Il a fait un joli roman, Mademoiselle de Liron, son seul titre vraiment littéraire : son héroïne n’est pas une héroïne, c’est une fille aimable et sensée qui excelle aux soins du ménage et à la pâtisserie du pays, une campagnarde un peu philosophe qui a aimé et failli une première fois, et qui aimera et cédera encore une seconde ; intéressante et sensible, bien qu’un peu grasse23.
Sibylle n’est pas seulement l’héroïne du roman qui porte son nom ; le livre tout entier, d’un bout à l’autre, prétend n’être que son histoire, sa vie, sa biographie. […] Vous faites de Clotilde, par opposition à votre héroïne, une femme de passion, dirigée par ses instincts positifs, par son tempérament et par ses sens, et aussi par le sens commun vulgaire.
« Le prince Edouard avait du héros, a dit Chateaubriand, mais on n’était plus dans ce siècle des Richard Cœur-de-Lion où un seul chevalier conquérait un royaume. […] Mais, par malheur, le héros vécut et se survécut.
Tantôt, flottant entre un passé gigantesque et un éblouissant avenir, égarée comme une harpe sous la main de Dieu, l’âme du prophète exhalera les gémissements d’une époque qui finit, d’une loi qui s’éteint, et saluera avec amour la venue triomphale d’une loi meilleure et le char vivant d’Emmanuel ; tantôt, à des époques moins hautes, mais belles encore et plus purement humaines, quand les rois sont héros ou fils de héros, quand les demi-dieux ne sont morts que d’hier, quand la force et la vertu ne sont toujours qu’une même chose, et que le plus adroit à la lutte, le plus rapide à la course, est aussi le plus pieux, le plus sage et le plus vaillant, le chantre lyrique, véritable prêtre comme le statuaire, décernera au milieu d’une solennelle harmonie les louanges des vainqueurs ; il dira les noms des coursiers et s’ils sont de race généreuse ; il parlera des aïeux et des fondateurs de villes, et réclamera les couronnes, les coupes ciselées et les trépieds d’or.
Necker devient le héros de la Révolution française, le centre où tout se ramène ; et quand elle veut raconter son rôle, elle se trouve conduite à faire l’histoire de l’Europe, de Louis XVI à Napoléon : cette substitution de sujets lui semble nécessaire. […] Elle ruine les unités, en plaçant ailleurs la vraisemblance ; elle recommande les sujets historiques ; elle goûte le mélange du lyrique au dramatique : « Le but de l’art n’est pas uniquement de nous apprendre si le héros est tué, ou s’il se marie ».
N’est-ce pas ressentiment contre le petit usage qu’il en avait vu faire, et peut-être contre l’homme qui eut toutes celles des héros, le prince de Condé, l’illustre factieux de la Fronde, que Mazarin battit en reculant ? […] Ses Maximes ne quittent guère les hauteurs de la vie publique, et sa morale ressemble à celle de la tragédie, dont les héros sont des rois, et les événements des catastrophes.
c’est là que l’homme reste et que le héros s’évanouit ; il serait homme à ne point pardonner à quelqu’un qui louerait Rousseau. » Et pour les louanges, « on les aime à toutes sauces, surtout quand on dit des injures à cet abbé Desfontaines ». […] ils te désireraient, mais ils ne peuvent t’atteindre. » En ce qui est du roman même, Turgot regrette que l’auteur ait mieux aimé faire une héroïne à la Marmontel, et qui renonce au mariage par un sentiment exagéré de délicatesse, que d’avoir conduit la passion à une conclusion plus légitime et plus naturelle : « Il y a longtemps que je pense, dit-il, que notre nation a besoin qu’on lui prêche le mariage et le bon mariage. » Il voudrait que l’auteur n’eût pas manqué ce sujet-là en terminant, et il lui conseille d’y revenir dans une suite dont il trace le plan lui-même.
Le même mode de vision dont on a donné avec le Bovarysme la formule fera apparaître également chez les héros comiques de tout autre auteur ce que l’on remarque ici de ceux de Molière. […] Le théâtre comporte un autre emploi du phénomène bovaryque : le héros, en vue d’un but, simule un personnage qu’il sait distinct de lui-même.
Le style de Racine est le style de ses héroïnes, et l’on voit très bien que le style des hommes, chez lui, si savant qu’il soit, est plus tendu, plus voulu, j’hésite à dire plus artificiel, et semble lui avoir coûté plus de peine. […] Jamais ce n’est absolument lui-même qu’il peint dans un de ses héros ; jamais ce n’est absolument lui qui parle par la bouche de l’un d’eux.
Les poètes conduisaient aux combats, et chantaient la gloire des héros après la victoire. […] Il n’était point Français, et il a pris ses héros parmi nos ancêtres ; il ne pouvait faire autrement, puisqu’il avait à créer une épopée européenne.
On vit en 1635, entre les femmes qui se jetèrent dans cette société, mademoiselle de Bourbon-Condé, sœur du grand Condé et du prince de Conti, la même qui fut depuis l’héroïne de la Fronde sous le nom de duchesse de Longueville.
« Toutefois, il avait soixante-trois manières d’en trouver tousjours à son besoin, dont la plus honorable et la plus commune étoit par façon de larrecin furtivement faict ; malfaisant, pipeur, buveur, batteur de pavez, ribleur s’il en étoit à Paris ; au demeurant le meilleur fils du monde et toujours machinoit quelque chose contre les sergeants et contre le guet. » Et après ce portrait sommaire, viennent à la débandade, les mille aventures drolatiques où ce véritable héros de Rabelais se dessine à gros traits, menant à Paris le train bouffon de l’écolier de l’époque, puis partant pour les pays de la fable contre le roi des Dipsodes, puis s’embarrassant dans cette épineuse question du mariage, et parcourant pour s’amuser dans son dessein tout l’archipel d’îles peuplées à souhait des innombrables êtres allégoriques dont Rabelais tenait à rire ; en somme la plus durable et la plus humaine des caricatures énormes qui s’étalent dans le bréviaire des « beuveurs très illustres et et vérolez très prétieux ».
……………………………………………… Mais Dieu fait sur ces fils, dans le vice obstinés, Tonner l’arrêt des coups qui leur sont destinés ; Et par un saint héros, dont la voix les menace, Leur annonce leur perte et celle de leur race.
Son effroyable héros, dans l’âme de qui se passe le drame, ne se raconte pas, mais c’est sous la pression d’événements noués habilement autour de lui que l’auteur fait jaillir des éclairs de la vérité qui le torture !
C’est pour cela peut-être que dans les poètes grecs et latins les images des dieux et des héros apparaissent toujours plus grandes que celles des hommes, et qu’aux siècles barbares du moyen âge, nous voyons dans les tableaux les figures du Père, de Jésus-Christ et de la Vierge, d’une grandeur colossale. — 7.
L’héroïne d’Alexandre Dumas est faite pour être suspecte ; ramassée dans la boue, elle y retourne, ce qui est la logique de la nature ; tandis que Marthe, de M. […] » De cette terrible leçon, le héros Olivier n’en a deviné le sens qu’un peu trop tard. […] … » et les fusils firent cliqueter leurs baïonnettes, tandis que l’orgue grondait « la marche pour mort d’un héros ». […] Mon préambule terminé, je prends le livre au beau milieu, et le hasard m’y fait trouver une douce, délicate et charmante idylle dont l’héroïne joint au charme provincial des jeunes filles de Balzac celui des créatures les plus poétiques de Musset. […] Dans le reste de ce roman si bien commencé, le héros et l’héroïne, à la recherche de débauches suprêmes, en inventent, paraît-il, une complètement inédite, cent fois plus enivrante que les autres.
Au premier acte, Léocadie, qui en est l’héroïne, est enlevée par Don Alphonse, qui la viole. […] Les héros de la fable, dans ses tragédies ou ce qu’il décore de ce nom, citent Démosthène, Cicéron, Pline. […] C’est donc ainsi attiffés que parurent sur la scène française les héros de Rotrou, de Corneille, de Racine. […] Un des acteurs qui tint le rôle du héros grec avait été menuisier de son état. […] pour le coup, nous avons un véritable héros et non pas un fade doucereux.
Mme de Sévigné prit longtemps la défense de La Calprenède et de ses héros. […] Le peuple d’Athènes essuya le reproche d’avoir prostitué aux marionnettes d’un certain Pothein la scène où les héros tragiques d’Euripide faisaient retentir leur fureur. […] Chateaubriand et Lamartine sont des héros de cabotinage fin et commencement de siècle. […] Ce n’est pas tant pour les yeux des spectateurs qu’Euripide fait porter son héros sur le théâtre après l’accident du char. […] On a loué Shakespeare de promener sans cesse ses héros dans le temps et dans l’espace, de les montrer enfants et puis décrépits.
L’amour est le héros de tous les romans de Georges Sand. […] Nous ne consentirons jamais à voir que tel est le trait dominant de notre Shakspeare : nous ne reconnaîtrons pas que, comme Balzac, il mène ses héros au crime et à la monomanie, et que, comme lui, il habite le pays de la pure logique et de la pure imagination. […] Ce sont des maladies ; si on se contente de les maudire, on ne les connaîtra pas ; si l’on n’est physiologiste, si l’on ne se prend pas d’amour pour elles, si l’on ne fait pas d’elles ses héros, si on ne tressaille pas de plaisir à la vue d’un beau trait d’avarice comme à la vue d’un symptôme précieux, on ne peut dérouler leur vaste système et étaler leur fatale grandeur. […] Ses héros ont des délicatesses et des dévouements admirables. […] J’avoue même que les héros de Dickens ont le malheur de ressembler aux pères indignés de nos mélodrames.
