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639. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Thiers, en possession de pièces confidentielles dont nul autre que lui n’avait eu jusqu’ici connaissance, et y appliquant sa merveilleuse faculté d’éclaircissement, s’est attaché à fixer avec la dernière précision l’instant où ce projet d’usurpation fatale entra dans la tête de Napoléon et y prit le caractère d’une résolution arrêtée ; car pour l’idée vague, elle avait dû lui traverser depuis longtemps la pensée. […] Napoléon lui-même ne s’était guère donné le loisir de bien comprendre cette nature universelle de Goethe ; il voyait toujours en lui l’auteur de Werther, c’est-à-dire ce que Goethe avait été à un instant de sa jeunesse et ce qu’il n’était plus.

640. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Il y a des noms qui vivent et dont on peut parler à chaque instant comme d’une chose présente. […] Ravenel, et en me souvenant du drame intéressant qu’on applaudit encore, il me sera donc permis de m’arrêter un instant sur ce sujet d’Adrienne Le Couvreur comme pour un à-propos.

641. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

L’élève de Mme de Tencin, l’amie de Fontenelle, reparaît jusque dans l’instant où elle se livre à son penchant de cœur ; elle s’y livre, mais sans abandon encore et en concertant toute chose. […] Est-ce donc bien prendre son temps pour les mépriser que de choisir précisément l’instant où on les élève, où on les attendrit et où on les rend meilleurs ?

642. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

« J’examinais, moi, tous les personnages, des yeux et des oreilles », nous avoue-t-il à chaque instant. […] Mais il faut en toute matière, quand on a peu d’instants, aller au principal et au sérieux.

643. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

On lui donna la coupe ; il la porta à miss Marianne en y mettant un petit billet tout préparé à l’avance, qui disait : « Sir Marmaduke étant arrivé un instant trop tard, permettez-moi de suivre ses intentions et de mettre la coupe à vos pieds. » Miss Marianne reconnaissait l’écriture de Lauzun et disait : « Il est charmant !  […] Deux réflexions me retinrent : je n’ai jamais voulu devoir une femme à un instant dont elle peut se repentir, et je n’eusse pu supporter l’idée que Mme Czartoryska se crût sacrifiée à l’ambition. » Quoi qu’il en soit de cette réserve dont il se donne avantageusement tout l’honneur, Lauzun continua, durant dix-huit mois ou deux années environ (1775-1777), de courir les chances de la faveur la plus périlleuse et la plus enviée.

644. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Quelqu’un entre en cet instant : « c’est Annette, sa voisine ; au premier coup d’œil on voit bien que dans le cœur celle-là a des chagrins aussi : un moment après, on devine que le mal dans son cœur glisse et ne prend pas racine ». […] On était au dessert, il n’y avait pas un instant à perdre, et les deux cent cinquante convives allaient échapper.

645. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Long, maigre, décharné même, il a le front sévère et beau, l’arc et la voûte du sourcil faits pour être le siège d’une pensée, le nez long, fin et mince, la lèvre mince également, et qui semble n’attendre que l’instant de décocher le trait cruel. […] Il respire dans cette pièce un profond sentiment de la justice que la postérité accorde aux œuvres durables et aux monuments élevés avec lenteur : Flatté de plaire aux goûts volages, L’Esprit est le dieu des instants.

646. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

La femme de chambre (car ici Mme de Motteville l’est bien un peu) nous montre avec admiration et avec amour sa royale maîtresse depuis l’instant où elle s’éveille, depuis celui où elle se lève et où on lui présente la chemise, jusqu’à son souper et à son coucher : Après avoir mis son corps de jupe avec un peignoir, elle entendait la messe fort dévotement ; et, cette sainte action finie, elle venait à sa toilette. […] Dans quelques endroits même on trouverait quelque luxe d’images, de fleurs de roses et d’épines, quelque trace du mauvais goût de Louis XIII ; mais ce ne sont que des instants, et le bon sens chez elle règle d’ordinaire le langage comme le jugement et la pensée.

647. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Ce discours nous livre à nu Louis XIV jeune, dans son premier appareil d’ambition : « Il me semble, dit-il, qu’on m’ôte de ma gloire quand on en peut avoir sans moi. » Ce mot de gloire revient à chaque instant dans sa bouche, et il finit lui-même par s’en apercevoir : « Mais il me siérait mal de parler plus longtemps de ma gloire devant ceux qui en sont témoins. » Dans cette exaltation et ce commencement d’apothéose où on le surprend, on le trouve pourtant meilleur et valant mieux que plus tard : il a quelques mots de sympathie pour les amis, pour les serviteurs qui s’exposent et se dévouent sous ses yeux : « Il n’y a point de roi, dit-il, pour peu qu’il ait le cœur bien fait, qui voie tant de braves gens faire litière de leur vie pour son service, et qui puisse demeurer les bras croisés. » C’est pourquoi il s’est décidé à sortir de la tranchée et à rester exposé au feu à découvert : dans une occasion surtout, dit-il, « où toutes les apparences sont que l’on verra quelque belle action, et où ma présence fait tout, j’ai cru que je devais faire voir en plein jour quelque chose de plus qu’une vaillance enterrée ». […] Si l’on suppose un instant Fouquet restant au pouvoir et s’y établissant, et Louis XIV le laissant faire, on peut très bien distinguer les éléments et l’esprit de la littérature qui aurait prévalu : ç’aurait été une littérature plus libre en tous sens que sous Louis XIV, et le xviiie  siècle eût été en partie devancé.

648. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Il connaissait à fond cette âme malade, jointe à un si prestigieux talent ; il redressait à chaque instant les fausses vues indulgentes où retombait sa gracieuse et trop prompte amie : « Je suis persuadée, disait de Rousseau Mme d’Épinay, qu’il n’y a que façon de prendre cet homme pour le rendre heureux : c’est de feindre de ne pas prendre garde à lui, et de s’en occuper sans cesse. » Grimm se mettait à rire et lui disait : « Que vous connaissez mal votre Rousseau ! […] En qualité de solitaire, nous confesse Rousseau, je suis plus sensible qu’un autre ; si j’ai quelque tort avec un ami qui vive dans le monde, il y songe un moment, et mille distractions le lui font oublier le reste de la journée ; mais rien ne me distrait sur les siens ; privé du sommeil, je m’en occupe durant la nuit entière ; seul à la promenade, je m’en occupe depuis que le soleil se lève jusqu’à ce qu’il se couche : mon cœur n’a pas un instant de relâche, et les duretés d’un ami me donnent dans un seul jour des années de douleurs.

649. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

En philosophie, il le traite avec le dédain d’un homme qui n’en est pas resté aux demi-partis et dont l’incrédulité, du moins, n’est point inconséquente : Voltaire, au contraire, s’arrête à mi-chemin et, en continuant de mal faire, s’effraye par moment de sa propre audace : « Il raisonne là-dessus, dit Grimm, comme un enfant, mais comme un joli enfant qu’il est. » À partir de Tancrède, tout ce que Voltaire produit pour le théâtre lui paraît marqué du signe de la vieillesse ; mais, à sa mort, il se reprend à l’envisager dans son ensemble, et avec l’admiration qu’une telle carrière inspire ; il exprime très bien le sentiment de la décadence littéraire que, selon lui, Voltaire retardait, et qui va précipiter son cours : « Depuis la mort de Voltaire, un vaste silence règne dans ces contrées, et nous rappelle à chaque instant nos pertes et notre pauvreté. » Il écrivait cela à Frédéric (janvier 1784). […] Dans tous les temps, les hommes ont préféré l’instant pendant lequel ils vivaient, à cette immense durée qui avait précédé leur existence.

650. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Écrivain, il se recommande encore aujourd’hui par de véritables mérites : ses quatre volumes de Souvenirs sont d’une très agréable et instructive lecture ; ses tragédies, pour être appréciées, ont besoin de se revoir en idée et de se replacer à leur moment ; mais ses fables, ses apologues, plaisent et parlent toujours ; un matin, dans un instant d’émotion vraie et sous un rayon rapide, il a trouvé quelques-uns de ces vers légers, immortels, qui se sont mis à voler par le monde comme l’abeille d’Horace et qui ne mourront plus : c’est assez pour que, nous qui aimons à rechercher dans le passé tout ce qui a un cachet distinct et ce qui porte la marque d’une époque, nous revenions un instant sur lui et sur sa mémoire.

651. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Il y à eu, dans ces dernières années, un instant où l’impassibilité était recommandée aux poëtes comme condition de divinité. […] Il fait à chaque instant fonction de philosophe.

652. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

A ces instants-là, j’ai tout un orchestre en moi. […] Pour définir sa méthode et son état d’esprit, son culte ou sa culture du moi, il trouve une quantité d’expressions pleines d’esprit : « Réjouissez-vous, écrit-il à ses parents, mais non d’une joie de primitif, à la façon des Boches, d’une joie critique. » Un autre jour, voulant indiquer la monotonie des journées et des heures et son repos quasi-monastique d’esprit, il écrit : « Je jouis du sentiment de la continuité. » Et encore : « J’étais fait pour cette vie aventureuse… Je jouis de l’exercice voluptueux de ma volonté. »‌ Son refrain dans cette dure vie ne varie pas un instant.

653. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Solidarité inter-nationale ne signifie pas alliance, fusion, ni même — pour l’instant — fédération, mais uniquement, lien entre les parties correspondantes de chacun des corps sociaux, liens d’individus ou de groupes, politiquement étrangers, mais humainement solidaires, par le fait même de leur existence, de leurs désirs, de leurs actions, de leur idéal, de leurs besoins ou de leur nature, conservant non seulement leur personnalité, mais celle du groupe social auquel ils appartiennent, et en plus vivant de cette part de la vie générale de l’humanité qui les affecte plus spécialement. Ce n’est pas une alliance universelle par voie diplomatique que je préconise, — car y songer même un instant serait absurde à force d’irréalité — mais une entente par voie cordiale entre les éléments homogènes épars dans le monde, en dehors de toute participation gouvernementale.

654. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Il est donc loisible de le considérer un instant à l’état isolé, en une sorte de monographie des termes médicaux utilisés par les écrivains précédents.

655. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Personne ne sait à l’avance, combien peut être longue l’histoire de chaque journée, si l’on observe la variété des impressions qu’elle produit, et dans ce qu’on appelle avec raison, le ménage, il se rencontre à chaque instant de certaines difficultés qui peuvent détruire pour jamais ce qu’il y avait d’exalté dans le sentiment ; c’est donc de tous les liens celui où il est le moins probable d’obtenir le bonheur romanesque du cœur, il faut pour maintenir la paix dans cette relation une sorte d’empire sur soi-même, de force, de sacrifice, qui rapproche beaucoup plus cette existence des plaisirs de la vertu, que des jouissances de la passion.

656. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

À chaque instant Shakspeare fait de la rhétorique, c’est qu’il avait besoin de faire comprendre telle situation de son drame, à un public grossier et qui avait plus de courage que de finesse.

657. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre premier. Des signes en général et de la substitution » pp. 25-32

Des associations de ce genre se rencontrent à chaque instant. — On lève la nuit les yeux vers le ciel étoilé, et l’on se dit que chacune de ces pointes brillantes est une masse monstrueuse semblable à notre soleil. — On marche dans les champs vers le soir en automne, on remarque des fumées bleues qui montent tranquillement dans les lointains, et à l’instant on imagine sous chacune d’elles le feu lent que les paysans ont allumé pour brûler les herbes sèches. — On ouvre un cahier de musique, et, pendant que le regard suit les ronds blancs ou noirs dont la portée est semée, l’ouïe écoute intérieurement le chant dont ils sont la marque. — Un cri aigu d’un certain timbre part d’une chambre voisine, et l’on se figure un visage d’enfant qui pleure parce que sans doute il s’est fait mal. — La plupart de nos jugements ordinaires se composent de liaisons semblables.

658. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Ils l’ont aussi jugé sur des causeries improvisées à des banquets, sub rosâ, et où ce sage pliait par instants sa sagesse à une extrême indulgence pour les faiblesses ou la frivolité des personnes qui l’entendaient.

659. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Tolérance »

Les croyants disent : « Il faut avoir été bon pour être heureux dans l’autre monde ; donc, soyons bons. » Et les incroyants : « Puisque nous ne savons rien, puisque nous n’avons rien à attendre ni à espérer, puisque nous n’apparaissons un instant sur la surface d’une des plus petites planètes du système solaire que pour rentrer aussitôt dans l’éternelle nuit, arrangeons-nous pour que ce passage ne nous soit pas trop douloureux, ou pour qu’il ne le soit qu’au plus petit nombre possible d’entre nous.

660. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Évidemment, il assigne à la poésie le rôle d’une musique spéciale, et la veut consacrée à l’expression d’états de l’âme spéciaux : de ces larges et troubles coulées d’images, par instants envahissant l’esprit, incapables d’être notées dans une prose, et constituant, pour la psychologie, l’essence même des émotions… La forme musicale de M. 

661. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

Lui, n’eut même pas, comme l’explorateur, l’action pour s’éblouir et se croire, un instant, près de vaincre.

662. (1890) L’avenir de la science « XIV »

Quiconque a pu arrêter un instant sa pensée sur l’espoir de devenir riche, quiconque a considéré les besoins extérieurs autrement que comme une chaîne lourde et fatale, à laquelle il faut malheureusement se résigner, ne mérite pas le nom de philosophe.

663. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

Pénétrer dans les Hopitaux, percer les cachots les plus obscurs, monter jusque sur les échafauds, tel est l’exercice journalier de son zele : tel est le spectacle qu’elle offre à l’impie qui la déchire, & ne fait pas attention qu’il se raviroit à lui-même le bien qui à chaque instant devient son appui, si ses coupables efforts venoient à bout de la détruire.

664. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre IV. Personnages des fables. »

Elle ne peut retarder d’un instant l’heure de la bombance et se met l’imagination à la torture pour hâter le départ du lièvre, son guide, vers le lieu du festin.

665. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

On ne risque guère davantage d’y mettre le pire : il a ses partisans. » Evidemment, c’est une boutade et La Bruyère savait à quoi s’en tenir, autant que Pascal, qui, « réglant sa montre » et se « moquant de ceux qui demandent l’heure », parle à chaque instant de « ceux qui s’y connaissent et qui ont le bon goût ».‌

666. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XV »

Depuis longtemps, il avait prévu qu’un instant viendrait le mettre aux prises avec cet amour de femme ; qu’il faudrait défendre sa liberté contre les exigences d’une passion romanesque, et il s’encourageait d’avance à combattre de telles prétentions.

667. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Après quelques instants, on démêlait très vite que ces yeux gris, remarquables de douceur, de lumière et de profondeur, étaient inégaux et voyaient un peu de travers ; exactement, M. 

668. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

Mais une intelligence tendue vers l’action qui s’accomplira et vers la réaction qui s’ensuivra, palpant son objet pour en recevoir à chaque instant l’impression mobile, est une intelligence qui touche quelque chose de l’absolu.

669. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

J’ai donné à mes enfants une mère qui a mis du courage dans leur sein… Mes derniers instants approchent.

670. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Ces luttes, qui ne se révèlent au dehors qu’accidentellement sont de tous les instants, et pour dangereuses qu’elles soient, elles sont indispensables à la marche des affaires. […] L’idée de justice n’arrive pas à se dégager, elle est méconnue et faussée à chaque instant. […] Et, si chacun ne peut à chaque instant les remettre en question, c’est sans doute une des raisons qui excusent l’existence des philosophes, que le soin qu’ils prennent de les critiquer.

671. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Bacchus, s’il s’en absentait un instant pour venir visiter ses premiers fidèles, devait éprouver le sentiment du pâtre arabe devenu vizir, lorsque, vêtu d’un caftan de soie et l’aigrette au front, il ouvrait la cassette où il avait renfermé son savon de poil et son chalumeau. […] L’érudition a cru, par instants, reconnaître, entre Bacchus et Rama, une parenté mystérieuse : mêmes victoires bienfaitrices, mêmes largesses faites aux hommes. […] Chaque année, au solstice d’hiver, les prêtres offraient un sacrifice secret à Bacchus-Zagreus mort, tandis qu’au même instant les Thyades en course sur le Parnasse réveillaient, à grands cris, Bacchus Lichnités, le dieu nouveau-né, porté et bercé sur le van sacré.

672. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Le temps est loin où l’on pouvait dire avec justice : « La critique souvent n’est pas une science, c’est un métier, où il faut plus de santé que d’esprit, plus de travail que de capacité, plus d’habitude que de génie2. » De nos jours elle est devenue non pas une science sans doute3, mais un art tour à tour savant et ingénieux, qui tantôt déroule avec une grandeur imposante les annales de la pensée d’un peuple, tantôt dessine avec finesse le portrait et le caractère d’un homme ; ici, dans une causerie facile, nous fait confidence de toutes ses émotions, et se raconte lui-même avec un charmant égoïsme ; là, dans une brillante improvisation, retrouve en quelque sorte l’image de l’éloquence antique, et tient suspendu à ses lèvres un jeune auditoire charmé de voir la pensée éclore à chaque instant sous ses yeux. […] La critique trouva son enthousiasme dans sa science, et le lecteur ravi à lui-même revécut la vie des aïeux et fut pour un instant contemporain des anciens jours. […] Par une érudition puissante elle m’environne pour un instant des croyances, des mœurs, des circonstances sociales et politiques où vivaient les admirateurs du poète qu’elle rend à la lumière.

673. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

si vous vous le rappelez, ces antinomies firent croire un instant que Proudhon descendait en droite ligne de Hégel ; mais c’était là une illusion. […] Il rit même de la terreur qu’il leur inspire, et jouit comme d’une chose très comique d’être le Croquemitaine de son époque ; car il l’a été un instant, lui qui, malgré sa haine de Dieu et de la propriété, se sent, au fond, un si bon homme, et chanterait à, pleine voix, s’il pouvait chanter : Tenez ! […] Fils de Rousseau, il étrangle à chaque instant les doctrines de son père.

674. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Ariane abandonnée par Thésée, dans Catulle, ne peut pas soutenir un instant le parallèle avec Didon abandonnée par Énée, dans Virgile. […] Et ce n’est, dit-on, qu’un premier acte ; et pour comble de bouleversement, une insurrection formidable, qui elle non plus n’a pas jeté sa dernière flamme et d’un instant à l’autre peut rallumer l’incendie sur quelque point de l’Europe, vient de déshonorer les nobles mots de fraternité des peuples en les inscrivant sur son drapeau. […] Non pour dicter des vers qui vibrent un instant : Laisse là le chanteur et vole au combattant ! […] Ce n’est pas Michelet, à coup sûr ; il a la divination du génie, le regard sublime et perçant de l’aigle ; d’instant en instant, il lance de ces mots qui sont comme des éclairs illuminant toute une époque d’une clarté plus vive, plus intense, que des pages entières ou même des volumes d’un écrivain plus sage et plus froid : mais combien d’extravagances, combien de pauvretés sont la rançon de cette faculté merveilleuse ! […] Je ne sais quelles idées vagues et sublimes et infinies me passent au travers de la tête à chaque instant, le soir surtout, quand je suis comme à présent enfermé dans ma cellule et que je n’entends d’autre bruit que la pluie et les vents… Mon cœur bondit dans ma poitrine, je le sens, jel’entends.

675. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Mais s’en doute-t-on un instant, que cela soit horrible ? […] Rodrigue et Chimène sont généreux et charmants ; mais ils ne perdent pas un instant la tête. […] Pourquoi l’Amour est-il obligé de quitter Psyché dès l’instant où elle sait qu’il est l’Amour ? […] Sur quoi ce père, abîmé de désespoir, se met à argumenter comme un clerc en Sorbonne : « Un instant ! […] Pour l’instant, nul ne songe à résister à la Belle Hélène.

676. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

C’est par l’imagination que l’esprit échappe par instants à la réalité si souvent odieuse, et que tout ce que l’espèce humaine a conquis de beau et de consolant lui est venu. […] Et si je pouvais les oublier un instant, je les retrouverais tout de suite en moi ! […] Il se coucha un instant, se releva, et repartit de lui-même, en tirant sur le bridon, comme pour faire entendre à son maître que cette promenade lui plaisait et qu’il voulait aller plus loin. […] Et au même instant il sentit un poids au bout du bridon qu’il tenait négligemment ; il se retourna : Dallas venait de s’abattre. […] Malgré lui, le prêtre est ému de pitié un instant.

677. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

qui un instant vous fait croire qu’il va découvrir la vérité et l’instant d’après vous replonge dans les ténèbres ! […] dit-il à chaque instant ; les oiseaux et les enfants ! […] Sa marche toujours accélérée le conduit d’étape en étape à cet instant suprême que les uns appellent décadence, les autres perfection. […] Qu’on appelle cet instant perfection, décadence, qu’importe ? […] Ce n’est pas encore l’instant de nier qu’il voie quelque chose.

678. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

L’esprit du spectateur achève le mouvement commencé de Socrate ; et le sujet ainsi présenté est beaucoup plus dramatique parce que la mort, au lieu d’être un fait accompli, est instante, et que l’attente tragique agit éternellement sur l’âme du spectateur. […] Le spectateur souffre de l’angoisse des derniers instants, plus terribles que la mort elle-même. […] Sur nos affiches, nous voyons à chaque instant annoncé un drame en cinq actes et douze tableaux. […] C’est après quelques instants remplis d’une ardente espérance, sous tous les regards du public et sous ceux de la reine déjà anxieuse, que paraît enfin le roi. […] Tous ceux qui ont un instant réfléchi sur les conditions de la production artistique savent que la description physiologique est ce qu’il y a au monde de plus facile et de plus banal.

679. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Puis son latin lui remonte à chaque instant. […] À chaque instant M.  […] À chaque instant M.  […] Cette tête féminine un instant entrevue le poursuit, le hante, l’obsède. […] Le jeune maître est pour l’instant dans la plénitude de son talent et de sa fortune littéraire.

680. (1891) Esquisses contemporaines

Les romans-aventure n’intéressent qu’un instant, on les ferme, on les oublie et l’on n’y revient plus ; celui-ci vous retrouve et vous hante, Si simple qu’en soit la trame, il est fort attachant et fort complexe. […] « C’est une chose horrible, disait Pascal, de sentir s’écouler tout ce que l’on a. » Or si le temps n’aboutit qu’au temps, et si nous ne sommes que dans l’instant qui s’efface, tout s’écoule avec lui et rien ne demeure de ce qui fut nous. […] S’il s’en détourne un instant, c’est pour être pris de la grande douleur que cause l’inachevé à ceux qui ont soif de repos et de perfection. […] Le monologue d’Amiel va jusqu’à ses derniers instants. […] Si j’ai quelquefois envié ce don d’éloquence, c’eût été pour fixer l’instant où, dans une soirée d’hiver, sur la terrasse d’une vieille église, je sentis entrer en moi, avec le rayon d’une étoile, le sentiment de l’amour de Dieu.

681. (1903) Le problème de l’avenir latin

La ruine de son indépendance consommée, elle ne songe pas un seul instant, — comme on avait pu s’y attendre — à se recueillir pour d’ultérieures revanches : elle sourit à son vainqueur et se témoigne heureuse. […] L’instant est tragique. […] L’instant viendra fatalement où chacun, tour à tour, cessera de compter parmi les nations modernes. […] En tous cas, cet instant viendra avec l’impitoyable exactitude des mouvements cosmiques. […] Dans un instant !

682. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Puis, beaucoup sont inconscientes : la preuve, c’est qu’il voulut publier ce Manuscrit de sa mère, où il devait pourtant savoir que ses propres Confidences étaient à chaque instant démenties ou redressées. […] L’instant est venu de réfléchir, et de faire effort. […] C’est que pas un instant nous ne voyons un troupeau, des prés, un berger, mais bien les filles de cette dame, et le roi à qui elle les recommande. […] Et, sauf erreur, c’est bien ce qu’on appelle le symbolisme, et c’est ce que Lamartine offre presque à chaque instant. […] Votre existence rajeunie À des siècles, j’eus mon instant !

683. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Et quelques instants après, c’est Chelles, qui avec toutes sortes de circonlocutions timides, me demande, si je ne crois pas, que pour bien établir la grande position d’industriel de M.  […] Moi, j’erre autour du bâtiment lumineux, éclairé a giorno, sans oser y entrer, attendant la fin du premier acte que je redoute, songeant à la princesse qui est dans l’avant-scène, et que je m’imagine insultée, engueulée, dans ces bouffées de bruit qui jaillissent, par instants, des portes et des fenêtres fermées du théâtre. […] Tout d’abord Porel me dit : « Oui, en effet, nous faisons 2 200 en moyenne… mais je suis très content, très content. » Il ajoute toutefois, au bout de quelques instants : « Seulement, si dans la semaine de Pâques, la pièce ne remonte pas, il faudra prendre un parti. » Il y a, dans le théâtre, la mauvaise humeur produite par une pièce qui ne fait pas d’argent, et tout me dit que la pièce est destinée à quitter l’affiche, après une trentaine de représentations. […] Je vais voir un moment Léonide dans sa loge, je la trouve d’une amabilité cassante, qui n’est pas celle des premiers jours, et quelques instants après elle fait une scène à la Folie du bal masqué, dont les grelots lui ont attaqué le système nerveux. […] Jeudi 17 septembre Pourquoi quelquefois, et sans qu’il ait un motif pour cela, vous réapparaît-il des événements de votre enfance, que vous voyez, un instant, comme si vous les aviez devant les yeux ?

684. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Exaltation d’un instant et d’où l’on retombe bien bas. […] A l’instant même où elle se met en face du problème des problèmes, l’intelligence se vide, pour ainsi parler. […] Depuis ce jour, je n’ai pu un instant te chasser de mes yeux ; mais toi, ô dieux, tu n’en a pas soucit. […] Qu’Adolphe obtienne sans délai l’émotion qu’il sollicite, un instant il aura « vécu ». […] Il est des instants où je me hais assez pour m’imaginer être la plus savante et la plus affreuse combinaison d’une volonté infernale !

685. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Cela ne mérite pas de retenir un instant notre attention. […] Octave Mirbeau ne s’est pas démenti un instant. […] Mais par instants, ce livre, c’est aussi du Flaubert. […] On est par instants un peu dérouté. […] A chaque instant, d’un mot ou d’une allusion, MM. 

686. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

La nuit même de sa mort, Henriette s’était couchée un instant sur des carreaux, la tête contre les genoux de son amie. […] S’il le défendait, augmenterait-il à chaque instant l’ardent amour qui me consume ? […] Un instant après, elle entonnait quelque chanson de Béranger : Mon âme, La Bonne vieille ou Le Dieu des bonnes gens. […] La plainte des bêtes devint un instant suraiguë. […] Ils ne parviennent jamais à l’unité d’un grand rôle ; emportés un instant avec bonheur, ils tombent tout à coup à plat.

687. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Selon lui l’homme l’est aussi, et chacun ne trouve sa suprême guérison, son merveilleux équilibre, que dans l’union bienheureuse, qu’à ces instants solennels où il peut goûter la douceur d’être deux, c’est-à-dire d’être soi. […] Tous n’y jouèrent qu’un rôle plus ou moins décoratif, et c’est à peine si Lamartine peut arrêter un instant notre attention. […] Les significations occultes pas plus que les symboles chrétiens ne l’ont un instant troublé. » Eh bien ! […] Leur tentative poétique, pourtant, si restreinte qu’elle fût, n’était pas sans présenter un certain intérêt, dans l’instant qu’ils s’y appliquèrent. […] Possession totale, infinie, de toutes les heures, à tous les instants, de toute la chair, de toute l’âme de sa bien-aimée, voilà ce que chante M. 

688. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

La vie semble y avoir réussi à force d’humilité, en se faisant très petite et très insinuante, biaisant avec les forces physiques et chimiques, consentant même à faire avec elles une partie du chemin, comme l’aiguille de la voie ferrée quand elle adopte pendant quelques instants la direction du rail dont elle veut se détacher. […] Les seconds, par une action discontinue, concentrée en quelques instants, consciente, vont chercher ces corps dans des organismes qui les ont déjà fixés. […] Mais que, si c’étaient des hachettes, on fût bien en présence d’une intelligence, et plus particulièrement de l’intelligence humaine, personne un seul instant n’en douta. […] Il faut donc un langage qui permette, à tout instant, de passer de ce qu’on sait à ce qu’on ignore. […] Si la première était vraie, la conscience dessinerait exactement, à chaque instant, l’état du cerveau ; le parallélisme (dans la mesure où il est intelligible) serait rigoureux entre l’état psychologique et l’état cérébral.

689. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Ces divers ouvrages, que je suis bien loin de mettre tous sur la même ligne, et dont le dernier, par exemple, est digne d’une très médiocre estime, ont cela de commun qu’ils s’appuient à chaque instant sur des pièces émanées de Bernis, et que leur texte en mainte page en est presque tout formé. […] Bernis, à part de rares instants où il eut à prendre l’initiative, dut se borner à assister l’Espagne, qui exigeait impérieusement du pape la suppression de cette société ; mais, en assistant l’ambassadeur d’Espagne, il s’efforça souvent de modérer l’âpreté de sommation de cette cour et d’écarter toute voie d’intimidation sur le pontife, au risque de se compromettre lui-même et de paraître tiède à ses alliés.

690. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

se dit-elle à chaque instant… Mais m’écarterai-je toujours ? […] Bref, Mme de Miran (c’est le nom de cette dame) s’intéresse à elle, et quand Marianne, l’instant d’après, a l’idée de s’adresser à la prieure, elle trouve déjà quelqu’un qui est tout disposé à la recommander et à l’appuyer.

691. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Par dédain pour les qualités tempérées qui suffisent aux conditions d’une société vieillie, il disait : « Mêlez un peu d’orgueil qui empêche d’oublier ce qu’on se doit, de sensibilité qui empêche d’oublier ce qu’on doit aux autres, et vous ferez de la vertu dans les temps modernes. » Mais pour les anciens, tout en sachant en quoi nous les surpassons, il les montre bien supérieurs en énergie, en déploiement de facultés de tout genre : forcés par la forme de leur gouvernement de s’occuper de la chose publique d’en remplir presque indifféremment tous les emplois de paix et de guerre, de s’y rendre propres et de s’y tenir prêts à tout instant, de parler devant des multitudes vives, spirituelles, mobiles et passionnées : Quelle devait être, dit-il, l’explosion des talents animés, stimulés par d’aussi puissants motifs ! […] Pour ce sauvage qui n’a pas l’idée de la beauté, qui ne compare pas, dont une continuelle rivalité sociale n’entretient ni n’exalte l’imagination, rien de pareil n’existe, et « l’instant rapide du plaisir, selon l’heureuse expression de M. de Meilhan, est pour lui une flèche décochée dans l’air, et qui ne laisse aucune trace ».

692. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Il dut cependant quitter Paris, et pendant quatre ans entiers il mena une vie errante et en France et aux frontières de France : l’idée de suicide lui traversa un instant l’esprit. […] Plus tard enfin, banni de Paris, lorsque, chevauchant sans croix ni pile par tous les chemins de France et de Navarre, il promenait son exil et sa misère d’une frontière à l’autre, méditant déjà dans sa tête et dans son cœur les confessions et les plaintes douloureuses du Grand Testament, l’arbre et le buisson de la route ne lui avaient-ils donc jamais parlé et fait oublier un instant ses douleurs, comme ils devaient un jour, plus d’une fois, calmer celles de Jean-Jacques vagabond ?

693. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Chacun lui fait honneur et fête ; mais la peinture, toujours, est de la partie et ne saurait se plaindre d’être un seul instant oubliée. […] n’allez pas, par un emportement blâmable, détruire en un instant votre réputation de vertueux voyageur. » On vient de voir le voyageur en pleine action ; voyager, c’était sa manière de se reposer.

694. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Ce petit volume, dans sa première forme, dans son ordre naturel où les pièces se présentent selon l’heure et l’instant où elles sont nées, a pour moi du charme ; il nous offre un Gautier jeune, enfant, « sous une blonde auréole d’adolescence » qu’il ne garda pas longtemps. […] On cherchait du Faublas, et l’on se trouve à chaque instant arrêté et retardé par des espèces de chants et de mélodies qui viennent à la traverse, et qui sont comme un écho de certains dialogues de Platon.

695. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Rarement le même esprit a présenté au même instant toutes les circonstances et les preuves relatives au fait débattu. […] Mais le soir au théâtre, le rencontrant et l’allant saluer dans sa loge, il n’y resta qu’un instant et parut vouloir sortir ; le maréchal lui demandant pourquoi il partait si tôt : « J’ai mon rapport à faire et à envoyer cette nuit même à Paris », répondit Jean-Bon.

696. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Faugère nous dit : « On raconte qu’au pied de l’échafaud, en ces derniers instants où, entrevoyant les ombres redoutables de l’Éternité, les cœurs les plus fermes se troublent, les plus incrédules commencent à douter, Mme Roland demanda qu’il lui fût permis d’écrire des pensées extraordinaires qu’elle avait eues dans le trajet de la Conciergerie à la place de la Révolution. […] » L’instant d’auparavant elle avait fait, pour ainsi dire, les honneurs de l’échafaud à ce compagnon de mort qui n’avait pas tout à fait autant de fermeté qu’elle, et elle lui avait dit avec grâce, en donnant la plus belle excuse à sa faiblesse : « Montez le premier, vous n’auriez pas la force de me voir mourir. » — Et à l’exécuteur qui hésitait à intervertir l’ordre des suppliciés : « Pouvez-vous refuser, avait-elle dit, la dernière prière d’une femme ? 

697. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Je crois que M. de Feuquières pourra bien jouer des siennes et faire valoir des sentiments fondés sur des raisons bonnes pour ceux qui ne voient pas les choses… » Je ne me fais pas juge entre Catinat et Feuquières, ce serait une grande impertinence ; je ne me fais point le défenseur de Feuquières, ce n’est point mon rôle, et il y aurait à ceci de l’impertinence encore et, qui plus est, de l’injustice ; mais enfin, pour voir le double côté de la question, pour l’envisager à sa juste hauteur et la dégager autant que possible des personnalités dont elle est restée masquée jusqu’à ce jour, qu’on veuille supposer un instant ceci : il y a dans l’armée de Catinat un militaire, incomplet dans la pratique, mais d’un génie élevé, qui a, dès 1690, l’instinct et le pressentiment des grandes opérations possibles sur cet admirable échiquier de la haute Italie ; ce militaire, à tout moment, conçoit ce qu’on pourrait faire et ce qu’on ne fait pas ; il blâme, il critique, il raille même, il hausse les épaules, il est ce qu’on appelle un coucheur, et ce qu’on appelait alors être incompatible : tel était Feuquières, qui à des vues supérieures joignait, il faut en convenir, une malignité particulière. […] Le fait est qu’à cette date il était on ne saurait mieux informé de tout ce qui se passait jusque dans l’intimité de l’alcôve, pendant cette convalescence du duc de Savoie, entrecoupée parfois de rechutes ; il écrivait, de ce ton plaisant et badin qui était le sien, au ministre de la guerre Barbezieux, qui ne manquait pas d’en amuser le roi (29 mars 1693) : « … La comtesse de Verrue a eu des conversations particulières qui dérangent en un instant ce que les médecins ont cru arranger… Une fois pour toutes, le roi doit être informé que cette dame à part aux affaires et qu’elle est aimée.

698. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Jomini, tout le premier, s’emparant de quelques phrases de la préface, a jugé très sévèrement l’ouvrage et ne paraît pas l’avoir pris un instant au sérieux9. […] Topin, il ne s’est pas un seul instant posé cette simple question : « Où en était la France, si le prince Eugène avait pris Landrecies ? 

699. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

En vain tous les citoyens s’abstiennent d’interrompre les travaux de l’Assemblée, quand ils n’ont rien à lui demander : elle sentait, chacun sentait comme elle, que vous pouviez être excepté ; qu’elle pouvait donner quelques instants à votre conversation ; et il y eût eu à vous de la noblesse et de la dignité à vous reconnaître ce droit et à savoir en user. […] … » A un endroit précédent, à l’occasion d’un projet de translation de l’Assemblée hors de Versailles, avant les 5 et 6 octobre, projet très avancé, mais auquel Louis xvi trouvait une sorte de honte à se soumettre, sans y substituer pourtant rien de mieux, Malouet, parlant de cette incapacité foncière de Louis xvi à prendre un parti, disait : « Il y a tel capitaine de grenadiers qui l’eût sauvé, lui et l’État, s’il l’avait laissé faire. » Oui, mais ce salut n’eût été que pour l’instant même ; il eût fallu recommencer le lendemain et tous les jours.

700. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Pense avec un religieux transport que toutes ces religions ne cherchent qu’à ouvrir tes organes et tes facultés aux sources de l’admiration dont tu as besoin… Marchons donc ensemble avec vénération dans ces temples nombreux que nous rencontrons à tous les pas, et ne cessons pas un instant de nous croire dans les avenues du Saint des Saints. » N’est-ce pas un prélude des Harmonies qu’on entend ? […] Ainsi d’abord pensais-je ; armé de ton oracle, Ainsi je rabaissais le grand homme en spectacle ; Je niais son midi manifeste, éclatant, Redemandant l’obscur, l’insaisissable instant

701. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

La pièce n’a pas cessé un instant de marcher, de courir, en tenant en haleine l’intérêt. […] à chaque instant c’est ainsi.

702. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Il vit son père arrêté, il l’allait visiter en bonnet tricolore dans la prison de Thiers, il salua sa délivrance inespérée avec bonheur : la leçon des choses prit le pas dans son esprit sur la lettre des livres ; et, quand son père, profitant d’un premier instant de calme, le conduisit à Paris vers la fin de 95 pour y achever des études commencées surtout par la conversation et dans la famille, le jeune homme avait déjà beaucoup appris. […] Le xviiie  siècle avait usé et abusé de l’histoire philosophique, de celle où l’historien intervenait à chaque instant et s’imposait à son sujet.

703. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Dès l’instant où vous lui seriez moins cher, elle ne serait plus pour moi qu’une femme ordinaire, et je cesserais de l’aimer. » M. de Krüdner, touché de cette lettre comme un galant homme pouvait l’être, fit avec gravité une chose imprudente : il montra cette déclaration à sa femme ; et, en croyant stimuler sa vertu, il ne fit qu’irriter sa coquetterie. […] Je brûle de savoir votre projet et de travailler, comme je l’espère, de toutes mes forces à vous être utile. » Le docteur doit se tenir pour bien averti : le prix de ses services lui est à chaque instant offert comme à bout portant ; qu’il soit utile avec zèle, et on le lui sera en retour.

704. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

La nature cependant fondit un instant cet orgueil. […] “Tranquillise-toi, mon enfant, lui dit sa tante, je vais remonter sans doute dans un instant. — Non, citoyenne, reprirent rudement les geôliers, tu ne remonteras pas ; prends ton bonnet et descends.”

705. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Sauf quelques moines irlandais qui en avaient un instant réveillé la tradition, les plus grands esprits eux-mêmes, tels que Gerbert, l’avaient ignoré. […] Ou plutôt n’est-ce pas qu’à cet esprit fort médiocrement pourvu de puissance logique ou d’invention métaphysique, la doctrine de Farel offrait ce qu’en l’absence d’une philosophie constituée rien ne pouvait lui donner : un ensemble assez net d’idées qui pour l’instant affranchissaient la pensée.

706. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

C’est un charme de l’entendre causer librement, avec son infatigable curiosité, son universelle intelligence, avec son esprit pétillant, ce don étonnant qu’il a de saisir des rapports inattendus, ingénieux ou cocasses, avec ses passions aussi toujours bouillonnantes et débordantes, qui ne laissent pas un instant refroidir les choses sous sa plume. […] On le voit mourant, enveloppé dans sa robe de chambre, coiffé de son bonnet de nuit, l’instant d’après se démenant, criant, se disputant avec sa nièce la grosse Mme Denis, s’emportant contre Jean-Jacques ou le président de Brosses qu’un maladroit a nommés, se moquant du Père Adam, un Jésuite qu’il a recueilli, disant des douceurs aux dames, à condition qu’elles soient parées et spirituelles, toujours capricieux et inégal comme un enfant, toujours plein d’humeur et de saillies, causant avec cet esprit étincelant qui enivrait le prince de Ligne.

707. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Alphonse Karr ; de ces romans « humoristiques » dont Flaubert a dit dans Bouvard et Pécuchet : « L’auteur s’interrompt à chaque instant pour parler de sa maîtresse et de sa pantoufle. […] Il contentera les philosophes, car on y sent à chaque instant, ai-je besoin de le dire ?

708. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Il ne suffit pas de montrer à l’ame beaucoup de choses, il faut les lui montrer avec ordre ; car pour lors nous nous ressouvenons de ce que nous avons vu, & nous commençons à imaginer ce que nous verrons ; notre ame se félicite de son étendue & de sa pénétration : mais dans un ouvrage où il n’y a point d’ordre, l’ame sent à chaque instant troubler celui qu’elle y veut mettre. […] Les graces se trouvent moins dans les traits du visage que dans les manieres ; car les manieres naissent à chaque instant, & peuvent à tous les momens créer des surprises : en un mot une femme ne peut guere être belle que d’une façon, mais elle est jolie de cent mille.

709. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Il faudrait pouvoir suivre l’auteur des Essais de psychologie contemporaine dans les logiques et successifs développements de son esprit affiné et élégant, curieux et circonspect, vite éclairé et déçu, mais, par un fonds d’orgueil, dont la première marque, et la plus expressive, est une aveugle puissance de révolte, parallèle à l’amour-propre le plus ombrageux, — assombri d’insatisfaction précoce ; le suivre surtout dans cette jeunesse troublée, qui fut par instants inquiète, et terriblement, mais non pas mal confiante, soucieuse de tout pour en jouir et aussi pour en souffrir, quelque inclination qu’elle ait failli affirmer pour un dilettantisme qui n’a jamais été que littéraire, faite pour le boulevard beaucoup moins que pour la cellule de couvent, pour l’absorption réfléchie de toutes les jouissances, comme, et peut-être mieux, pour l’ascétisme monacal. […] De quelle manière éloquente, il faudrait s’en douter au même instant, pour s’éprendre de la nature, à la folie, comme Rousseau.

710. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Je crois donc qu’il ne serait pas inutile de nous arrêter un instant sur les moyens d’expression que se sont créés les poètes d’aujourd’hui. […] Les meilleurs en sont même exactement à cet instant de la vie où l’homme est maître de ses plus amples forces intellectuelles, et s’ils sont les poètes d’aujourd’hui, ils sont encore les poètes de demain.

711. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

La question, en un mot, était de savoir si le vieil édifice, où tant de matériaux nouveaux demandaient à entrer se renouvellerait par une lente substitution de parties qui n’interrompît pas un instant son identité, ou s’il subirait une démolition complète pour être rebâti ensuite avec combinaison des nouveaux et des anciens matériaux, mais toujours sur l’ancien plan. […] La plupart des positions libérales, en effet, absorbent tous les instants, et, qui pis est, toutes les pensées ; au lieu que le métier, n’exigeant aucune réflexion, aucune attention, laisse celui qui l’exerce vivre dans le monde des purs esprits.

712. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

La vue du malheureux qui allait disparaître lui rend des forces ; un instant après il le dépose sur le quai, dont il rougit les dalles de son propre sang. […] Sa maîtresse, à son lit de mort, lui lègue ses deux filles en bas âge : la sollicitude de Paula ne se dément pas un instant.

713. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Elle-même vante à chaque instant le bon goût de la cour. […] D’autre part, la tendresse des parents pour les enfants ne peut se montrer en public, surtout s’ils sont de condition noble, et il est bien remarquable que, dans l’Andromaque de Racine, le petit Astyanax, autour duquel pivote toute l’action, n’apparaît pas un seul instant.

714. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Après quelques instants d’attente, la porte s’ouvre et Goethe paraît : Il était là, sérieux, solennel, et il me regardait fixement. […] La voilà donc sur son cœur, c’est bon pour un instant ; mais le singulier, c’est qu’elle y resta assez de temps pour s’y endormir, car elle venait de passer plusieurs nuits en voyage, et elle mourait de fatigue.

715. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Il ajoutait encore que l’incrédule, celui qui persiste à l’être à tous les instants, fait un vrai tour de force ; qu’il ressemble à « un danseur de corde qui fait les tours les plus incroyables en l’air, voltigeant autour de sa corde ; il remplit de frayeur et d’étonnement tous les spectateurs, et personne n’est tenté de le suivre ou de l’imiter ». […] Pourtant à travers ces défauts, aujourd’hui très sensibles, il y a bien du bon sens, bien des idées, des horizons d’une grande étendue, et, à chaque instant, des perspectives.

716. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Rien n’est piquant pour un instant comme de se reporter à ses premiers vers, aux éditions de ses premiers chants qui ont pour vignette une harpe, quand on vient de relire tout fraîchement les jolis feuilletons dans lesquels se joue, en un sens si différent, un talent également sûr, une plume ferme et fine, une de celles vraiment qui font le mieux les armes. […] Si elle semble apporter, au début de la conversation, quelques plaisanteries préméditées et qui font comme partie de sa mise du jour, elle en a d’autres qui lui sortent à l’improviste à chaque instant, et ce ne sont pas les moins bonnes.

717. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Et il continue de tout voir en beau et de démontrer à son ami de France comme quoi les journées passent comme des instants, et qu’il est à bord le plus heureux des hommes : « Le bréviaire, les conférences, l’Écriture sainte, le portugais, le siamois, la sphère, un peu d’échecs, bonne chère sur le tout, et de la gaieté : faites mieux si vous le pouvez. » Nous commençons, n’est-ce pas ? […] Choisy dut s’en excuser auprès du roi, qui lui dit pour toute parole : Cela suffit, et qui lui tourna brusquement le dos : « Je crus qu’il fallait laisser passer l’orage, ajoute le pauvre mortifié, et je m’en allai à Paris m’enfermer dans mon séminaire, où une demi-heure d’oraison devant le Saint-Sacrement me fit bientôt oublier tout ce qui venait de m’arriver. » Il ne fallait pas moins que cette oraison devant le Saint-Sacrement pour soulager l’abbé courtisan de la douleur d’avoir pu déplaire un instant à son maître, — à son autre maître.

718. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Ce mot de miséricorde, qui est au titre du livre, revient à tout instant ; il abonde sur ses lèvres, c’est son cri ; c’est le nom aussi sous lequel elle entrera dans la vie religieuse, sœur Louise de la Miséricorde. […] » Il répondait avec vigueur au nom de cette âme généreuse qui va, au contraire, s’en prendre au corps comme à son plus dangereux séducteur, qui déclare une guerre immortelle et irréconciliable à tous les plaisirs, puisqu’ils l’ont trompée une fois, et qui, venant enfin à s’assiéger elle-même, s’impose de toutes parts des bornes, des clôtures et des contraintes, de peur de laisser à sa liberté le moindre jour par où elle puisse s’égarer : « Ainsi resserrée de toutes parts, disait-il, elle ne peut plus respirer que du côté du ciel. » Une fois entrée dans cette voie de prière et de pénitence, Mme de La Vallière ne se retourna pas en arrière un seul instant.

719. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Elle va un jour en visite à l’abbaye de Fontevraud, où elle avait une tante abbesse, fille naturelle d’Henri IV, et elle commence à s’y ennuyer dès le premier instant. […] Au moment où le mariage est décidé, on le voit surtout occupé à stipuler qu’il ne quittera pas le roi un seul instant, qu’il continuera de faire, comme auparavant, tous les devoirs de sa charge, le dernier au coucher et le premier au lever.

720. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

C’est là qu’il résida durant quatorze ans, éloigné de sa famille, sevré dans ses affections les plus chères, ayant à traverser les années terribles de l’Empire et à subir le contrecoup de chaque victoire pauvre, payé à peine par son souverain, averti à chaque instant de sa situation précaire, manquant quelquefois de pelisse pendant l’hiver et d’un secrétaire au logis, mais jouissant personnellement d’une considération et d’une estime qui eût honoré toutes les disgrâces. […] M. de Maistre sent, avec l’instinct des grands esprits, que, s’il est un seul instant mis en mesure de s’expliquer devant cet autre grand esprit, Napoléon, il sera compris, et, dans tous les cas, apprécié et déchiffré.

721. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Il s’est arrêté quelques instants devant une des batteries d’artillerie de la Garde nationale… On s’est précipité autour du roi pour lui presser la main, comme le jour de son arrivée de Neuilly ; un canonnier lui a présenté un verre de vin qu’il a bu tout à cheval… Tel est le bulletin du 1er novembre (1830) de la plume de Carrel même, et rien n’annonce encore le duel personnel et la guerre à mort qui suivront. […] L’expression a du vrai ; à le lire, c’est comme le Junius anglais, quelque chose d’ardent et d’adroit dans la colère, plutôt violent que vif, plus vigoureux que coloré ; le nerf domine ; le fer, une fois entré dans la plaie, s’y tourne et retourne, et ne s’en retire plus ; mais ce qui donne un intérêt tout différent et bien français au belliqueux champion, c’est que ce n’est pas, comme en Angleterre, un inconnu mystérieux qui attaque sous le masque ; ici, Ajax combat la visière levée et en face du ciel ; il se dessine et se découvre à chaque instant ; il brave les coups, et cette élégance virile que sa plume ne rencontre pas toujours, il l’a toutes les fois que sa propre personne est en scène, et elle l’est souvent.

722. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Nous avons à chaque instant, par la combinaison de nos sensations et représentations nouvelles avec les précédentes, un état concret de la cœnesthésie, de la conscience sensorielle ; cet état est sui generis, original, comme un panorama ; de plus, il ne reviendra jamais absolument le même, malgré les ressemblances qu’on pourra établir entre lui et un état subséquent. […] Mais la conception populaire de la volonté comme d’une faculté en opposition avec l’intelligence vient elle-même de ce sentiment obscur d’un tout continu de réactions, qui forment à chaque instant une seule réaction d’ensemble en un sens déterminé.

723. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Il vous en fait à chaque instant la surprise. […] Alors ce n’est plus un siècle seulement que leur clarté illumine ; c’est l’humanité d’un bout à l’autre des temps, et l’on s’aperçoit que chacun de ces hommes était l’esprit humain lui-même contenu tout entier dans un cerveau, et venant, à un instant donné, faire sur la terre acte de progrès.

724. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Je préfère cette manière ; elle demande plus de fécondité, elle fournit plus au génie, tout se déploie et se fait valoir, c’est un instant d’une action générale, c’est un poëme, les trois unités y sont ; au lieu qu’à la manière de Loutherbourg, deux ou trois objets principaux, un ou deux énormes chevaux couvrent le reste. […] Le calme est roussâtre et sec. à cet instant, les objets sont comme abreuvés de lumière, effet très-difficile à rendre.

725. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

On se rappelle que Philipon, qui avait à chaque instant maille à partir avec la justice royale, voulant une fois prouver au tribunal que rien n’était plus innocent que cette irritante et malencontreuse poire, dessina à l’audience même une série de croquis dont le premier représentait exactement la figure royale, et dont chacun, s’éloignant de plus en plus du terme primitif, se rapprochait davantage du terme fatal : la poire. […] Massacres, emprisonnements, arrestations, perquisitions, procès, assommades de la police, tous ces épisodes des premiers temps du gouvernement de 1830 reparaissent à chaque instant ; qu’on en juge : La Liberté, jeune et belle, assoupie dans un dangereux sommeil, coiffée de son bonnet phrygien, ne pense guère au danger qui la menace.

726. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Il suffit de rapprocher un instant l’ordre social moderne du féodal, par exemple, pour faire jaillir cette vérité, que le succès de l’égalitarisme est chose nouvelle sous le soleil. […] Ni l’une ni l’autre n’avaient trouvé place dans les fondements de la cité antique : elles nous apparaîtront au moins un instant, debout sur ses ruines.

727. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Dans un instant elle va être enregistrée. […] C’est une affaire qui est constamment dans le présent, qui à chaque instant est dans l’instant. En réalité à chaque instant la main soutient. Et en réalité à chaque instant la muraille tombe. […] Pareillement dans ces immenses et constantes et mutuelles poussées qui se partagent le monde, dans ces universelles et infatigables pesées tout le monde à chaque instant pousse, tout le monde à chaque instant pèse.

728. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

— Et, il se sentait attendri d’avance, prêt à des sacrifices, car, pour l’instant, une recrudescence d’affection le poussait vers elle. […] C’est donc par le sentiment seul qu’il pouvait la conduire ; il l’avait compris un instant en voulant sauver l’Italie. […] Quelques instants auparavant, il s’était rappelé une longue promenade, qu’il avait faite avec elle, un soir, à la nuit tombante, sur cette terrasse. […] À chaque instant, on se heurtait à une dissonance ; on éprouvait ce genre de sensation que cause à un mélomane une fausse note. […] un instant !

729. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Un instant après, un second coup de tonnerre éclata, et mon chien se mit à tressaillir et à hurler. […] Dans l’instant, le gaillard d’avant se trouva comme engagé ; les vagues brisaient sur le bossoir de bâbord, en sorte qu’on n’apercevait plus le beaupré. […] Je regardais un instant cette poussière fine, qui poudrait tout, les toits, les pavés, les saillies des façades, et renvoyait dans ma chambre une réverbération immobile. […] Notre but pour l’instant est de décomposer le procédé. […] « Si la paresse ne prêtait pas la main à de pareils raisonnements ils ne paraîtraient pas un seul instant soutenables.

730. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Post-scriptum sur Alfred de Vigny. (Se rapporte à l’article précédent, pages 398-451.) »

Je me rappelle encore toutes les précautions qu’il nous fallut prendre : il était absent de Paris, on choisit exprès cet instant-là ; on usa de ruse ; on ne s’adressa pas à lui pour le peu d’indications biographiques qui étaient indispensables et qui eussent trop coûté à arracher, sans compter qu’on ne les eût obtenues sans doute qu’arrangées et embellies : ses plus anciens amis et principalement Émile Deschamps, son intime d’alors (et envers qui il a fait preuve, depuis leur brouille, d’une froide rancune irréconciliable), voulurent bien me renseigner tant bien que mal, et il n’y a rien d’étonnant qu’on se soit mépris d’abord sur quelques points et circonstances d’un intérêt tout domestique, notamment sur son mode et son degré de parenté avec l’amiral de Baraudin.

731. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

Durant tous ces instants, la reine trouva dans le courage et le dévouement de madame des Ursins d’inappréciables ressources.

732. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Un moment, son désespoir est au comble ; l’ironie va le saisir, et, prenant l’existence pour l’amer sarcasme d’un maître jaloux, il est prêt à lui rendre mépris pour mépris, à le maudire et à le railler ; — ou bien, à d’autres instants, la défaillance le poussant à la mollesse, il se demande s’il n’est pas mieux de prolonger les voluptés jusqu’à la tombe et de se noyer l’âme sur des seins embaumés de roses.

733. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

Il faut se figurer un instant qu’on est Irlandais ou Polonais, c’est-à-dire d’une race où la nationalité et la religion se sont jusqu’ici étroitement embrassées ; d’une armée qui s’agenouille au nom de Marie, et dont le généralissime Skrzynecki combat avec le scapulaire sur la poitrine ; il faut se prêter à cet orgueil si légitime qui, au milieu de l’inaction des peuples les plus invoqués, au sein de l’apparente lâcheté européenne, permet qu’on se considère comme le peuple élu par excellence, comme un peuple hébreu, martyr et réduit présentement en captivité, mais pourtant le seul vivant entre les tribus idolâtres, le seul par qui la cause de Dieu vaincra.

734. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

je ne parle plus des cinquante volumes inqualifiables qui précédèrent ses premières œuvres distinguées ; je parle de ce qui se mêle à tout instant à ses œuvres les plus distinguées et les plus fines elles-mêmes.

735. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

La gaieté piquante, plus encore même que la grâce polie, effaçait toutes les distances sans en détruire aucune ; elle faisait rêver l’égalité aux grands avec les rois, aux poètes avec les nobles, et donnait même à l’homme d’un rang supérieur un sentiment plus raffiné de ses avantages ; un instant d’oubli les lui faisait retrouver ensuite avec un nouveau plaisir ; et la plus grande perfection du goût et de la gaieté devait naître de ce désir de plaire universel.

736. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

S’il s’est confiné, maintes fois, dans un charmant cottage anglais où, je suis sûr, il s’est plu à relire, par instants, Wordsworth et Shelley, s’il a tressailli, je pense, aux rauques échos des Niebelungen, le plus souvent il a rêvé de côtes sablonneuses et de rivages bleus où

737. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Le monde a pu croire un instant à sa propre agonie.

738. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Méditant ce petit traité littéraire et didactique, il était encore dans cette mystérieuse ivresse de la composition, instant bien court, où l’auteur, croyant saisir une idéale perfection qu’il n’atteindra pas, est intimement ravi de son ouvrage à faire ; il était, disons-nous, dans cette heure d’extase intérieure, où le travail est un délice, où la possession secrète de la muse semble bien plus douce que l’éclatante poursuite de la gloire, lorsqu’un de ses amis les plus sages est venu l’arracher brusquement à cette possession, à cette extase, à cette ivresse, en lui assurant que plusieurs hommes de lettres très hauts, très populaires et très puissants, trouvaient la dissertation qu’il préparait tout à fait méchante, insipide et fastidieuse ; que le douloureux apostolat de la critique dont ils se sont chargés dans diverses feuilles publiques, leur imposant le devoir pénible de poursuivre impitoyablement le monstre du romantisme et du mauvais goût, ils s’occupaient, dans le moment même, de rédiger pour certains journaux impartiaux et éclairés une critique consciencieuse, raisonnée et surtout piquante de la susdite dissertation future.

739. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

C’est le charme et le secret de La Fontaine ; il nous montre ainsi qu’en parlant des animaux, il ne nous perd pas de vue un seul instant.

740. (1912) L’art de lire « Chapitre X. Relire »

C’est un fâcheux qui fut douloureux, et qui revient, et qu’on ne reconnaît pas d’abord et qu’on reconnaît, à sa voix, un instant après, avec désespoir.

741. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IV »

La manie de la contradiction est si aveuglante, que non seulement on ne voit pas dans nos ouvrages ce que nous y avons mis, mais on y découvre à chaque instant ce qui n’y est pas.

742. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Première partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées religieuses » pp. 315-325

Il a cru, quelques instants, pouvoir la dominer comme les législateurs des peuples païens avaient dominé les religions païennes ; il n’avait pas vu que ces législateurs ne s’étaient pas séparés de la pensée religieuse, et que, sous le christianisme, la pensée religieuse ne peut être que la pensée chrétienne elle-même.

743. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Par-dessus l’élégiaque, il y a le lyrique, qui fait à tout instant des vers comme ceux-ci, par exemple (dans Le Harem) : L’une, soulevant ses cheveux Par un geste de canéphore, Montre au fond de ses deux grands yeux Une caverne de phosphore.

744. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Déjà au temps d’Homère nous leur trouvons les mêmes mœurs ; à chaque instant on lance un navire à la mer ; Ulysse en construit un, de ses mains ; on va commercer, piller sur les côtes environnantes. […] Des dieux si humains ne jettent pas le trouble dans l’esprit qui les conçoit ; Homère les manie à son aise ; il fait intervenir Athénè à chaque instant pour de petites besognes, pour indiquer à Ulysse la maison d’Alcinoüs, pour marquer l’endroit où est tombé son disque. […] Ils n’imaginent pas que pour honorer les dieux, il faille se mortifier, jeûner, prier avec tremblement, se prosterner en déplorant ses fautes mais qu’il faut prendre part à leur joie, leur donner le spectacle des plus beaux corps nus, parer pour eux la cité, élever l’homme jusqu’à eux en le tirant pour un instant de sa condition mortelle par le concours de toutes les magnificences que l’art et la poésie peuvent assembler. […] L’habillement n’est chez eux qu’un accessoire lâche qui laisse au corps sa liberté, et qu’à volonté, en un instant, on peut jeter bas. — même simplicité pour la seconde enveloppe de l’homme, je veux dire la maison. […] À cet instant, l’art fait ses grandes découvertes techniques.

745. (1900) La culture des idées

Le subconscient nocturne est onirique ou préonirique, s’il s’agit du sommeil ou des instants qui précèdent le sommeil. […] On dit assez souvent d’un homme qui n’a écrit que peu, qu’il a peu travaillé : je suis persuadé que Villiers de l’Ile-Adam n’a jamais cessé un instant de travailler, même pendant son sommeil. […] Il n’est pas d’idées si éloignées, d’images si hétéroclites que l’aisance dans l’association ne puisse joindre au moins pour un instant. […] Les gens s’arrêtaient un instant devant ces simulacres ou les saluaient en passant, ainsi que font encore les paysans qui rencontrent un calvaire ou une Vierge. […] « En réalité, le français ne semble pas avoir perdu de terrain, comme on avait pu le craindre un instant.

746. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

À partir de ce moment, la nature extérieure et la nature morale étant distinguées par un puissant effort d’abstraction, l’art se trouva mis en demeure à tout instant d’opter entre ces deux mondes, et l’on vit avec certitude jusqu’à quel point il s’éloignait ou se rapprochait de l’un ou de l’autre. […] Lorsque Adam accepte la pomme, qu’on le voie y mordre et en savourer un instant le goût. […] Ses héros restent ce que leur tempérament réduit à lui-même pouvait les faire, incapables de se corriger, de se conduire, de se contraindre, tout entiers à la joie ou à la peine de l’instant, enflés par l’une, écrasés par l’autre, sans aucune force de résistance. […] Zola nous ne parlerons pas pour l’instant. […] Il a le cœur sur la main, et le donne à Pierre, son sauveur, dès le premier instant.

747. (1881) Le naturalisme au théatre

imaginez un instant que les Romains puissent ressusciter et qu’on représente devant eux Rome vaincue. […] Il paraît que le don sommeille par instants. […] Or, c’est l’instant que l’on choisit pour réclamer l’ouverture d’un nouveau théâtre. […] Pas un instant le décor n’influe sur la marche de la pièce. […] L’auteur italien, au contraire, ne paraît pas avoir songé un instant qu’il pourrait tirer un effet du retour du forçat.

748. (1902) Le critique mort jeune

Il court, dès qu’il l’a rempli, à la délectation que lui réserve une bonne querelle avec celui dont il s’est fait l’instant d’avant le très fidèle traducteur. […] Pour l’instant, nous ne devons considérer que la famille Monneron : elle est, comme dans une tragédie ou dans une épopée, le premier héros du livre. […] Bourget s’égaie austèrement : il n’oublie pas un instant que la naïveté de son personnage indique la gravité de son mal. […] Elle n’aimait qu’un instant, mais la vie est-elle si longue que cet instant ne doive compter ? […] Et certes ce romanesque atténué, discret, plaît un instant : c’est l’effet que produisent les romances du temps jadis.

749. (1893) Alfred de Musset

L’album de voyage de Musset, qui existe encore, ne cesse pas un instant de représenter George Sand. […] Pourquoi oublies-tu donc à chaque instant, et cette fois plus que jamais, que ce sentiment devait se transformer, et ne plus pouvoir, par sa nature, faire ombrage à personne ? […] Il nous faut donc revenir un instant en arrière, car Rolla ne peut être passé sous silence. […] L’esprit de détail et la drôlerie imprévue font les frais de la scène et raccommodent à chaque instant la déchirure du fond. […] … » Sœur Marceline venait de loin en loin prendre de ses nouvelles, causait quelques instants et disparaissait.

750. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Religieux par principes et chrétien sincère, il se fit des scrupules de conscience, ou du moins il tint à les empêcher de naître et à se mettre en règle contre les remords et les faiblesses qui pourraient un jour lui venir à ses derniers instants. […] Il ne fut point ministre parce qu’il ne le voulut pas ; il aurait pu l’être à un instant ou à un autre, mais il se pliait peu aux combinaisons diverses et n’en augurait rien de bon ; il ne trouvait point dans le duc d’Orléans l’homme qu’il aurait voulu et qu’il avait tant espéré et regretté dans le duc de Bourgogne ; il lui reprochait précisément d’être l’homme des transactions et des moyens termes, et le prince à son tour, disait, de son ardent et peu commode ami « qu’il était immuable comme Dieu et d’une suite enragée », c’est-à-dire, tout d’une pièce. […] Habituellement et toujours, il a dans sa vivacité à concevoir et à peindre, le besoin d’embrasser et d’offrir mille choses à la fois, ce qui fait que chaque membre de sa phrase pousse une branche qui en fait naître une troisième, et de cette quantité de branchages qui s’entrecroisent, il se forme à chaque instant un arbre des plus touffus.

751. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Au milieu de la nuit, m’étant assis un instant pour me reposer, j’entendis un bruit léger à l’entrée de ma chambre. […] je ne te quitterai pas en mourant, et je serai présente dans tes angoisses. » Quelques instants après, elle me témoigna le désir d’être transportée hors de la tour, et de faire ses prières dans son bosquet de noisetiers : c’est là qu’elle passait la plus grande partie de la belle saison. « Je veux, disait-elle, mourir en regardant le ciel. » Je ne croyais cependant pas son heure si proche. […] Après un instant de silence, le Lépreux se leva.

/ 1894