesques, excessifs, un peu extravagants, d’un talent pittoresque et passionné, tout neuf, sa perfection presque aussitôt, sa saison toute classique dans René et dans Eudore, sa manière parfaite encore, mais déjà un peu sèche et roide, dans l’Abencerage.
On a remarqué souvent que rien n’est plus malaisé au théâtre que de montrer le parfait contentement : les scènes de désir contrarié, de passion désespérée, abondent, et les talents médiocres y réussissent sans trop de peine.
Il est difficile que ce décousu aille sans incohérence et laisse subsister une netteté parfaite.
Il n’y a que le Tout qui soit parfait et qui n’ait rien au-dessus de lui : il n’y a donc que le Tout qui puisse avoir plaisir à être éternel.
On y doit goûter d’âpres jouissances par le sentiment d’une communion parfaite avec des âmes véhémentes et frustes, par la conscience qu’on a de déchaîner et l’illusion qu’on se donne de diriger une puissance aveugle qui vous soulève, vous enveloppe et vous roule dans ses tourbillons ; — tout cela exaspéré encore par la lourde atmosphère des salles et par la brutalité même des sensations dont l’ouïe et l’odorat sont assiégés… Il y a une ivresse physique, une sorte d’hystérie dans la révolte, et qui se multiplie quand on la partage avec une foule.
Il est impossible de rencontrer deux natures plus semblables ; chez tous deux, le satin, la paille, la hache seront toujours rendus scrupuleusement avec une minutie hollandaise ; il ne manquera à l’œuvre, pour être parfaite, que des éclairs dans les yeux et du souffle dans les bouches.
Comte Robert de Montesquiou-Fezensac La vraie Valmore à édifier et déifier est une Valmore de vers, de ses vers groupés à l’entour de son nom en la délicate élite et la délicieuse prédilection d’une dédicace réversible… Telles pièces sont plus parfaites, plus délibérément réussies, mais qu’on n’oserait guère déclarer plus que d’autres adéquates à leur visée, mieux moulées sur nature.
Cependant les mots du second et du troisième type peuvent avoir acquis, par le hasard des formations ou des déformations, une certaine beauté analogique ; ils peuvent être tels qu’ils aient l’air d’être les frères véritables des véritables mots français ; cette pureté extérieure, qui ne fait point illusion au phonétiste, doit désarmer le littérateur ; il nous est parfaitement indifférent, en vérité, que hélice, agonie, gamme soient des mots grecs ; rien ne les différencie des plus purs mots français ; ils se sont naturellement pliés aux lois de la race et leur fraternité est parfaite avec lice, dénie, flamme, véridiques témoins.
Nous ne parlons point d’Athalie, parce que Racine, dans cette pièce, ne peut être comparé à personne : c’est l’œuvre le plus parfait du génie inspiré par la religion.
Le sens est admirable, et la nature offre elle-même l’antithèse, toute parfaite qu’elle est. […] Ne sortons pas du même auteur, pour trouver aussi le plus parfait modele d’une exposition adroite, qui est elle-même une grande action. […] Ainsi le dialogue sera d’autant plus parfait, qu’en observant scrupuleusement cet ordre naturel, on n’y dira rien que d’utile, et qui ne soit, pour ainsi dire, un pas vers le dénoûment. […] Peut-être n’y en a-t-il point d’absolument parfaite ; et voici, ce me semble, deux raisons qui doivent y avoir laissé des défauts, même considerables. […] Faites parler vos acteurs en prose ; et vous aurez une imitation parfaite, et dans sa plus grande naïveté.
La nouvelle carrière de M. de Vigny était donc toute tracée et par lui seul ; il s’y voua sans partage, avec toute la fierté d’une haute indépendance, enveloppée sous les formes parfaites de l’élégance et de l’urbanité. […] Dans Stello, l’histoire d’André Chénier serait parfaite à mon sens et de poésie et de vérité, sans la scène arrangée chez Robespierre, où mille petites invraisemblances accumulées composent une impossibilité énorme. […] Votre division des deux familles de poëtes est d’une justesse parfaite, ainsi que cette double comparaison du palais de Versailles et de la grande montagne avec sa tour escarpée.
. — La Couronne de Méléagre, dans son cercle un peu réduit, devait en offrir encore le plus parfait et le plus pur assemblage, si l’on en juge par l’âge du recueil, par les noms qui y figuraient et par le goût de finesse et d’élégance dont l’assembleur lui-même a fait preuve dans ses propres vers. […] C’est le voisinage du Liban qui amène ce concours, cette harmonie parfaite des diverses scènes de la marine et du paysage. […] Et, si l’on ne donnait les preuves textuelles, en croirait-on la Grèce capable à cet âge de pureté encore et de parfaite conservation ?
Mais, parmi tant de tours ingénieux, apologues, contes, portraits, dialogues, dans le sérieux comme dans la mascarade, la tenue demeure irréprochable et le ton parfait. […] Rousseau aussi est un artisan, un homme du peuple mal adapté au monde élégant et délicat, hors de chez lui dans un salon, de plus mal né, mal élevé, sali par sa vilaine et précoce expérience, d’une sensualité échauffée et déplaisante, malade d’âme et de corps, tourmenté par des facultés supérieures et discordantes, dépourvu de tact, et portant les souillures de son imagination, de son tempérament et de son passé jusque dans sa morale la plus austère et dans ses idylles481 les plus pures ; sans verve d’ailleurs, et en cela le contraire parfait de Diderot, avouant lui-même « que ses idées s’arrangent dans sa tête avec la plus incroyable difficulté, que telle de ses périodes a été tournée et retournée cinq ou six nuits dans sa tête avant qu’elle fût en état d’être mise sur le papier, qu’une lettre sur les moindres sujets lui coûte des heures de fatigue », qu’il ne peut attraper le ton agréable et léger, ni réussir ailleurs que « dans les ouvrages qui demandent du travail482 » Par contre, dans ce foyer brûlant, sous les prises de cette méditation prolongée et intense, le style, incessamment forgé et reforgé, prend une densité et une trempe qu’il n’a pas ailleurs. […] Ce qui nous semble de l’apprêt n’était alors que de la tenue ; en un siècle classique, la période parfaite et le développement soutenu sont des convenances et par suite des obligations. — Notez d’ailleurs que cette draperie littéraire qui nous cache aujourd’hui la vérité ne la cachait pas aux contemporains ; ils voyaient sous elle le trait exact, le détail sensible que nous ne voyons plus.