Champfleury choisit volontiers ses héros parmi les musiciens, sachant bien que la musique, qui violente les nerfs et surexcite parfois jusqu’aux larmes les organisations délicates, prépare admirablement à l’illusion. […] dites-moi leur pays, leur famille, leur date… Je comprends ce vague, cette impersonnalité des héros de Voltaire en me reportant à son époque où régnait sans partage l’Idée, cette reine dont Voltaire fut soixante ans le premier ministre ! […] Parmi les rares vaincus sortis vivants de ce désastre et que la déroute a éparpillés sur les chemins, se trouve le héros de ce sombre récit, qui est autant une légende qu’un roman par son côté fantastique. […] Or, que sont les drames romantiques, sinon des pièces à héros ? […] Plus de héros, des hommes.
Les souvenirs de la Grèce antique viennent se fondre fort heureusement dans le portrait de l’héroïne, et se marient à l’histoire contemporaine d’une façon si naturelle, que l’esprit s’aperçoit à peine de la distance qui sépare Charlotte Corday d’Harmodius. […] La crédulité du chevalier des Grieux n’a rien qui doive nous étonner, si nous songeons à l’âge du héros. […] Il faut sans doute regretter que Prévost, pour montrer jusqu’où peut aller l’égarement de la passion, ait prêté à ses deux héros quelques menues escroqueries. […] En nous montrant dans toute sa nudité la dégradation de son héros, il a trouvé moyen de lui concilier l’indulgence des juges les plus sévères. […] Que Phœbus ressemble à bien des héros de garnison, je ne le nie pas ; mais je ne crois pas que de pareils héros puissent jamais exciter aucune sympathie.
Le héros de la tragédie, Callimaque, aime avec violence Drusiana, la plus belle et la plus vertueuse des dames d’Éphèse. […] Paul Bourget promène avec complaisance le héros de son nouveau roman, le philosophe Adrien Sixte. […] Il importe seulement de remarquer que le héros de M. […] Un de ces monstres infernaux, ayant pour moustaches deux queues de cheval, est le héros du meilleur des contes réunis par M. […] Mais elle était jalouse de s’offrir ; elle fit le don qui sacrait alors les Lélia et toutes les héroïnes de la poésie et de l’art.
Nul n’a mieux compris que lui combien le génie de Napoléon s’était confondu à un certain jour dans celui de la France, combien l’orgueil national et l’orgueil du héros ne faisaient qu’un, combien leur défaite était la même ; nul n’a mieux donné à pressentir combien le réveil et le jour de réparation pour ces deux gloires, la gloire de la France et celle du nom napoléonien, étaient unis et comme solidaires, et ne faisaient naturellement qu’une même cause.
Il aime les jeunes filles, les bons chiens, les cruches, l’herbe, l’eau, les maisons, les jardins, les puits, les coquillages, les coraux, les estampes démodées, les noms d’héroïnes des vieux romans, les Antilles, Paul et Virginie.
. — L’Héroïne de Montpellier, drame (1837).
Séailles veut-il dire qu’il ne se satisfera pas à rapprocher des anecdotes sur son héros ?
Le héros d’un roman qui réussit se reproduit dans une foule d’imitateurs.
Victor, qu’elle commandoit, notre Héroïne chargea, avec tant de résolution & d’intrépidité, le bataillon Franc-Prussien de Rhées, composé de 800 hommes, qu’elle le força à mettre bas les armes, & le fit prisonnier.
Il avoit jusques-là très-bien joué le héros, l’auteur qui méprise sa gloire particulière, qui n’aime que le progrès de l’art, son repos & sa liberté, la paix & l’union entre les gens de lettres.
On aura beau prendre pour héroïne une vestale grecque ou romaine, jamais on n’établira ce combat entre la chair et l’esprit, qui fait le merveilleux de la position d’Héloïse, et qui appartient au dogme et à la morale du christianisme.
Ce serait en effet, de temps en temps, un mot, ou un jugement ou même un chapitre intégral devant lequel la Rédaction en Chef, cette héroïne, a eu froid dans le dos et qu’avec cette grâce qui n’appartient qu’à elle, elle a lestement supprimé !
Nous ferons voir d’une manière claire et distincte comment les fondateurs de la civilisation païenne, guidés par leur théologie naturelle, ou métaphysique, imaginèrent les dieux ; comment par leur logique ils trouvèrent les langues, par leur morale produisirent les héros, par leur économie fondèrent les familles, par leur politique les cités ; comment par leur physique, ils donnèrent à chaque chose une origine divine, se créèrent eux-mêmes en quelque sorte par leur physiologie, se firent un univers tout de dieux par leur cosmographie, portèrent dans leur astronomie les planètes et les constellations de la terre au ciel, donnèrent commencement à la série des temps dans leur chronologie, enfin dans leur géographie placèrent tout le monde dans leur pays (les Grecs dans la Grèce, et de même des autres peuples).
De ce qu’il y a quelques traits de vérité dans le fragment d’Harold, on veut conclure que ce ne sont point des sentiments feints, et qu’ils expriment la pensée de l’auteur plus que la passion du héros. […] Dans sa fiction, son héros et lui parlent de principes trop opposés pour se rencontrer jamais dans un jugement semblable. […] Je dois avouer aussi que la beauté candide, et cependant incomparable, de la jeune fille ou femme qui fut, bien à son insu, l’héroïne de cette histoire, me resta profondément gravée dans les yeux, que mes yeux ne purent jamais l’oublier, et que toutes les fois qu’une apparition céleste de jeune fille ici-bas me frappa depuis, soit en Italie, soit en Grèce, soit en Syrie, je me suis demandé toujours : « Mais est-elle aussi délicate, aussi virginale, aussi impalpable que Fior d’Aliza, de Saltochio ?
Le récitatif de leurs drames est chanté par les personnages : leur chant a seul la signification émotionnelle : quant à l’orchestre, très savamment ordonné d’ailleurs, il doit seulement donner à ces chants vocaux l’accompagnement de ses harmonies : ou bien il est employé à des descriptions : il simule, par exemple, les bruits d’une bataille, tandis que le héros, en scène, exprime les émotions que ce bruit lui suggère. […] Brünnhilde ma forte, dors couchée en les ruissellement du rouge sonore, dors en la très haute paix des divins embrasements, sommeille, calme, sommeille, bonne : Brünnhilde, espère à Lui : Héros viendra, le réveilleur, Noble viendra, vainqueur des Dieux, superbe et roi … sur le roc transfulguré, ô Brünnhilde, en l’indubitable attente, sommeille, dors, bien aimée, parmi la jubilante flamme : je te sens, et je te pense, et, dans les majestueux gais épanouissements du feu, avec toi je rêve aux Crépuscules futurs, ô dormeuse des divinités passées … » Revue de Bayreuth (Bayreuther Blaetter) Analyse du numéro IX Hans von Wolzogen : Notes sur les œuvres Posthumes de Wagner, avec le fragment complet « le féminin dans l’humain ». […] Le mot signifie ; parlé, chanté, chant-parlé ; c’est-à-dire que le chant est une façon plus parfaite du parler ; une langue qui peut chanter devient mélodique, et comme le créateur du Hollandais volant, de Tannhaüser et de Lohengrin le raconte dans sa Communication à mes amis (IV, 396), il apprenait cette mélodie-parlée, ce parlé-mélodique, en entrant toujours plus profondément dans la compréhension de la langue que lui parlaient les héros de son monde idéal. « Le parler était à rendre de façon à ce que, non l’expression mélodique en elle-même, mais le sentiment exprimé impressionnât l’auditeur », il ne restait donc plus au Maître de cette nouvelle mélodie qu’à trouver « l’animation rythmique de la mélodie par sa justification du vers, de la langue » ; et il avait donné la solution de ce dernier problème formel par la réintroduction de la vieille allitération germanique.
C’est Tristan qui a tué l’époux promis à sa jeunesse, le héros Morold. […] Eh pardi eu, il ne voit pas que l’amour fait ravage au cœur du héros. […] Les deux héros se regardent en face, suffoqués d’émotion, mais presque se défiant l’un l’autre.
Si le sujet est grand, est connu, comme la Mort de Pompée, le poète peut tout d’un coup entrer en matière ; les spectateurs sont au fait de l’action commencée, dès les premiers vers, sans obscurité : mais si les héros de la pièce sont tous nouveaux pour les spectateurs, il faut faire connaître, dès les premiers vers, leurs différents intérêts, etc. […] Pour remplir chaque acte, ils prenaient des actions qui appartenaient bien au même héros, mais qui n’avaient aucune liaison entre elles. […] Cependant tous nos héros de théâtre sont atteints de cette espèce d’égarement ; ils raisonnent, ils racontent même, ils arrangent des projets, s’objectent des difficultés qu’ils lèvent dans le moment, balancent différents partis et des raisons contraires, et se déterminent enfin au gré de leurs passions et de leurs intérêts ; tout cela comme s’ils ne pouvaient se sentir et se conseiller eux-mêmes, sans articuler tout ce qu’ils pensent.
