/ 1986
52. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Le fond de l’explication sociologique est le prétendu parallélisme qu’on veut établir entre l’évolution sociale d’une part et d’autre part le degré de perfectionnement et d’affinement des intelligences. […] Aujourd’hui, l’idée de race, sauf lorsqu’il s’agit d’établir des distinctions entre les trois grandes races, ne peut servir à étayer aucune théorie ethnique avant une valeur scientifique. […] Elle établit un pont entre les moi par la communauté de la notion transmissible ; elle fait cesser l’isolement du moi en nous faisant concevoir l’impersonnel. […] Et il ne fait aucune différence de qualité ni de valeur entre les originalités humaines ; il s’interdit d’établir une hiérarchie entre les intelligences d’après leur puissance, leur étendue ou leur profondeur. […] Car comment établir des différences de valeur entre les intelligences et entre les pensées, sinon par des considérations d’utilité sociale et de culture humaine.

53. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Avant-propos »

En d’autres termes, le langage exige que nous établissions entre nos idées les mêmes distinctions nettes et précises, la même discontinuité qu’entre les objets matériels. […] Nous essayons d’établir que toute discussion entre les déterministes et leurs adversaires implique une confusion préalable de la durée avec l’étendue, de la succession avec la simultanéité, de la qualité avec la quantité : une fois cette confusion dissipée, on verrait peut-être s’évanouir les objections élevées contre la liberté, les définitions qu’on en donne, et, en un certain sens, le problème de la liberté lui-même.

54. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Si cette conscience a une action pour lier ou renforcer le lien, c’est une action ultérieure, qui suppose un lien primitivement établi sans elle et auquel elle ajoute une force nouvelle. […] Quand il y a rencontre de deux ondes nerveuses, il s’établit une communication entre elles, un entrecroisement, une première union, qui est une résultante déterminée et qui constitue une habitude naissante. […] Ainsi s’établissent entre les voies nerveuses, comme entre les voies ferrées, des bifurcations analogues à celles où l’aiguilleur détermine la marche des trains ; la succession des idées, même de celles que nous reconnaissons ensuite pour similaires, est provoquée par la rencontre, au point de bifurcation, de deux trains d’images dans des régions continués du cerveau. […] La synthèse mentale ne peut sans doute s’établir, comme nous l’avons montré, qu’entre des termes déjà donnés par un pur automatisme ; mais l’intelligence n’en a pas moins, en premier lieu, le pouvoir d’accepter ou de rejeter la soudure déjà commencée par la simple coïncidence de temps. […] Si les idées se renouvellent, c’est le plus souvent en vertu de la même force, en vertu du lien qui unit telles représentations à tels sentiments et à tels mouvements, ou invicem, et qui établit comme conséquences dans le cerveau tels arcs réflexes, telles voies de communication toutes prêtes à recevoir les courants nerveux.

55. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

L’instinct social vise à refréner l’instinct individuel en lui imposant les volontés de Dieu, les règles établies, en le leurrant par les satisfactions à longue échéance d’une autre vie. […] Son « devoir » et ses « droits » sont nettement établis par ses relations avec les autres organes, et par les besoins généraux de l’organisme. […] Les devoirs et les droits professionnels peuvent donc s’établir avec, relativement, assez peu de difficultés. […] C’est que s’il est facile de déterminer la fonction du maçon en tant que maçon, s’il est encore possible d’établir la fonction de l’homme en tant qu’être social, il est beaucoup moins aisé d’établir sa fonction en tant qu’homme. […] Notre égoïsme ne fait de concession que s’il y trouve son profit, dans les cas où l’accord des intérêts a pu s’établir.

56. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

La communication habituelle de tous les hommes distingués, leur réunion dans un centre commun, établit une sorte de législation littéraire, qui dirige tous les esprits dans la meilleure route. […] La division des gouvernements, sans donner la liberté politique, établit presque nécessairement la liberté de la presse. Il n’existe ni religion dominante, ni opinion dominante dans un pays ainsi partagé : les pouvoirs établis se maintiennent par la protection des grandes puissances ; mais l’empire de chaque gouvernement sur ses sujets est extrêmement limité par l’opinion ; et l’on peut parler sur tout, quoiqu’il ne soit possible d’agir sur rien. […] Si par quelques malheurs invincibles la France était un jour destinée à perdre pour jamais tout espoir de liberté, c’est en Allemagne que se concentrerait le foyer des lumières ; et c’est dans son sein que s’établiraient, à une époque quelconque, les principes de la philosophie politique. […] Ne vous permettez jamais une action que la morale puisse réprouver ; n’écoutez point ce que vous diront quelques raisonneurs misérables sur la différence qu’on doit établir entre la morale des particuliers et celle des hommes publics.

57. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

La marche que les prêtres avaient résolu de suivre contre Jésus était très conforme au droit établi. […] Au point de vue du judaïsme orthodoxe, il était bien vraiment un blasphémateur, un destructeur du culte établi ; or ces crimes étaient punis de mort par la loi 1108. […] La frivolité ordinaire, aux aristocraties depuis longtemps établies ne permit pas aux juges de réfléchir longuement sur les conséquences de la sentence qu’ils rendaient. […] Rien n’était plus injuste ; car Jésus avait toujours reconnu l’empire romain pour le pouvoir établi. […] La loi mosaïque, dans sa forme moderne, il est vrai, mais acceptée, prononçait la peine de mort contre toute tentative pour changer le culte établi.

58. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

En attendant cette « réduction », toutes les relations constantes que j’aurai pu établir ne sont encore que des coïncidences. […] Que des facteurs tout physiques, comme certaines dispositions de races, héritées de père en fils, ou des facteurs tout physiques, comme certaines idées d’individus de génie, transmises d’âme en âme, suffisent à rendre compte du fait que nous avons établi, et la sociologie n’a plus rien à faire avec le succès de l’égalitarisme. — Et certes, nous n’avons pas prétendu qu’elle dût nous en donner une explication, intégrale ; par conséquent, nous n’avons pas, pour présenter une explication sociologique du mouvement égalitaire, à exclure d’autres explications qui peuvent concourir avec elle. […] Retenant ce fait que les divisions de races sont loin de correspondre aux divisions de nations, et rejetant par suite la confusion de la race « historique » avec la race « biologique », ils se font forts de reconnaître les éléments anthropologiquement différents, jusque dans les sociétés où ils sont actuellement mêlés, et d’établir, en comparant par exemple les indices céphaliques aux situations sociales, aux caractères, aux idées mêmes, que ces différents phénomènes varient en fonction de caractères anatomiques. […] Ils ont prouvé que les dolichocéphales se concentrent dans les villes ; mais si nous prouvons que les villes, comme elles sont des foyers de concentration pour les cerveaux dolichoïdes, sont aussi des foyers d’expansion pour les idées démocratiques, que deviendra le parallélisme établi entre l’égalitarisme et la brachycéphalie ? […] Mais ce ne serait encore qu’une loi empirique. — Supposons donc que nous ayons montré comment, lorsque les sociétés affectent une forme centralisée, les esprits qui les composent se trouvent naturellement amenés, en vertu des lois de la formation des idées, à penser, non par classes, mais par individus, et à mettre, vis-à-vis du centre unique, tous les individus sur le même plan, alors nous aurions pleinement compris la relation établie.

59. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IX. De l’astronomie poétique » pp. 233-234

De l’astronomie poétique Démonstration astronomique, fondée sur des preuves physico-philologiques, de l’uniformité des principes ci-dessus établis chez toutes les nations païennes. […] Ces principes établis, nous dirons que chez toutes les nations païennes, de l’Orient, de l’Égypte, de la Grèce et du Latium, l’astronomie naquit uniformément d’une croyance vulgaire ; les planètes paraissant beaucoup plus grandes que les étoiles fixes, les dieux montèrent dans les planètes, et les héros furent attachés aux constellations.