Le mal n’est pas qu’il aime les formes curieuses et parfaites ; mais il les estime seulement selon l’effort et contorsion d’esprit qu’elles nécessitent. […] Cependant Froissart, plus souvent que Machault, donne la sensation du fini, du parfait accord de la forme et du fond. […] A son insu, l’historien rend un culte à la richesse, croyant le rendre à la prouesse : Gaston Phébus, coutumier des sanglantes trahisons, meurtrier de son fils, lui fait l’effet du plus parfait seigneur qui soit, par la splendeur de sa cour et de ses fêtes.
La Fontaine et Molière, qui représentent si bien, si parfaitement l’esprit français et l’esprit de cette époque, ont été, du premier coup en sympathie profonde et ils n’ont pas cessé d’être en sympathie parfaite jusqu’à la fin, qui a été plus rapide pour Molière que pour La Fontaine, comme vous savez. […] Il faut noter que La Fontaine n’a pas imprimé tout de suite cette pièce, mais qu’elle a été distribuée avec une abondance, et presque une surabondance, tout à fait attestatrices de la parfaite vaillance, du parfait courage de La Fontaine.
Là où la superposition est parfaite, la perception est complètement interprétée. […] Dirons-nous que c’est une image nette, définitive, parfaite, du mouvement de la valse ? […] Sensations et représentation sont d’ailleurs ici en continuité si parfaite qu’on ne saurait dire où l’une finit, où les autres commencent.
Hors de là, dans le monde, quand il y allait par rencontre ; à Bâville, quand il y passait quelques jours ; à la maison professe des Jésuites rue Saint-Antoine où il vivait, c’était un homme « d’un esprit charmant et d’une facilité fort aimable », d’une rare bonté et d’un parfait agrément dans le commerce ; très gai, et se plaisant avant tout à une amitié sans contrainte. […] Je ne crois pas qu’il y ait rien de plus parfait dans le genre pur du sermon que ce discours qui fut fait pour le mercredi des Cendres (1672), et qui a pour texte le Memento : « Souvenez-vous, homme, que vous êtes poussière, et que vous retournerez en poussière. » Tous les mérites de Bourdaloue y sont réunis.
Daru était au camp de Boulogne, et cette lettre peint assez bien le mouvement de la petite société littéraire dans son temps de parfaite union : Nos déjeuners ont recommencé le dimanche 14 (brumaire). […] Andrieux nous a relu ses Deux Vieillards : le style en est parfait ; l’intrigue laisse à désirer.
Or, Bernier, homme de sens, qui a beaucoup vu, et qui, en vertu même d’un sage scepticisme, est devenu plus ouvert à des doctrines supérieures, croit devoir avertir son ami et camarade, qui, en passant par le cabaret, est resté plus qu’il ne croit dans l’école ; le voyant prêt à vouloir s’enfoncer dans une philosophie abstruse et prétendre à expliquer physiquement la nature des choses et celle même de l’âme, il lui rappelle que c’est là une présomption et une vanité d’esprit fort ; mais si cette explication directe est impossible, et si connaître en cette manière son propre principe n’est pas accordé à l’homme dans cet état mortel, néanmoins, ajoute-t-il en terminant, nous devons prendre une plus haute idée de nous-mêmes et ne faire pas notre âme de si basse étoffe que ces grands philosophes, trop corporels en ce point ; nous devons croire pour certain que nous sommes infiniment plus nobles et plus parfaits qu’ils ne veulent, et soutenir hardiment que, si bien nous ne pouvons pas savoir au vrai ce que nous sommes, du moins savons-nous très bien et très assurément ce que nous ne sommes pas ; que nous ne sommes pas ainsi entièrement de la boue et de la fange, comme ils prétendent. — Adieu. […] Chapelle et son camarade de voyage, âgés l’un et l’autre de trente à trente-deux ans, se mettent en route pour faire un tour dans le Midi, et dans le compte rendu léger de leur voyage qu’ils envoient à leurs amis de Paris, ils trouvent moyen de faire avec un naturel parfait une charmante satire littéraire : de là le grand succès et cette vivacité de faveur qu’on ne s’expliquerait pas autrement aujourd’hui.
Il ne parut tout à fait à son avantage aux yeux de tous qu’après la campagne de 1667 ; sa politesse auparavant était parfaite, mais toute cérémonieuse et en révérences : ce ne fut qu’à partir de ce moment que sa langue se délia en public et avec les dames, et qu’il entama et soutint la conversation d’une manière aisée, comme un autre homme : la remarque est d’un bon juge et bien délicat, Mmede Longueville. […] Il est mort comme il avait vécu, en vue de tous et en toute lumière, conservant jusqu’à la fin sa noblesse de sentiments, sa droiture d’esprit, sa langue parfaite et royale.
Est-ce, qu’il alla supposer un homme, tel qu’il est aujourd’hui, avec, les pensées, et les sentiments actuels, et doublé, seulement, d’une force de cheval pour galoper, et conquérir son gré d’espace, un cavalier bien monté, toujours en selle et à la suprême puissance, ayant sous lui à demeure un cheval parfait, correct et classique comme celui de Virgile ? […] La sœur parfaite, à la longue, se forme et se compose de bien des sacrifices intérieurs.
Ses livres préférés, c’était Commynes, c’était Thucydide ; et si, à l’article de la mort, la pensée du jugement dernier n’avait tant préoccupé et offusqué son imagination espagnole et sombre ; s’il avait pu, lui aussi, rêver son rêve de Champs Élysées, c’est avec ces politiques consommés et parfaits qu’il eût aimé à se figurer la rencontre et les entretiens d’au-delà. […] Ce fut Quivada, le majordome, qui fut chargé au départ de mettre les scellés sur les papiers de Van Male ; on entrevoit par plus d’un détail que ces derniers serviteurs de Charles-Quint, restés en petit nombre autour de lui, ne vivaient pas dans un parfait accord, qu’ils se jalousaient les uns les autres ; les Espagnols en voulaient aux Flamands, et Van Male, le favori de l’empereur, leur paraissait trop récompensé, ainsi que le médecin Mathys.