Édouard Rod a transcrit les paroles de l’oraison dominicale que son héros murmure des lèvres. […] Au moment de quitter la Trappe, le héros de M. […] Nous sommes maintenant amplement renseignés sur la crise d’âme que vient de traverser le héros de M. […] Telle est l’indulgence que nous ne cessons de témoigner aux héros des crimes passionnels. […] Celui que nous appellerons « le héros » de M.
L’accord ne se fit pas au sujet des héros réels de cette tragédie anonyme. […] Je dis héros, car il y eut de l’héroïsme dans sa destinée. […] C’étaient ces qualités qu’il admirait le plus chez les autres et qui, durant les longues heures où, du fond d’une loge, il écoutait dialoguer sur la scène les héros et les héroïnes trop souvent insipides de la comédie et du drame contemporains, l’intéressaient, à l’occasion, à un métier dont il supportait la fatigue consciencieusement et attentivement. […] A eux tous, ils forment un monde spécial qui a, comme tous les mondes, ses médiocres et ses heureux, ses ratés et ses héros. […] Mais il ne se plaît pas seulement à nous faire connaître ses héros, il nous aide à juger des qualités qu’ils ont déployées en leurs difficiles travaux.
Il machinait d’avance, comme un château d’Anne Radcliffe, l’édifice singulier avec donjon, tourelles, souterrains, couloirs secrets, escaliers en spirale ; salles voûtées, cabinets mystérieux, cachettes dans l’épaisseur des murs, oubliettes, caveaux mortuaires, chapelles cryptiques où ses héros et ses héroïnes devaient plus tard se rencontrer, s’aimer, se haïr, se combattre, se tendre des embûches, s’assassiner ou s’épouser. […] Les chefs de parti s’injuriaient comme les héros d’Homère avant d’en venir aux mains, et quelquefois, il faut le dire, ils n’étaient guère plus polis qu’Achille et qu’Agamemnon. […] Sans doute le poète, dont l’enfance s’est passée au collège noble de Madrid, a traversé ce bourg, et ce nom sonore et bien fait lui étant resté dans quelque recoin de sa mémoire, il en a baptisé plus tard le héros de son drame. […] Sa main mutilée à la guerre lui donnait l’air d’un héros en retraite, et il disait superbement ce vers : Ressaye à soixante ans ton harnois de bataille. […] Nous nous souvenons encore, avec un frisson d’enthousiasme, du passage où les âmes des héros entrent dans les cieux, sur une éclatante fanfare qui mêle les voix des anges aux acclamations déjà lointaines des hommes.
Elles déposent auprès du héros les aliments, le breuvage ; et le divin Ulysse, après avoir supporté tant de maux, mangeait et buvait avidement, car depuis longtemps il était reste sans nourriture. VI « Cependant Nausicaé aux bras blancs s’occupe d’un autre soin ; après avoir placé sur le beau char les vêtements qu’elle a reployés, elle y attelle les mules au pied vigoureux, y monte, et adresse à Ulysse, en l’interpellant, ces engageantes paroles : « “Étranger, lève-toi maintenant pour aller à la ville, où je te dirigerai vers le palais de mon père, le sage héros. […] Elle est facile à reconnaître, un enfant en bas âge y conduirait, car les maisons des Phéaciens ne ressemblent nullement à l’habitation d’Alcinoüs le héros. […] « Il dit, Minerve l’entend ; mais elle ne se manifeste pas aux regards du héros, car elle redoute le frère de son père Neptune, dont le courroux violent persécutait le divin Ulysse jusqu’à ce qu’il eût retrouvé son pays. » Je n’oublierai jamais quelle noblesse et quels accents M.
Parmi les poètes de cette époque, les uns s’inspirent des poèmes orientaux et des romans de chevalerie arabes ; les autres, des traditions de la mythologie septentrionale et des aventures de certains héros de l’Armorique, Lancelot du Lac, Éréc, Tristan, Yvan, transmis par les peuples de la Bretagne et par les poètes anglo-normands aux romanciers français14. Quelques-uns mettaient en vers Arthur et les héros de la Table Ronde, courant à la recherche du saint ciboire où avait bu Jésus-Christ ou Charlemagne et ses compagnons, allant conquérir la Palestine. […] Dans celle de Jean de Meung, l’érudition et la satire interrompent à chaque instant l’action et détruisent le plan : La Philosophie, la Scolastique, l’Alchimie, lui sont des héros plus chers que les aimables figures que lui avait léguées Guillaume de Lorris. […] Les Repues franches, dont il n’est pas l’auteur, mais le héros, sont comme l’Iliade grotesque de sa vie de basochien.
Il reste donc dans la perfection spéculative et l’imperfection pratique, bien résolu à n’être qu’un héros, ou à ne pas s’en mêler. […] Les gens de bon sens, oui : ceux-là disent tout bonnement qu’un gouvernement qui veut des dieux ou seulement des héros est une absurdité. […] — et qui séduit dans la maison paternelle la jeune fille confiée à ses soins ; et Julie, héroïne sous le toit de son vieux mari, fille coupable sous le toit de sa mère. […] Rousseau, la plus vaine et la plus dangereuse est celle dont il est le héros.
Indépendamment de son mariage avec une fille d’une famille illustre de Florence, dont il avait eu sept enfants, Boccace confesse, dans l’histoire de sa vie, écrite sur les lieux et si peu d’années après la mort de Dante, que son héros et son poète avait eu la faiblesse des héros et des poètes : un amour de la beauté poussé quelquefois jusqu’à la licence du cœur. […] Le ciel païen, les héros fabuleux, l’Olympe, la terre, la mer, la guerre, les naissances et les chutes d’empires, la nature physique et la nature morale avaient été décrites et chantées par les poètes prédécesseurs de l’époque chrétienne. […] Au moment de commencer sa carrière de gloire, le héros est ravi en songe en un lieu élevé du ciel, où son aïeul l’Africain, lui découvrant les honneurs, les périls et les devoirs qui l’attendent, le prépare à cette destinée par le spectacle de l’économie divine qui soutient l’univers, police les sociétés et dispose souverainement des hommes.
Empédocle a vaincu les héros de l’histoire, Le jour qu’en se lançant dans le cœur de l’Etna, Du plat de sa sandale il souffleta la gloire, Et la fit trébucher si bien qu’elle y tomba. […] Werther se tuait, mais au moins c’était pour échapper au crime ; Rolla et les héros de Musset se tuent, mais c’est pour échapper à la satiété ou à la punition de leurs fautes. […] tout finit par ce mot peut-être, pour le héros comme pour le poète. […] Lorsque le grand Byron allait quitter Ravenne, Et chercher sur les mers quelque plage lointaine Où finir en héros son immortel ennui ; Comme il était assis aux pieds de sa maîtresse, Pâle, et déjà tourné du côté de la Grèce, Celle qu’il appelait alors sa Guiccioli Ouvrit un soir un livre où l’on parlait de lui.
On connaît leurs tristes héros, dont la lignée moribonde s’est propagée jusqu’à nous. […] Tu accepteras en toute bonne foi le vieux récit de la Genèse, où Jéhovah donne au premier Adam la royauté sur tout ce qui existe ; et si cette royauté est dérisoire, si tu es à la fois l’acteur et le héros inconscient d’une comédie ridicule, tu t’y prêteras de bonne grâce, puisque somme toute le meilleur pour toi est encore d’accepter la duperie et de te résigner ! […] L’âme des patries est immortelle, comme l’âme des héros ! […] À travers les douleurs, le chrétien marche à la gloire comme le héros antique.
Or, une nouvelle ère allait commencer, tout imposante et toute sévère : dans la grande convulsion démocratique où la terre de France enfanta des armées, après les premiers temps d’aguerrissement et d’apprentissage, on eut des héros, des chevaliers aussi ; mais ceux-là, les Lannes, les Murat, les Ney étaient des Achille et des Roland primitifs qui n’entendaient rien à ces grâces polies et à ces raffinements des vieux règnes. […] L’enfant mange quatre fois par jour, le héros souvent ne soupe point.
On en vit, et des plus braves, des héros sur les champs de bataille, trahir leur fatigue et leur commencement de faiblesse en s’irritant, en s’aigrissant ; d’autres, en petit nombre, demeurèrent fermes et stables. […] Enfin, ce qui est inappréciable selon moi, c’est que votre sujet est complet et fini comme s’il s’agissait de l’empire des Assyriens ; qu’il n’y a rien à ajouter à votre ouvrage, et que vous avez pu le terminer par la mort de la république comme on termine une tragédie par l’assassinat ou par l’empoisonnement du héros.
Il n’y eût pas eu de position plus fausse que la sienne entre Mme de Longueville qui était sa divinité, M. le prince qui était son héros, et le cardinal Mazarin qu’il appelait son Jules César. […] Voltaire sérieux sous ses badinages, ou du moins passionné pour ou contre certaines idées et certaines institutions sociales, y mettant à tout instant la main comme l’enfant imprudent et terrible, mais parfois aussi comme l’ami de l’humanité, ne saurait être ramené et diminué jusqu’à Voiture, qui n’a jamais épousé dans sa vie aucune cause, et qui n’a été que le héros de la bagatelle.
