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29. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Comte, il est vrai, a proclamé que les phénomènes sociaux sont des faits naturels, soumis à des lois naturelles. […] Les phénomènes sociaux présentent incontestablement ce caractère. […] Même les phénomènes qui paraissent le plus consister en arrangements artificiels doivent être considérés de ce point de vue. […] Donc, en considérant les phénomènes sociaux comme des choses, nous ne ferons que nous conformer à leur nature. […] Aussi ni Locke, ni Condillac n’ont-ils considéré les phénomènes psychiques objectivement.

30. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Herbert Spencer : celle de la continuité des phénomènes psychologiques, celle du rapport intime entre l’être et son milieu. […] Tandis que les phénomènes qui sont l’objet de la physiologie, se produisent sous la forme d’un nombre immense de séries différentes liées ensemble, les phénomènes qui sont l’objet de la psychologie, au contraire, ne se produisent que sous la forme d’une simple série. […] Bref, il n’y a qu’une seule loi d’association : c’est que chaque phénomène s’agrège avec son semblable dans le temps. […] Dans notre marche régressive, nous descendons d’un phénomène intellectuel à celui qui en est la condition immédiate et l’appui. […] Les phénomènes qui accompagnent certains états morbides du cerveau, fournissent des exemples analogues.

31. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Il est intéressant de remarquer que ce phénomène n’a lieu qu’après la mort. […] J. de Becker a produit aussi un phénomène purement physique, au lieu d’un phénomène physiologique. […] Mais constatons d’abord les phénomènes. […] Cela ne doit être qu’un phénomène de même nature que ceux que M.  […] Il est rare en particulier de rencontrer ce phénomène chez le chien.

32. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Telles sont les analogies des deux phénomènes. […] Resterait seulement à expliquer l’origine de la majeure : pourquoi le privilège d’être jugé mien n’appartient-il pas au contraire aux phénomènes étendus ? […] En pareil cas, mon esprit ne va pas de la spatialité au non-moi, mais au contraire du non-moi à la spatialité ; il fait un syllogisme inverse du précédent : Ce phénomène m’est étranger ; — or tout ce qui m’est étranger a une situation dans l’espace ; — donc ce phénomène doit avoir une situation dans l’espace. […] La perception externe, par sa présence ou son absence, partage l’ensemble des phénomènes en deux groupes, les phénomènes extérieurs et mes phénomènes : la reconnaissance, par sa présence ou son absence, les partage en deux nouveaux groupes qui ne coïncident pas avec les deux premiers : mon passé et le présent. […] Telles sont les différences intrinsèques des deux phénomènes.

33. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Chaque phénomène ne tire son caractère individuel ou spécifique que de la prédominance de l’un des trois ordres. […] Ces phénomènes prouvent que ce que choque partie fait dans l’organisme, chaque partie le fait hors de l’organisme. […] Ainsi s’explique le phénomène du rêve et la croyance à la réalité objective de nos idées et de nos sensations. […] Il importe avant tout de bien concevoir que la distinction logique entre les conditions d’un phénomène et le phénomène lui-même, est simplement un artifice. […] De plus, comme le phénomène de conscience varie avec le phénomène nerveux, outre ces deux quantités qui sont en fonction l’une de l’autre, il n’y a aucune raison d’en admettre une troisième qui n’expliquerait rien.

34. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Les différentes variétés vives ne diffèrent guère que par les phénomènes qui les provoquent ou les accompagnent. […] Or l’épithète, ici, a plus d’importance que le substantif ; le phénomène le plus original est le plus intérieur des deux ; la parole intérieure proprement dite est donc la parole intérieure calme. […] Et pourtant l’habitude a pour effet de faire évanouir peu à peu jusqu’au néant tous les phénomènes de conscience ; pour arracher ses phénomènes à cette mort naturelle, l’âme n’a qu’une ressource, l’attention, c’est-à-dire la volonté. […] L’habitude corrigée par l’attention, associée à l’attention, produit des phénomènes fréquents, mais toujours vifs et nets à la conscience, d’une intensité comme d’une durée sensiblement fixes ; de tels phénomènes, dont la répétition n’est pas compensée par l’affaiblissement, sont ce que nous appelons des habitudes positives. […] Aussi devient-il sans peine une chose de l’âme, et la parole intérieure est bientôt pour la conscience le phénomène principal de la pensée [ch.

35. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Faut-il croire qu’il y a chez les philosophes une certaine tendance à négliger les phénomènes affectifs, et à s’inquiéter de la psychologie de l’esprit plus que de celle du cœur ? Ne faut-il pas penser que c’est plutôt la complexité, l’hétérogénéité de ces phénomènes qui en rend l’analyse si difficile ? […] Jusque-là donc les deux, classes de phénomènes s’accordent. […] Ce phénomène a été justement nommé sympathie (σύν, πάθος). […] C’est l’habitude des philosophes anglais de comprendre, dans leur étude des phénomènes affectifs, celle des plaisirs et peines que nous causent le beau et le laid, le bien et le mal.

36. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Ce phénomène est propre au caractère imaginatif. […] Ce phénomène spécial confirmait la théorie de la Providence, et, de même, cette théorie lui donnait un sens ; la doctrine justifiait l’apparence et l’expliquait. Mais en quoi consistait au juste ce phénomène extraordinaire ? […] Il est impossible de ne pas voir dans le phénomène démonique habituel à Socrate une manifestation originale et particulièrement vive de la parole intérieure morale, ou, tout au moins, un phénomène analogue. […] En ce cas, le phénomène pourrait être défini un aboiement choréique articulé.

37. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

Du moment, en effet, où, au lieu de mêler la lumière ou le phénomène physiologique aux faits humains pour en éclairer la profondeur — comme Shakespeare, par exemple, avant tout le monde, l’a osé d’une si admirable manière et avec tant de bonheur dans sa fameuse scène de lady Macbeth somnambule, — on va plus loin dans le sens de la physiologie, quand on se circonscrit et qu’on enferme son sujet tout entier dans le phénomène, il faut prendre garde, car le passage est dangereux ! […] J’ai cité Shakespeare, et je disais quel parti ce foudroyant intuitif avait su tirer dans Macbeth du phénomène somnambulique, de ce phénomène obscur encore aujourd’hui, et qui de son temps l’était bien davantage. […] … cet homme assez fort pour se mesurer avec ce phénomène étrange du somnambulisme, en restant un artiste humain, réel, et d’un effet aussi nouveau que le phénomène dont il saura le faire jaillir ?… J’ai pris le somnambulisme comme exemple des facilités misérables qu’un phénomène physiologique peut offrir aux esprits abaissés vers les choses faciles, et de la magnifique difficulté qu’il peut présenter aux esprits vigoureusement et fièrement amoureux de la difficulté ! Mais la question que j’ai remuée ici n’est pas limitée à un seul point, n’est pas étranglée dans un seul phénomène : c’est la question du roman physiologique avec toutes ses inventions et toutes ses témérités.

38. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

Si nous ne nous détachons pas du respect ou du mépris que nous inspire telle maxime courante, nous risquons de ne pas la voir à sa vraie place dans la série des phénomènes sociaux : instinctivement nous lui prêterons les causes ou les conséquences qui nous sembleront les plus propres à rehausser ou à rabaisser sa valeur. […] La vie n’attend pas la science ; et il ne faudrait rien moins que la science parfaite et complète de toutes les séries des phénomènes sociaux pour nous donner la formule de la vraie politique égalitaire. […] * ** Avec quels phénomènes l’idée de l’égalité des hommes, là où elle se montre en fait, est-elle en relations constantes ? […] C’est pourquoi nous ne nous proposons pas d’épuiser les causes diverses de ce phénomène historique qui est le succès des idées égalitaires : parmi les séries de conditions qui peuvent concourir à sa production, nous en choisissons une, moins étudiée que les autres, mais non moins importante, pour mesurer l’influence qui lui revient ; et c’est la série des phénomènes proprement sociaux. — En un mot, des problèmes scientifiques de l’égalitarisme, déjà séparés en bloc des problèmes pratiques, nous ne retenons que le problème sociologique. […] — Autant de questions que les différentes sciences des phénomènes historiques n’abordent pas directement, et, qui méritent cependant d’être traitées à part.

39. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Je devrais d’abord décrire toutes les conditions de l’expérience à faire et la loi s’énoncerait alors : si toutes les conditions sont remplies tel phénomène aura lieu. […] Alors comme on ne sera jamais certain de n’avoir pas oublié quelque condition essentielle, on ne pourra pas dire : si telles et telles conditions sont réalisées, tel phénomène se produira ; on pourra dire seulement : si telles et telles conditions sont réalisées, il est probable que tel phénomène se produira à peu près. […] Supposons que nous puissions embrasser la série de tous les phénomènes de l’univers dans toute la suite des temps. […] Pour le Ptoléméien, tous ces phénomènes n’ont entre eux aucun lien ; pour le Copernicien, ils sont engendrés par une même cause. En disant, la Terre tourne, j’affirme que tous ces phénomènes ont un rapport intime, et cela est vrai, et cela reste vrai bien qu’il n’y ait pas et qu’il ne puisse y avoir d’espace absolu.

40. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Je ne connais que par des lectures les phénomènes dont la Société s’occupe ; je n’ai rien vu, rien observé moi-même. […] Il fermait les yeux à et que le phénomène avait de concret. […] Le premier mouvement de la science moderne devait donc être de chercher si l’on ne pourrait pas substituer aux phénomènes de l’esprit certains phénomènes qui en fussent les équivalents et qui seraient mesurables. […] Je pourrais vous citer d’autres exemples, car le phénomène n’est pas, comme on l’a prétendu, symptôme d’asphyxie. […] Entre les diverses consciences pourraient s’accomplir à chaque instant des échanges, comparables aux phénomènes d’endosmose.

41. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

C’est là que tendent les divers motifs qui nous font agir et que l’on peut classer sous les titres suivants : Tous les phénomènes de plaisir et de douleur dérivant du système musculaire, des sensations organiques, des cinq sens proprement dits, des diverses émotions. […] Le terme Aptitude (Abilily) est inoffensif et intelligible ; mais le terme Liberté a été amené de force dans un phénomène avec lequel il n’a rien de commun. […] Il plaira à ceux qui aiment les faits, qui pensent qu’ils sont la substance même d’une science expérimentale, qu’elle ne vit que par eux, que toute généralisation est vide et vaine, sans une ample collection de phénomènes qui lui serve de point de départ et de vérification. […] Je regrette, pour ma part, que l’auteur ait été si sommaire sur les phénomènes qui font la transition de la psychologie normale à la psychologie morbide (rêves, sommeil magnétique, etc.), et qu’il semblait si bien en état d’étudier. […] Ajoutons-y l’absence trop fréquente de l’idée de progrès, d’où par suite l’étude dynamique des phénomènes a été quelquefois négligée.

42. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

Aux phénomènes vaso-moteurs sont liés, dans le cerveau, des phénomènes d’innervation, sous leurs deux formes principales, excitation et arrêt ou « inhibition ». […] On connaît le phénomène de la crampe. […] Les stages lucides de l’hypnotisme, principalement, sont caractérisés par des phénomènes musculaires et par des phénomènes d’hyperesthésie ou d’anesthésie qu’on ne remarque pas dans le sommeil normal. […] Pierre Janet donne des phénomènes cataleptiques. […] Tel est le phénomène de « l’électivité ».

43. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Un homme qui décrit, analyse et classe les phénomènes de la pensée comme MM.  […] Une première critique qu’on peut faire de ces définitions c’est qu’elles confondent deux choses fort différentes, les phénomènes psychologiques et leur substratum ; ou, comme dirait Kant, les phénomènes et les noumènes. […] De là, en psychologie, un premier résultat qui consiste à substituer une étude verbale (celle des facultés) à une étude réelle (celle des phénomènes). […] Un troisième résultat, c’est de dissimuler l’unité de composition des phénomènes psychologiques. […] On traite les phénomènes psychologiques comme la mécanique pure traite les corps, les mouvements et les forces.

44. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Toutes les fois que des éléments quelconques, en se combinant, dégagent, par le fait de leur combinaison, des phénomènes nouveaux, il faut bien concevoir que ces phénomènes sont situés, non dans les éléments, mais dans le tout formé par leur union. […] On a dit que nous expliquions les phénomènes sociaux par la contrainte, de même que M.  […] Il ne faut pas s’étonner, d’ailleurs, que les autres phénomènes de la nature présentent, sous d’autres formes, le caractère même par lequel nous avons défini les phénomènes sociaux. […] Cette science, en effet, ne pouvait naître que le jour où l’on eut pressenti que les phénomènes sociaux, pour n’être pas matériels, ne laissent pas d’être des choses réelles qui comportent l’étude. […] Il est nul ou très faible dans le cercle des phénomènes religieux et moraux ou la variation devient aisément un crime ; il est plus étendu pour tout ce qui concerne la vie économique.

45. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Le phénomène extérieur et objectif qui constitue le son n’est donc pas identique au phénomène intérieur et subjectif qui constitue la sensation de son. […] Donc ces objets sont toujours des phénomènes, des façons d’apparaître, des apparences. Sous tous les phénomènes nous cherchons des phénomènes plus durables ; sous ceux-là d’autres encore, comme, sous la surface agitée de la mer les couches plus tranquilles, et sous celles-là le fond immobile et obscur, l’insondable abîme. […] Il y a donc de l’inconnu connaissable ; c’est tout ce qui est phénomène ou loi de phénomènes. Mais l’intelligence en vient à se demander s’il n’y a pas de l’inconnu qui ne serait ni phénomène ni loi de phénomènes, et qui, à ce titre, serait inconnaissable en vertu de sa nature et de la nôtre.

46. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Herbert Spencer l’applique aux divers ordres de phénomènes. […] Il ne faudra donc voir, dans quelques-uns des rapprochements qui vont suivre, qu’une illustration, un éclaircissement des phénomènes sociaux par les phénomènes biologiques. […] Il n’y a vraiment science que là où les phénomènes sont mesurables. […] Si ses spéculations ont pour objet le futur, il ne peut assigner aucune limite à la grande succession de phénomènes qui se développent toujours devant lui. […] S’il va de la succession des phénomènes externes ou internes à leur nature essentielle, il se trouve également en défaut.

47. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

Par exemple, j’y lis : « Pour conclure avec certitude qu’une condition donnée est la cause prochaine d’un phénomène, il ne suffit pas d’avoir prouvé que cette condition précède ou accompagne toujours le phénomène ; mais il faut établir encore que, cette condition étant supprimée, le phénomène ne se montrera plus. » N’est-ce pas là une des maximes capitales de Bacon ? […] Soit ; mais qu’est-ce qu’observer, si ce n’est penser les phénomènes que l’on a devant les yeux ? On peut voir mille fois le même phénomène sans l’observer. […] Observer, c’est idéaliser le phénomène qui est devant nous, c’est le changer en pensée. […] Cet esprit qui dans le phénomène aperçoit la loi, et dans le particulier le général, ne serait-il lui-même qu’un phénomène particulier, ou, ce qui serait plus étrange encore, la rencontre fortuite de phénomènes accidentels ?

48. (1889) L’art au point de vue sociologique « Préface de l’auteur »

Le système nerveux n’apparaît plus aujourd’hui que comme le siège de phénomènes dont le principe dépasse de beaucoup l’organisme individuel : la solidarité domine l’individualité. […] Il est aussi difficile de circonscrire dans un corps vivant une émotion morale, esthétique ou autre, que d’y circonscrire de la chaleur ou de l’électricité ; les phénomènes intellectuels ou physiques sont essentiellement expansifs ou contagieux. […] De ces cas maladifs, qui sont les plus faciles à connaître, on passera peu à peu aux phénomènes d’influence normale entre les divers cerveaux et, par cela même, entre les diverses consciences. […] Les sentiments sociaux se révéleront commedes phénomènes complexes produits en grande partie par l’attraction ou la répulsion des systèmes nerveux, et comparables aux phénomènes astronomiques : la sociologie, dans laquelle rentre une bonne part de la morale et de l’esthétique, deviendra une astronomie plus compliquée. […] Elle n’anime pas toutes choses uniquement pour satisfaire l’imagination et l’instinct sympathique de sociabilité universelle ; elle anime tout, 1° pour expliquer les grands phénomènes terribles ou sublimes de la nature, ou même la nature entière, 2° pour nous exciter à vouloir et à agir avec l’aide supposée d’êtres supérieurs et conformément à leurs volontés.

49. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Il était l’Alexandre le Grand de la science, le plus grand héros de génie de ce siècle, dans la recherche des phénomènes de la nature et des signes sensibles de l’âme. […] On remarque à peine dans sa correspondance une certaine honte de son ignorance des phénomènes évidemment intellectuels des hommes. […] Je désirais saisir le monde des phénomènes et des forces physiques dans leur connexité et leur influence mutuelles. […] C’est ainsi que le naturaliste avide d’instruction est conduit d’une sphère de phénomènes à une autre sphère qui en limite les effets. […] Il y a autant de charme pittoresque dans la peinture de chaque phénomène que d’art dans la composition didactique de l’ensemble.

50. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

La première a pour province les phénomènes décomposables et sur lesquels nous pouvons expérimenter. La seconde a pour domaine les phénomènes indécomposables, ou sur lesquels nous ne pouvons expérimenter. […] Nous pouvons bien ramener l’un à l’autre des phénomènes de degré différent, mais non des phénomènes d’espèce différente. […] Nous travaillons à transformer chaque groupe de phénomènes en quelques lois, forces ou notions abstraites. […] Alors nous employons une voie indirecte pour joindre les deux phénomènes.

51. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

La première a pour province les phénomènes décomposables et sur lesquels nous pouvons expérimenter. La seconde a pour domaine les phénomènes indécomposables, ou sur lesquels nous ne pouvons expérimenter. […] Nous pouvons bien ramener l’un à l’autre des phénomènes de degré différent, mais non des phénomènes d’espèce différente. […] Nous travaillons à transformer chaque groupe de phénomènes en quelques lois, forces ou notions abstraites. […] Alors nous employons une voie indirecte pour joindre les deux phénomènes.

52. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Je ne sais si je comprends bien l’hypothèse que je viens d’exposer, mais il me semble qu’elle représente d’une manière bien peu satisfaisante les phénomènes de la mémoire. Je ne puis retrouver dans ces phénomènes ces oscillations, ces alternatives, ces va-et-vient, ces deux sens différents, dont l’auteur nous parle et qui ramèneraient le mécanisme de la mémoire aux lois de l’élasticité. […] Par exemple, si je récite la série des nombres, ou l’alphabet, si je repasse dans ma mémoire les notes de la gamme ou les couleurs du spectre, les phénomènes ne se déroulent dans mon imagination que dans un ordre unilatéral et sans aucune rétrogradation. […] Mais quelle est la cause de ce phénomène que nous ne rencontrons pas dans le monde inorganique70 ? […] Au reste, lors même qu’on croirait expliqué physiologiquement le phénomène de la mémoire, on n’aurait pas encore atteint jusqu’à l’intelligence elle-même.

53. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Le défaut de l’ouvrage nous paraît être dans sa classification des phénomènes affectifs. […] Une classification naturelle suppose deux choses : une comparaison des phénomènes, et une analyse rigoureuse qui, sans s’arrêter aux caractères accidentels, pénètre jusqu’à ce qui est fondamental. […] Au point de vue objectif, il s’en réfère au langage naturel des émotions et aux phénomènes sociaux qui en résultent. […] Tous les phénomènes affectifs ne peuvent-ils pas se ramener à une loi dernière, comme les phénomènes intellectuels se ramènent à un mode particulier d’association ? […] Ainsi, constater des phénomènes, les analyser et les décrire, voilà toute sa tâche.

54. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Y a-t-il, outre les phénomènes dont nous avons conscience, des modifications mentales inconscientes ? […] L’idée d’espace dérive d’un phénomène qui est non pas synchronique, mais successif. […] La loi dissociation est pour lui la plus générale qui régisse les phénomènes psychologiques. […] Les lois des phénomènes de l’esprit sont analogues tantôt aux lois mécaniques, tantôt aux lois chimiques. […] La cause d’un phénomène peut donc être définie : l’antécédent ou la réunion d’antécédents dont le phénomène est invariablement et inconditionnellement le conséquent.

55. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

L’idéalisme répète sans cesse que tout ce que nous connaissons est par cela même dans notre conscience ; que les perceptions, sensations et autres choses semblables sont des faits de conscience ; que les phénomènes de la nature nous sont connus seulement sous forme de représentations, conséquemment comme processus psychiques ; en un mot, qu’on ne peut dépasser sa conscience. […] Un coup qu’un autre nous donne, un objet qu’il nous enlève, nous fait faire tout de suite connaissance avec un ordre de phénomènes qui dépend si peu de nos désirs qu’il les contrarie : c’est le non-moi ; et ce non-moi ne reste pas à l’état d’entité métaphysique, abstraite, car il a la forme, par exemple, d’un homme qui nous frappe ou qui nous prend notre morceau de pain, d’un animal qui nous mord, etc. […] La vérité, c’est qu’au début la conscience est une collection de sensations multiples, de phénomènes et de représentations de toutes sortes, un panorama diversifié et confus, une procession vertigineuse d’apparences changeantes. […] Je puis me figurer très aisément des sensations, des émotions, des appétitions comme les miennes ; l’imagination n’a pas pour unique objet des phénomènes dans l’espace : elle roule aussi sur les phénomènes dans le temps et sur les sujets conscients de ces phénomènes. […] Vos phénomènes de conscience sont simplement les miens affectés de la négation non miens ; votre moi est un moi affecté de la négation non moi.

56. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Hartley »

Ce sont : 1° La théorie des vibrations par laquelle Hartley explique les phénomènes nerveux et tous les phénomènes physiques en général. 2° La théorie de l’association qui explique le mécanisme de l’esprit et tous les phénomènes psychologiques sans exception. […] Au xviiie  siècle, la plupart des phénomènes physiques s’expliquaient par des fluides : la chaleur, la lumière, l’électricité, le magnétisme et même les actions vitales. […] Les phénomènes lumineux, caloriques, électriques, tout aussi bien que les actions nerveuses, sont produits par des corps qui vibrent. « Les objets extérieurs, par leurs impressions sur nos sens, causent d’abord dans les nerfs, ensuite dans le cerveau, des vibrations de parties médullaires16 très petites et, pour ainsi dire, infinitésimales. » Ces vibrations « consistent en ondulations de particules très ténues, analogues aux oscillations du pendule ou aux tremblements des molécules d’un corps sonore. » C’est donc sous la forme purement mécanique d’une ondulation que les impressions cheminent le long des nerfs. […] On s’étonne parfois de l’ingénuité de ses explications et l’on comprend par cette lecture combien le raisonnement, s’il n’est à chaque instant appuyé par l’expérience et la confrontation avec les faits, est impuissant tout seul à débrouiller l’inextricable lacis des phénomènes psychiques.

57. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

Parmi les lois de l’association des idées, celles qui concernent le cas présent sont les suivantes : Il y a une tendance à penser ensemble des phénomènes semblables. Il y a une tendance à penser ensemble des phénomènes qui ont été éprouvés ou conçus comme contigus dans le temps ou l’espace. […] On pouvait admettre à la rigueur que le monde extérieur est une collection de phénomènes sans substratum ; car il reste encore un esprit qui en fait la synthèse et qui lui sert de support. Mais si l’esprit est réduit aussi à une collection d’états de conscience sans substance aucune, on ne trouve plus rien de solide où l’on puisse se prendre, ni en nous, ni hors de nous liant, du moins, voyait dans notre idée de la substance une certaine façon propre à l’esprit humain de lier et d’agréger les phénomènes : il ne niait point d’ailleurs l’existence possible d’un substratum, d’un noumène inaccessible, sorte d’étoffe mystérieuse sur laquelle se dessinent les phénomènes ; mais ici le phénoménisme est absolu. […] Mill, tous les philosophes qui ont examiné la question de près ont décidé qu’on n’a besoin de la substance qu’à titre de support et de lien des phénomènes.

58. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

C’est ce qui a lieu dans ce cruel et mystérieux phénomène que l’on appelle la folie, ce désordre si étrange que quelques médecins mystiques ont voulu y voir une expiation et un châtiment de nos péchés et de nos passions33. […] N’est-il pas étrange cependant que des phénomènes de nature si diverse soient employés à expliquer un même fait ? […] Le premier de ces phénomènes nous conduira-t-il à nous faire une idée plus exacte du second ? […] La folie est un phénomène essentiellement psychologique, de quelques accidents physiques qu’elle soit accompagnée. […] Chacun sort de l’autre par la puissance propre de l’âme, et en vertu des lois d’association ou de répulsion qui président au développement des phénomènes moraux.

59. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Néanmoins, quand, par exception, l’élément visible-tangible d’un phénomène est négligeable, par exception aussi le signe sonore analogique se trouve être un signe presque sans défaut. […] La plupart des individus substantiels ont des noms propres ; mais le phénoméniste considère ces prétendus êtres comme des classes de phénomènes successifs. […] En vertu de quelle loi psychologique un groupe de phénomènes analogues, une fois formé et devenu une habitude périodiquement actuelle, tendrait-il à se dissoudre ? […] Avant d’expliquer ce phénomène, il faut en préciser les limites et le rendre sensible par quelques exemples. […] Entre les onomatopées primitives et directes et les imitations savantes, n’y a-t-il pas lieu de reconnaître des phénomènes intermédiaires ?

60. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

On peut alors, si l’on n’est pas prévenu, prendre le phénomène secondaire pour le fait principal, le phénomène pathologique pour l’état normal. […] Tous ces phénomènes s’accomplissent dans l’espace de six semaines à deux mois ; je n’ai pas examiné les phénomènes ultérieurs. […] C’est principalement dans la salive du cheval que ce phénomène s’observe. […] Ce phénomène nous fait déjà pressentir son rôle. […] Voici par quel mécanisme se produisait ce phénomène.

61. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Ces phénomènes frappent, en effet, par certaines analogies. […] De plus, par cela même que l’invention est un phénomène nouveau, encore inexpérimenté, encore mal associé avec tous les autres phénomènes de l’esprit, elle est particulièrement susceptible d’être précédée, accompagnée ou suivie par ce trouble, par ce désordre plus ou moins grave qui est la condition même du phénomène affectif, du fait émotionnel. […] Il est aisé de comprendre que le phénomène affectif et l’invention soient assez étroitement liés. […] Mais déjà, d’une manière moins forte, le même phénomène s’était produit. […] Le mot « original » prend dans certaines bouches une acception qui indique nettement ce phénomène.

62. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Dès lors, il y a un déterminisme absolu dans les conditions d’existence des phénomènes naturels, aussi bien pour les corps vivants que pour les corps bruts. Il appelle « déterminisme » la cause qui détermine l’apparition des phénomènes. […] Le phénomène vital se résout pour lui dans matière. […] Parallèlement à cette étude de la matière, l’étude des phénomènes psychologiques est venue peu à peu ruiner l’antique opinion d’une « âme », totalement indépendante du corps et de principe opposé. […] Pourra-t-il faire entrer ce « quid proprium » dans l’ensemble des phénomènes physico-chimiques de l’être intra-organique ?

63. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

Si les phénomènes physiques étaient dus exclusivement aux mouvements d’atomes dont les attractions mutuelles ne dépendraient que de la distance, il semble que tous ces phénomènes devraient être réversibles ; si toutes les vitesses initiales étaient renversées, ces atomes toujours soumis aux mêmes forces devraient parcourir leurs trajectoires en sens contraire, de même que la terre décrirait dans le sens rétrograde cette même orbite elliptique qu’elle décrit dans le sens direct, si les conditions initiales de son mouvement avaient été renversées. À ce compte, si un phénomène physique est possible, le phénomène inverse doit l’être également et on doit pouvoir remonter le cours du temps. […] Ainsi voici quel serait le type du phénomène physique irréversible : cacher un grain d’orge dans un tas de blé, c’est facile ; l’y retrouver ensuite et l’en faire sortir, c’est pratiquement impossible. […] Il a cru d’abord que c’était un phénomène vital, mais il a vu bientôt que les corps inanimés ne dansaient pas avec moins d’ardeur que les autres ; il a alors passé la main aux physiciens. […] Les phénomènes électriques, d’après la théorie de Lorentz, sont dus aux déplacements de petites particules chargées appelées électrons et plongées dans le milieu que nous nommons éther.

64. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

L’usage le plus répandu consiste, comme on le sait, à répartir les phénomènes intellectuels en classes, à séparer ceux qui diffèrent, à grouper ensemble ceux de même nature et à leur imposer un nom commun et à les attribuer à une même cause ; c’est ainsi qu’on en est arrivé à distinguer ces divers aspects de l’intelligence qu’on appelle jugement, raisonnement, abstraction, perception, etc. Cette méthode est exactement celle qu’on suit en physique, où les mots chaleur, électricité, pesanteur, désignent les causes inconnues de certains groupes de phénomènes. […] Entre la psychologie qui ramène les faits intellectuels à quelques facultés et celle qui les réduit à la loi unique de l’association, il y a la même différence, selon nous, qu’entre la physique qui attribue les phénomènes à cinq ou six causes, et celle qui ramène la pesanteur, la chaleur, la lumière, etc., au mouvement. Le système des facultés n’explique rien, puisque chacune d’elles n’est qu’un flatus vocis qui ne vaut que par les phénomènes qu’il renferme, et ne signifie rien de plus que ces phénomènes. […] Mais la disposition à passer d’un souvenir, imagination ou idée, à l’action qu’ils représentent, — à produire l’acte et non pas seulement à le penser, — c’est là aussi un principe déterminant dans la conduite humaine. » L’auteur montre combien de faits curieux en psychologie s’expliquent par cette tendance de l’idée à se réaliser : la fascination causée par un précipice, les phénomènes produits par les idées fixes, par le sommeil magnétique, les sensations causées par sympathie.

65. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

salués d’applaudissements de triomphe, des milliers de savants s’emploieront à des investigations physiques presque infinitésimales ; à rechercher la composition atomique et la structure microscopique du corps ; à explorer les formes innombrables de la vie animale et végétale, invisibles à l’œil tout seul ; à découvrir des planètes qui ont parcouru, inconnues pendant des siècles, leurs orbites obscurs ; à condenser, par la puissance du télescope, en soleils et systèmes, ce qui était regardé récemment encore comme la vapeur élémentaire des étoiles ; à traduire en formules numériques l’inconcevable rapidité des vibrations qui constituent ces rayons, si fermes en apparence que les plus forts vents ne les ébranlent pas ; à mettre ainsi en vue les parties les plus mystérieuses de l’univers matériel, depuis l’infiniment loin jusqu’à l’infiniment petit ; mais l’analyse exacte des phénomènes de conscience, la distinction entre les différences, si fines pourtant et si petites, des sentiments et des opérations ; l’investigation attentive des enchaînements les plus subtils de la pensée, la vue ferme mais délicate de ces analogies mentales qui se dérobent au maniement grossier et négligent de l’observation vulgaire, l’appréciation exacte du langage et de tous ses changements de nuances et de tous ses expédients cachés, la décomposition des procédés du raisonnement, la mise à nu des fondements de l’évidence : tout cela serait stigmatisé comme un exercice superflu de pénétration, comme une perte de puissance analytique, comme une vaine dissection de cheveux, comme un tissage inutile de toiles d’araignées ? […] La science de l’acoustique, dit-il, est inutile pour faire de bonne musique : de même, connaître les moyens physiques ou mécaniques qui engendrent ou influencent les phénomènes psychologiques, ce n’est pas en pénétrer la nature. […] Les phénomènes de conscience. […] Bailey publiait déjà sur l’uniformité de la causalité, une dissertation ayant pour objet de faire rentrer les phénomènes volontaires sous la loi commune. […] Les variations en probabilité sont entièrement dues aux variations dans l’état de notre propre connaissance ; et cela est également vrai pour les phénomènes physiques et pour les phénomènes moraux.

66. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Et le chef-d’œuvre de la prudence, dans le pansement de ces âmes si longtemps athées, était de glisser en n’appuyant pas… Il fallait donc ce hasard d’un jeune homme insurgé en pleine église pour qu’un penseur et un observateur catholique qui se trouvait là eût sa pomme de Newton, cette occasion qui incline le génie du côté où il doit verser, et pour qu’il prouvât, au bout de vingt ans, à la science souffletée de toutes parts par des phénomènes qui la déshonorent, puisqu’elle ne peut les expliquer, que les seules explications qu’il y ait à ces phénomènes c’est la Foi qu’on croyait décrépite, l’antique Foi qui doit les donner ! […] Notre mission n’est pas de chanter un hymne, mais de conjurer un fléau. » Et il ajoute : « Nous prendrons de plus l’engagement de n’appeler à notre aide que l’élite de la science, ou les autorités les plus graves, car ce premier mémoire n’est guères qu’une exposition sur pièces officielles, exposition raisonnée, il est vrai, discutée et terminée par des conclusions ; mais ces conclusions auront leur conséquence et ne sont, en définitive, que le prélude de débats et de questions bien autrement graves, réservés pour un second mémoire. » Après avoir tracé et déterminé les caractères qui doivent donner son autorité à tout témoignage et garantir l’authenticité de chaque fait, il commence l’histoire de ces phénomènes qui ne sont pas d’hier dans le monde, mais qu’une science infatuée et superficielle y croit d’hier, parce qu’elle les a nommés de noms nouveaux. […] Le livre des Esprits est divisé en deux parties, l’une sur les phénomènes subjectifs (internes), l’autre sur les phénomènes objectifs (externes), et l’intérêt de cette seconde partie est aussi animé que l’intérêt de la première. […] Quoique sous forme de polémique, c’est la meilleure histoire qu’il y ait à cette heure des phénomènes mystérieux qui tiennent en éveil le monde tout entier. […] Nul livre dans la littérature contemporaine n’est, sur les phénomènes magnétiques à l’ordre du jour, plus renseigné que celui-là, et nul ne mérite d’être compté davantage aux yeux de ces sortes d’hommes, sans hardiesse et sans puissance logique, qui ne veulent jamais voir que les faits seuls dans toutes les questions.

67. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Nous avons aussi d’excellentes raisons pour penser que les phénomènes glaciaires ont duré un temps considérable sur chaque point, si on l’évalue par le nombre des années. […] Les deux astres courant tous deux avec une vitesse immense dans deux directions très différentes, sinon même opposées, la durée du phénomène ne saurait égaler la longueur d’une période géologique. […] Ce qui apparaît avec toute évidence, c’est que les phénomènes glaciaires ont tous les caractères de phénomènes polaires. […] Si les phénomènes glaciaires sont constants à la surface du globe et reviennent périodiquement aux mêmes lieux, il n’y a pas eu, à proprement parler, d’époque ou de période glaciaire. […] L’hypothèse du déplacement périodique et circulaire des pôles rendrait compte de cet accroissement de chaleur sur les points opposés des deux parallèles où se manifesteraient dans le même moment les phénomènes glaciaires.

68. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

L’office de la science, c’est la systématisation de notre connaissance des phénomènes, considérés comme phénomènes. […] Si le mouvement de notre pensée est contrôlé par le mouvement des choses, il y a vérité : si nos idées sont arrangées dans un ordre qui ne correspond point avec l’ordre des phénomènes, il y a erreur. […] De plus, dans l’hypothèse de la table rase, comment expliquer le phénomène d’idiotie ? […] Nous entendons le tonnerre : notre sensation n’est pas une copie du phénomène ; elle exprime simplement un effet produit en nous par une certaine vibration de l’air. […] Hartley est le premier qui ait tenté d’expliquer le mécanisme physiologique des phénomènes psychologiques224.

69. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

on découvre du premier coup de quel phénomène il a parlé ? […] Quoi qu’ils découvrent, ils ne font que passer du phénomène particulier au phénomène général. Tout leur effort est de réduire le nombre des faits, et leur science sera parfaite quand, au lieu de cent mille phénomènes, ils en auront un. […] Bien loin d’être une substance, elle est la propriété d’une propriété, le phénomène d’un phénomène. […] Pour ne pas vous embarrasser, je retiens la partie inutile, le pur phénomène, l’étendue, c’est-à-dire les habits, les gibernes, les fusils et les corps.

70. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

De ce début tout physiologique, nous passons à la première classe de phénomènes appartenant proprement à l’esprit. […] Il y a des phénomènes plus généraux, négligés jusqu’ici par la psychologie, que l’auteur décrit et examine avec ce luxe de détails, cette abondance de faits qui caractérisent la véritable étude expérimentale. Ce sont les phénomènes d’activité spontanée à nous connus par le sens musculaire. […] C’était dans cette obscure région des phénomènes primitifs de la vie affective, qu’il fallait chercher les germes des plaisirs, douleurs, passions de toute sorte, que le jeu de la vie féconde, transforme, affine incessamment. […] C’est une loi psychologique que dans un phénomène complexe comme une sensation, la connaissance est d’autant plus claire et complète.

71. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Supposez l’être infini, un et homogène, supposez-le affecté de phénomènes multiples, supposez enfin qu’il ait conscience de lui-même, je le répète, il y aura en lui une seule conscience, une conscience totale et unique, mais non une pluralité de consciences fermées les unes aux autres, comme le sont les consciences humaines : d’où je conclus qu’entre l’unité primitive, s’il y a une telle unité, et la multitude infinie des phénomènes, il doit y avoir des principes d’unité distincts, des points de conscience. Je ne les appellerai pas des substances, puisque la chose en soi m’est inconnue et que le mot substance en dit peut-être trop pour ce mode d’existence qui tient encore tant au phénomène ; peut-être enfin l’être est-il substantiellement indivisible. […] Nous conclurons donc par les deux propositions suivantes : 1° une pluralité quelconque (atomes, forces, phénomènes) ne peut être le principe d’une unité consciente, ce qui se connaît soi-même ne sera jamais une résultante ; 2° la pluralité des consciences ne peut s’expliquer dans l’hypothèse d’une unité uniforme et continue sans qu’il y ait quelque intermédiaire entre l’unité primitive et les consciences discontinues. […] Nous en prenons, quant à nous, ce qui nous convient, et, partant, comme on l’a vu, du sujet relatif ou du moi, nous en sortons par le phénomène de l’obstacle ou de la résistance pour remonter de là au sujet absolu, qui est, si l’on veut, l’identité des deux termes, ou plutôt l’absorption de l’un dans l’autre. […] Est-ce la personne-Dieu qui enveloppe tout au point que la personne-moi n’en serait qu’un mode ou phénomène ?

72. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

L’attention est donc, au point de vue physiologique, un phénomène d’innervation motrice. […] De là combustion et chaleur à la tête, phénomènes d’électricité, etc. […] La représentation dans l’avenir d’un phénomène particulier semblable à un autre phénomène particulier n’en est pas moins déjà un commencement de généralisation, un premier mouvement vers les cas semblables de l’avenir. […] Cette raison immédiate, suffisante et invariable, cette raison déterminante est ce qu’on nomme la cause empirique d’un phénomène. […] Le psychologue est une sorte de romancier construisant un roman selon les vraies lois des phénomènes mentaux.

73. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

Qu’il ait toujours présent à l’esprit que les manières de penser auxquelles il est le plus fait sont plutôt contraires que favorables à l’étude scientifique des phénomènes sociaux et, par conséquent, qu’il se mette en garde contre ses premières impressions. […] Ainsi, il pourrait arriver qu’on nous accusât d’avoir voulu absoudre le crime, sous prétexte que nous en faisons un phénomène de sociologie normale. […] En effet l’essence du spiritualisme ne tient-elle pas dans cette idée que les phénomènes psychiques ne peuvent pas être immédiatement dérivés des phénomènes organiques ?

74. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

. — Mécanisme du phénomène. — II. […] Or c’est le degré do l’énergie en jeu qui décide de la catégorie tragique ou comique sous laquelle le phénomène va se classer. […] Avec elle, il a semblé que le phénomène apparaissait sous son aspect le plus universel et que, sous le jeu des mobiles et des circonstances qui semblent le déterminer, il révélait une source d’activité propre. […] Mais on voit bien que, sous cet épisode de pathologie individuelle, l’ermite, par la nature des apparitions qui le hantent, symbolise un autre phénomène et d’une autre grandeur. […] De là, la relativité de toutes les conclusions scientifiques dès qu’elles touchent à un ordre de phénomènes quelque peu complexe.

75. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

De tout temps, le phénomène esthétique a attiré l’attention des philosophes. […] C’est un phénomène normal et fatal chez lui. […] Voilà le phénomène primordial. […] Cet étrange phénomène n’a pas été jusqu’ici expliqué. […] L’explication de ce phénomène est dans ce qui précède.

76. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

. — Un paysage est un état d’âmes, un phénomène de sympathie et de sociabilité. — L’émotion esthétique et l’émotion morale. […] Il n’est que logique de supposer dans le monde moral des phénomènes analogues de vibration sympathique ou, pour parler le langage psychologique, de détermination réciproque, de suggestion et comme d’obligation mutuelle. […] Ce n’est là que le grossissement d’un phénomène qui se produit, infiniment moindre, toutes les fois que la vie entre en contact avec la vie. […] Si, aujourd’hui, son importance s’est effacée dans les phénomènes psychiques conscients, elle a dû persister dans les phénomènes inconscients ; elle se manifeste encore plus ou moins au moment des amours ; elle permet encore au médecin de distinguer à distance telle ou telle maladie, et jusqu’à l’aliénation mentale. […] Il se produit ici des phénomènes mentaux très analogues au phénomène physiologique qui nous fait trouver du plaisir dans les frictions énergiques à la peau, dans les affusions d’eau froide, toutes excitations pénibles au début, mais bientôt agréables par l’afflux de force nerveuse qu’elles provoquent.

77. (1881) Le roman expérimental

Il accepte simplement les phénomènes qui se produisent, lorsqu’ils sont prouvés. […] Il appelle « déterminisme » la cause qui détermine l’apparition des phénomènes. […] Mais une fois le fait constaté et le phénomène bien observé, l’idée arrive, le raisonnement intervient, et l’expérimentateur apparaît pour interpréter le phénomène. […] Alors a lieu tout un phénomène, la création d’une œuvre originale. […] Mettons qu’il y ait là un phénomène de la vue.

78. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

nous ne possédons pas l’organe intellectuel, nous n’avons même pas apparemment le rudiment de cet organe, qui nous permettrait de passer par le raisonnement d’un phénomène à l’autre. […] L’abîme qui existe entre ces deux classes de phénomènes serait toujours intellectuellement infranchissable. […] Récemment encore156 « les phénomènes de chaleur, d’électricité, de lumière, assez mal définis en eux-mêmes, étaient produits par autant d’agents propres, de fluides doués d’actions spéciales. […] L’hétérogénéité apparente serait moins alors dans la nature même de l’agent physique que dans les fonctions de l’instrument physiologique qui forme les sensations ; de sorte qu’en transportant, par une fausse attribution, les dissemblances de l’effet à la cause, on aurait en réalité classé les phénomènes médiateurs par lesquels nous avons conscience des modifications de la matière, plutôt que l’essence même de ces modifications… Tous les phénomènes physiques, quelle que soit leur nature, semblent n’être au fond que les manifestations d’un seul et même agent primordial ». […] Saigey, De l’unité des phénomènes physiques, passim.

79. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

C’est elle qui étudiera ces phénomènes mêmes dont il s’arme pour l’étourdir. […] Les phénomènes que M.  […] Tout phénomène est le symbole d’une vérité. […] C’est exactement ce que les savants appellent phénomène. Ils reconnaissent aussi que tout phénomène justifie une loi, ce que M. 

80. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Je ne comprends pas du tout pourquoi certains phénomènes cérébraux s’accompagnent de conscience, c’est-à-dire à quoi sert ou comment se produit la répétition consciente de l’univers matériel qu’on a posé d’abord. — Passerai-je à l’idéalisme ? […] Elle n’est pas relative, parce qu’il n’y a pas entre le « phénomène » et la « chose » le rapport de l’apparence à la réalité, mais simplement celui de la partie au tout. […] Il faudra donc, dans cette théorie, que le souvenir naisse de la répétition atténuée du phénomène cérébral qui occasionnait la perception première, et consiste simplement dans une perception affaiblie. […] Et comme, d’autre part, notre perception de l’objet présent était quelque chose de cet objet lui-même, notre représentation de l’objet absent sera un phénomène de tout autre ordre que la perception, puisqu’il n’y a entre la présence et l’absence aucun degré, aucun milieu. […] C’est ainsi que nous avons pu assister au phénomène de l’association des idées, et à la naissance des idées générales les plus simples.

81. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VI. L’Astronomie. »

Isolé au milieu d’une nature où tout pour lui était mystère, effaré à chaque manifestation inattendue de forces incompréhensibles, il était incapable de voir dans la conduite de l’univers autre chose que le caprice ; il attribuait tous les phénomènes à l’action d’une multitude de petits génies fantasques et exigeants, et, pour agir sur le monde, il cherchait à se les concilier par des moyens analogues à ceux qu’on emploie pour gagner les bonnes grâces d’un ministre ou d’un député. […] Si nous n’avions pas connu les astres, quelques esprits hardis auraient peut-être cherché à prévoir les phénomènes physiques ; mais leurs insuccès auraient été fréquents et ils n’auraient excité que la risée du vulgaire ; ne voyons-nous pas que, même de nos jours, les météorologistes se trompent quelquefois, et que certaines personnes sont portées à en rire. […] Aristote, l’esprit le plus scientifique de l’antiquité, accordait encore une part à l’accident, au hasard, et semblait penser que les lois de la Nature, au moins ici-bas, ne déterminent que les grands traits des phénomènes. […] Il n’est pas jusqu’à la simplicité de cette loi qui ne soit une leçon pour nous ; que de phénomènes compliqués contenus dans les deux lignes de son énoncé ; les personnes qui ne comprennent pas la Mécanique céleste peuvent s’en rendre compte du moins en voyant la grosseur des traités consacrés à cette science ; et alors il est permis d’espérer que la complication des phénomènes physiques nous dissimule également je ne sais quelle cause simple encore inconnue.

82. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

III, § 12] ; cette association avec des phénomènes sensibles lui est profitable : une pensée qui s’est exprimée au dehors a des contours plus nets, plus d’intensité, plus de fixité aussi ; « elle a pris quelque chose de l’allure et des caractères » des phénomènes corporels. […] Rousseau et par Dugald Stewart, que les phénomènes sensibles peuvent être pensés sans langage intérieur ? […] Cardaillac a pris pour un phénomène distinct une simple loi, une forme, l’association de l’idée avec le mot. […] Mais pourquoi se prononce-t-il aussi contre la loi purement empirique de la constance du phénomène ? […] I, § 5), elle est signalée comme le phénomène normal dont l’hallucination est l’exagération ; à ce propos, M. 

83. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre II. Pourquoi il faut préférer la méthode inductive » pp. 13-14

Si nous connaissions tous les facteurs dont une œuvre littéraire est le produit et toutes les conséquences qu’elle produit à son tour, nous pourrions, pour dérouler la série des phénomènes qui nous occupent, recourir à la méthode déductive. […] Nous savons, par conséquent, que toutes les causes des phénomènes littéraires se rangent en trois grandes catégories, sans plus : milieu psycho-physiologique (hérédité, race, tempérament, etc […] Elles fournissent, en attendant mieux, le moyen d’ordonner les phénomènes.

84. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

La perception est un phénomène du même genre. […] La perception ressemble donc bien à ces phénomènes de réflexion qui viennent d’une réfraction empêchée ; c’est comme un effet de mirage. […] Comme, en pareil cas, l’objet a disparu tandis que le cerveau subsiste, on conclut de là que le phénomène cérébral suffit à la production de l’image. […] Par là on éliminerait de la matière toute virtualité, toute puissance cachée, et les phénomènes de l’esprit auraient une réalité indépendante. […] Si donc l’esprit est une réalité, c’est ici, dans le phénomène de la mémoire, que nous devons le toucher expérimentalement.

85. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée Qu’il me soit permis de réclamer ici un peu plus d’attention ; je me propose de pénétrer, pour me servir d’une expression énergique de Bacon, dans l’intimité même des choses. […] J’ai cru m’apercevoir que le phénomène de la pensée ne s’opérait pas de la même manière dans tous les hommes de cet âge, et cela me suffit, la supposition que je fais devant ensuite être remplacée par ce que je crois être la vérité, ou même par tout autre système que mes lecteurs voudraient lui substituer. […] Si une fois cette division des hommes en deux classes pouvait être admise, il en résulterait une explication simple de plusieurs phénomènes sur lesquels on se dispute fort inutilement, puisque ces phénomènes se manifestent de différentes manières chez les différents hommes. […] Cependant, si l’on m’a bien compris, on a pu voir déjà que cette théorie de la séparation de la pensée et de la parole, admise par moi comme moyen d’explication de plusieurs phénomènes, et surtout comme moyen de conciliation entre les partis, on a pu voir, dis-je, que je considère cette théorie comme fausse, si on veut l’appliquer aux faits qui tiennent à l’origine des sociétés, et comme vraie si on ne veut l’appliquer qu’aux faits qui tiennent à l’existence actuelle de la société. […] Je dirais donc volontiers aux néophiles : « Ceux contre lesquels vous vous élevez avec tant de violence n’ont d’autre tort que celui d’être restés fidèles au code des idées anciennes, et ils n’y sont restés fidèles que parce que c’était dans la forme même de leur intelligence, dans la manière dont s’opère en eux le phénomène de la pensée. » Je dirais aux archéophiles : « Vous craignez de retomber dans le chaos, parce qu’il vous semble que le principe générateur des sociétés humaines cesse d’agir.

86. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VII. L’Histoire de la Physique mathématique. »

La loi suivant laquelle cette force varie en fonction de la distance n’est peut-être pas la loi de Newton, mais c’est une loi analogue ; au lieu de l’exposant −2, nous avons probablement un exposant différent, et c’est de ce changement d’exposant que sort tout la diversité des phénomènes physiques, la variété des qualités et des sensations, tout le monde coloré et sonore qui nous entoure, toute la Nature en un mot. […] Une loi, pour nous, ce n’est plus cela du tout ; c’est une relation constante entre le phénomène d’aujourd’hui et celui de demain ; en un mot, c’est une équation différentielle. […] Ce sont : Le principe de Carnot, ou principe de la dégradation de l’énergie ; Le principe de Newton, ou principe de l’égalité de l’action et de la réaction ; Le principe de la relativité, d’après lequel les lois des phénomènes physiques doivent être les mêmes, soit pour un observateur fixe, soit pour un observateur entraîné dans un mouvement de translation uniforme ; de sorte que nous n’avons et ne pouvons avoir aucun moyen de discerner si nous sommes, oui ou non, emportés dans un pareil mouvement ; Le principe de la conservation de la masse, ou principe de Lavoisier ; J’ajouterai le principe de moindre action. L’application de ces cinq ou six principes généraux aux différents phénomènes physiques suffit pour nous en apprendre ce que nous pouvons raisonnablement espérer en connaître.

87. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Conclusion »

Tout ce qu’elle demande qu’on lui accorde, c’est que le principe de causalité s’applique aux phénomènes sociaux. […] Si les phénomènes sociologiques ne sont que des systèmes d’idées objectivées, les expliquer, c’est les repenser dans leur ordre logique et cette explication est à elle-même sa propre preuve ; tout au plus peut-il y avoir lieu de la confirmer par quelques exemples. […] Il a souvent paru que ces phénomènes, à cause de leur extrême complexité, ou bien étaient réfractaires à la science, ou bien n’y pouvaient entrer que réduits à leurs conditions élémentaires, soit psychiques, soit organiques, c’est-à-dire dépouillés de leur nature propre. […] Même nous avons refusé de ramener cette immatérialité sui generis qui les caractérise à celle, déjà complexe pourtant, des phénomènes psychologiques ; à plus forte raison nous sommes-nous interdit de la résorber, à la suite de l’école italienne, dans les propriétés générales de la matière organisée86.

88. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Ce phénomène, étant mixte, présente par un côté l’aspect d’une habitude motrice, par l’autre celui d’une image plus ou moins consciemment localisée. Mais on veut que ce soit un phénomène simple. […] À la base de la reconnaissance il y aurait donc bien un phénomène d’ordre moteur. […] Ribot que la condition négative du phénomène. […] Par eux se préparent et se décident, comme nous le faisions pressentir, les phénomènes caractéristiques de la reconnaissance intellectuelle.

89. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Le phénomène primitif est l’impression, ou, comme on dit d’ordinaire, la sensation ; l’idée en est une copie affaiblie ; puis les idées s’associent, s’unissent, et il en résulte des phénomènes complexes ou agrégats. […] Chez tous les philosophes qui nous occupent ici, le phénomène de l’association est considéré comme l’une des lois les plus générales de la psychologie, et même comme le fait fondamental, auquel ils s’efforcent de tout ramener dans notre vie mentale. […] Cette théorie de l’affirmation, dit-il, est conforme aux phénomènes de la famille de langues connues sous le nom d’Indo-Européennes. […] « Les phénomènes classés sous ce titre sont expliqués par les philosophes modernes d’après les principes de l’Association. » Dugald Stewart a donné au mot imagination un sens technique, sans qu’on en puisse retirer aucun avantage ; il le restreint au cas où l’esprit crée, forme de nouvelles combinaisons. […] « L’anticipation du futur par le moyen du passé, bien loin d’être un phénomène sui generis, est renfermée dans une des lois les plus générales de l’esprit humain. » Quand donc Dugald Stewart et d’autres l’érigent en objet d’admiration, en prodige, en chose qui ne rentre sous aucune loi générale et qu’ils nous disent qu’ils ne peuvent la rapporter qu’à un instinct ; ce qui équivaut à dire, à rien du tout — le terme instinct dans tous les cas ne signifiant que notre ignorance — ils ne montrent que leur impuissance à ramener les phénomènes de l’esprit à la grande loi compréhensive de l’association.

90. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Ces traits sont les meilleurs, parce qu’ils nous montrent le phénomène dans toute sa force. […] Les concomitants physiques de l’attention peuvent se ramener à trois groupes : phénomènes vaso-moteurs, phénomènes respiratoires, phénomènes moteurs ou d’expression. […] L’attention volontaire est un phénomène sociologique. […] Le phénomène psychique de l’idée fixe n’est que l’effet, entre beaucoup d’autres, d’une seule et même cause. […] On pourrait aussi la comparer à un phénomène d’ordre moteur, la contracture.

91. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre II. Le Bovarysme comme fait de conscience son moyen : la notion »

Il est malaisé de décider si le monde est un phénomène de pur idéalisme ou s’il comporte une réalité objective, si nos perceptions ont pour unique origine nos sensations s’élevant de nous-mêmes et engendrant les phénomènes, ou si elles se forment à l’occasion d’un objet extérieur : mais quelle que soit l’hypothèse, la réalité n’existe pour l’esprit qu’avec le fait de la perception. […] Avant d’user de cette méthode et de la mettre à profit en l’appliquant à divers ordres de phénomènes, on peut rechercher à quelles conditions mentales est liée la faculté bovaryque ; à mieux connaître le mécanisme de cette lorgnette, il sera possible d’en faire par la suite un meilleur usage. […] Mais il est possible de distinguer les phénomènes les plus généraux qui l’accompagnent. […] L’Éducation sentimentale, a dit Flaubert, désignant sous ce titre, un groupe de phénomènes où sa vision d’artiste s’est exercée dans un champ volontairement restreint ; c’est, par un raccourci de cette formule, l’éducation qu’il faut dire, si l’on veut fixer le lieu, où d’une façon générale, l’homme est le plus en danger de prendre de lui-même, des ressources et de l’emploi de son énergie une fausse conception.

92. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Je vous l’ai déjà dit, c’est une habitude de juger, sûrement préparée par des qualités naturelles, et fondée sur des phénomènes et des expériences dont la mémoire ne nous est pas présente. Si les phénomènes nous étaient présens, nous pourrions sur-le-champ rendre compte de notre jugement, et nous aurions la science. La mémoire des expériences et des phénomènes ne nous étant pas présente, nous n’en jugeons pas moins sûrement, nous en jugeons même plus promptement ; nous ignorons ce qui nous détermine et nous avons ce qu’on appelle tact, instinct, esprit de la chose, goût naturel. […] Il rêve, il se promène, il se rappelle ou les modèles qu’il a vus, ou les phénomènes de la nature, ou les passions du cœur humain, en un mot les expériences qu’il a faites, c’est-à-dire qu’il devient savant.

93. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Ce n’est pas là un phénomène indifférent. […] En tout cas, c’est un phénomène qui manque rarement chez le dégénéré. […] Notre cerveau est donc habitué à recevoir à la fois de chaque phénomène plusieurs excitations qui émanent en partie des différentes qualités du phénomène lui-même, en partie des phénomènes qui apparaissent habituellement en même temps que le premier. […] Retrancher du phénomène certains traits comme non essentiels et accidentels et retenir les autres comme essentiels et nécessaires, c’est réduire le phénomène à un schéma. […] Il est le plus curieux phénomène de la vie intellectuelle de la France contemporaine.

94. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Comme dans toutes les régions intertropicales, il n’y a guère qu’une seule et même saison durant le cours entier de l’année, et on n’y observe ni hiver ni été ; on y voit les phénomènes de la vie animale et végétale se reproduire régulièrement, à peu près vers la même époque, ou pour toutes les espèces, ou pour tous les individus d’une espèce donnée, comme il arrive dans les zones tempérées. […] Dans l’enfance de la science, l’humanité n’a jamais su inventer que des mythes et de grossières théories pour expliquer les phénomènes de la nature. […] « Ramenons donc tous les êtres et tous les phénomènes de la vie, de ces abstractions matérialistes et mystiques, aussi fausses l’une que l’autre, à leur véritable nature, formée du concours de deux substances. […] « Mais, au-dessus des phénomènes physiologiques qui m’affirment un principe vital organique, j’observe, dans une région supérieure de mon être, un autre ordre de phénomènes parfaitement distincts des précédents, les phénomènes psychiques, source de tout idéal en moi, qui m’affirment un autre principe. […] Avec les mystères, tout s’explique, depuis Dieu lui-même jusqu’aux lois physiques et intellectuelles dans les phénomènes qui composent, en découlant de lui, son véritable Cosmos.

95. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Considération oiseuse, pensera-t-on peut-être : la quantité des éléments n’est, dans les êtres sociaux comme dans tous les êtres composés, qu’un phénomène superficiel, et qui n’affecte pas leur constitution intime. […] On sait que toutes, jusqu’à ces dernières années du moins, ont vu leur population se multiplier avec une rapidité inouïe ; phénomènes relativement récents et qu’on peut dire caractéristiques de l’époque moderne63. […] Un autre phénomène multiplie d’ailleurs les effets dus au grand nombre des individus rassemblés dans ces mêmes, sociétés, et les rend, quantitativement supérieures à toutes les autres : c’est la faculté dont jouissent leurs unités de franchir plus d’espace en moins de temps, c’est la mobilité sociale. […] Un même phénomène peut fort bien augmenter à la fois et l’intensité des aspirations égalitaires et la difficulté qu’il y aurait à user, pour les réaliser, de telle organisation politique. […] L’union de la ville et du monde, Urbis et Orbis, tel était le phénomène singulier qui conviait l’humanité à prendre, par Rome, une première conscience d’elle-même.

96. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

Avec les rationalistes, il admet qu’il existe entre les phénomènes des relations logiques, que les choses sont intelligibles. […] Mais, en même temps, il a un sentiment très vif de la réalité du fait, du phénomène concret, de l’être individuel. […] Enfin et surtout il a eu le très grand mérite d’appliquer ces idées générales à un ordre particulier de phénomènes, je veux dire aux phénomènes psychologiques.

97. (1904) En méthode à l’œuvre

*** Mais disions-nous, le phénomène de l’Évolution n’est pas égal et continu. […] (Instinct de conservation, primordial et perdurant aux organismes les plus élevés, aux phénomènes les plus complexes). […] L’expression de la voix humaine se ramène essentiellement à trois éléments : d’émotivité instinctive, d’imitation (phonétique, graphique, colorée) des phénomènes extérieurs, — et de sentiment et de pensée. […] Il nous paraîtrait oiseux d’insister sur l’origine émotive du son-articulé, et encore de le montrer appliqué primitivement à exprimer les sensations perçues et les phénomènes extérieurs, ainsi qu’en les décrivant. […] Il se peut que la rareté du phénomène ait pu provenir du peu d’aptitude ou de l’inattention à en prendre conscience.

98. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Examinons successivement ces trois phénomènes : diminution, déplacement, désintégration de la conscience. […] Et cette association est un phénomène qui se produit sans cesse dans la vie normale. […] Binet fait remarquer l’analogie de ce phénomène avec tous ceux qui ont été étudiés par M.  […] Le phénomène « idéo-moteur » est conscient dans sa première moitié, inconscient dans la seconde. […] Tous ces phénomènes confirment ce principe que chaque état psychique a pour corrélatif un état moteur particulier ; « notion fort importante, dit avec raison M. 

99. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Non, c’est en vertu d’un déterminisme absolument nécessaire que tel phénomène intérieur se traduit par telle expression extérieure. […] Il faut donc partir des phénomènes mentaux élémentaires. […] Pendant l’effort se produit ce phénomène expressif de la contraction des sourcils qui a donné lieu à mainte discussion. […] Il y a là, d’abord, une contagion mécanique, mais il y a aussi, selon nous, une contagion psychologique et, conséquemment, un phénomène social. […] La paralysie produite par la peur, ou la cataplexie, n’est pas non plus un phénomène « utile ».

100. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

II Mais de même que parmi les faits multiples que présentent les choses et qui constituent les sciences, certains sont attirés à l’étude de la matière morte, certains autres à celle du monde organique, et parmi ces derniers certains par la matière vivante en ses éléments, certains par les ensembles que forment ces unités, il intervient chez les hommes de lettres réalistes un biais individuel, une prédisposition de l’œil à voir, une aptitude de la mémoire à retenir, un ordre de faits particulier, un caractère dans les phénomènes, un moment dans les physionomies, les gestes, les émotions, les âmes. […] Il a dû recourir au néologisme pour noter des phénomènes qu’il a bien vus le premier. […] L’organisation de ses sens et de son style, ressemble à ces instruments infiniment complexes mais infiniment sensibles de la physique moderne qui saisissent des phénomènes et permettent des approximations inconnues aux anciennes machines. […] D’un seul coup, et sans les distinctions innaturelles que nous avons établies, M. de Goncourt est à la fois chercheur de petits faits caractéristiques et précis, frappé par les aspects mouvementés des êtres et des choses, ému par ce qu’il y a en ces phénomènes de joli, de délicat, de rare, de bizarre, d’un peu fantastique. Ce penchant réagit sur le choix de ses documents humains, de ses sujets, de ses personnages ; ce souci de l’exactitude le pousse à donner des visions nettes de mouvements et de jolités ; l’habitude de l’observation, son ouverture d’esprit à tous les phénomènes de la vie, le garde de tomber dans la mièvrerie ou le pessimisme : la recherche d’émotions délicates le préserve habituellement de s’appliquer à l’étude des choses basses, des personnages laids ou nuls, limite sa vision des phénomènes psychologiques, l’éloigne de concevoir des caractères uns, individuels et constants, colore et énerve sa langue, atténue ses fabulations, rend ses livres excitants et fragmentaires.

101. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

L’explication de ce phénomène est dans la fatalité historique que j’ai esquissée au commencement de ce chapitre. […] La Gerusalemme liberata suivie de la Conquistata, voilà bien en littérature le phénomène le plus expressif de cette période qui devrait correspondre au classicisme français ; au lieu de l’action épique, créatrice, c’est une cristallisation, un épuisement. […] Il y a là un phénomène que nous constaterions aussi dans la littérature allemande et qui mérite une attention particulière ; il s’agit d’un conflit entre l’évolution nationale et l’évolution de l’humanité pensante en général. […] L’Allemagne présente un phénomène de conflit plus compliqué encore. […] Elle n’effacera que peu à peu les traces d’une fatalité séculaire ; pour juger avec équité certains phénomènes sociaux et politiques de l’Italie contemporaine, il faut connaître son malheur passé.

102. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rimbaud, Arthur (1854-1891) »

Ferdinand Brunetière Un autre encore, qui fut un temps l’honneur de cette école, pour ne pas dire le phénomène, M.  […] Gustave Kahn Sans doute, Rimbaud était au courant des phénomènes d’audition colorée ; peut-être connaissait-il par sa propre expérience ces phénomènes.

103. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — III »

C’est seulement dans ce lieu psychologique, où éclot le phénomène de la connaissance, qu’il est possible d’observer les formes diverses de la réalité, car c’est là seulement que la réalité prend forme objective, c’est là seulement que se rencontrent des objets. […] Si l’on considère, pour le mieux concevoir, ce phénomène de réalisation par rapport au sujet, il apparaît que tout état de conscience où le sujet s’empare de l’objet, exige le recul d’un spectateur rapportant à lui un fait accompli déjà, par lequel il est nécessaire qu’il ait été devancé, par rapport auquel en conséquence il témoigne de l’existence d’un pouvoir d’arrêt et de ralentissement. […] La conscience s’empare des phénomènes et les possède d’autant mieux qu’ils s’écoulent plus lentement : passé un certain degré de véhémence, elle cesse de percevoir, avec le changement qui est le mode du mouvement dans l’objet, l’objet lui-même.

104. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

La suggestion des représentations mentales et des mouvements corrélatifs peut être comparée, comme nous l’avons déjà dit, aux phénomènes d’induction électrique par lesquels un courant exerce son influence sur un autre et produit une aimantation. […] Mais ces constatations de lois empiriques, toutes dérivées, ne nous expliquent pas les phénomènes et ne nous font pas connaître les lois les plus fondamentales. […] La contiguïté des phénomènes dans le temps ne peut donc lier les choses pour nous que par l’intermédiaire d’une contiguïté dans l’étendue du cerveau. […] En même temps que ces phénomènes d’attraction sensible, se produisent des phénomènes simultanés de répulsion : la tendance dominante, comme la colère, tend en effet à repousser toutes les tendances qui peuvent la contrarier, sympathie, pitié, respect d’autrui, dignité personnelle, etc. […] On sait que Hamilton comparait ce phénomène à la transmission du mouvement à travers une rangée de billes : la première se meut, les billes intermédiaires n’ont qu’un mouvement intestin, la dernière a un mouvement visible.

105. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Jouffroy entendit toujours la philosophie à la manière anglaise, et la présenta comme une science particulière, opposée aux sciences physiques, ayant pour objet non le tout, mais un fragment du tout, et restreinte aux phénomènes moraux et spirituels, comme les sciences physiques sont restreintes aux phénomènes sensibles et matériels. […] Car, de même que dans l’enfance des sciences physiques les hommes savaient quelques règles des phénomènes physiques, de même, dans cette enfance des sciences morales, nous savons quelques règles des phénomènes moraux. […] Dire que la sensibilité attire l’objet, c’est supprimer les trois quarts du phénomène. […] Elle est le théâtre, et non le principe des phénomènes qu’elle manifeste. […] Mais nous savons qu’il en est partout de même, et que l’univers est composé de forces ou causes individuelles dont les phénomènes visibles sont les effets. « Les causes ne sont pas matérielles.

106. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Ils ont, au contraire, plus de réalité intérieure et mentale que tout autre phénomène. […] Ces divers modes de fonctionnement mécanique, dans la substance organisée, expliquent en premier lieu tous les phénomènes de nutrition : se nourrir, c’est évidemment absorber et s’assimiler. […] Enfin ils expliquent les phénomènes de la reproduction, car la reproduction n’est, en définitive, qu’un mode, soit de division de cellules, soit de nutrition. […] Le plaisir n’est « qu’un phénomène secondaire et dérivé ». […] « Le plaisir et la douleur ne sont pas des phénomènes réels, comme les sensations, les notions, les perceptions, les conceptions ; ils sont plutôt, à proprement parler, le passage même d’un phénomène a un autre : ils correspondent au changement et non à l’état. » 33.

107. (1909) De la poésie scientifique

Sadia Levy) : tempérament d’énergies amassées et explosantes, robuste de verbe et de rythme, « où la meilleure psychologie serait des terreurs du phénomène, serait mondiale ». […] L’émotion a produit l’expression phonétique, elle-même imitative, en graphisme et en coloration (consonnes et voyelles), des phénomènes extérieurs. […] J’ai donc ramené à deux lois ou plutôt à une loi à double action, les phénomènes de tous ordres : loi de condensation et d’expansion. […] Par la succession de son divers phénomène elle tend éternellement à prendre conscience de tous ses éléments et de toutes ses propriétés. […] C’est l’instinct primordial et nécessaire, retrouvé aux phénomènes les plus complexes.

108. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Les sens n’aperçoivent que des qualités, des phénomènes. […] Par exemple, dans le principe, tout phénomène suppose une cause, et dans cet autre, toute qualité suppose une substance, à côté des idées de qualité et de phénomène se rencontrent les idées de cause et de substance qui semblent le fond de ces deux principes. […] Dans ce phénomène composé, il est naturel que l’élément le plus apparent couvre et offusque le plus intime. […] Les formes de ce phénomène varient, mais le phénomène est attesté par l’observation la plus vulgaire et la plus certaine, et toutes les langues en portent témoignage. […] Le phénomène opposé à l’admiration, c’est l’indignation.

109. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Et remarquez que c’est aussi avec les larmes que l’homme lave les peines de l’homme, que c’est avec le rire qu’il adoucit quelquefois son cœur et l’attire ; car les phénomènes engendrés par la chute deviendront les moyens du rachat. […] Est-il un phénomène plus déplorable que la faiblesse se réjouissant de la faiblesse ? […] Ce n’est point l’homme qui tombe qui rit de sa propre chute, à moins qu’il ne soit un philosophe, un homme qui ait acquis, par habitude, la force de se dédoubler rapidement et d’assister comme spectateur désintéressé aux phénomènes de son moi. […] Ainsi, pour en finir avec toutes ces subtilités et toutes ces définitions, et pour conclure, je ferai remarquer une dernière fois qu’on retrouve l’idée dominante de supériorité dans le comique absolu comme dans le comique significatif, ainsi que je l’ai, trop longuement peut-être, expliqué ; — que, pour qu’il y ait comique, c’est-à-dire émanation, explosion, dégagement de comique, il faut qu’il y ait deux être en présence ; — que c’est spécialement dans le rieur, dans le spectateur, que gît le comique ; — que cependant, relativement à cette loi d’ignorance, il faut faire une exception pour les hommes qui ont fait métier de développer en eux le sentiment du comique et de le tirer d’eux-mêmes pour le divertissement de leurs semblables, lequel phénomène rentre dans la classe de tous les phénomènes artistiques qui dénotent dans l’être humain l’existence d’une dualité permanente, la puissance d’être à la fois soi et un autre. […] Les artistes créent le comique ; ayant étudié et rassemblé les éléments du comique, ils savent que tel être est comique, et qu’il ne l’est qu’à la condition d’ignorer sa nature ; de même que, par une loi inverse, l’artiste n’est artiste qu’à la condition d’être double et de n’ignorer aucun phénomène de sa double nature.

110. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Il faut l’avouer, les exemples que l’on avait mis en scène n’étaient propres à illustrer qu’un cas particulier des effets de la faculté bovaryque, tandis qu’ils repoussaient dans l’ombre tous les cas où le pouvoir de se concevoir autre emporte avec lui le pouvoir de s’égaler au modèle, d’acquérir par le moyen d’un phénomène d’aimantation des qualités nouvelles. […] On adopta alors cette définition qui limitait le phénomène à son expression pathologique : Le Bovarysme est la faculté départie à l’homme de se concevoir autre qu’il n’est en tant que l’homme est impuissant à réaliser cette conception différente qu’il se forme de lui-même. […] Or dans tous ces cas, ce que l’esprit distingue toujours avec netteté, ce qui continue de se montrer comme la marque caractéristique du phénomène, c’est ce pouvoir de se concevoir autre, cette sensibilité par laquelle l’être humain offre prise aux images, nous enseignant qu’il peut être par elles déplacé, entraîné hors du lieu psychologique où il est présentement situé. […] Elle est comprise dans le domaine de la psychologie et c’est pourquoi on parle ici la langue de la psychologie sans rechercher encore s’il ne serait pas possible de donner au phénomène une explication plus profonde. […] Aussi importe-t-il de confesser ici que si l’on a pu montrer, dans la première partie de cette étude les quelques déviations subies, du fait de ce formidable phénomène de suggestion, par quelques activités originales, on ne saurait mettre ce dommage en ligne de compte avec l’extraordinaire enrichissement qui fut réalisé par la Renaissance au bénéfice de l’humanité tout entière Si le pouvoir de se concevoir autre, de s’appliquer les bienfaits de notions et d’une culture que l’on n’a pas soi-même inventées, s’exerce en cette circonstance au détriment de quelques variétés humaines particulières, il faut proclamer qu’il se montre ici, avant tout, le moyen même du phénomène humain, sans lequel ces variétés n’existeraient point.

111. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Par moments on imagine surprendre le phénomène de la transmission de l’idée, et il semble qu’on voit distinctement une main prendre le flambeau à celui qui s’en va pour le donner à celui qui arrive. 1642, par exemple, est une année étrange. […] Ce qu’un esprit aura ébauché, un autre esprit le terminera, liant le phénomène au phénomène, quelquefois sans se douter de la soudure. […] Jour et nuit les phénomènes en tumulte surgissent autour de nous de toutes parts, et, ce qui n’est pas la moindre merveille, sans troubler la majestueuse tranquillité de l’Être. […] La complication du phénomène, laquelle ne se laisse entrevoir, au-delà de nos sens, qu’à la contemplation et à l’extase, donne le vertige à l’esprit.

112. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Des conditions proprement sociologiques nous ont fourni une explication, au moins partielle, du phénomène qui, après les essais d’explications anthropologiques ou idéologiques, demeurait mystérieux : l’expansion de l’idée de l’égalité des hommes dans certaines sociétés déterminées n’est plus pour nous une sorte de miracle incompréhensible, s’il est vrai qu’entre les formes de ces sociétés et le succès de cette idée il y a un rapport de condition à conséquence. […] Pour décider inductivement, de deux phénomènes, lequel est condition et lequel conséquence, il faut désigner celui qui précède invariablement l’autre. Or, en matière historique — sans parler de la rareté avec laquelle se montrent des rapports constants entre deux phénomènes — qui ne sait combien il est difficile de dire avec précision quand commence ou, quand finit chacun d’eux, et d’établir, par suite, celui qui est apparu le premier ? […] En réalité, chacun ces phénomènes est la résultante d’un concours de forces nombreuses et complexes : et ce serait sans doute une tâche immense que de les déterminer toutes, en mesurant l’apport de chacune.

113. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

En effet, si l’état primitif a disparu pour jamais, les phénomènes qui le caractérisaient ont encore chez nous leurs analogues. […] Les phénomènes de l’enfance nous représentent donc les phénomènes de l’homme primitif 91. […] C’est que les circonstances ne sont plus les mêmes : les causes occasionnelles qui déterminaient les lois à ces grands phénomènes n’existent plus. […] Ainsi l’entendait Aristote, bien moins coupable pourtant qu’on ne pourrait le croire, car l’âme n’est guère pour lui que le phénomène persistant de la vie. […] Car les phénomènes qui, dans cet état, sont comme effacés par leur ténuité, apparaissent dans les crises extraordinaires d’une manière plus sensible par leur exagération.

114. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Empirisme et dogmatisme s’accordent, au fond, à partir des phénomènes ainsi reconstitués, et diffèrent seulement en ce que le dogmatisme s’attache davantage à cette forme, l’empirisme à cette matière. […] Le passage de l’une à l’autre est, lui aussi, un phénomène absolument réel. […] La durée vécue par notre conscience est une durée au rythme déterminé, bien différente de ce temps dont parle le physicien et qui peut emmagasiner, dans un intervalle donné, un nombre aussi grand qu’on voudra de phénomènes. […] Dans notre durée, celle que notre conscience perçoit, un intervalle donné ne peut contenir qu’un nombre limité de phénomènes conscients. […] Et néanmoins nous savons que des millions de phénomènes se succèdent pendant que nous en comptons quelques-uns à peine.

115. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface de « L’Homme qui rit » (1869) »

C’est en Angleterre que ce phénomène, la Seigneurie, veut être étudié, de même que c’est en France qu’il faut étudier ce phénomène, la Royauté.

116. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Plaçons-nous tout de suite en face de ce dernier phénomène : nous nous transporterons ainsi d’un seul bond à l’extrémité opposée de la série des faits psychologiques. […] William James n’avait attiré l’attention des physiologistes sur certains phénomènes assez peu remarqués, et pourtant bien remarquables. […] Ferrier signalait un phénomène plus curieux encore 4. […] L’attention n’est pas un phénomène purement physiologique ; mais on ne saurait nier que des mouvements l’accompagnent. Ces mouvements ne sont ni la cause ni le résultat du phénomène ; ils en font partie, ils l’expriment en étendue, comme l’a si remarquablement montré M. 

117. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

Ils observent les mêmes relations entre phénomènes, ils trouvent à la nature les mêmes lois. […] Tant qu’il s’agit de phénomènes attachés en quelque sorte au système, c’est-à-dire définis par la physique de telle manière que le système soit censé les entraîner quand il est censé se mouvoir, les lois de ces phénomènes doivent évidemment être les mêmes pour Pierre et pour Paul : les phénomènes en mouvement, étant perçus par Paul qui est animé du même mouvement qu’eux, sont immobiles à ses yeux et lui apparaissent exactement comme apparaissent à Pierre les phénomènes analogues de son propre système. Mais les phénomènes électro-magnétiques se présentent de telle manière qu’on ne peut plus, quand le système où ils se produisent est censé se mouvoir, les considérer comme participant au mouvement du système. Et cependant les relations de ces phénomènes entre eux, leurs relations avec les phénomènes entraînés dans le mouvement du système, sont encore pour Paul ce qu’elles sont pour Pierre. […] S’il comptait autrement, il n’inscrirait pas dans sa représentation mathématique du monde que Paul en mouvement trouve entre tous les phénomènes, — y compris les phénomènes électro-magnétiques, — les mêmes relations que Pierre en repos.

118. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

qu’il nous passe le mot, c’est presque un phénomène. Mais rassurons-nous et rassurons-le : c’est un phénomène sans aucun air de phénomène, Dieu merci ! un phénomène bon enfant, sans charlatanisme, sans tromperie, sans trompe et sans trompette, qui, malgré la réputation qui lui vient de Paris, tout doucement, goutte par goutte, flot par flot, comme l’eau vient à l’écoute-s’il-pleut de sa paroisse, n’a pas cessé de vivre à l’écart, au fond de sa province, y continuant son petit train (un train silencieux) de savant, d’annotateur et de critique.

119. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

Si Auguste Vacquerie l’avait écrit, lui, ce serait un phénomène, et je répugne, je l’avoue, à penser que Vacquerie soit un phénomène… Ce serait un phénomène, en effet, et un des plus étonnants, qu’un homme qui absorberait un autre homme comme l’éponge absorbe l’eau qu’elle boit, et encore l’éponge reste éponge, malgré l’eau qu’elle a bue ! […] Et si, par impossibilité, j’étais obligé d’admettre le phénomène sans le comprendre, je dirais : Après tout, tant mieux pour Auguste Vacquerie, que je ne hais point !

120. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Pour vous voici des arbres, des blés, des montagnes, des phénomènes, ce que l’on voit. […] Ces voix de l’au-delà qui nous caressent et font pleurer sans cause, ces phénomènes amis, ces avertissements dépassent la raison, vont jusqu’au sentiment. […] Sollicité par ce qui passe, le phénomène, il oublie l’essence, ce qui demeure. […] Le poète actuel, avec toute son âme, pénètre au-delà des phénomènes, jusqu’au cœur du réel, sans le secours d’une dialectique. […] Mais, si l’on pense que la réalité supérieure se dérobe derrière les phénomènes et que les phénomènes n’en sont que le signe imparfait, le symbole prend alors toute sa valeur et toute son authenticité.

121. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

La forme la plus achevée de la doctrine qui explique les sentiments par des phénomènes intellectuels est celle de Herbart. […] A intensité égale, la douleur peut être continue ou intermittente, brûler, glacer, oppresser ; l’ensemble du phénomène est d’ordinaire désigné du nom de douleur, mais il importe de ne pas confondre les deux éléments qui le composent, perception et douleur proprement dite. […] Originairement, l’intelligence n’a pas d’autre objet que les différents plaisirs ou déplaisirs : c’est la première chose qui l’intéresse et l’éveille ; en se développant, elle est obligée de faire attention aux ressemblances ou aux différences, à l’ordre des phénomènes, et elle finit par y faire une attention telle qu’elle cesse de se rappeler le plaisir et la peine ; absorbée dans la relation, elle oublie les termes de la relation même, qui deviennent peu à peu pour elle de simples moyens secondaires, des signes, des symboles de plus en plus dépouillés de leur caractère affectif et émouvant. […] Au point de vue physiologique, l’opposition actuelle des émotions et des représentations s’explique par ce fait que les représentations sont attachées à des organes déterminés, tandis que le plaisir et la douleur sont généralement produits par une stimulation et un surcroît de vie qui tend à se répandre dans l’organisme entier : c’est un phénomène qui correspond à la diffusion des courants nerveux en un sens favorable ou contraire à nos organes. […] Concluons que le plaisir et la douleur ont leurs qualités irréductibles et caractéristiques ; ils ne sont pas seulement des phénomènes d’intensité, ni de pures relations entre d’autres faits de conscience auxquels seuls appartiendraient la réalité et l’efficacité.

122. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

  Précédemment, il avait rassemblé en un album de prose les cinq chroniques célèbres sur le théâtre (1886-1887), l’étude sur Richard Wagner, et quatorze pages çà et là parues depuis 1865 : le Phénomène futur, le Démon de l’Analogie, le Nénuphar blanc, l’Ecclésiastique, etc. […] Car les sons frappent, divertissent, etc., nos sens, puis suggèrent des phénomènes spirituels. Les mots frappent, divertissent, etc., nos sens, puis imposent des phénomènes spirituels, cela de toute la force de la langue et de lâ lexicographie. Aux phénomènes imposés s’en peuvent adjoindre d’autres, suggérés, et c’est le charme de la poésie. Mais sous ceux-ci demeurent les phénomènes imposés, correspondance idéologique plus ou moins commune aux divers intellects.

123. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

« L’intelligence (νοῦς) gouverne le développement incessant de l’univers ; elle est la cause première de tout mouvement et par conséquent le principe de tous les phénomènes physiques. […] Ajoutez-y le phénomène de la vie, qui n’est, selon M. de Humboldt, qu’une combinaison d’hydrogène et d’oxygène, que la nature rallume et éteint comme une lampe, et qui produit la respiration et la pensée, et tout est dit. […] La science proprement dite n’a découvert que des mots pour nommer ces phénomènes, et des chiffres pour les calculer. […] De là les troncs arc-boutés, les racines suspendues en l’air et autres phénomènes analogues. « La forêt vierge impénétrable, impropre au séjour de l’homme, vrai champ de bataille des végétaux, présente encore d’autres phénomènes particuliers et frappants.

124. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — I »

Le phénomène bovaryque s’y est en effet montré d’une application universelle. […] Cette constatation doit justifier désormais à nos yeux toute la suite des phénomènes, depuis les plus généraux jusqu’aux plus particuliers, qui ont été exposés dans la première partie de cette étude et où s’est manifestée en acte, à quelque degré, la faculté de se concevoir autre.

125. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

J’avais signalé, toujours dans cet ordre d’idées, un phénomène que je croyais être le caractère métaphysique, le signe le plus énergique de l’époque actuelle, de l’âge où nous sommes de l’esprit humain. […] « Ce phénomène a dû se manifester chez les peuples neufs, tout comme chez les autres peuples ; c’est un phénomène analogue à celui que l’on peut supposer dans les enfants et dans les sourds-muets. […] Un tel phénomène attirera souvent toute notre attention.

126. (1894) Propos de littérature « Appendice » pp. 141-143

Plus on se rapproche de la gauche, plus les phénomènes se manifestent en fonction directe du temps, plus aussi ils sont subjectifs ; plus on va vers la droite, plus ils participent exclusivement de l’espace, plus ils sont objectifs. […] Car rien ne nous touche d’absolument étranger, rien ne possède pour nous d’éloquence s’il ne trouve en nous-même son écho véridique ; et, ainsi que pour la physique supérieure tous les phénomènes ne sont peut-être que des modalités de l’unique Énergie, l’objectif serait un mode ignoré de notre âme, tout le possible encore obscur qu’elle contient et où elle se découvre par sa trace, comme le rythme dans l’harmonie, comme le temps à travers sa mesure d’espace.

127. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

On doit laisser aux purs savants, géomètres, astronomes, physiciens, le soin d’établir les formules, d’énoncer dans un style approprié soit les rapports des quantités abstraites, soit les relations des phénomènes et les évaluations numériques qui les déterminent. […] Chaque découverte est comme une révélation inattendue de l’unité, poursuivie à travers la variété et même la contradiction apparente des phénomènes ; les lois nous paraissent être les éléments indestructibles de la trame divine des choses. […] L’idée de l’évolution par exemple, appliquée avec succès dans certaines parties de l’histoire de la nature, se porte audacieusement, dans l’ardeur de sa fortune nouvelle, pour la loi unique, contenant l’explication universelle des phénomènes et la solution définitive de la grande énigme. […] Il repousse également le matérialisme et le spiritualisme comme de pures hypothèses, accordant d’une part aux spiritualistes que les phénomènes moraux n’ont pas leur principe dans les phénomènes physiques, bien qu’ils y aient leurs conditions ; d’autre part, aux matérialistes, que rien n’autorise à distinguer substantiellement le monde moral du physique. […] Elle crée en moi la dignité, elle m’enjoint d’être homme et de respecter l’homme, elle marque l’avènement d’un phénomène nouveau dans l’univers, le sentiment du devoir.

128. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VI. La littérature et le milieu social. Décomposition de ce milieu » p. 155

Or les phénomènes divers que l’on y rencontre peuvent se ranger en neuf classes : 1° Economiques ; 2° Politiques ; 3° Juridiques ; 4° Familiaux ; 5°, Mondains ; 6° Religieux ; 7° Moraux ; 8° Scientifiques ; 9° Artistiques. Je ne nomme point les phénomènes littéraires, en vue desquels nous devons étudier tous les autres ; cependant il y aura lieu de réserver une place à certaines institutions ou à certains groupements ayant un caractère spécialement littéraire.

129. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Il en résulte que nos sensations actuelles ne représentent pas distinctement tous les phénomènes de la nature : nous n’avons pas de réactifs spéciaux pour tous les agents naturels. […] Les sciences de la nature transcrivent tous les phénomènes en termes de mouvement ; mais les mouvements eux-mêmes ne sont encore qu’une langue dérivée, une algèbre propre à exprimer des rapports : le fond même de la vie, l’original de l’existence échappe à toutes ces translations mécaniques et ne se saisit qu’en termes de l’ordre mental. […] Un bruit sans durée appréciable, une décharge électrique traversant notre corps, une vive lumière éblouissant nos yeux, tout cela offre analogie avec un choc ou un coup, et nous exprimons le phénomène par les mêmes mots : « Je suis frappé. » Enfin le choc, à son tour, se ramène à la conscience de la résistance. […] Un phénomène analogue a lieu dans tous les sens et dans tous les nerfs : c’est une série de pulsations et, par conséquent, de chocs semblables à ceux d’une onde qui bat le rocher du rivage. […] Riehl s’est inspiré de Wundt, mais, au lieu d’un rapport entre des phénomènes inconscients, il fait consister la sensation dans un rapport entre une stimulation inconsciente et une stimulation consciente.

130. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Pour peu que le nombre de ces phénomènes mentaux ait été considérable, ils ont du former une grosse part de la vie psychique de l’artiste. […] Ribot dans ses Maladies de la personnalité cw, non pas par une essence indéfinie, mais par une certaine succession, par un rythme et un groupement d’images, d’idées, d’émotions et de sensations, par un certain cours de phénomènes mentaux10 cx. Or, l’œuvre d’un artiste nous donne directement une partie notable de ces phénomènes ; de plus elle est l’expression non seulement de ces apparences, mais de leurs conditions profondes, des facultés et des désirs qui en forment le fond. […] Une composition parfaite, de celle des parties à celle de toute l’œuvre, permettra de penser que chez l’artiste qui la pratique, la cohésion des idées est étroite et suivie, c’est-à-dire qu’entre les phénomènes de sa vie mentale, le jeu des lois de similarité et de contiguïté est parfait. […] D’autre part, la psychologie tente d’attaquer les phénomènes de la pensée par le dehors, en s’aidant de toutes les sciences qui peuvent les éclairer, et qui comprennent la psychophysique, les analyses de pathologie mentale, les travaux encore de psychologie animale, la physiologie cérébrale, les études sur l’hypnotismecy.

131. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Tout phénomène a ses raisons, visibles ou secrètes. […] La vie n’est qu’un phénomène physique. […] Les phénomènes palladiniques, s’ils sont avérés, ne peuvent être d’un autre ordre, que les phénomènes électriques ou radioactifs. […] Retenons d’abord les mouvements sans contact et les phénomènes de lévitation. […] Elles se produisaient de la même façon et précédées des mêmes phénomènes.

132. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

. — Il est possible aussi que l’astronomie nous fournisse un jour des données sur ce point ; c’est elle, en somme, qui a soulevé la question en nous faisant connaître le phénomène de l’aberration de la lumière. […] Nous sommes loin, il est vrai, d’apprécier le millième de seconde, mais après tout, disent quelques personnes, la vitesse absolue totale de la Terre est peut-être beaucoup plus grande que sa vitesse relative par rapport au Soleil ; si elle était par exemple de 300 kilomètres par seconde au lieu de 30, cela suffirait pour que le phénomène devînt observable. […] Ce sont les mouvements des électrons qui produisent les raies des spectres d’émission ; ce qui le prouve, c’est le phénomène de Zeeman ; dans un corps incandescent, ce qui vibre est sensible à l’aimant, donc électrisé.

133. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Ce que nous constatons en nous, ce sont encore des phénomènes qui se produisent, et non pas, évidemment, des phénomènes qui ne se produisent pas. […] Et le déterminisme rigoureux des phénomènes successifs dans le temps exprimait simplement que le tout de l’être est donné dans l’éternel. […] L’univers ne peut donc être un système de lois que si les phénomènes passent à travers le filtre d’une intelligence. […] Aux relations entre les phénomènes correspondent donc, symétriquement, des relations entre les représentations. […] Je le veux bien ; mais, pour que l’esprit humain puisse se représenter des relations entre les phénomènes, encore faut-il qu’il y ait des phénomènes, c’est-à-dire des faits distincts, découpés dans la continuité du devenir.

134. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

L’intérêt ressenti par l’âme est donc la cause unique du phénomène. […] Nous avons déjà vu que le génie est l’apparition d’une de ces formes nouvelles dans un cerveau extraordinaire, lieu de rencontre où des séries de phénomènes auparavant indépendantes viennent former des synthèses inattendues et manifester des dépendances imprévues. […] L’imitation, avec l’admiration qui en est une forme (car l’admiration est une imitation intérieure), est, avons-nous dit, un phénomène de sympathie, de sociabilité ; le génie artistique lui-même est un instinct sympathique et social porté à l’extrême, qui, après s’être satisfait dans un domaine fictif, provoque par imitation chez autrui une réelle évolution de la sympathie et de la sociabilité générale. […] C’est un phénomène analogue aux faits astronomiques d’attraction qui créent au sein d’un grand système un système particulier, un centre nouveau de gravitation. […] Les faits nous ont montré qu’au physique et au moral ils le sont souvent. » D’après M. de Quatrefages, quoiqu’elle soit forcément et constamment troublée, l’hérédité, si l’on embrasse tous les phénomènes qui marquent chez les individus une tendance mathématique, finit « par réaliser dans l’ensemble de chaque espèce le résultat qu’elle ne peut réaliser chez les individus isolés ».

135. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

. — La Poésie, phénomène subjectif, est la volupté de la Connaissance. […] Mais pour nous, qui n’en sommes plus à croire que l’âme humaine, à travers les âges, reste imperturbablement égale à elle-même ; qui la concevons en perpétuel devenir, formée par toutes les capitalisations du passé et de l’hérédité, par toutes les acquisitions et par toutes les influences du savoir et des milieux, il est difficile d’admettre que le poète se doive complaire indéfiniment dans la contemplation de deux ou trois phénomènes généraux de la nature, signalés, d’ailleurs, depuis fort longtemps sous toutes les latitudes. […] Ses sens et sa mémoire les enregistreront automatiquement, son intelligence ne sera plus sollicitée ; il n’y aura plus curiosité, et la poésie, phénomène en soi, disparaîtra. […] C’est un phénomène occulte qui se produit dans la subconscience.

136. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Le seul synonyme à peu près plausible est le mot de hasard, qui désigne l’apparition d’un phénomène sans cause, du « premier commencement » d’une série soumise pour le reste à la causalité. […] Aussi Kant, au lieu de placer l’indéterminé dans la série même des phénomènes, l’a-t-il placé au dehors et au-dessus, sous le nom de noumène. […] Ainsi, entre une idée et une autre, entre un désir et un autre, on imagine un phénomène spécifique : le maintien ou l’abandon de la première idée, du premier désir, comme si, entre une vague et une autre, on imaginait je ne sais quel phénomène intermédiaire consistant dans le « maintien » ou dans la suppression de la première vague, de façon à changer ainsi la direction du navire. […] En outre, quand même ici toute loi serait impossible, faute d’une répétition du phénomène, il n’en résulterait pas l’absence de causes déterminant par une rencontre unique cet effet unique. […] Renouvier, échappe aux lois. » S’il en est ainsi, il ne dépend pas de nous de réaliser des phénomènes qui seraient vraiment sans raison et sans loi.

137. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Il y a un espace réel, sans durée, mais où des phénomènes apparaissent et disparaissent simultanément avec nos états de conscience. […] Mais ici encore un phénomène d’endosmose se produit, un mélange entre la sensation purement intensive de mobilité et la représentation extensive d’espace parcouru. […] Annoncer qu’un phénomène se produira au bout d’un temps t, c’est dire que la conscience notera d’ici là un nombre t de simultanéités d’un certain genre. […] Mais, à défaut du mouvement, toute répétition d’un phénomène extérieur bien déterminé eût suggéré à la conscience le même mode de représentation. […] Nulle part cet écrasement de la conscience immédiate n’est aussi frappant que dans les phénomènes de sentiment.

138. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Chapitre V Le génie et la folie Quelque obscur que soit par lui-même le phénomène de la folie, quelques médecins ont cru que ce fait pouvait servir à nous faire comprendre un autre état d’esprit non moins obscur et non moins étonnant, à savoir le génie. […] Un autre médecin, plus hardi, a poussé plus loin les mêmes conclusions, et n’a pas hésité à considérer le génie comme un phénomène de la même famille que l’aliénation mentale. […] Pourvu qu’il rencontre un mal nerveux quelconque dans la famille d’un homme de génie, aussitôt il y voit une prédisposition héréditaire ; et remarquez à quel point il élargit le cercle des phénomènes dont il s’agit. Pour lui, folie, hallucination, idiotisme, scrofules, rachitisme, surdité, mutisme, cécité, morts subites, apoplexies, paralysies, tics nerveux, ivrognerie, etc., tous ces phénomènes sont des prédispositions héréditaires qui peuvent donner naissance, par la transmission, à la supériorité intellectuelle. […] Qui expliquera ces étranges phénomènes ?

139. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Joint à tous les autres éléments que nous avons déjà indiqués, ce phénomène de mécanique et de logique tout ensemble contribuera à produire l’alignement des images sur une ligne idéale, qui est celle de la succession. […] Les phénomènes ne se passent dans le temps que pour un observateur du dehors qui conçoit lui-même le temps et les y situe. […] « L’estimation de la durée n’étant qu’un phénomène d’optique intérieure, une perspective d’images, ne peut pas ne pas offrir un caractère d’essentielle relativité. […] Ayant toujours eu des successions de représentations, nous ne pouvons pas concevoir une autre manière de nous représenter les phénomènes, car cette manière ne nous est donnée dans aucune expérience. […] « J’appelle pure, dit Kant (oubliant ce qu’il vient de dire), une représentation où l’on ne trouve rien qui se rapporte à la sensation. » Mais comment vous représenter la succession des phénomènes, c’est-à-dire la succession des sensations réelles ou virtuelles, sans rien qui se rapporte à la sensation ?

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