L’étroite union qui existait dans le groupe romantique entre les poètes et les peintres tourna vite au profit de la critique qui dès lors se fit de plus en plus en parfaite connaissance des procédés de l’atelier. […] Cet air de parfaite insensibilité (vous le savez mieux que moi) ne provient souvent que d’une pudeur extrême de la sensibilité la plus tendre, qui rougirait de se laisser soupçonner aux yeux du monde et des indifférents.
A côté de l’Académie, soit en dehors d’elle ou dans son sein, mais dans un parfait accord et concert avec ses principaux membres, un homme en particulier eut l’honneur de comprendre mieux que personne cette disposition de son temps, de se vouer uniquement à la servir, à l’éclairer ; il eut la pensée et la patience de s’établir durant de longues années dans un coin propice, non pour régler, mais pour relever au fur et à mesure, pour surprendre et constater les faits de langage, à simple titre de témoin scrupuleux et fidèle. […] Ce n’est pas un médiocre honneur pour Vaugelas d’avoir préparé à Racine sa langue, de lui avoir aplani les voies d’élégance et de douceur dans la diction, et d’avoir si bien et si exactement défini tout ce rare ensemble de qualités possibles, qu’il n’y manque plus que d’écrire en marge le nom du plus parfait écrivain.
c’est par eux encore qu’on prend la plus parfaite et la meilleure idée de cette bonne, honnête, charitable, et assez spirituelle reine. […] « On oublie, en voyant Thémire, qu’il puisse y avoir d’autres grandeurs, d’autres élévations que celle des sentiments ; on se laisserait presque aller à l’illusion de croire qu’il n’y a d’intervalle d’elle à nous que la supériorité de son mérite : mais un fatal réveil nous apprendrait que cette Thémire si parfaite, si aimable, c’est — la Reine.
Ce sont des courses à la montagne, des courses aux cruches, des courses à l’Âne, des courses en sac et des danses locales ; le tout est joli, amusant et se passe avec un ordre parfait. […] Eugénie qui voit juste, qui voit bien, mais qui n’a pas, comme on dit, le diable au corps, continue en ces termes sa description souriante et sobre, que nous donnerons jusqu’à la fin comme un exemple parfait en son genre : « Le verre cassé, on s’est mis en danse.
La Bruyère, né proche de Dourdan, n’en était pas moins très-propre à devenir un parfait Parisien ; il suffisait qu’il fût venu à Paris de bonne heure et qu’il y eût été élevé. […] Chatel, à qui l’on doit ces renseignements, a mis pour épigraphe à son travail une parole de Ménandre, qui revient à dire : « Faute d’observer les petites choses, on se fourvoie dans les grandes » ; et un autre mot de Quintilien, qui en est comme la traduction : « Ce sont de petites choses, à la vérité, mais sans lesquelles les grandes ne peuvent trouver de point d’appui122. » Dans cette mesure, c’est parfait, et il n’y a rien de minutieux dans les curiosités biographiques ainsi entendues.
Ainsi l’on pouvoit voir en ces trois serviteurs de Dieu trois différents mouvements : en l’un la crainte du châtiment, en l’autre l’espoir de la recompense, et dans le dernier le désintéressement et la tendresse d’un parfait amour. » Et n’admirez-vous pas comment l’esprit chrétien se maintient fidèle, en ceux qui l’ont, à travers les siècles, et arrive à peu près dans le vieil abbé du Sinaï ou dans la grande dame de nos jours aux mêmes distinctions morales et aux mêmes éclaircissements ? […] Benoist, fils du conseiller d’État, jeune homme aimable, plein de qualités sérieuses, et de la plus agréable figure : mais avec tout cela, et bien qu’accueilli sur le pied de la plus parfaite amitié, il ne pouvait dans ce monde-là faire un mari.
Ainsi chacun aime d’un amour souverain et parfait, s’il aime vraiment. Mais de tous ces amours le plus parfait pourtant et le plus simple, à les bien comparer, sera toujours celui qui est né le plus sans cause.
Par la recherche de l’expression ornée et de l’agrément, par l’amour du régulier et du fini, s’explique que nous trouvions souvent les ouvrages classiques trop beaux et trop parfaits, du moins trop faits : il nous fâche que l’auteur ait mis tant d’art et de complaisance à nous plaire, et nous avons peur qu’il ne nous cache de l’objet pour nous éviter de la fatigue. […] Il réussit à mettre, au début de la Première Olympique, une banalité plate à la place du parfait galimatias que Mme la présidente Morisset y avait trouvé.
Il faut donc que la périphrase à cette parfaite transparence ajoute quelques avantages positifs, qu’elle présente des idées et des images intéressantes, convenables, et dont le retranchement mutilerait la pensée de l’écrivain. […] Voilà la périphrase excellente, parfaite, qui, étant partie intégrante de la pensée, n’a que l’apparence de l’ornement, et n’est pas moins nécessaire en paraissant plus libre.
Sa philosophie est plus parfaite que celle de l’artiste qui écrit — et qui trahit par là quelque ingénuité, car il se figure apparemment qu’il vaut la peine d’écrire et que la gloire littéraire est quelque chose. […] disait-il, d’une sorte de fatalité dans les besoins, les conventions, les usages auxquels se trouve subordonnée son existence même. » — Mais justement la méthode de Trièves est trop parfaite, trop concertée.
Mais le Mazeppa surtout est un parfait symbole, et, sous ce rapport, on peut le regarder comme une création qui n’avait pas de modèle dans notre langue. […] Ainsi s’opère la fusion de l’idée morale dans l’image physique ; l’assimilation est parfaite.
Sergines reste donc ; mais il a beau faire, il ne peut plus témoigner à sa maîtresse qu’un respectueux et parfait ennui. […] Agnès peut demander : Avec une innocence à nulle autre pareille, Si les enfants qu’on fait se faisaient par l’oreille… Fernando, en restant d’une pureté parfaite, doit avoir des notions moins vagues d’histoire naturelle.
Les Grecs, au contraire, étaient doués d’organes parfaits, faciles à mettre en jeu, et qu’il ne fallait qu’atteindre pour les émouvoir. […] Il avait à un trop haut degré le sentiment du parfait et du fini : Achever sa pensée !
Les détails du départ, le premier trot de la Grise, la mère de celle-ci, la Vieille Grise, qui, paissant près de là, reconnaît sa fille au passage, et qui essaie de galoper sur la marge du pré pour la suivre, tout est peint au naturel, avec une observation parfaite et une expression vivante. […] Ici la chose est sauvée, autant que possible, avec une simplicité que les acteurs, pour leur part, ont aidée d’un parfait bon goût.