» Il va droit devant lui, aspirant à être un héros de sa cause, mais sans affecter jamais les poses d’un héros ; c’est le moins fat des hommes.
Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc63, et à ce propos de l’ancien théâtre français Lundi 27 octobre 1862 Ce mystère (c’est ainsi qu’on appelait les pièces sérieuses et religieuses de notre ancien théâtre) est, à vrai dire, une sorte de drame historique dont Jeanne d’Arc est l’héroïne ; il a été composé et sans doute représenté à Orléans au xve siècle, de 1429 à 1470. […] Adam, notre premier père, est le héros de ce premier drame retrouvé.
On ne dira pas que je diminue ceux que je viens de définir ; j’en viens hardiment aux autres : ces autres ne sont ni absolutistes ni serviles, je repousse ce nom à mon tour de toute la fierté à laquelle toute sincère conviction a droit ; mais il en est qui pensent que l’humanité de tout temps a beaucoup du à l’esprit et au caractère de quelques-uns ; qu’il y a eu et qu’il y aura toujours ce qu’on appelait autrefois des héros, ce que, sous un nom ou sous un autre, il faut bien reconnaître comme des directeurs, des guides, des hommes supérieurs, lesquels, s’ils sont ou s’ils arrivent au gouvernement, font faire à leurs compatriotes, à leurs contemporains, quelques-uns de ces pas décisifs qui, sans eux, pouvaient tarder et s’ajourner presque indéfiniment. Je ne sais si je fais injure à mes semblables, mais il me semble que les premiers progrès des hommes en société se sont opérés et accomplis de la sorte : je me figure des peuplades, des réunions d’hommes arrêtés à un degré de civilisation dont ils s’accommodaient par paresse, par ignorance, et dont ils ne voulaient pas sortir, et il fallait que l’esprit supérieur et clairvoyant, le civilisateur, les secouât, les tirât à lui, les élevât d’un degré malgré eux, absolument comme dans le Déluge de Poussin, celui qui est sur une terrasse supérieure tire à lui le submergé de la terrasse inférieure : seulement dans le tableau de Poussin, le submergé se prête à être sauvé et tend la main, et, souvent, au contraire, il a fallu, en ces âges d’origine et d’enfance, que le génie, le grand homme, le héros élevât les autres d’un degré de société malgré eux et à leur corps défendant, en les tirant presque par les cheveux : tel et non pas moindre je me figure qu’a dû être son effort.
Il prête à ses vieux héros tout ce qu’il a de noble dans l’imagination, et vous diriez qu’il se défend l’usage de son propre bien, comme s’il n’était pas digne de s’en servir. » Tout cela admis et reconnu, il restera vrai d’accorder à M. […] Il n’est pas nécessaire d’être poète pour la juger ; il suffit de connaître les hommes et les choses, d’avoir de l’élévation et d’être homme d’État. » Et s’animant par degrés : « La tragédie, disait-il, échauffe l’âme, élève le cœur, peut et doit créer des héros.
Une fois il lui est arrivé (car le talent prend tous les tons) de tracer un portrait d’une délicatesse infinie, un portrait de femme, celui de Mme de La Fayette ou plutôt celui de la princesse de Clèves, l’héroïne du roman le plus poli du xviie siècle : il s’y est surpassé ; il a allégé sa méthode, tout en continuant de l’appliquer. […] Après avoir montré avec beaucoup d’art et de finesse en quoi le langage employé dans la Princesse de Clèves est parfaitement délicat et comment il ressemble fort peu à ce qui, chez des poëtes ou des romanciers spirituels de nos jours, a été salué de la même louange ; après avoir reconnu l’accord et l’harmonie des sentiments et des émotions avec la manière de les exprimer, et avoir donné plus d’un exemple des scrupules et des exquises générosités de l’héroïne jusque dans la passion, M.
On peut trouver, d’ailleurs, en ce qui est de l’explication individuelle et de la psychologie du héros, que l’historien lui-même a hésité, a varié en plus d’un endroit ; il a introduit des divisions plus commodes sans doute que réelles dans l’analyse du génie et du caractère : il semble tout accorder d’abord au Consul, même à l’Empereur, et ensuite, dans quelques-uns des avant-derniers volumes, il paraît vouloir revenir sur ses premiers jugements ; il lui retire beaucoup, pour tout lui rendre encore une fois au dernier moment, aux heures du suprême effort et de l’adversité. […] Somme toute, et quoi qu’il en soit de ces critiques de détail, le premier il a permis aux lecteurs curieux et patients de se faire une vaste idée, une idée continue (j’y insiste) du génie et de la force complexe de son héros.
Albert Mockel s’était écrié un jour : « Mallarmé est un héros » (Le Journal, 19 sept. 1898) et Paul Adam, incontinent, de renchérir : « Mallarmé fut mieux qu’un héros, il fut un saint.
Vous êtes au théâtre : on joue un drame intéressant et l’on en est à une scène capitale, la réconciliation du héros et de l’héroïne après de longs et affligeants malentendus.
Planant sur la cité, la dominant, et cependant comme porté par elle, le sanctuaire des héros brillerait comme un phare pour soutenir aux heures troubles et grises les volontés faiblissantes. […] Mais, n’a-t-elle pas soulevé assez de noble poussière dans le monde pour enterrer dignement ses héros ?
Il n’y a que les femmes pour faire faire de pareils métiers à leurs héros. […] Et les héros ! […] Qui pourra dire pourquoi les héros vertueux de George Sand ne sont jamais que des êtres chimériques et ridicules ? […] Dans un petit chef-d’œuvre de quelques pages, qu’il a intitulé Une Correspondance, l’auteur fait dire à son héros : « Admirez un peu mon sort. […] Cette héroïne, c’est l’Italie.
Abélard contre saint Bernard (L’Artisan du livre, 1930), il se proclame aussi homme de foi et affirme la nécessaire existence de saint Bernard, « héros d’ordre et d’autorité », et d’Abélard, « héros de critique et d’indépendance ». […] Soupirant d’avoir grisonné sans rencontrer sur cette terre « une situation un romanesque cortège d’héroïnes et de héros qui se gavaient d’amour. […] Celui-là n’est pas un héros comme l’anglais Bomston ou le sévère athée Volmar. […] Ne reprochons pas tant aux héroïnes de Mme de Staël de se chérir infiniment que de se chérir, avec confusion. […] Ce n’est pas, comme l’horrible Claude Gueux, une synthèse forcée de galérien et de héros.
Je vous ai parlé de votre esprit, de votre pays et de votre héroïne.
Elles n’en étaient pas moins l’opposé des comtesse de Soissons, des princesse Colonna, des duchesse de Mazarin, des comtesse d’Olonne, des maréchale de la Ferté, et autres héroïnes célébrées par Bussy-Rabutin dans ses Amours des Gaules.
Noble terre de la gloire et des beaux-arts, terre des héros, non, tu ne périras point ; j’en jure et tes trophées et tes revers : j’en jure et les plaines de la Massoure, et les sables de l’Afrique, et les jardins de la Touraine, et les murs de Pavie, et les bocages de la Vendée, et deux fois les champs de Fleurus.
Lorsqu’il eut fini aq milieu des sanglots, et que, comme intermède, quarante jeunes élèves du Conservatoire, vêtues de blanc, les cheveux ornés de bandelettes et portant des écharpes de crêpe, eurent chanté, autour du mausolée, une strophe de l’hymne de Chénier mise en musique par Cherubini ; après que ces jeunes élèves, deux à deux, d’une main tremblante et en détournant leurs regards où se peignaient l’attendrissement et la douleur, furent venues déposer leurs branches de laurier aux pieds de l’effigie du mort109 ; en ce moment solennel, le citoyen Daunou, membre de l’Institut national, et chargé par lui de faire le panégyrique du héros, s’avança, tenant à la main aussi sa branche de laurier, et parla sur les degrés du mausolée : « …. […] Les dernières phrases du discours sur Boileau étaient un hommage à Napoléon : « Aujourd’hui que toutes les émulations renaissent à la voix d’un héros couvert de toutes les gloires, etc. » Dans l’édition de 1825, cette conclusion a disparu, et se trouve remplacée par une violente sortie contre la littérature romantique. […] Lui, ancien oratorien, et prêtre, il consent, par l’ordre et dans l’intérêt de celui qu’il appellera un tyran et qu’il abhorre, à accabler, à envelopper d’un tissu historique très-équivoque, très-artificieux, le vieux pontife alors persécuté, spolié, prisonnier ; il réclame contre lui les rigueurs115 ; il termine ce livre anonyme, à fausses couleurs gallicanes, par les éloges les plus absolus du héros qu’il semble mettre au-dessus de Charlemagne116, et dont il recevra à ce sujet diverses sortes de récompenses : et tout cela, pour servir ses propres opinions, à ce qu’il croit, et pour satisfaire ses profondes rancunes. […] Héros, aventurier ou brigand, c’est tout un pour lui ; il est inexorable et sourd à cet endroit des despotes et conquérants124. […] Abolir le pouvoir terrestre des pontifes est l’un des plus vastes bienfaits que l’Europe puisse devoir à un héros.
C’est la localité, où l’historiette se passe, ou plutôt le cercle au milieu duquel se développe la vie du héros ou de l’héroïne, ou encore c’est le sort qui leur est jeté dès leur naissance· et qui les avertit à toute heure : à Montrouge, à Saint-Lazare, à la Roquette. […] C’est un jeune héros qui revient de la guerre et cherche à gagner le cœur de sa bien-aimée. […] Quand il retourne à la lumière, après avoir accompli sa tâche, il se sent héros, et croit fermement que les autres l’admireront pour sa vaillance. […] Ils font venir les robes de l’héroïne de chez Worth ou Redfern et ils la parfument des odeurs et des idées en vogue. […] Vous rappelez-vous les Terres vierges de Tourguénieff avec leur conclusion d’une émotion poignante : le héros et l’héroïne se donnant la main pour aller parmi le peuple, c’est-à-dire vers l’inconnu !
Guizot : il a remercié son héros de m’avoir pas désespéré, d’avoir repris et continué sa tâche sans s’effrayer des obstacles semés sur sa route. […] Il a toujours et partout substitué l’animal au héros, la chaleur du sang à l’espérance exaltée. […] C’est à l’unité idéale des héros de Sophocle qu’il faut rapporter l’harmonie constante, l’élégance soutenue de toutes les paroles qu’ils prononcent. […] Ce que je dis des héros de Shakespeare, je puis le dire, avec une égale franchise, avec une égale justice, des fables où ces héros sont engagés. […] Étant donnés les héros et les fables créés par le poète anglais, le dialogue de ses pièces ne pourrait sans absurdité se proposer l’unité grecque.
Il préfère mille fois les Phèdre ou les Roxane, victimes de leur fureur amoureuse, aux héroïnes impeccables de Corneille ; parmi celles-ci il ne fait grâce qu’à Chimène, parce qu’elle lui paraît plus amante que fille, plus passionnée que vertueuse. […] Les héros de Racine passent pour ressembler aux courtisans de Louis XIV : calomnie pure ! […] Chacun sait que les héros de Corneille sont au-dessus de la moyenne de l’humanité, que ce sont des héros héroïques. […] On ne verrait plus couler ni le sang des héros ni les larmes des amants plus douces que leurs baisers. » Adieu du même coup la poésie, la pitié, tout ce qui a été inventé pour consoler du mal de vivre ! […] Essayez de le traduire en prose : vous mettez ses héros en pantoufles.
Des lecteurs plus fidèles aux souvenirs libéraux et moins désabusés sur le compte de ces doctrines auraient droit de s’étonner pourtant de la facilité avec laquelle l’historien absout le héros.
Jay n’a nullement reculé devant la tâche obligatoire : il a pris M. de Montesquiou depuis son entrée sur la scène politique jusqu’à sa mort ; il a encadré, entre l’apparition et le décès de M. de Montesquiou, toute notre révolution, se rejetant, quand la vie du héros faisait faute, sur Castor et Pollux, sur la Convention et sur l’Empire, lançant son petit trait au passage contre les passions sinistres et contre la manie des conquêtes, manie qui n’est guère contagieuse apparemment.
. — Comme les héros des chansons de gestes voyaient le monde divisé en deux camps : les chrétiens, qui sont les bons, et les païens, qui sont les méchants ; ou comme saint Ignace, dans un de ses « exercices », partage l’humanité en deux armées : celle du bien et celle du mal, ou celle des amis des Jésuites et celle de leurs ennemis, ainsi pour l’esprit révolutionnaire la nation se divise exactement en prolétaires et en bourgeois.
Discours sur les héros de roman.
Le second est en général supérieur au premier dans l’invention des caractères : Agamemnon, Achille, Oreste, Mithridate, Acomat, sont fort au-dessus des héros de l’Énéide.
Il expire en disant ces mots, et il continue avec les anges le sacré cantique. » Nous avions cru pendant quelque temps que l’oraison funèbre du prince de Condé, à l’exception du mouvement qui la termine, était généralement trop louée ; nous pensions qu’il était plus aisé, comme il l’est en effet, d’arriver aux formes d’éloquence du commencement de cet éloge, qu’à celles de l’oraison de madame Henriette : mais quand nous avons lu ce discours avec attention ; quand nous avons vu l’orateur emboucher la trompette épique pendant une moitié de son récit, et donner, comme en se jouant, un chant d’Homère ; quand, se retirant à Chantilly avec Achille en repos, il rentre dans le ton évangélique, et retrouve les grandes pensées, les vues chrétiennes qui remplissent les premières oraisons funèbres ; lorsqu’après avoir mis Condé au cercueil, il appelle les peuples, les princes, les prélats, les guerriers au catafalque du héros ; lorsque, enfin, s’avançant lui-même avec ses cheveux blancs, il fait entendre les accents du cygne, montre Bossuet un pied dans la tombe et le siècle de Louis, dont il a l’air de faire les funérailles, prêt à s’abîmer dans l’éternité, à ce dernier effort de l’éloquence humaine, les larmes de l’admiration ont coulé de nos yeux, et le livre est tombé de nos mains.
Ces héros bienfaisants qui disaient : « Le propre de la puissance est de protéger », voilà des sommets selon notre cœur et selon notre esprit.
Adolphe Racot prête au héros de son dernier roman cette idée que, pour la conduite des hommes, le goût vaut l’intelligence et la probité. […] Ce sont des poèmes intimes dont les héros flottent, entre la réalité et l’idéal, dans une région moyenne, où il est délicieux de se promener. […] Ses héros appartiennent à l’histoire. […] Ceux qui aiment les petits tableaux d’André Chénier prendront sans doute plaisir à visiter ce musée, plein de figures de héros et de nymphes. […] Le héros malheureux l’appelle et l’attend.
Renan se retrouvent chez ses héros préférés : Jésus et Marc-Aurèle. […] Qu’ils soient bien l’expression de sa pensée, on n’en peut douter ; car ils se retrouvent condensés en ses héros de prédilection. […] Renan a revêtu de différentes formes, c’est lui qu’il nous a dépeint sous la figure de ses héros favoris. […] Et l’on pourrait peut-être encore faire la contre-épreuve, achever la peinture en repoussoir, par quelques traits des héros que M. […] On le dirait toujours prêt à pardonner à ses héroïnes leurs plus gros péchés en faveur de la finesse de leur linge.
La bourgeoisie, en surgissant, a produit bien vite ses héroïnes aussi et ses victimes. […] il la justifiait peut-être auprès du Héros, mais de cette même façon douteuse qui réussissait si bien à Mme de Vernon justifiant Delphine auprès de Léonce. […] Au dénoûment de Delphine (je parle de l’ancien dénoûment qui reste le plus beau et le seul), l’héroïne, après avoir épuisé toutes les supplications auprès du juge de Léonce, s’aperçoit que l’enfant du magistrat est malade, et elle s’écrie d’un cri sublime : « Eh bien ! […] La première lettre se prenait aux caractères du roman qui est jugé immoral ; Delphine s’y voit confrontée avec l’héroïne d’un roman injurieux, de laquelle on a également voulu, de nos jours, rapprocher Lélia. […] Je laisse le plaisir de le trouver aux admirateurs de la littérature napoléonienne, qui commencent à découvrir dans le héros le premier écrivain du siècle (Thiers, Carrel, Hugo, etc.). — Laissons à César ce qui lui appartient, mais ne lui apportons pas toutes les couronnes.
À date fixe, devant tout un peuple assemblé pour lequel les Dieux sont vraiment des Dieux, les héros des héros, qui ont fondé, gardé et qui protègent la cité, on représente leurs hauts-faits connus de tous, les crimes et les malheurs des ancêtres courbés sous la loi du Destin, les fastes même de l’histoire locale. […] Les héros païens qu’ils lui présentaient, quasi-inconnus du vulgaire, n’ignoraient pas les valeurs chrétiennes reçues sur lesquelles la masse vivait encore, et presque tout le reste de la société française, même les « libertins ». […] Ses médiocres émules au théâtre rompront tout commerce avec l’homme pour ne proposer au public que des héros glacés et, pour mieux dire, des vertus. […] Il ne voit pas que le ton moyen chez Racine, comme certaine ironie chez Corneille, est d’espèce comique, que leurs héros, vraiment humains, ne demeurent pas guindés dans leur noblesse et dans leur pathétique d’un bout à l’autre de l’action, qu’ils savent nuancer leur désespoir et leur furie. […] —, de la comédie larmoyante de Nivelle de la Chaussée, elle expulse d’autorité la fiction et le passé, les héros de la légende et les héros de l’histoire, les créations de la fantaisie et l’héritage de la tradition.