Ses Mémoires, dans leur partie politique, n’ont pas pris le temps de se calmer, de cuver leur rancune, pour ainsi dire, et d’attendre au moins, pour paraître, la parfaite tiédeur de l’avenir : ils ont gardé de la colère et de la flamme, du pamphlet. […] Dès aujourd’hui une conclusion me paraît incontestable : entre les divers portraits ou statues qu’il a essayé de donner de lui, M. de Chateaubriand n’a réussi qu’à produire une seule œuvre parfaite, un idéal de lui-même où les qualités avec les défauts nous apparaissent arrêtés à temps et fixés dans une attitude immortelle, — c’est René.
Mais, nous autres moralistes, nous en parlons bien à notre aise, et les choses de la vie ne se règlent pas en si parfaite mesure. […] Parmi ces passions et ces goûts, dont elle raisonne très bien et en parfaite connaissance de cause, il en est qu’elle introduit à côté des autres presque sur un pied d’égalité, et qui déplaisent, tels que la gourmandise, le jeu.
Et il continue, avec ce sentiment de bonhomie, d’observation et de vérité naïve, à développer un tableau où tout est parfait, où tout enchante, et où il n’y a que le nom de Maman appliqué à Mme de Warens qui froisse moralement et qui fasse peine. […] S’il lui manque par moments une plus chaude lumière et les clartés d’Italie ou de la Grèce ; si, comme autour de ce beau lac de Genève, la bise vient quelquefois refroidir l’air, et si quelque nuage jette tout à coup une teinte grisâtre aux flancs des monts, il y a des jours et des heures d’une limpide et parfaite sérénité.
Tout ici, presque tout est parfait, simple, décent et touchant, modéré et enchanteur. […] Villemain n’assistait pas à cette séance : autrement, lui qui a une si parfaite mémoire, il ne l’aurait pas inventée avec ce luxe d’imagination rétrospective.
Cette dame Oisille répond de la manière la plus édifiante : Mes enfants, vous me demandez une chose que je trouve fort difficile, de vous enseigner un passe-temps qui vous puisse délivrer de vos ennuis ; car, ayant cherché le remède toute ma vie, n’en ai jamais trouvé qu’un, qui est la lecture des Saintes Lettres, en laquelle se trouve la vraie et parfaite joie de l’esprit, dont procède le repos et la santé du corps. […] Quelles heures parfaites que celles où Mme de La Fayette entretenait Madame Henriette couchée après le dîner sur des carreaux !
On touche au moment où la religion elle-même se dépasse en se réalisant d’une manière parfaite. « Personne n’a plus d’amour que celui qui donne sa vie. » C’est là que le christianisme veut nous amener. […] Devant un Ecce Homo, le parfait chrétien se dit : « Voilà ce que le Christ a fait pour moi, et moi qu’ai-je fait pour lui ?
Ils regardaient avec attention, et continuaient à voir les plus parfaites ténèbres. […] Tout leur effort est de réduire le nombre des faits, et leur science sera parfaite quand, au lieu de cent mille phénomènes, ils en auront un.
Ce solide contentement lui donne une sérénité parfaite et une gravité de langage très louable. […] L’illusion était parfaite ; nous apercevions un monde sublime et pur. […] Le style est excellent, les ménagements infinis, les gestes parfaits, les habits de la bonne faiseuse ; mais on n’a rien dit, et, pour toute action, on a fait antichambre. […] L’avarice, la débauche, l’ambition, étaient ses dieux ; la perfidie, la flatterie, les servages, ses moyens ; l’impiété parfaite, son repos. […] La Fontaine, le plus heureux, fut le plus parfait ; Pascal, chrétien et philosophe, est le plus élevé ; Saint-Simon, tout livré à sa verve, est le plus puissant et le plus vrai.
Ce pauvre enfant, d’une bonté si parfaite, et qui n’avait pas plus de fiel qu’une colombe, eut au moins quelques jours d’illusion, de joie, et de bonheur. […] Il dédaigne la prose comme indigne de l’homme, et il pousse l’amour de la poésie jusqu’au parfait abandon de soi-même et au sacrifice le plus absolu des nécessités de la vie. […] Un grand nombre d’esquisses et de dessins du plus grand mérite étaient accrochés à la muraille dans un ordre parfait. […] C’est si parfait, que le travail n’a laissé aucune trace. […] Pour nous, et les artistes seront de notre avis, nous préférons sa première manière, moins parfaite sans doute, mais plus hardie.
Je voudrais qu’un jour on tirât de ce volume, qu’on dégageât cette suite d’élégies-romances dont la forme est si assortie à la manière de Mme Valmore, et dans lesquelles son sentiment soutenu se produit quelquefois jusqu’au bout avec un parfait bonheur, sans les tourments plus ordinaires à l’alexandrin : Croyance, la Femme aimée, Aveu d’une Femme, Ne fuis pas encore, la Double Image, Fleur d’Enfance.
Mais en même temps, les analyses et les exposés qu’ils font des doctrines diverses ne sont pas moins d’une grande exactitude et d’une parfaite équité.
La grandeur factice qu’il fallait accorder à Louis XIV portait les poètes à peindre toujours des caractères parfaits, comme celui que la flatterie avait inventé : l’imagination des écrivains devait au moins aller aussi loin que leurs louanges ; et le même modèle se répétait souvent dans les tableaux dramatiques.
André Theuriet a écrit des romans plus parfaits, plus riches en peintures humaines et en descriptions rustiques, que l’Amoureux de la préfète.
Je sais que, entre l’égoïsme où nous vivons presque tous et la charité parfaite, l’entier dépouillement des saints, la distance est grande, et les degrés nombreux et rudes.
Son évolution l’y entraîne ; et cet homme, qui a commencé par être un parfait artiste de légendes, finira par renoncer aux drames et aux œuvres imaginatives pour se consacrer exclusivement aux sciences morales.
Américain d’origine, il est bien le compatriote de ce suprême et grand Edgar Poë, de celui qui osa penser que la poésie était la création rythmique de la beauté, lorsqu’il écrivit que cette beauté était une des conditions de la parfaite vie « au même titre que la vertu et la vérité ».