Non, vous ne mourrez pas, vous qui fûtes aimé… On devine que cette muse s’est grisée de poésie romantique jusqu’au délire : elle s’est voulue aimée, comme l’ont été les héroïnes de Musset, de Lamartine, de Leopardi, de Dante et de Pétrarque, etc. […] La poétesse nous dit elle-même ce qu’il entre de réminiscences littéraires dans son amour : elle a accumulé dans son bien-aimé tous les héros des poètes ; il synthétise en lui toutes les sentimentalités, toutes les poésies, et son cœur est « plus doux que Naples et la musique ». […] Il lui est aussi insupportable d’être nue, d’être elle-même psychiquement que physiquement : alors, elle se vêt de sentiments empruntés aux dépouilles des héroïnes de la vie et du roman. […] Sabine, l’héroïne de Mme de Noailles, est plus tourmentée : elle est comme la synthèse de la femme du xixe siècle disparu, quelque chose, peut-être, comme « le Bouvard et Pécuchet » de la sentimentalité. […] C’est l’abnégation de sa personnalité : des réalités qu’elle cueille, elle orne les autels de ses héros de roman, ou, plutôt, leur restitue ce qu’elle leur doit, car, sans Rousseau, sans Gœthe, sans Musset, se douterait-elle que l’air est parfumé de tristesse, qu’il y a de l’amour tragique dans les êtres et dans les choses ?
« Il fut alors convaincu, dit un grand prédicateur, qu’il y avait quelque chose de nouveau sous le soleil ; et parce qu’il avait un cœur droit, il vit avec joie un plus fort que lui, selon les termes de l’Ecriture, sur le théâtre du monde, obscurcissant tous les héros, et lui causant à lui-même de l’étonnement184. » A l’exemple de Condé, qui avait fait la guerre pour son compte, deux hommes qui l’avaient faite, l’un pour le compte de la Fronde, l’autre pour une femme, Turenne et La Rochefoucauld s’empressèrent de désarmer, et de faire oublier au roi leurs torts envers l’Enfant royal. […] Tous les héros du théâtre d’alors sont tels qu’Anne d’Autriche représente son fils, « tendres et raisonnables. » Ceux-là seuls intéresseront toujours l’esprit humain. […] Dans la part que le poète a faite à la passion de l’amour, dans ces créations de rôles de femmes, on reconnaît la séduction des exemples du roi ; dans les héros du poète, chez qui la grandeur est toujours accompagnée du naturel, on reconnaît la personne même de Louis XIV. […] L’un lui reprochait « le froid assez étrange avec lequel il ne faisait qu’effleurer en passant les louanges du roi. » — « N’était-ce pas, disait un autre, traiter le roi avec bien peu de respect que de conseiller le repos à un héros tel que lui ? […] Ce fut Bossuet qui lui parla le premier, « avec le respect d’un sujet, mais aussi avec la liberté d’un prédicateur. » A ce jeune prince si porté à la tendresse, si bien fait, si magnifique, « dont les belles qualités, dit Mme de Motteville, causaient toutes les inquiétudes des dames », il peignit la violence des désirs de la jeunesse, « ces cœurs enivrés du vin de leurs passions et de leurs délices criminelles, l’habitude qui succède à la première ardeur des passions, et qui est quelquefois plus tyrannique247. » Il lui découvrit les pièges de l’impudicité, « laquelle va tête levée, et semble digne des héros, si peu qu’elle s’étudie à se couvrir de belles couleurs de fidélité, de discrétion, de douceur, de persévérance 248. » Il lui représenta le « plaisir sublime que goûtent ceux qui sont nés pour commander, quand ils conservent à la raison cet air de commandement avec lequel elle est née ; cette majesté intérieure qui modère les passions ; qui tient les sens dans le devoir, qui calme par son aspect tous les mouvements séditieux, qui rend l’homme maître en lui-même249. » A ce roi si absolu, si maître de tout, si obéi, il montra le cœur d’un Nabuchodonosor ou d’un Balthasar, dans l’histoire sainte, d’un Néron, d’un Domitien dans les histoires profanes, « pour qu’il vît avec horreur et tremblement ce que fait dans les grandes places l’oubli de Dieu, et cette terrible pensée de n’avoir rien sur sa tête250. » Le premier, devant ce roi si plein de vie, et qui paraissait si loin de la mort, devant cette cour si attachée aux choses du monde, il ne craignit pas de soulever la pierre d’un tombeau, et d’y faire voir « cette chair qui va changer de nature, ce corps qui va prendre un autre nom, ce je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue, tant il est vrai que tout meurt en lui, jusqu’à ces termes funèbres par lesquels on exprimait ses malheureux restes251. » A ce roi entouré de tant de faveur, d’une si grande complaisance des jugements humains, il révéla les secrets de la justice « de ce Dieu qui tient un journal de notre vie, et qui nous en demandera compte dans ces grandes assises, dans cette solennelle convocation, dans cette assemblée générale du genre humain252. » Ce qui sied le mieux à l’âge où l’imagination et la passion dominent, ce sont de fortes peintures.
Ses personnages sont encore des héros, des demi-dieux, des dieux ; ses ressorts, des songes, des oracles, des fatalités ; ses tableaux, des dénombrements, des funérailles, des combats. […] Le chœur commente la tragédie, encourage les héros, fait des descriptions, appelle et chasse le jour, se réjouit, se lamente, quelquefois donne la décoration, explique le sens moral du sujet, flatte le peuple qui l’écoute. […] Mêmes fables, mêmes catastrophes, mêmes héros. […] Les héros d’Homère sont presque de même taille que ses dieux. […] Certes, si l’on veut autre chose que ces tragédies dans lesquelles un ou deux personnages, types abstraits d’une idée purement métaphysique, se promènent solennellement sur un fond sans profondeur, à peine occupé par quelques têtes de confidents, pâles contre-calques des héros, chargés de remplir les vides d’une action simple, uniforme et monocorde ; si l’on s’ennuie de cela, ce n’est pas trop d’une soirée entière pour dérouler un peu largement tout un homme d’élite, toute une époque de crise ; l’un avec son caractère, son génie qui s’accouple à son caractère, ses croyances qui les dominent tous deux, ses passions qui viennent déranger ses croyances, son caractère et son génie, ses goûts qui déteignent sur ses passions, ses habitudes qui disciplinent ses goûts, musclent ses passions, et ce cortège innombrable d’hommes de tout échantillon que ces divers agents font tourbillonner autour de lui ; l’autre, avec ses mœurs, ses lois, ses modes, son esprit, ses lumières, ses superstitions, ses événements, et son peuple que toutes ces causes premières pétrissent tour à tour comme une cire molle.
Drôle de chantre, en vérité, dont le premier soin est d’enlaidir et de bestialiser ses héros ! […] Chaque romancier aura-t-il la ridicule prétention de nous dresser un rapport sur l’état anatomique et l’état dynamique de ses héros et de ses héroïnes. […] Il ne s’agit ni d’un héros ni d’une héroïne, mais d’un sujet ; il n’est plus question d’une situation, mais d’un cas pathologique.
Tous ces héros (et la plupart sont des héroïnes) ressemblent plus ou moins à ce surprenant Alidor de la Place Royale quittant sa maîtresse qu’il aime, sans but, sans raison, pour rien, pour le plaisir de se sentir fort. […] Et il n’est pas non plus dans les coups de poignard. « Ce n’est pas une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie73. » Titus et Bérénice, qui ne meurent ni ne sont tués, souffrent autant que les autres héros tragiques.
Un de ses interlocuteurs dit à l’autre, en parlant des héroïnes qui vont y figurer : « A-t-on jamais vu, dites-moi, deux peckes50 provinciales plus ridicules que celles-là ? […] L’estime de Boileau pour mademoiselle de Scudéry ne l’avait pas empêché de parodier ses écrits dans ses héros de roman. […] C’est certainement bien elle qu’il désigne dans la quatrième scène des Précieuses, lorsqu’il met dans la bouche de Madelon des plaintes contre l’incongruité de demander tout crûment une personne en mariage ; lorsqu’il lui fait dire que le mariage ne doit jamais arriver qu’après les autres aventures, et après que l’amant a parcouru la carte du tendre, suivant l’exemple de Cyrus et de Mandane, d’Aronce et de Clélie, héros des deux premiers romans que mademoiselle de Scudéry publia sous son nom après la dispersion de l’hôtel de Rambouillet.
Cette héroïne est une ouvrière, l’Ouvrière par excellence, Ergané ; la reine laborieuse des ruches féminines. […] C’est elle qui a appris à la femme l’art de semer les fleurs sur la toile, comme sur l’herbe serrée d’une prairie brillante, d’y dessiner en fils de pourpre les exploits des héros et la gloire des dieux. […] Un héros interrompt un instant cette série néfaste ; l’inévitable malédiction le force bientôt à la renouer.
Les héros des poèmes sont frénétiques d’exultation, ou radotent et délirent de douleur, comme les étranges femmes des contes, mystiques, grandes et frêles, ont la ferveur égarée des êtres fragilement nerveux. […] Il posséda, à un degré aussi élevé que le héros des Deux assassinats ; la souveraine puissance raisonnante, démontra le principe de l’automate de Maelzel, découvrit le mystère judiciaire réel de l’assassinat de Marie Roget, déchiffra tous les cryptogrammes qui, à la suite d’un article, lui furent envoyés par des inconnus. […] Aux dernières pages du Chat noir, est dressé le cadavre gâté de l’assassinée, que dévore, la gueule rouge, l’animal famélique, sinistre héros de ce conte.
L’homme de lettres, placé entre un héros et un monarque, a reçu de la patrie les mêmes témoignages de reconnaissance ; des plumes éloquentes en ont augmenté l’éclat et garanti la durée, et cet honneur n’a rien encore qui doive alarmer l’envie ; il n’existe que pour les morts. […] Ils offraient à leurs concitoyens les grands événemens de leur histoire, les triomphes de leurs héros, les malheurs de leurs ennemis, les crimes de leurs dieux. […] Beautés à jamais célèbres, dont les noms sont placés dans notre mémoire à côté des héros de ce siècle fameux, combien vous deviez aimer Racine !
« Lève-toi, me dit-elle, et reconnais en moi « La vierge des combats, le sauveur de son roi ; « Celle qui déserta sa tranquille chaumière « Pour suivre de l’honneur le périlleux chemin ; « Celle qui délivra la France prisonnière, « Et qui porte encor dans sa main « Et sa houlette et sa bannière. » …………………………………………………… Elle dit, et bientôt, du nuage voilée, L’héroïne s’enfuit sur la route étoilée. […] Oui, de la vérité rallumant le flambeau, J’enflammerai les cœurs de mon noble délire ; On verra l’imposteur trembler devant ma lyre ; L’opprimé, qu’oubliait la justice des lois, Viendra me réclamer pour défendre ses droits ; Le héros, me cherchant au jour de sa victoire, Si je ne l’ai chanté doutera de sa gloire ; Les autels retiendront mes cantiques sacrés, Et fiers, après ma mort, de mes chants inspirés, Les Français, me pleurant comme une sœur chérie, M’appelleront un jour Muse de la patrie ! […] J’y trouvai un jeune écrivain, d’âme sensible et de main magistrale, qui ne rougit ni d’aimer ni d’admirer, Paulin de Limayrac ; une femme qui a perdu son sexe dans la mêlée du génie comme les héroïnes du Tasse, madame Sand.
Toutes les fois que ses héros et chevaliers auront peur ou qu’ils verseront des larmes, il le dira89. […] « Circé, est-il dit d’Ulysse dans Homère, retient ce héros malheureux et gémissant, et sans cesse par de douces et trompeuses paroles elle le flatte, pour lui faire oublier Ithaque : mais Ulysse, dont l’unique désir est au moins de voir la fumée s’élever de sa terre natale, voudrait mourir. » — Citant ce passage de Joinville, qui m’a rappelé celui d’Homère, Chateaubriand, au début de son Itinéraire de Paris à Jérusalem, où il a la prétention d’aller en pèlerin aussi et presque comme le dernier des croisés, tandis qu’il n’y va que comme le premier des touristes, a dit : « En quittant de nouveau ma patrie, le 13 juillet 1806, je ne craignis point de tourner la tête, comme le sénéchal de Champagne : presque étranger dans mon pays, je n’abandonnais après moi ni château, ni chaumière. » Ici l’illustre auteur avec son raisonnement me touche moins qu’il ne voudrait : il est bien vrai que, de posséder ou château ou simple maison et chaumière, cela dispose, au départ, à pleurer : mais, même en ne possédant rien sur la terre natale, il est des lieux dont la vue touche et pénètre au moment où l’on s’en sépare et dans le regard d’adieu.
L’abbé Legendre, qui a écrit jusqu’à quatre Éloges de M. de Harlay, sans compter ce qu’il en dit dans ses Mémoires ; qui l’a loué une première fois en français, mais un peu brièvement40, une seconde fois en français encore41 et en s’attachant à ne mettre dans ce second morceau ni faits, ni pensées, ni expressions qui fussent déjà dans le premier ; qui l’a reloué une troisième fois en latin42, puis une quatrième et dernière fois en latin encore43, mais pour le coup avec toute l’ampleur d’un juste volume, Legendre a commencé ce quatrième et suprême panégyrique qui englobe et surpasse tous les précédents par un magnifique portrait de son héros ; je le traduis ; mais on ne se douterait pas à ce début qu’il s’agit d’un archevêque, on croirait plutôt qu’il va être question d’un héros de roman : « Harlay était d’une taille élevée, juste, élégante, d’une démarche aisée, le front ouvert, le visage parfaitement beau empreint de douceur et de dignité, le teint fleuri, l’œil d’un bleu clair et vif, le nez assez fort, la bouche petite, les lèvres vermeilles, les dents très bien rangées et bien conservées jusque dans sa vieillesse, la chevelure épaisse et d’un blond hardi avant qu’il eût adopté la perruque ; agréable à tous et d’une politesse accomplie, rarement chagrin dans son particulier, mangeant peu et vite ; maître de son sommeil au point de le prendre ou de l’interrompre à volonté ; d’une santé excellente et ignorant la maladie, jusqu’au jour où un médecin maladroit, voulant faire le chirurgien, lui pratiqua mal la saignée ; depuis lors, s’il voyait couler du sang, ou si un grave souci l’occupait, il était sujet à des défaillances ou pertes de connaissance, d’abord assez courtes, mais qui, peu à peu, devinrent plus longues en avançant : c’est ce mal qui, négligé et caché pendant plus de vingt ans, mais se répétant et s’aggravant avec l’âge, causa enfin sa mort. » L’explication que l’abbé Legendre essaye de donner des défaillances du prélat par suite d’une saignée mal faite est peu rationnelle : M. de Harlay était sujet à des attaques soit nerveuses, soit d’apoplexie plus probablement, dont une l’emporta.
Vous vous préoccupez des rêves creux de votre héroïne 33. […] L’héroïne d’un roman à la mode : mettez-y le nom que vous voudrez.
Mademoiselle de Montpensier, du même âge que Mme de Sévigné, mais qui s’était un peu moins assouplie qu’elle, écrivant en 1660 à Mme de Motteville sur un idéal de vie retirée qu’elle se compose, y désire des héros et des héroïnes de diverses manières : « Aussi nous faut-il, dit-elle, de toutes sortes de personnes pour pouvoir parler de toutes sortes de choses dans la conversation, qui, à votre goût et au mien, est le plus grand plaisir de la vie et presque le seul à mon gré. » 8.
Mais le grand poète, d’après ce que je viens de dire, ne doit pas être doué seulement d’une mémoire vaste, d’une imagination riche, d’une sensibilité vive, d’un jugement sûr, d’une expression forte, d’un sens musical aussi harmonieux que cadencé ; il faut qu’il soit un suprême philosophe, car la sagesse est l’âme et la base de ses chants ; il faut qu’il soit législateur, car il doit comprendre les lois qui régissent les rapports des hommes entre eux, lois qui sont aux sociétés humaines et aux nations ce que le ciment est aux édifices ; il doit être guerrier, car il chante souvent les batailles rangées, les prises de villes, les invasions ou les défenses de territoires par les armées ; il doit avoir le cœur d’un héros, car il célèbre les grands exploits et les grands dévouements de l’héroïsme ; il doit être historien, car ses chants sont des récits ; il doit être éloquent, car il fait discuter et haranguer ses personnages ; il doit être voyageur, car il décrit la terre, la mer, les montagnes, les productions, les monuments, les mœurs des différents peuples ; il doit connaître la nature animée et inanimée, la géographie, l’astronomie, la navigation, l’agriculture, les arts, les métiers même les plus vulgaires de son temps, car il parcourt dans ses chants le ciel, la terre, l’océan, et il prend ses comparaisons, ses tableaux, ses images, dans la marche des astres, dans la manœuvre des vaisseaux, dans les formes et dans les habitudes des animaux les plus doux ou les plus féroces ; matelot avec les matelots, pasteur avec les pasteurs, laboureur avec les laboureurs, forgeron avec les forgerons, tisserand avec ceux qui filent les toisons des troupeaux ou qui tissent les toiles, mendiant même avec les mendiants aux portes des chaumières ou des palais. […] Il lui apprend le patriotisme par le récit des exploits de ses héros, qui quittent leur royaume paternel, qui s’arrachent des bras de leurs mères et de leurs épouses pour aller sacrifier leur sang dans des expéditions nationales, comme la guerre de Troie, pour illustrer leur commune patrie ; il lui apprend les calamités de ces guerres dans les assauts et les incendies de Troie ; il lui apprend l’amitié dans Achille et Patrocle, la sagesse dans Mentor, la fidélité conjugale dans Andromaque ; la piété pour la vieillesse dans le vieux Priam, à qui Achille rend en pleurant le corps de son fils Hector ; l’horreur pour l’outrage des morts dans ce cadavre d’Hector traîné sept fois autour des murs de sa patrie ; la piété dans Astyanax, son fils, emmené en esclavage dans le sein de sa mère par les Grecs ; la vengeance des dieux dans la mort précoce d’Achille ; les suites de l’infidélité dans Hélène ; le mépris pour la trahison du foyer domestique dans Ménélas ; la sainteté des lois, l’utilité des métiers, l’invention et la beauté des arts ; partout, enfin, l’interprétation des images de la nature, contenant toutes un sens moral, révélé dans chacun de ses phénomènes sur la terre, sur la mer, dans le ciel ; sorte d’alphabet entre Dieu et l’homme, si complet, et si bien épelé dans les vers d’Homère, que le monde moral, le monde matériel, réfléchis l’un dans l’autre comme le firmament dans l’eau, semblent n’être plus qu’une seule pensée et ne parler qu’une seule et même langue à l’intelligence de l’aveugle divin !
Zola a fait de son héros un peintre ? […] Mais c’est surtout que le métier de son héros permettait à M.