Emmanuel Signoret Saint-Pol-Roux n’est point, comme Jean Moréas, un parfait écrivain.
Ils trouvoient que les autres vers, quoique fort galans, étoient négligés, mais que les derniers étoient parfaits.
Quand on a dans sa tête des modèles parfaits de dialectique, on y rapporte, sans presque s’en clouter, les autres manières de raisonner.
Il est vrai que les tragiques grecs ont fait quelquefois de semblables fautes, mais elles n’excusent point celles des modernes, d’autant plus que l’art devroit du moins être aujourd’hui plus parfait.
Cet auteur entendoit par sons parfaits, auxquels il oppose des sons des simphonies qui n’ont qu’un être imparfait, les sons des recits en musique où le son naturel étant adapté à des mots, se trouve joint avec un son articulé.
Il y a, dans cette théorie dont la parfaite clarté peut séduire, d’abord une erreur de fait qui en rend fragile la base même. […] Il n’y faut pas tant de façons. « Le meilleur chocolat est le chocolat Perron » : voilà la réclame suffisante et parfaite. […] Tel fut, en particulier, Bossuet, avec une sincérité d’abnégation, une humilité si parfaites que personne, à cet égard, ne lui est comparable. […] Horace et Montaigne sont peut-être les seuls exemples parfaits de ces écrivains nourriciers dont la substance ne vieillit pas, leur forme, d’ailleurs, n’ayant jamais cessé d’amuser et de plaire. […] L’appui de la société précieuse, joint à la parfaite conformité de l’œuvre avec le mauvais goût de l’époque, est toute l’explication du succès extraordinaire de Timocrate.
C’était assez qu’il fût parfait honnête homme et parfait galant homme. […] Elle est parfaite. […] Eût-elle offert un modèle de vertu parfaite ? […] Comment un homme si parfait paraîtrait-il comique ? […] Peut-on y mettre plus de parfaite bonté ?
Vogel, entra, s’assit auprès de nous et raconta les circonstances de la mort de la princesse, que Goethe écouta sans sortir de sa tranquillité et de son calme parfaits. […] Cette conception est en harmonie parfaite avec nos idées religieuses, d’après lesquelles nous sommes sauvés non seulement par notre propre force, mais aussi par le secours de la grâce divine. […] J’avais là devant moi un homme parfait dans sa pleine beauté, et mon enthousiasme à cette vue me fit un instant oublier que l’esprit immortel avait abandonné une pareille enveloppe. […] En Angleterre, Shakespeare seul est plus abondant, mais moins profond et moins parfait.
Mais l’instinct, à mesure qu’il croît en complexité, marche à sa fin ; car à mesure que les instincts deviennent plus élevés, les divers changements psychiques qui les composent deviennent moins cohérents, se coordonnent d’une manière de moins en moins parfaite ; et il doit venir un moment où leur coordination ne sera plus régulière. […] Il a pour objet de déterminer « la coexistence ou non-coexistence des choses, attributs ou rapports qui sont identiques en nature avec certaines autres choses, rapports et attributs. » On ne peut cependant pas tracer de ligne de démarcation nette entre le raisonnement qui a pour objet la quantité et celui qui s’applique à la qualité, pas plus qu’entre les deux espèces de raisonnement qualitatif, le parfait et l’imparfait. […] Depuis l’acte de conscience le plus humble jusqu’au raisonnement le plus compliqué ; depuis l’intuition de la ressemblance grossière, qui n’est qu’une lointaine analogie, jusqu’à l’intuition de la ressemblance parfaite qui est une identité, le processus reste le même invariablement. […] Si maintenant, prenant une intelligence humaine adulte dans le plein exercice de ses facultés, c’est-à-dire le type le plus élevé que nous puissions connaître de la vie psychologique, nous la résolvons par l’analyse dans ses éléments, allant du très composé au moins composé, du composé au simple, du simple au très simple et à l’irréductible, nous parcourons cette progression descendante : raisonnement quantitatif composé, raisonnement quantitatif simple, raisonnement quantitatif simple et imparfait, raisonnement qualitatif parfait, raisonnement qualitatif imparfait, raisonnement en général.
et mademoiselle Mars la parfaite ! […] D’ailleurs, je le répète, il n’y avait au monde, pour aimer, pour copier Marivaux, que des femmes choisies, et dignes de comprendre un si parfait modèle. […] À coup sûr, ce n’était pas là un artiste parfait ; mais bien peu d’artistes ont approché de la perfection plus que n’a fait mademoiselle Mars. […] Le Cabinet satyrique, ou recueil parfait des vers piquants et gaillards de ce temps, tirés des secrets cabinets des sieurs Sigognes, Régnier, Motin, Berthelot, Meynard, 1666.
Il le fallait, pour interpréter philosophiquement la thèse d’Einstein, qui est celle de la relativité radicale et par conséquent de la réciprocité parfaite du mouvement rectiligne et uniforme 25. […] Maintenant ajoutons deux lettres, A′ et B′, pour marquer les extrémités du train : en ne leur donnant pas des noms qui leur soient propres, en leur laissant les appellations A et B des points de la Terre avec lesquels elles coïncident, nous risquerions encore une fois d’oublier que la voie et le train bénéficient d’un régime de parfaite réciprocité et jouissent d’une égale indépendance. […] Les deux systèmes S et S′ sont en état de réciprocité parfaite ; c’est pour la commodité de l’étude, c’est pour construire une physique, que nous avons immobilisé l’un ou l’autre en système de référence. […] Ou bien c’est une simultanéité simplement approximative, l’approximation étant d’ailleurs suffisante eu égard à la distance énormément plus grande qui sépare les événements entre lesquels vous allez établir une simultanéité « savante » ; ou bien c’est une simultanéité parfaite, mais alors vous ne faites que constater à votre insu une identité d’indications entre les deux horloges microbiennes synchronisées dont vous parliez tout à l’heure, horloges qui existent virtuellement en A et en B.