Comme elles sont échappées à l’auteur à l’occasion de ce qui arrivait à ses héros et à ses héroïnes, elles ont souvent la vertu de rappeler quelque joie ou quelque douleur de la vie ; et il y en a qui résument si bien une situation dramatique, que malgré soi on se laisse aller à rêver sur la scène de roman qui a dû les inspirer : l’imagination ne s’arrête pas longtemps à ce jeu qui serait bientôt un travail, mais cette excitation n’en a pas moins du charme.
Si simple que soit le style de Pascal, et quoiqu’on ait eu raison de dire que, « rapide comme la pensée, il nous la montre si naturelle et si vivante, qu’il semble former avec elle un tout indestructible et nécessaire », ce style, dès qu’il se déploie, a des développements, des formes, du nombre, tout un art dont le secret n’est pas celui du héros qui court à sa conquête. […] Prétendre imiter le procédé de diction du héros qui sut abréger César lui-même, ce serait risquer d’être sobre jusqu’à la maigreur et de paraître tendu ou heurté.
Il y a plus de deux siècles déjà, en 1624, Honoré d’Urfé (l’auteur du fameux roman de L’Astrée), qui vivait en Piémont, reçut une lettre très sérieuse qui lui était adressée par vingt-neuf princes ou princesses et dix-neuf grands seigneurs ou dames d’Allemagne ; les susdits personnages l’informaient qu’ils avaient pris les noms des héros et des héroïnes de L’Astrée, et s’étaient constitués en Académie des vrais amants ; ils demandaient avec instance la suite de l’ouvrage.
Le métier des armes lui plaisait, il croyait que l’homme est fait pour l’action ; dans un siècle où les frivolités, la mollesse et la corruption envahissaient la jeune noblesse, il attachait un sens précis, un sens antique à ces mots de vertu et de gloire : « La gloire embellit les héros, se disait-il. […] En l’écrivant, Vauvenargues ne songeait certes pas à faire son portrait ; mais il se retraçait et se proposait son plein idéal à lui-même : Quand je trouve dans un ouvrage une grande imagination avec une grande sagesse, un jugement net et profond, des passions très hautes, mais vraies, nul effort pour paraître grand, une extrême sincérité, beaucoup d’éloquence, et point d’art que celui qui vient du génie, alors je respecte l’auteur : je l’estime autant que les sages ou que les héros qu’il a peints.
Je ne dirai rien des mille espiègleries qu’il raconte, des pavots coupés dans le jardin, et sur lesquels l’enfant, tout plein de son Iliade, s’exerçait en Ajax furieux ; il croyait moissonner, avec son sabre de bois, des héros troyens. […] Dans sa fable d’Hercule au ciel, Florian commence par ces lignes prosaïques : Lorsque le fils d’Alcmène, après ses longs travaux, Fut reçu dans le ciel, tous les dieux s’empressèrent De venir au-devant de ce fameux héros… Certes, La Fontaine, ayant à peindre Hercule enlevé de son bûcher dans l’Olympe, et s’asseyant tout en feu entre les dieux, s’y serait pris autrement.
Parmi les chefs polonais, il en choisit pour ses héros qui n’ont pas soutenu plus tard ce caractère : il les voit de loin dans les poses chevaleresques qu’ils se donnent, et tout à leur avantage. […] Ce qu’il me dit sur eux en courant et dans sa vive familiarité, m’en apprend plus et entre mieux dans mon esprit que les scènes dramatiques et un peu extérieures de Rulhière, qui, tout en nous avertissant de l’ostentation de ses héros, y donne lui-même et s’y laisse prendre.
Ici, on le retrouve ce qu’il sera toute sa vie, combattant pied à pied, un peu formaliste, tenant à n’avoir pas eu un tort, retranché dans la question de droit, disputant le terrain comme il aurait pu le faire avec Mina dans les plis et replis des montagnesa, tendant la situation au risque de la briser, jouant sa tête en toute témérité et bonne grâce plutôt que de se laisser entamer de l’épaisseur d’un cheveu ; en un mot, si j’ose le dire, à la fois chevaleresque et raisonneur comme le sont certains héros de son compatriote Corneille. […] Il attribuait à la honte secrète qu’en ressentait Courier l’exagération avec laquelle il avait toujours nié, depuis, le génie des héros et des grands capitaines.
Vous devriez nous en fournir tous les six mois. » Mais il n’en est pas de ces petits chefs-d’œuvre comme des victoires de héros : on ne les rencontre pas plus d’une fois dans sa vie. […] Trois réponses à faire à trois candidats, des regrets à donner à ceux dont ils occupaient les places, lui fournissaient des idées nombreuses et variées, des images brillantes ou aimables comme les talents qu’il avait à célébrer… Il a loué les trois récipiendaires et leurs trois prédécesseurs, mais il ne s’est pas assez arrêté sur leur éloge, et l’on peut dire qu’il les a traités comme Pindare (lisez Simonide) traitait les héros des jeux Olympiques, dont sa muse se contentait de dire un mot, pour parler ensuite de Castor et Pollux.
En proie aux difficultés matérielles de la vie, il semble que les héros de M. […] Elle croira que les bourgeois de la seconde moitié du siècle étaient des vases de pureté, comme nous croyons que Pyrrhus y regardait à deux fois avant de faire subir à ses captives, fût-ce à Andromaque, le sort réservé autrefois aux belles femmes des héros morts.
Ce sont les héros du roman… Ils avaient fini de s’ajuster, — ils étaient prêts, — ils avançaient déjà le pied pour faire la révérence en entrant dans ce salon — qui n’existe pas ! […] Schaunard, Rodolphe, Marcel, Colline, ne sont ni des d’Arthez, ni des Lousteau, ni des héros de tragédies romaines, ni-des sacripants de boudoir. — Ils pensent et ils sentent, ils sentent surtout.
Il n’est presque pas de ministre ou de politicien parvenu, fût-il de l’esprit le plus médiocre et le plus vulgaire, qui ne puisse lire, dans l’entrefilet consacré aux « hommes du jour », aux « instantanés », aux « célébrités et actualités », qu’il n’est pas seulement doué de toutes les qualités qui fondent les réputations durables, pas seulement génial, populaire, nécessaire au pays, mais, ce qui flatte bien autrement le héros de l’heure présente, qu’il est « une personnalité éminemment parisienne ». […] Il a été, assurément, l’un des héros de comédie d’après lesquels s’est faite et s’est transmise la physionomie littéraire du provincial.
« Nul héros ne pourra se comparer à lui dans la mêlée, quand les fleuves de Phrygie déborderont de sang troyen, et que, sous les coups d’une guerre lointaine, le troisième héritier du parjure Pélops ravagera les murs de Troie. […] Ce que les souvenirs mythologiques de la Grèce, les héros fondateurs de ses jeux, les origines fabuleuses de ses cités avaient été pour le grand poëte lyrique de Thèbes, quelques noms glorieux et lointains de l’ancienne Rome le seront pour le chantre du siècle d’Auguste.
Sans doute, il est juste d’y suivre et d’y reconnaître, parmi d’affreux conflits, une touchante physionomie de poëte, une tête de héros et de victime, André Chénier, saluant avec l’hymne de l’espérance l’Assemblée nationale, puis frappant de l’anathème d’Archiloque la trahison sanguinaire, ou pleurant comme Simonide sur l’innocence et le malheur. […] Héros qui pour votre pacifique contrée avez péri, et vous qui, fuyant, avez taché de vos blessures les neiges de vos montagnes, pardonnez-moi d’avoir jamais nourri en moi une pensée de bénédiction pour vos ennemis !
Il aurait fait sentir tout ce qu’il y a de romanesque et de mélancolique dans la singulière destinée du héros de Lépante. […] Mais Clytemnestre, Électre, Égisthe, Agamemnon, parlent avec une simplicité aussi nue que les héros du Pentateuque. […] Louis XIII et Marion ne rappelaient guère madame de Motteville et le coadjuteur ; Didier ne ressemblait pas aux héros de la Fronde. […] Le héros de la pièce est-il Fabiano ? […] Comme l’ode et le roman, le drame aura des beautés successives ; on reviendra voir trente fois la même héroïne, avec la certitude d’éprouver une émotion nouvelle.
Là, autant qu’il est possible de lire dans des cœurs d’homme en ces temps d’orages, on devra distinguer quels furent les fanatiques, les sanguinaires, les systématiques, les lâches, et, — s’il en fut, comme on n’en saurait douter, — les héros et les vertueux.
Mais ce n’est point par ce côté que la nation l’honore aujourd’hui : c’est pour son génie militaire, son code civil, son chatouilleux orgueil d’indépendance nationale, que la France, dans son bon sens, l’accepte comme un héros de cette Révolution qui s’achève et qu’il domine de son souvenir.
Un saint Jean Chrysostome ou un saint Grégoire de Nazianze eût jugé que cette dame avait seulement commencé à faire son devoir ; et notre République démocratique l’exalte comme une héroïne de la charité.
L’imagination magnifique de ce poète évoque les héros et les pâles princesses de la légende et les fait passer sur de somptueux décors.
Mais toujours — tant la philosophie sociale et la littérature se confondent en ce beau livre — nous demeurons gêné pour louer, à l’exclusion des généreuses déclamations du Héros, telles strophes descriptives, tels paysages, tels rythmes, et la difficulté se fait insurmontable.