… Ceux qui t’ont bâtie t’ont rendue parfaite en beauté (Ézéchiel, XXVII, 4) ; … tous les navires de la mer et leurs mariniers ont été avec toi pour trafiquer et pour faire ton commerce (XXVII, 9) ; … tu as rassasié plusieurs peuples et tu as enrichi les rois de la terre (XXVII, 33) ; … tu es un sujet d’étonnement (36). […] Les « emprunts » dont il a orné ces œuvres purement lyriques seraient intéressants à étudier dans le détail ; en général il y a assimilation parfaite, avec déjà une tendance à accentuer la note cruellement voluptueuse et morbide. […] Tout cela est parfait en théorie ; mais voilà que les conditions matérielles du théâtre jouent un tour à la théorie et ne s’accordent ni avec les épanchements lyriques ni avec les développements épiques. […] Serait-ce déjà la pure harmonie, l’équilibre parfait que rêvent les utopistes ?
Les quatre stances où il a paraphrasé une partie du psaume cxlv sont parfaites : N’espérons plus, mon âme, aux promesses du monde ; Sa lumière est un verre, et sa faveur une onde Que toujours quelque vent empêche de calmer. […] En tout, Malherbe, même dans sa maigreur et son peu d’étoffe, est toujours digne et a des moments d’une élégance parfaite et ravissante.
Je dirai donc aussi qu’en maint cas Gibbon ne produit point la parfaite lumière : il s’arrête en deçà du sommet où peut-être elle brille. […] Alors seulement la réunion est parfaite, les goûts se communiquent, les sentiments se répondent, les idées deviennent communes, les facultés intellectuelles se modèlent mutuellement ; toute la vie est double, et toute la vie est une prolongation de la jeunesse.
Que sera-ce donc quand elle sera chez elle, dans sa fondation propre, dans sa ruche de prédilection, avec toute sa joie et son orgueil de reine abeille et de mère, ayant une fois réussi à produire le parfait idéal qui était en elle ? […] C’est de la diction de Racine en prose, du Massillon plus court et plus sobre, toute une école pure, nette, parfaite, dont était le duc du Maine ; une jolie source, plus vive du côté des femmes, bien que peu fertile.
Mais, avec le temps, et en perdant soi-même de sa roideur et de sa morgue juvénile, on a rendu plus de justice à ce naturel parfait, à cette langue qui ne demande qu’à être l’organe rapide du plus agréable bon sens, qui l’est si souvent chez lui, et à laquelle, après tous les essors aventureux et les fatigues de style, on est heureux de se retremper et de se rafraîchir comme à la source maternelle. […] Mais Voltaire, en étant le dieu d’un tel monde et se modérant assez pour s’en contenter, se condamnant à mener cette vie de parfait galant homme, n’eût rien été qu’un Voiture accompli et un Hamilton supérieur : et il avait en lui une autre étoffe, bien d’autres facultés qui étaient à la fois son honneur et son danger.
Il y a surtout quatre aunes de tapisserie, provenant de l’ameublement de Germigny, qu’il a sur le cœur et qu’il réclame à outrance : On voit par là que l’abbé Bossuet n’a pas seulement eu la pensée de me faire présent de ces quatre aunes de tapisserie, tant pour rendre ma tenture parfaite que pour me restituer l’aunage qui me manque, à moi qui travaille pour lui actuellement en chose si importante et si nécessaire (les Méditations sur les Évangiles). […] il faut à présent faire bien aller la cuisine et tout assaisonner de bon vin. » Il dit une messe en sortant d’une indisposition, et remarque que l’appétit lui est revenu. — Rien n’est parfait en ce monde ; Le Dieu commence à souffrir d’une tumeur au pied gauche ; puis son pied droit s’enfle.
Mais ce qu’il a et ce qui rachète bien des défauts, c’est (je ne parle que du présent volume et du journal) une certaine richesse de vues, la présence et la suggestion de plusieurs solutions possibles à la fois, la plénitude du problème bien posé et considéré sans cesse, la sincérité parfaite, l’honnêteté, la bonté, la profondeur à force de candeur, un sentiment moral qui anime et personnifie ses recherches, qui les rend touchantes, et qui y donne (avec plus de douceur et d’affection) quelque chose de l’intérêt qu’auront éternellement les angoisses et les fluctuations orageuses de Pascal à la poursuite du bonheur. […] Maine de Biran veut encore davantage, il aspire à dire avec le chrétien parfait : « Douleur, tu es mon bien » — « Car, remarque-t-il délicatement, c’est le trouble et non la souffrance qui nuit à l’âme. » Tout cela ne se passe pas en un jour chez Maine de Biran, mais dure des années.
Mon désir serait de le faire dans un parfait esprit d’impartialité ; car cette impartialité, cette neutralité même que M. de Pontmartin m’a si souvent reprochée, devient, je l’avoue, un de mes derniers plaisirs intellectuels. […] Jusqu’ici, j’en conviens, la nouvelle est parfaite ; elle se gâte à partir de ce moment, et elle se gâte par suite d’un parti pris et sous l’empire d’une fausse idée morale.
Puis il compare cette maladresse (c’est son mot) à celle que commit Gil Blas en avertissant le vieil archevêque que ses homélies baissaient, et il prête dès lors à Mme de Boufflers un second motif de ressentiment à son égard : « J’avais auprès d’elle, dit-il, des torts que jamais les femmes ni les auteurs ne pardonnent. » Tout cela était chimérique ; les lettres de Mme de Boufflers, à lui adressées durant ce temps, et tous ses procédés alors et depuis, sont d’une parfaite et généreuse amie. […] Mais, ne pouvant égaler le vainqueur de Darius, Diogène voulut au moins le braver du fond de son tonneau… » L’explication toute médicale, qu’on a eue depuis, des travers et de la manie de Rousseau, Mme Riccoboni ne l’avait pas encore ; mais, pour tout le reste, l’ensemble de ce jugement est parfait.
Reçue et traitée par les Anglais avec cette parfaite convenance et ce médiocre enthousiasme, Mme d’Albany le leur rendait par une observation également modérée et raisonnable. […] Elle s’occupait de sa correspondance très étendue et la tenait dans un ordre parfait.
Les lettres de Montaigne, à lui adressées, font foi d’un parfait concert entre eux. […] J’entre autant que personne dans l’esprit de ces raisons, et je reconnais même dans cette conduite le véritable Montaigne tel que je me le suis toujours représenté, avec toutes ses qualités de bon esprit, de modération, de prudence, de philosophie et de parfaite sagesse ; à quoi il ne manque que ce qui n’est plus en effet de la philosophie et de la sagesse, ce qui est de la sainte folie, de la flamme et du dévouement.
Il y devint aussi l’écrivain pittoresque, le paysagiste littéraire, parfait et accompli du premier coup, dont les pages, publiées d’abord dans la Revue de Paris 25, puis dans la Revue des Deux Mondes 26, ont charmé tous les lecteurs. […] Non, sans doute ; mais si l’on ne peut restituer la vérité et la couleur locale, parce qu’on n’est pas en présence du pur costume hébreu et qu’on peut toujours révoquer en doute la parfaite similitude du costume arabe moderne avec celui des patriarches, est-ce une raison pour trouver que Raphaël et Poussin aient fait pour le mieux, et que moins ils ont été fidèles en cela à la réalité, plus ils ont agi selon l’art ?
Les ambassadeurs suisses firent alors un dernier et suprême effort de médiation ; dans une lettre des plus pressantes qui fut lue en chaire par toutes les paroisses vaudoises, ils disaient81 : « Nous avons vu que vous avez beaucoup de peine à vous résoudre de quitter votre patrie, qui vous est d’autant plus chère que vos ancêtres l’ont possédée par plusieurs siècles et défendue valeureusement avec la perte de leur sang ; que vous vous confiez que Dieu, qui les a soutenus plusieurs fois, vous assistera aussi et que vous appréhendez même qu’une déclaration pour la sortie ne soit qu’un piège pour vous surprendre et accabler : nous vous dirons pour réponse que nous convenons avec vous que la loi qui oblige à quitter une chère patrie est fort dure ; vous avouerez que celle qui oblige à quitter l’Éternel et son culte est encore plus rude, et que de pouvoir faire le choix de l’un avec l’autre est un bonheur qui, en France, est refusé à des personnes de haute naissance et d’un éminent mérite, et qui s’estimeraient heureuses si elles pouvaient préférer une retraite à l’idolâtrie. » Quelle tache et quelle honte pour la France de Louis le Grand qu’une atroce injustice comme celle-ci trouve presque à se glorifier et à s’absoudre par l’exemple d’une injustice plus abominable encore, dont elle offrait alors au monde l’odieux et parfait modèle ! […] Il s’y montra des plus désintéressés et parfait gouverneur comme à Casal.
Elle écrivait d’Ormesson, le 7 juillet 1703, à Mme de Grignan ; — elle vient de parler de MM. de Boufflers et de Villars : « Mais, madame, je m’amuse à vous parler des maréchaux de France employés, et je ne vous dis rien de celui [Catinat] dont le loisir et la sagesse sont au-dessus de tout ce que l’on en peut dire ; il me paraît avoir bien de l’esprit, une modestie charmante ; il ne me parle jamais de lui, et c’est par là qu’il me fait souvenir du maréchal de Choiseul ; tout cela me fait trouver bien partagée à Ormesson : c’est un parfait philosophe, et philosophe chrétien ; enfin, si j’avais eu un voisin à choisir, ne pouvant m’approcher de Grignon, j’aurais choisi celui-là… » De son côté, Fénelon, en décembre 1708, énumérant toutes les qualités nécessaires à un général qui eût commandé une armée sous le duc de Bourgogne et qui, en même temps, lui eût servi de mentor, écrivait au duc de Chevreuse : « Il faudrait qu’au lieu de M. de Vendôme, qui n’est capable que de le déshonorer et de hasarder la France, on lui donnât un homme sage et ferme, qui commandât sous lui, qui méritât sa confiance, qui le soulageât, qui l’instruisît, qui lui fît honneur de tout ce qui réussirait, qui ne rejetât jamais sur lui aucun fâcheux événement, et qui rétablît la réputation de nos armes. […] Toutes les fois qu’une vertu morale éclate dans les camps, un désintéressement parfait, une abnégation simple — et, par exemple, ce qu’on a vu de nos jours, un général en chef remplacé et servant avec dévouement, avec joie, sous son successeur ; — toutes les fois que le guerrier, heureux ou malheureux, pensera plus à son pays qu’à lui-même et qu’il s’oubliera en servant, on dit et l’on dira par une appellation bien méritée et toute française : C’est du Catinat 86.
Mais c’est qu’à tout prix et à toute force il faut nourrir cette vie secrète d’amour-propre qui languit dans l’obscurité et expire faute de pâture dans le vide du parfait anéantissement. […] Je sais bien que c’est là de la philosophie humaine, mais tout n’est pas erreur dans la sagesse de l’homme, comme tout n’est pas folie dans sa raison… « Il semble que le jour ne se lève que pour me convaincre de plus en plus de ma parfaite ineptie.
Ils n’ont pas tant de troupes à aventurer sur le continent. » — Jomini prit la liberté de répliquer que « s’il était puéril de croire toujours à des combinaisons parfaites de la part de ses adversaires, il serait dangereux de croire toujours à leur incapacité ; que Wellesley (Wellington), au milieu du pays soulevé pour lui et appuyé de 80 à 400,000 Espagnols, ayant sa retraite dans tous les ports de l’Espagne sur les quatre points cardinaux, pouvait sans danger entreprendre une opération qui déciderait du sort de l’Espagne. » — L’Empereur coupa court à la discussion en disant : « Le mal est fait ; la suite apprendra s’il doit en résulter un bien. » Jomini en vint ensuite à la partie délicate des griefs de Ney, qui résistait à être mis sous les ordres de Soult, quoique celui-ci fût son ancien. […] Le lendemain nous fûmes assez tranquilles, et n’entendîmes que les coups de fusil qu’on tirait par intervalle aux Cosaques ; accoutumés à voir ceux-ci s’avancer et fuir aussitôt qu’ils apercevaient des soldats armés, leur présence ne nous donnait plus d’inquiétudes : ainsi, ou goûtait dans le calme le plus parfait les douceurs d’un jour de repos ; et quelques provisions que le général Jomini avait réservées pour le passage de l’armée nous furent d’autant plus agréables, que depuis Smolensk nous n’avions reçu aucune distribution… »
Bien des talents d’une moindre étendue sont plus sphériques en quelque sorte, et, suivant moi, plus parfaits que le sien. […] Le procédé d’exécution répond tout à fait à ce qu’on peut attendre : une simplicité parfaite, une force continue ; point de pomposo ni de bavardage ; point de réflexions ni de digressions ; quelque chose de droit qui va au but, qui ne se détourne ni d’un côté ni de l’autre, et pousse devant, en marquant chaque pas, comme un bélier sombre ; point de vapeurs à l’horizon ni de demi-teintes, mais des lignes nettes, des couleurs fortes dans leur sobriété, des ciels un peu crus, des tons graves et bruns ; chaque circonstance essentielle décrite, chaque réalité serrée de près et rendue avec une exactitude sévère ; chaque personnage conséquent à lui-même de tout point ; vrai de geste, de costume, de visage ; concentré et viril dans sa passion, même les femmes ; et derrière ces personnages et ces scènes, l’auteur qui s’efface, qu’on n’entend ni ne voit, dont la sympathie ni l’amour n’éclatent jamais dans le cours du récit par quelque cri irrésistible, et qui n’intervient au plus que tout à la fin, sous un faux air d’insouciance et avec un demi-sourire d’ironie.
Quintilien avait déjà remarqué que cette sobriété d’expression est le propre des littératures parfaites. […] Voilà la grande phrase oratoire, la période parfaite, et son cortège de propositions incidentes, enfermées les unes dans les autres, dont toutes les parties se tiennent comme les membres d’un corps vivant, et qui se porte d’un seul mouvement avec toute cette masse pour frapper un coup décisif.
Mais leurs recherches, je le répète, ne sauraient avoir leur but en elles-mêmes ; car elles ne servent pas à rendre l’auteur plus parfait, elles n’ont de valeur que du moment où elles sont introduites dans la grande circulation. […] Car la science parfaite du tout ne sera possible que par l’exploration patiente et analytique des parties.
Il ne faut pas être trop parfait. […] Ce brave homme ne savait pas un mot des systèmes de son hôte ; il n’avait vu en lui qu’un homme bien tranquille, un parfait locataire.
Nous appliquons bien le nombre, à l’occasion, à des unités inégales, comme les animaux qui composent une ferme ; mais tout calcul suppose l’égalité parfaite des unités, et n’arrive à des résultats exacts qu’en vertu de cette hypothèse : les premières idées de nombre sont donc dérivées de grandeurs égales ou semblables, considérées surtout dans les objets inorganiques ; et par suite la géométrie et l’arithmétique ont une origine simultanée. […] En somme, toute connaissance, scientifique ou vulgaire, suppose une perception de ressemblances qui peuvent varier depuis la plus vague analogie jusqu’à l’égalité parfaite, laquelle seule constitue la science quantitative ; l’égalité étant donnée et vérifiée par une juxtaposition empirique.
Mais cet homme habile, en voulant se tourner du côté du soleil levant, ne sut pas s’orienter avec une parfaite justesse : il avait fait de longue main sa cour à la maîtresse du prince, la croyant destinée à l’influence, et il avait négligé la femme légitime, la future reine, qui pourtant eut seule le crédit réel. […] Il écrivait à ce fils en toute sincérité : « Du premier jour de votre vie, l’objet le plus cher de la mienne a été de vous rendre aussi parfait que la faiblesse de la nature humaine le comporte. » C’est vers l’éducation de ce fils que s’étaient tournés tous ses vœux, toutes ses prédilections affectueuses et mondaines, et, vice-roi d’Irlande ou secrétaire d’État à Londres, il trouvait le temps de lui écrire de longues lettres détaillées pour le diriger dans les moindres démarches, pour le perfectionner dans le sérieux et dans le poli.
Le volume qui contient ses notices biographiques et littéraires renferme peut-être ce qu’il a écrit de plus vraiment distingué et de plus parfait. […] Bien différent de l’historien moraliste Lemontey, avec qui il n’était pas sans quelque rapport, mais qui resta toujours académique dans le mauvais sens et précieux, son propre style, à lui, s’était simplifié ; les derniers écrits sortis de sa plume sont aussi ce qu’il a produit de mieux et de plus parfait : il était arrivé à l’excellent.
Il y en avait toujours dans ses récits : « ce qu’on appelle des contes dans la bouche des autres était dans la sienne des scènes parfaites », auxquelles, pour la ressemblance des caractères et pour le tour, il ne manquait rien. […] Elles sont d’une parfaite sincérité, et la nature humaine ne s’y déguise et ne s’y guinde en rien : on lui voudrait par moments quelques efforts de plus pour se tenir au-dessus d’elle-même.
Mais enfin l’ancienne société, ayant vécu de la sorte, ne pouvait avoir droit à tous les bénéfices, ni ajouter, à l’excès des prodigalités et des jouissances passées, la considération finale qu’elle ne devrait qu’à la parfaite discrétion et au silence. […] Mme de Lauzun est appelée par Besenval, c’est-à-dire par l’homme qui flatte le moins les femmes de son temps, « un chef-d’œuvre d’éducation, et la femme la plus parfaite qu’il ait connue ».
Louis XIV, religieux comme il est, croit qu’il est des lumières qui se proportionnent aux situations, et particulièrement à celle de roi : « Dieu qui vous a fait roi vous donnera les lumières qui vous sont nécessaires, tant que vous aurez de bonnes intentions. » Il croit qu’un souverain voit naturellement les objets qui se présentent, d’une manière plus parfaite que le commun des hommes. […] Tout s’y déroule avec calme et suite dans une netteté parfaite, et qui répond tout à fait à ce que les contemporains (Mme de Caylus, Mme de Motteville, Saint-Simon) nous ont dit de cette propriété unique et de cette noblesse aisée des paroles du roi : « ses discours les plus communs n’étaient jamais dépourvus d’une naturelle et sensible majesté 57 ».
Mais, si vous ne voulez point adoucir la rigueur de mes travaux, cachez le travail même : faites qu’on soit instruit et que je n’enseigne pas ; que je réfléchisse, et que je paraisse sentir ; et, lorsque j’annoncerai des choses nouvelles, faites qu’on croie que je ne savais rien, et que vous m’avez tout dit… Toute cette Invocation est pleine de beauté, et le sentiment de jouissance de la raison, qui y est définie « le plus parfait, le plus noble et le plus exquis de nos sens », y est élevé jusqu’à la poésie. […] » Partout, à ces beaux endroits si souvent cités, on sent l’homme qui désire la liberté véritable, la véritable vertu du citoyen, toutes choses dont il n’avait vu nulle part l’image parfaite chez les modernes, et dont il achevait de se former l’idée dans l’étude du cabinet et devant les bustes des anciens.