60. (1842) Discours sur l’esprit positif

Sa valeur, à cet égard, dépend surtout de sa pleine réalité scientifique, c’est-à-dire de l’exacte harmonie qu’elle établit toujours, autant que possible, entre les principes et les faits, aussi bien quant aux phénomènes sociaux qu’envers tous les autres. […] Une véritable explication de l’ensemble du passé, conformément aux lois constantes de notre nature, individuelle ou collective, est donc nécessairement impossible aux diverses écoles absolues qui dominent encore ; aucune d’elles, en effet, n’a suffisamment tenté de l’établir. […] La nouvelle philosophie peut seule » établir aujourd’hui, au sujet de nos divers devoirs, des convictions profondes et actives, vraiment susceptibles de soutenir avec énergie le choc des passions. […] La loi fondamentale de cet ordre commun, de dépendance dogmatique et de succession historique, a été complètement établie dans le grand ouvrage ci-dessus indiqué, et dont elle détermine le plan général. […] On conçoit pareillement, en sens inverse, que la règle du classement suppose celle de l’évolution, puisque tous les motifs essentiels de l’ordre ainsi établi résultent, au fond, de l’inégale rapidité d’un tel développement chez les différentes sciences fondamentales.

61. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

On établit une opposition trop tranchée entre l’attention spontanée, où l’objet semble agir par son pouvoir intrinsèque, et l’attention volontaire, où le sujet agit par des pouvoirs que M.  […] — C’est toujours revenir à la théorie de la logique formelle, qui établit entre les objets des rapports de contenant à contenu, de tout à parties, et qui ainsi, en définitive, se représente toutes choses d’une représentation numérique et géométrique. […] De plus, quand même nous pourrions établir un rapport dans notre pensée entre l’idée de feu et l’idée de brûlure, nous ne pourrions savoir si le lien qui existe entre nos idées se trouve aussi entre les choses. […] Assurément il ne faut pas établir une séparation artificielle, comme font les spiritualistes, entre le jugement et la volition. […] Le raisonnement qualitatif porte sur des qualités ou attributs (homme, mortel, etc.), entre lesquels il établit des rapports de simple coexistence ou de succession ; le raisonnement quantitatif, au contraire, roule sur des quantités, entre lesquelles il établit des rapports d’égalité ou d’inégalité.

62. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Il s’établit au fond de nous une sorte d’intelligence et de connivence presque forcée entre notre talent et notre jugement, surtout quand ce jugement porte sur l’objet même auquel se rapporte notre talent habituel. […] , l’auteur, en arbitre et presque en syndic désigné, dresse le bilan de la fortune littéraire de la France ; il établit la balance par profits et pertes, ce sont les termes mêmes qu’il emploie ; il compte devant nous tout ce qui doit entrer dans l’un ou l’autre plateau ; il sait faire rendre à chacun, il en obtient tout ce qu’il exige pour la régularité de son inventaire. […] Il semblerait difficile, à son point de vue, avec les données qu’il s’est imposées, parlant au nom d’une société établie, au nom d’un esprit ordonné et constitué, et comme entre les colonnes d’un tribunal souverain, qu’il le jugeât autrement. […] Il n’y a, à cet égard, entre eux, aucune parité à établir.

63. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Ce qui s’établit alors en France comme aux alentours, ce sont les monarchies régulières qui, abolissant les puissances particulières et indépendantes, instituent une administration et une hiérarchie sous l’autorité et la majesté d’un roi. […] Il prévoit, il ordonne, il châtie, il récompense, il distribue à ses sujets leurs emplois, il fait servir à ses desseins ses adversaires, il perce leurs complots, il défait leurs ligues, il prépare dans ses profonds conseils le jour glorieux qui confondra leur rage impuissante, et qui établira ses serviteurs, selon son choix et selon leurs mérites, dans le rang qu’il leur a d’avance assigné. […] La raison développée depuis dix-huit cents ans dans la nature humaine s’est établie par contre-coup dans la nature divine, et a tempéré la toute-puissance sans frein, le despotisme formidable que le spectacle du désert et la roideur de l’esprit arabe y avaient mis. […] Ils y ont établi un tout petit Olympe qu’on ne respecte pas trop, qu’on n’aperçoit pas toujours, et qui ressemble plus à une taupinée qu’à une montagne.

64. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Le lac de Tibériade est un des bassins d’eau les plus poissonneux du monde 418 ; des pêcheries très fructueuses s’étaient établies, surtout à Bethsaïde, à Capharnahum, et avaient produit une certaine aisance. […] Nés à Bethsaïde 420, ils se trouvaient établis à Capharnahum quand Jésus commença sa vie publique. […] La Magdaléenne lui fut fidèle jusqu’au Golgotha, et joua le surlendemain de sa mort un rôle de premier ordre ; car elle fut l’organe principal par lequel s’établit la foi à la résurrection, ainsi que nous le verrons plus tard. […] On disait qu’il conversait sur les montagnes avec Moïse et Élie 475 ; on croyait que, dans ses moments de solitude, les anges venaient lui rendre leurs hommages, et établissaient un commerce surnaturel entre lui et le ciel 476.

65. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

et enfin, ai-je besoin d’observer qu’à la suite de cette autre phrase, je quitterai sa cour quand vous me le conseillerez, accourt aussitôt celle-ci, j’ai bien fait votre cour sur les soins que vous donnez à nos enfants, ce qui veut dire : Je quitterai la cour quand vous me le conseillerez, mais je vous y établis si bien que vous ne me le conseillerez pas ? […] C’est bien à présent, madame, que vous auriez à me reprocher de l’aimer avec excès. » Peu après le retour d’Anvers, les nouveaux princes furent enfin reçus chez la reine ; alors on les établit, avec leur gouvernante, à Versailles. […] Tous mes petits princes y sont établis, et je crois pour toujours : cela, comme toute autre chose, a son bon et son mauvais côté : je suis assez contente. […] Ils ne me paraissent pas aussi pressés de m’établir que je le suis de les quitter.

66. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Si cette science venait à établir rigoureusement les rapports que vous trouvez si incertains, s’ensuivrait-il que le matérialisme eût raison, et que l’âme fût une chimère ? […] Oui, ces raisons subsisteraient encore dans toute leur force, lors même que la physiologie viendrait à bout d’établir avec précision et d’une manière infaillible certaines relations rigoureuses entre l’intelligence et le cerveau. […] On nous dit encore : Est-il bien vrai que la science n’ait rien établi jusqu’ici sur les rapports du cerveau et de l’intelligence ?

67. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Car dans un mouvement on trouvera la raison d’un autre mouvement, mais non pas celle d’un état de conscience : seule, l’expérience pourra établir que ce dernier accompagne l’autre. […] Nous sommes ainsi ramenés à la distinction que nous avons établie plus haut entre la multiplicité de juxtaposition et la multiplicité de fusion ou de pénétration mutuelle. […] Et le même symbolisme grossier sur lequel on prétendait fonder la contingence de l’action accomplie aboutit, par un prolongement naturel, à en établir l’absolue nécessité. […] Mais nous établirons d’abord une distinction entre ceux qui pensent que la connaissance des antécédents permettrait de formuler une conclusion probable, et ceux qui parlent d’une prévision infaillible. […] Et comment vous fonder sur ce principe pour établir le déterminisme des faits internes, alors que, selon vous, le déterminisme des faits observés est l’unique fondement de ce principe lui-même ?

68. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 378-380

On voit un Ecrivain qui veut établir un principe & n’établit rien.

69. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 408-410

Tout est digne d’éloge dans cet Ouvrage, plan habilement dessiné, distribution des matieres rangées avec méthode, principes établis avec clarté, raisonnemens déduits avec justesse & fortement enchaînés, style simple, lumineux & toujours soutenu. […] Les Esprits géométriques, comme le sien, sont naturellement portés au raisonnement ; mais le raisonnement n’est qu’une partie de cette raison persuasive qui doit établir, insinuer, & faire goûter les leçons qu’on veut inculquer.

70. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 219-221

C’est pourquoi on peut lui reprocher d’avoir plutôt raisonné d’après l’ordre à établir, que sur l’ordre établi.

71. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

D’abord une possession de huit siècles, un droit héréditaire semblable à celui par lequel chacun jouit de son domaine et de son champ, une propriété fixée dans une famille et transmise d’aîné en aîné, depuis le premier fondateur de l’État jusqu’à son dernier successeur vivant ; ensuite la religion qui ordonne aux hommes de se soumettre aux pouvoirs établis  Cette religion enfin, qui l’autorise ? […] Sauf La Fontaine qui, je crois, est unique en cela comme dans le reste, les plus grands et les plus indépendants, Pascal, Descartes, Bossuet, La Bruyère, empruntent au régime établi leur conception première de la nature, de l’homme, de la société, du droit, du gouvernement386. […] Pour entrer dans la pratique, pour prendre le gouvernement des âmes, pour se transformer en un ressort d’action, il faut qu’elle se dépose dans les esprits à l’état de croyance faite, d’habitude prise, d’inclination établie, de tradition domestique, et que, des hauteurs agitées de l’intelligence, elle descende et s’incruste dans les bas-fonds immobiles de la volonté ; alors seulement elle fait partie du caractère et devient une force sociale. […] Voici que d’un autre côté le même cri s’élève ; c’est le bataillon de Rousseau et des socialistes qui, à son tour, vient donner l’assaut au régime établi. […] Car elle ne s’établit qu’en détruisant l’égalité primitive, et ses deux institutions principales, la propriété et le gouvernement, sont des usurpations. « Le premier420 qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile.

72. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

— Anciens ressentiments et mécontentements nouveaux contre l’ordre établi […] Que de gênes dans l’ordre établi, et même dans tout ordre établi   En premier lieu, la religion. […] Si parfois le propriétaire les transporte à l’étage inférieur, il ne s’en sert qu’à demi ; des habitudes établies, des intérêts ou des instincts antérieurs et plus forts en restreignent l’usage. […] Dans l’esprit public et par leurs études, s’établit l’opinion que la nation est au-dessus du roi, comme l’Église universelle est au-dessus du pape. » — Le changement est frappant, presque subit. […] Le marquis de Mirabeau établit dans son domaine du Limousin un bureau gratuit de conciliation pour arranger les procès, et chaque jour, à Fleury, fabrique neuf cents livres de pain économique à l’usage « du pauvre peuple qui se bat à qui en aura551 ».

73. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Lavoisier et Laplace établirent cette vérité fondamentale, que les manifestations matérielles des êtres vivants rentrent dans les lois ordinaires de la physique et de la chimie générales. […] L’utilité des laboratoires spéciaux de physiologie ne se prouve plus par des raisonnements, elle s’établit par des faits. […] C’est ce que Petenkofer et Voit ont établi pour le muscle maintenu en place, et pour le muscle séparé de l’animal. […] Les faits établissent bien clairement que l’on n’a point affaire ici à une fixation directe et extemporanée d’oxygène sur la substance du muscle. […] On voit par là que la distinction établie par Haller a un caractère pratique et expérimental.

74. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 21, de la maniere dont la réputation des poëtes et des peintres s’établit » pp. 320-322

Section 21, de la maniere dont la réputation des poëtes et des peintres s’établit Je m’acquitte de la promesse que j’ai faite au commencement de cet ouvrage, d’examiner avant que de le finir la maniere dont la réputation des peintres et la réputation des poëtes s’établissent.

75. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Ce que la fondatrice voulait établir, ce n’était pas un ordre religieux ni un cloître austère ; c’était quelque chose d’intermédiaire entre la retraite et le monde, un asile en faveur des filles qui n’auraient point de vocation pour le mariage ni pour le couvent proprement dit, et qui voudraient concilier l’éloignement du siècle avec une vie exempte de clôture et affranchie de la solennité des vœux. […] Il y avait de la reine dans la manière dont Mme de Mondonville établissait cette domination à son usage : La Supérieure, disait-elle, donnera une fois le mois une audience à chacune des filles qui demandera de lui parler, les accueillera avec un visage serein, les écoutera paisiblement et charitablement, gardant un juste tempérament entre la familiarité et la pesanteur d’une trop tendue conversation… Enfin, elle se comportera de telle manière qu’elle ne les renvoie jamais mécontentes, s’il est possible. […] Il ne paraît pas, néanmoins, qu’on soit jamais arrivé, touchant les faits mystérieux qu’on soupçonnait, à une conviction bien établie et bien authentique ; mais le soupçon suffisait déjà. […] J’ai tant de respect, je l’avoue, pour tout ce qu’on peut savoir de vérité historique, que j’aurais préféré un récit tout simple, tout nu, de ce qu’on sait sur cette congrégation de l’Enfance, ou du moins un récit dans lequel les circonstances inventées n’eussent paru jurer en rien avec les faits d’autre part avérés et établis. […] C’est ce saint évêque qui avait d’abord établi dans son diocèse des filles régentes pour l’éducation des personnes du sexe, et M. de Ciron lui avait demandé d’en envoyer quelqu’une à Toulouse pour y former d’autres maîtresses et y faire école.

76. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

Bacon l’a résumée dans cet aphorisme célèbre : Homo minister et interpres naturæ ; quantum scit, tantum potest  ; il semble avoir prévu avec une perspicacité merveilleuse la société moderne, la nature vaincue par la science, l’industrie affranchie des tâtonnements lents et incertains de l’empirisme, puisant dans les principes généraux établis par les savants de certaines et innombrables applications. […] Ces expériences sont les expériences décisives, qui tranchent le débat entre deux hypothèses, ou qui établissent d’une manière définitive une vérité contestée. […] Par exemple, j’y lis : « Pour conclure avec certitude qu’une condition donnée est la cause prochaine d’un phénomène, il ne suffit pas d’avoir prouvé que cette condition précède ou accompagne toujours le phénomène ; mais il faut établir encore que, cette condition étant supprimée, le phénomène ne se montrera plus. » N’est-ce pas là une des maximes capitales de Bacon ? […] « Une théorie établie sur vingt faits, dit-il, doit servir à en expliquer trente, et conduit à découvrir les dix autres ; mais presque toujours elle se modifie ou succombe devant dix faits nouveaux ajoutés à ces derniers25. » De là la nécessité du doute scientifique, qu’il ne faut pas confondre avec le scepticisme ; celui-ci doute de la science elle-même, le premier ne doute que des conceptions arbitraires de notre esprit. […] Il a établi sur Bacon la vérité définitive sans rien exagérer, sans rien diminuer.

77. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

L’erreur des philosophes vient de l’analogie qu’ils ont cru pouvoir établir entre l’homme et les animaux ; ils ont pensé que l’homme était un animal plus parfait. […] Il dépend donc de l’homme de changer jusqu’à la constitution atmosphérique du lieu où il s’établit. […] Les anciens, qui avaient mis en symboles toutes les puissances de la nature, n’avaient pas manqué d’établir des divinités conservatrices des lieux. […] Les lois physiques ont été établies par Dieu au commencement ; et l’univers continue d’exister, soit par la persistance de ces lois premières, soit par un soin providentiel de tous les instants pour la durée et la continuelle existence de ces lois. […] Il a fallu partir de l’existence de la société pour raisonner avec certitude sur le nouvel ordre de choses qui tend à s’établir, quelque indépendant qu’il soit d’ailleurs de tout ce qui a précédé, comme il a fallu partir du don primitif de la parole pour arriver à expliquer l’émancipation graduelle de la pensée : c’est ce qui nous reste à faire pour achever le tableau de l’âge actuel de l’esprit humain.

78. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Appelez l’éloquence à votre aide, faites des panégyriques, prononçez des oraisons funèbres, enseignez la morale au public, établissez des théories sur le beau, rassemblez des documents inédits ; soyez orateur, professeur, prédicateur, tout ce qu’il vous plaira : vous ne parviendrez qu’à écrire longuement une histoire froide. […] Établissons, s’est-il dit, par une argumentation irréfragable, que Mme de Longueville fut la plus belle des femmes. […] Démontrons d’abord a priori la beauté de Mme de Longueville, et pour cela établissons les caractères de la vraie beauté. […] Un peu avant, il institue un procès entre Mme de Longueville et M. de La Rochefoucauld ; il cite et pèse un nombre infini de témoignages ; il établit que celui de La Rochefoucauld tourne contre La Rochefoucauld. Il divise en cinq parties toute l’argumentation, met des numéros d’ordre en tête de chaque paragraphe ; il veut « établir sur des faits certains et mettre dans une lumière irrésistible le point de vue qu’il vient d’indiquer. » Après la réfutation, l’énumération.

79. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 111-114

L’Histoire de France est ce qui établit à juste titre la célébrité du P. […] Pouvoit-il ignorer que le premier devoir d’un Historiographe est d’être en garde contre son imagination ; qu’un esprit réfléchi est plus judicieux qu’un esprit plein de chaleur ; qu’il est plus essentiel de s’occuper à chercher, à démêler, à établir, à présenter la vérité, qu’à la défigurer en la chargeant d’ornemens ; qu’une histoire doit être regardée comme irréprochable, quand la narration est claire, suivie, exacte, quand les faits n’offrent rien de falsifié ou d’exagéré ; le style, rien d’artificieux & de passionné ; la chronologie, rien d’obscur ni d’embrouillé ?

80. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 100-103

Nous n’établirons pas l’éloge de ses talens sur quatre couronnes obtenues à l’Académie des Jeux Floraux, ni sur trois autres décernées par l’Académie Françoise. […] Mais ce Poëte a oublié volontiers ces petits triomphes, pour s’attacher à un Ouvrage plus capable d’établir & d’étendre solidement sa réputation, quoique l’exécution n’ait pas entiérement répondu à l’idée qu’on avoit conçue de son talent pour la Poésie héroïque.

81. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 150-153

Ces droits ne sont pas toujours réglés par l’équité : la vanité en établit les titres, la vanité en prend la défense, & l’animosité est toujours le prix de quiconque ose se déclarer le juge de leur valeur. […] La République des Lettres seroit-elle un Etat anarchique où chaque Tyran fût en droit d’établir des loix arbitraires ?

82. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Il faudrait ensuite examiner la question sous ces deux faces, et prouver l’impossibilité d’inventer le langage sans la société, ou de fonder la société sans un langage établi. […] Les uns ont entendu par discours vrai une science qui établit la vraie filiation des mots. Les autres ont entendu par discours vrai une science qui établit le vrai rapport ou le rapport primitif des mots avec les choses. Il est évident que les deux explications sont fondées, et qu’il faut établir d’abord la vraie filiation des mots pour arriver aux rapports qu’il veut, à l’origine, entre les mots et les choses. […] Rousseau s’était servi de ces mots si souvent cités depuis : La parole paraît avoir été fort nécessaire pour établir l’usage de la parole.

83. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Le service du culte entraînait une foule de détails assez repoussants, surtout des opérations mercantiles, par suite desquelles de vraies boutiques s’étaient établies dans l’enceinte sacrée. […] De tout cela résulta autour du temple une sorte de cour de Rome, vivant de politique, peu portée aux excès de zèle, les redoutant même, ne voulant pas entendre parler de saints personnages ni de novateurs, car elle profitait de la routine établie. […] Mais de tout cela ne résulta ni une église établie a Jérusalem, ni un groupe de disciples hiérosolymites. […] La religion de l’humanité, établie non sur le sang, mais sur le cœur, est fondée.

84. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Connu déjà par plusieurs ouvrages, l’auteur de celui-ci appartient à cette race d’écrivains qui s’établissent volontiers sur les sujets graves, avec plus de bonne volonté que de bonheur. […] Partout pays, mais principalement en Russie, ce ne sont pas les notoriétés bien établies qui font l’histoire, ce sont les indiscrétions : or, les indiscrétions y sont impossibles. […] L’historiographie n’est qu’une chancellerie de plus à établir sous la main d’un gouvernement qui peut tout et pénètre partout, et surveillerait jusqu’à la chronique de Grégoire de Tours s’il pouvait y avoir un Grégoire de Tours dans les monastères de Moscou. […] Eh bien, tous les deux, si nous nous en rapportons à ce que Chopin en publie9, établissent, par leur genre de talent et par leurs œuvres, qu’on n’a pas vu luire en Russie le premier signe d’une littérature !

85. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Origine de la poésie, de l’idolâtrie, de la divination et des sacrifices [L’auteur établit d’abord la certitude du déluge universel, et de l’existence des géants. […] Les vérités que nous venons d’établir renversent tout ce qui a été dit sur l’origine de la poésie, depuis Aristote et Platon jusqu’aux Scaliger et aux Castelvetro. […] Il prétend que le droit des enfants de Dieu s’étendit à toutes les nations, sans faire attention au caractère inhospitalier des premiers peuples, ni à la division établie entre les Hébreux et les Gentils ; sans observer que les Hébreux ayant perdu de vue leur droit naturel dans la servitude d’Égypte, il fallut que Dieu lui-même le leur rappelât en leur donnant sa loi sur le mont Sinaï. […] Cependant c’est le droit naturel établi séparément dans chaque cité qui a préparé les peuples à reconnaître, dès leurs premières communications, le sens commun qui les unit, de sorte qu’ils donnassent et redussent des lois conformes à toute la nature humaine, et les respectassent comme dictées par la Providence. » (Vico.

86. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

. —  Comment elle a établi la race et fondé le caractère. —  La conquête normande. —  Comment elle a infléchi le caractère et établi la constitution. —  La Renaissance. —  Comment elle a manifesté l’esprit national. —  La Réforme. —  Comment elle a fixé le modèle idéal. —  La Restauration. —  Comment elle a importé la culture classique et dévié l’esprit national. —  La Révolution. —  Comment elle a développé la culture classique et redressé l’esprit national. —  L’âge moderne. —  Comment les idées européennes élargissent le moule national. […] Une nation entière, Angles et Saxons, a détruit, chassé ou asservi les anciens habitants, effacé la culture romaine, s’est établie seule et pure, et n’a trouvé parmi les derniers ravageurs danois qu’une recrue nouvelle et du même sang. […] L’âge barbare a établi sur le sol une race de Germains, flegmatique et sérieuse, capable d’émotions spiritualistes et de discipline morale. […] Partout il y a des inférieurs et des supérieurs qui se sentent tels ; le mécanisme du pouvoir établi se dérangerait, qu’on le verrait bientôt se reformer de lui-même ; par-dessous la constitution légale s’étend la constitution sociale, et l’action humaine entre forcément dans un moule solide qui est tout prêt. […] Celle-ci a sa force comme l’ancienne a sa force ; elle est scientifique si l’autre est nationale ; elle s’appuie sur les faits prouvés si l’autre s’appuie sur les choses établies.

87. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Comme nous l’avons dit plus haut, le premier écrivain qui ait tenté d’établir que l’œuvre d’art dépend de l’ensemble social dont elle est contemporaine et son auteur de l’ensemble national dont il faisait partie, est M.  […] Taine a tenté d’établir entre l’artiste et l’habitatdp soit de sa jeunesse et de sa famille, soit de sa race, à l’exemple de Sainte-Beuve qui avait déjà essayé d’expliquer par cette cause le talent de certains écrivains. […] Taine, et nous avons montré qu’aucun d’eux ne permet d’établir une relation fixe et dont on puisse se servir, entre une œuvre d’art donnée et un groupe d’hommes autres que son auteur. […] Taine, on voit qu’il est impossible d’établir un rapport direct entre une société et les artistes qui l’illustrent, en considérant ceux-ci comme dépendant de celle-là, ou en envisageant la société et les artistes comme dépendant de causes communes. […] Telles sont, en détail, les considérations qui permettent d’établir d’étroits rapports entre les œuvres d’art et leurs admirateurs, entre ceux-ci et leurs auteurs.

88. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

Une fois établie dans leur nouvelle station, chaque espèce aura été maintenue par les autres dans ses propres limites et dans ses anciennes habitudes, et, conséquemment, n’aura pas dû subir beaucoup de modifications. […] Mais nous nous formons souvent une opinion fort erronée, lorsque nous supposons que des espèces proche-alliées envahissent nécessairement le territoire l’une de l’autre dès que de libres communications s’établissent entre elles. […] Supposons maintenant que le Merle moqueur de l’île Chatham soit poussé par le vent dans l’île Charles qui a son Merle moqueur spécial, pourquoi réussirait-il à s’y établir ? […] Un grand nombre de faits établissent cette analogie. […] Il faudrait d’abord établir que ces deux ordres de faits sont nécessairement liés par quelque rapport pour conclure avec droit de l’un à l’autre.

89. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

À vrai dire, chacun de nous établit une distinction entre ces deux espèces de multiplicité quand il parle de l’impénétrabilité de la matière. […] L’extensif diffère par hypothèse de l’inextensif ; et à supposer que l’extension ne soit qu’un rapport entre des termes inextensifs, encore faut-il que ce rapport soit établi par un esprit capable d’associer ainsi plusieurs termes. […] D’autre part, on conçoit que les choses matérielles, extérieures les unes aux autres et extérieures à nous, empruntent ce double caractère à l’homogénéité d’un milieu qui établisse des intervalles entre elles et en fixe les contours : mais les faits de conscience, même successifs, se pénètrent, et dans le plus simple d’entre eux peut se réfléchir l’âme entière. […] La durée toute pure est la forme que prend la succession de nos états de conscience quand notre moi se laisse vivre, quand il s’abstient d’établir une séparation entre l’état présent et les états antérieurs. […] La réponse n’est pas douteuse : on ne saurait établir un ordre entre des termes sans les distinguer d’abord, sans comparer ensuite les places qu’ils occupent on les aperçoit donc multiples, simultanés et distincts en un mot, on les juxtapose, et si l’on établit un ordre dans le successif, c’est que la succession devient simultanéité et se projette dans l’espace.

90. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Au commencement du xviiie  siècle, Bolingbroke, écrivant à l’abbé Alary et lui citant un passage de Charron qu’il trouvait admirable, disait encore : « Charron, qui avait autant d’esprit et plus de sens que son compatriote Montaigne. » Je voudrais, en parlant aujourd’hui de Charron, bien établir le caractère de son mérite et son exact rapport avec Montaigne. […] Ces trois vérités qu’il veut établir sont : 1° qu’il y a un Dieu ; 2° que de toutes les religions la chrétienne est la seule vraie ; 3° qu’entre les diverses créances ou communions dites chrétiennes, la catholique romaine est la seule véritable. […] Ce livre de controverse par un catholique royaliste eut du succès : l’évêque de Cahors, entre autres, messire Antoine Hébrard de Saint-Sulpicel, sur la seule lecture de la première édition, voulut en rapprocher de lui et en posséder l’auteur ; il n’eut point de cesse qu’il n’eût établi Charron dans sa maison épiscopale avec charge et fonction de prêcher en son église les dimanches et fêtes. […] Par vulgaire, il n’entend pas le peuple proprement dit, « mais les esprits populaires, de quelque robe, profession et condition qu’ils soient », gens opiniâtres à ce qu’ils ont une fois pris à cœur, et qu’il y a péril à venir heurter dans leurs préjugés établis : dont il a semblé à plusieurs, dit-il, qu’il n’y faut aucunement toucher, mais laisser le moutier où il est, laisser rouler le monde comme il a accoutumé, et se contenter d’en penser ce qui en est ; et que ce n’est raison que les sages se mettent en peine pour les fols opiniâtres. […] Il est ici-bas logé au dernier et pire étage de ce monde, plus éloigné de la voûte céleste, en la cloaque et sentine de l’univers, avec la bourbe et la lie, avec les animaux de la pire condition…, et se fait croire qu’il est le maître commandant à tout, que toutes créatures, même ces grands corps lumineux, incorruptibles, desquels il ne peut savoir la moindre vertu, et est contraint tout transi les admirer, ne branlent que pour lui et son service… Ici Charron combine et resserre deux passages différents ; il écourte Montaigne, mais il ne saurait faire oublier ni supprimer cette admirable interrogation que l’on dirait de Pascal s’adressant des objections à lui-même : Qui lui a persuadé que ce branle admirable de la voûte céleste, la lumière éternelle de ces flambeaux roulant si fièrement sur sa tête, les mouvements épouvantables de cette mer infinie, soient établis et se continuent tant de siècles pour sa commodité et pour son service ?

91. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

L’analyse n’avait point encore établi un enchaînement de principes depuis l’origine des idées métaphysiques jusqu’à leur terme indéfini. […] Aussi longtemps qu’existera ce désordre, des circonstances favorables, des hasards heureux pourront établir, dans quelques pays, des institutions conformes à la raison ; mais les principes généraux de la politique n’y seront pas fixés, l’application de ces principes aux différentes modifications de l’état social n’y sera pas assurée. […] Des idées diamétralement opposées les unes aux autres s’établissent dans la même tête, et y existent simultanément. […] Établissons donc, en premier lieu, la morale comme point fixe. […] La science politique s’appliquant toujours aux hommes réunis en nation, les probabilités, dans cette science, peuvent équivaloir à une certitude, vu la multiplicité des chances dont elles sont tirées ; et les institutions que vous établissez d’après ces bases, s’appliquant elles-mêmes aussi au bonheur de la multitude, ne peuvent manquer leur objet.

92. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Nos vieilles chroniques font une grande différence, sous le rapport des mœurs et des opinions, entre les Français du nord et ceux du midi : cette différence peut se comparer avec celle que les poètes et les historiens établissent, dans les temps héroïques, héroïques, les peuples du Péloponnèse et ceux de la Grèce proprement dite. […] Si le jury n’était pas établi ailleurs pour les délits de la presse, il faudrait l’inventer pour la France. […] Nos mœurs, nous ne pouvons nous le dissimuler, sont éminemment aristocratiques ; et la langue française, ainsi que nous l’établirons bientôt, est aussi éminemment aristocratique. […] Les révolutions qui ont pour but d’établir légalité sont antisociales, et la raison en est bien évidente : c’est qu’elles ont pour but un nouveau partage dans la propriété, et par conséquent la spoliation. […] Nous chercherons à établir, plus tard, que, la société étant imposée à l’homme, les lois de la société sont nécessaires.

93. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

« Cette relation s’étend évidemment au reste des êtres ; et, dans le plus grand nombre, la nature a établi le commandement et l’obéissance. […] On ne pourrait d’abord l’établir qu’à cette condition, de partager et d’individualiser la propriété en en donnant une portion, ici aux repas communs, là à l’entretien des phratries et des tribus. […] Si les ouvriers chargés de tous les travaux appartiennent à l’État, il faut que ce soit aux conditions établies pour ceux d’Épidamne, ou pour ceux d’Athènes par Diophante. […] Il ne s’est rencontré qu’un seul homme, parmi tous ceux qui jadis arrivèrent au pouvoir, qui ait établi une constitution de ce genre ; et dès longtemps les hommes politiques ont renoncé dans les États à chercher l’égalité. […] Les gouvernements établis sur ces bases ne sont jamais solides, parce qu’il est impossible que, de l’erreur qui a été primitivement commise dans le principe, il ne sorte point à la longue un résultat vicieux.

94. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

Il établit son quartier à Famars, fanum Martis, temple de Mars. […] il était tranquille, au comble de la gloire, et peut-être sur une haute montagne, où, selon l’ordre que Dieu a établi dans ce monde, on trouve aussi une allée123. » Le 30 juin, madame de Sévigné représente Jo dans l’innocence et la solitude de la campagne. « Jo est dans les prairies en toute liberté et n’est observée par aucun argus. […] Madame de Coulanges et moi nous célébrâmes hier votre santé à Maintenon, et n’oubliâmes pas la chambre des élus. » Plus tard, en 1678 et 1679, l’intimité s’étant établie entre le roi et madame de Maintenon, les relations qu’elle avait conservées avec les personnes de son ancienne société, en souffrirent réellement et durablement.

95. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Qu’il en soit de la classe des médecins ainsi que des autres classes de citoyens entre lesquelles les besoins établis sent le niveau, je ne le pense pas. […] Il faut : 1° Créer un nombre suffisant de professeurs et les stipendier de manière qu’ils puissent se livrer tout entiers à l’enseignement ; 2° Établir à côté des écoles un hôpital où les élèves soient initiés à la pratique ; 3° Obliger les maîtres à suivre un ordre fixe et déterminé dans le cours des études. […] Pour initier les étudiants à la pratique de la médecine, on établira dans un hôpital adjacent à l’école, deux salles chacune de vingt-cinq lits, l’une de ces salles destinée aux maladies aiguës, l’autre aux maladies chroniques.

96. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre V. Du gouvernement de la famille, ou économie, dans les âges poétiques » pp. 174-185

Les forts, les puissants des premiers âges, établirent leurs habitations au sommet des montagnes. […] Tel fut l’ordre établi par la Providence pour commencer la société païenne. […] Partant de cette erreur, ils ont établi pour principe de leur fausse science que la royauté tirait son origine de la violence, ou de la fraude qui aurait bientôt éclaté en violence.

97. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Chacun l’a considérée comme un théorème établi. […] De plus, l’expérience ne suit ces deux lignes que jusqu’à une distance bornée, dix, cent, mille pieds, et l’axiome est vrai pour mille, cent mille, un million de lieues, et à l’infini ; donc, à partir de l’endroit où l’expérience cesse, ce n’est plus elle qui établit l’axiome. […] « Voilà une application complète de la méthode de concordance : elle établit une liaison invariable entre l’apparition de la rosée sur une surface et la froideur de cette surface comparée à l’air extérieur. […] « Maintenant cette loi si amplement établie peut se confirmer de trois manières différentes. […] Lorsque je découvre par induction que le froid cause la rosée, ou que le passage de l’état liquide à l’état solide produit la cristallisation, j’établis un rapport entre deux abstraits.

98. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Chacun l’a considérée comme un théorème établi. […] Ainsi toute la marche de l’esprit humain, quand il raisonne, consiste à reconnaître dans les individus ce qu’il a connu de la classe, à affirmer en détail ce qu’il a établi pour l’ensemble, à poser une seconde fois et pièce à pièce ce qu’il a posé tout d’un coup une première fois. […] De plus, l’expérience ne suit ces deux lignes que jusqu’à une distance bornée, dix, cent, mille pieds, et l’axiome est vrai pour mille, cent mille, un million de lieues, et à l’infini ; donc, à partir de l’endroit où l’expérience cesse, ce n’est plus elle qui établit l’axiome. […] 34 Maintenant cette loi si amplement établie peut se confirmer de trois manières différentes. […] Lorsque je découvre par induction que le froid cause la rosée, ou que le passage de l’état liquide à l’état solide produit la cristallisation, j’établis un rapport entre deux abstraits.

99. (1887) Discours et conférences « Discours à la conférence Scientia : Banquet en l’honneur de M. Berthelot »

Que de bases, d’ailleurs, établies et solidement établies !

100. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Le système de gouvernement qu’il avait établi par la violence se trouva dorénavant conforme aux nouvelles mœurs de la nation. […] Bossuet avait fait retentir dans la chaire toutes les maximes qui établissent le pouvoir absolu des rois et des ministres de la religion. […] Il essaya de renouveler le théâtre, et protesta contre les règles établies. […] Duclos commence par établir ce que signifient les mots qu’il emploie, ou du moins ce qu’il veut leur faire signifier. […] Il avait été moral par harmonie avec l’ordre établi, il retrouve toute sa force en entrant dans la carrière du mal.

101. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Plusieurs de ces conquérans rapportèrent dans leur patrie les habitudes de la conquête ; le despotisme militaire suivit les chefs victorieux et s’établit à la faveur même de leurs services et de leur gloire. […] Il est indifférent à la philosophie des écoles ; il ne le serait peut-être pas à une philosophie nouvelle qui s’établirait sur le fondement de la critique. […] Nous nous flattons qu’elles sont aujourd’hui solidement établies parmi nous, et sans nous y arrêter davantage, nous reprenons l’analyse de l’introduction. […] Kant établit que cette dernière classe de sciences a pour base des jugemens synthétiquesà priori. […] Sans les axiomes, la science est impossible, mais ils ne font pas la science ; sans eux, il n’est pas permis d’établir un principe, de déduire une conséquence, mais ils ne sont ni ces principes, ni ces conséquences.

102. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Dans tout ordre de recherches, en effet, c’est seulement quand l’explication des faits est assez avancée qu’il est possible d’établir qu’ils ont un but et quel il est. […] Elle n’a jamais été établie inductivement, comme expression de la réalité économique. Jamais aucune expérience, aucune comparaison méthodique n’a été instituée pour établir que, en fait, c’est suivant cette loi que procèdent les relations économiques. […] Cette élimination, en effet, ne peut être faite que d’après une idée préconçue, puisque, au début de la science, aucune recherche n’a pu encore établir la réalité de cette usurpation, à supposer qu’elle soit possible. […] Mais si l’on veut suivre une voie méthodique, il faut établir les premières assises de la science sur un terrain ferme et non sur un sable mouvant.

103. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

L’art d’observer les caractères, d’en expliquer les motifs, d’en faire ressortir les couleurs, est d’une telle puissance sur l’opinion, que, dans tout pays où la liberté de la presse est établie, aucun homme public, aucun homme connu ne résisterait au mépris, si le talent l’infligeait. […] L’association silencieuse d’une multitude d’hommes n’établirait aucun point de contact dont la lumière pût jaillir, et la foule ne s’enrichirait jamais des pensées des hommes supérieurs. […] Il faut faire naître le désir, au lieu de commander l’obéissance ; et lors même qu’avec raison le gouvernement souhaite que telles institutions soient établies, il doit ménager assez l’opinion publique, pour avoir l’air d’accorder ce qu’il désire. […] L’on a souvent répété dans la révolution de France, qu’il fallait du despotisme pour établir la liberté. […] Les institutions établies par la force, imiteraient tout de la liberté, excepté son mouvement naturel ; les formes y seraient comme dans ces modèles qui vous effraient par leur ressemblance : vous y retrouvez tout, hors la vie.

104. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Il n’écrit point pour censurer ce qui est établi dans quelque pays que ce soit. […] Il est certain qu’il ne le compte pas comme un compagnon d’armes dans la guerre du dix-huitième siècle contre l’ordre établi. Oui, telle a été la pensée de Montesquieu, qu’il a paru plus près de vouloir le maintien des abus que le renversement de l’ordre établi. […] Il y a peut-être plus de mérite à défendre l’esprit de conservation ; car le présent paraissant plus fort que l’avenir, on risque, en prenant sa défense, de passer pour être du parti du plus fort, et l’appui même qu’on reçoit des choses établies compromet le défenseur plus qu’il ne le recommande. […] L’ordre établi l’attaque, et ceux qui en veulent le renversement le louent avec tiédeur ; encore est-ce moins pour les vérités qu’il dit que pour celles qu’on le soupçonne de taire.

105. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

De cette manière, on peut dire avec Pomponius, rebus ipsis dictantibus regna condita  ; pensée profonde, qui s’accorde bien avec le principe établi par la jurisprudence romaine : le droit naturel des gens a été fondé par la Providence divine ( jus naturale gentium divinâ Providentiâ constitutum ). […] Du moment qu’il est établi (nous l’avons démontré et nous le démontrerons mieux encore) que les gouvernements ne sont point nés de la fraude, ni de la violence d’un seul, peut-on, en embrassant tous les cas humainement possibles, imaginer d’une autre manière comment le pouvoir civil se forma par la réunion du pouvoir domestique des pères de famille, et comment le domaine éminent des gouvernements résulta de l’ensemble des domaines naturels, que nous avons déjà indiqués comme ayant été ex jure optimo, c’est-à-dire libres de toute charge publique ou particulière ? […] C’est ce changement, c’est la loi Publilia, qui établirent la démocratie dans Rome, et non la loi des douze tables, qu’on aurait apportée d’Athènes. […] Mais quand on accorderait ce privilège aux Romains, il faudrait convenir que leurs traditions ne présentent que des souvenirs obscurs, que des tableaux confus, et qu’avec tout cela la raison ne peut s’empêcher d’admettre ce que nous avons établi sur les antiquités romaines. […] Corollaire relatif à l’héroïsme des premiers peuples D’après les principes de la politique héroïque établis ci-dessus, l’héroïsme des premiers peuples, dont nous sommes obligés de traiter ici, fut bien différent de celui qu’ont imaginé les philosophes, imbus de leurs préjugés sur la sagesse merveilleuse des anciens, et trompés par les philologues sur le sens de ces trois mots, peuple, roi et liberté.

106. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Avec lui s’établit, à la place de l’imitation des anciens, le commerce littéraire de la France et de l’Angleterre : il y a action et réaction réciproque. […] Marivaux porta dans ce genre la fantaisie originale de son esprit : il attaqua les financiers dans son Triomphe de Plutus (1728) ; il établit son Ile des Esclaves (1725) sur l’idée de l’égalité de tous les hommes ; et dans sa Nouvelle Colonie (1729) il montra les femmes liguées pour l’affranchissement de leur sexe. […] Le succès de La Chaussée encourage les imitateurs ; et, aux environs de 1750, le nouveau genre semble sérieusement établi. […] Il n’en veut pas aux genres constitués : il les établit dans les définitions qui sont leur raison d’être. […] Ce n’était plus comme dans la tragédie, des tirades générales, des allusions indirectes : la polémique s’établissait sur la scène même ; et les auteurs y faisaient descendre les hommes et les systèmes qu’ils voulaient honnir, à la fois déguisés et reconnaissables sous leurs baroques déguisements.

107. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Je prendrai comme second exemple le principe de Dirichlet sur lequel reposent tant de théorèmes de physique mathématique ; aujourd’hui on l’établit par des raisonnements très rigoureux mais très longs ; autrefois, au contraire, on se contentait d’une démonstration sommaire. […] J’échoue d’abord ou je dois me contenter de démonstrations par à peu près ; je me décide enfin à donner à mon objet une définition précise, ce qui me permet d’établir cette propriété d’une manière irréprochable. […] La proposition qu’il s’agissait d’établir se composait en réalité de deux vérités différentes, mais que l’on n’avait pas distinguées tout d’abord. La première était une vérité mathématique et elle est maintenant rigoureusement établie.

108. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Une connexion établie sert à en établir d’autres : le commencement seul est difficile. […] Réfléchissez trois ou quatre jours ; ayez un papier divisé en deux colonnes, celle du pour et celle du contre ; portez-y chacune de vos conclusions provisoires ; puis, ce temps écoulé, comparez les deux colonnes, établissez la balance ; attendez encore deux ou trois jours et agissez. […] Or, la notion du libre arbitre n’est nullement une intuition : il y a là une collection de volitions antérieures et une comparaison établie entre elles et un certain état des êtres sentants, celui d’être libéré de la contrainte, comme un chien qu’on délie ou un prisonnier qu’on élargit : et la comparaison n’est point une opération infaillible.

109. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Or, en matière historique — sans parler de la rareté avec laquelle se montrent des rapports constants entre deux phénomènes — qui ne sait combien il est difficile de dire avec précision quand commence ou, quand finit chacun d’eux, et d’établir, par suite, celui qui est apparu le premier ? […] De ce point de vue, les rapports que nous avons établis inductivement paraîtront susceptibles d’être retournés, et l’on se croira autorisé à poser l’égalitarisme comme l’antécédent, non comme la conséquence de nos formes sociales. […] Admettons un instant que les relations que nous avons établies puissent être ainsi retournées et comme lues à l’envers.

110. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre IV. Des Ecrits sur la Poétique & sur divers autres genres de Littérature. » pp. 216-222

C’ Est un principe établi que nous avons dans chaque Art plus de préceptes que d’exemples. […] Il commence par établir des principes clairs sur chaque genre de littérature ; ensuite il inculque ces principes par une application suivie à des exemples sensibles.

111. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

La filiation que l’auteur commence par établir entre les romanciers actuels et ceux du siècle dernier est toute factice. […] La morale, établie d’une façon stricte, peut être quelquefois en méfiance du goût et le faire taire ; si difficile et si dédaigneux qu’il soit, elle est moins étendue et moins élastique que lui. […] Heureuse cette littérature à la fois plus démocratique et plus aristocratique, plus raffinée et plus audacieuse, moins moyenne en un mot, si elle n’est pas jetée hors de toute beauté et de tout calme d’exécution, hors d’un certain bon sens indispensable au génie et de certaines conditions éternelles de l’art, par la pruderie, l’honnêteté exemplaire et les prétentions établies de l’autre littérature !

112. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

La vérité que veut établir ici La Fontaine, n’avait nul besoin de cette espèce de Prologue : c’est ce qu’on verra aisément, en sautant le Prologue et en commençant à ces mots : Il était un berger, etc….. […] On peut objecter que, dans cette fable, le marchand est forcé de passer la rivière, comme il a été forcé de passer le torrent, et que la fable serait meilleure, c’est-à-dire, la vérité que l’auteur veut établir mieux démontrée, si le marchand, ayant le choix de passer par la rivière, ou par le torrent, eût préféré la rivière. […] Il était aisé d’établir la même morale sur une supposition moins absurde.

113. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Ce sont des discours publics, des opuscules, où il établit séparément les opinions diverses qu’il devait plus tard réunir dans son grand système. […] Il montre combien les philologues ont eu tort d’établir que la signification des langues est arbitraire. […] Ces querelles, qui tendent à établir l’égalité, sont le plus puissant moyen d’agrandir les républiques. […] Le prince établit l’égalité, au moins dans l’obéissance ; il humilie les grands, et leur abaissement est déjà une liberté pour les petits. […] Dans la seconde édition (1730), il part souvent des idées de la première comme de principes établis, et les exprime en formules qu’il emploie ensuite sans les expliquer.

114. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Horace Walpole, après le déjeuner, conduisit ces dames dans l’imprimerie particulière qu’il avait établie chez lui, et comme on tirait par hasard une feuille, ces dames voulurent voir ce que c’était ; elles y trouvèrent ces vers anglais à leur louange ; c’est la Presse qui est censée parler ; je traduis : Pour Mme de Boufflers. […] Je lui ai rendu deux visites à Auteuil, où elle est établie avec sa belle-fille et Mmes de Luxembourg, de Lauzun, de Virville et de Barbantane. […] Pomme (un médecin en renom pour le traitement des maladies nerveuses et des vapeurs), de qui elle attend sa guérison, et qui habite dans cette ville, l’ont déterminée à s’y établir pour y passer l’hiver. Elle ne reviendra qu’au mois de février. » C’est Mme du Deffand qui parle, et à quelque temps de là elle écrit : « J’ai reçu d’Arles une lettre de l’ldole, qui y est établie. […] L’année dernière, elle passa trois mois à Auteuil dans une très-jolie maison qui lui appartient ; Mme de Luxembourg s’y était établie avec elle et partageait la dépense d’un fort bon état qu’elle y tenait ; je ne sais si cette année elle fera de même, je le voudrais ; j’y allais passer la soirée pour le moins une fois la semaine ; elle est fort aimable chez elle, et beaucoup plus que partout ailleurs ; ses ridicules ne sont point contraires à la société ; sa vanité, quoique extrême, est tolérante, elle ne choque pas celle des autres ; enfin, à tout prendre, elle est aimable.

115. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Il s’établit à Boston. […] Ce gouverneur, qui semble le prendre en gré, lui fait de belles promesses et de grandes offres sous main pour l’engager à s’établir à son compte. Après un an de séjour, Franklin va faire une visite à Boston pour obtenir de son père la permission de s’établir ; il est bien vêtu, il a de l’argent en poche et le fait sonner devant ses anciens compagnons d’imprimerie dans une visite à son frère, qui ne le lui pardonne pas. […] Arrivé en Angleterre et nonobstant les promesses échangées, il doute de pouvoir les réaliser, et il la prévient honnêtement, sans autrement s’en chagriner beaucoup : « Dans le fait, dit-il par manière d’excuse, les dépenses que j’étais obligé de faire me mettaient dans l’impossibilité de payer mon passage. » Lorsque plus tard il sera de retour à Philadelphie, déjà établi, et qu’il verra miss Read triste, mélancolique, veuve ou à peu près, il reviendra à elle, mais seulement après avoir manqué lui-même un autre mariage, et parce que l’état de célibat lui paraît plein de vices et d’inconvénients4. […] Franklin revient de ce premier voyage d’Angleterre à Philadelphie, et, après quelques essais encore, il s’y établit imprimeur à vingt et un ans (1727), d’abord avec un associé et bientôt seul.

116. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Mais toujours c’est une aristocratie de l’esprit qu’il veut établir. […] Ce qui est nécessaire c’est une loi qui établisse le droit de propriété, et non une loi qui l’établisse de telle ou telle manière. […] Les seules organisations relativement harmoniques que 1 humanité ait établies, ce sont les patries. Or elles n’ont pas été établies par l’amour et no se maintiennent pas par l’amour. […] Ce serait, non à établir une nouvelle philosophie de l’histoire, mais à nier qu’il y en ait une.

117. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Mme de Maintenon écrit à Mme de Brinon, religieuse ursuline, qui a établi une pension à Montmorency ; elle lui envoie des petites pensionnaires, des filles de pauvres gens à élever. […] Sur ce point, chrétiennement et toujours raisonnablement, repose toute l’éducation telle que la conçoit Mme de Maintenon et telle qu’elle voulut l’établir à Saint-Cyr : « Inspirer la religion et la raison, c’est là le solide de l’éducation de Saint-Cyr. » — « Le christianisme et la raison, qui est tout ce que l’on veut leur inspirer, sont également bons aux princesses et aux misérables. » Mais ceci demande quelque éclaircissement. […] Une fois Saint-Cyr établi, Mme de Maintenon s’y adonne tout entière ; se considérant comme chargée d’une mission par le roi et par l’État, elle y consacre les moindres parcelles de son temps et y dirige toute la lumière et tout l’effort de son esprit. […] Dieu sait que j’ai voulu établir la vertu à Saint-Cyr, mais j’ai bâti sur le sable.

118. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Plus l’esprit de parti est de bonne foi, moins il admet de conciliation ou de traité d’aucun genre ; et comme ce ne serait pas croire véritablement à l’existence efficace de sa religion, que de recourir à l’art pour l’établir, dans un parti, l’on se rend suspect en raisonnant, en reconnaissant même la force de ses ennemis, en faisant le moindre sacrifice pour assurer la plus grande victoire. […] L’esprit de parti unit les hommes entre eux par l’intérêt d’une haine commune, mais non par l’estime ou l’attrait du cœur ; il anéantit les affections qui existent dans l’âme, pour y substituer des liens formés seulement par les rapports d’opinion : l’on sait moins de gré à un homme de ce qu’il fait pour vous que pour votre cause ; vous avoir sauvé la vie est un mérite beaucoup moins grand à vos yeux que de penser comme vous ; et, par un code singulier, l’on n’établit les relations d’attachement et de reconnaissance qu’entre les personnes du même avis : la limite de son opinion est aussi celle de ses devoirs ; et si l’on reçoit, dans quelques circonstances, des secours d’un homme qui suit un parti contraire au sien, il semble que la confraternité humaine n’existe plus avec lui, et que le service qu’il vous a rendu est un hasard qu’on doit totalement séparer de celui qui l’a fait naître. […] Il y a cependant quelques nuances générales qui, sans application, particulières la révolution de France, distinguent l’esprit de parti de ceux qui défendent les anciens préjugés, d’avec l’esprit de parti de ceux qui veulent établir de nouveaux principes. […] Toutes les autres passions étant égoïstes, il s’établit dans plusieurs occasions une sorte de balance entre les divers intérêts personnels.

119. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Elle a pour objet d’établir que les petits et les grands sont égaux aux yeux des immortels. […] La Fontaine a déjà établi plusieurs fois qu’on revient toujours à son caractère ; mais de toutes les fables où il a cherché à établir cette vérité, celle-ci est sans contredit la meilleure : aussi y avons-nous souvent renvoyé le lecteur. […] La société royale de Londres fondée sous Charles II, jetait les fondemens de la vraie physique établie sur les expériences et sur les faits.

120. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

Lorsqu’on jette les yeux sur les progrès de l’esprit humain depuis l’invention de l’imprimerie, après cette longue suite de siècles où il est resté enseveli dans les plus profondes ténèbres, on remarque d’abord, qu’après la renaissance des lettres en Italie, la bonne culture, les meilleures écoles se sont établies dans les pays protestants, de préférence aux pays qui ont conservé la religion romaine, et qu’elles y ont fait jusqu’à ce jour les progrès les plus sensibles. […] Un étudiant n’est justiciable que de l’université où il s’est fait inscrire, et le magistrat de la ville où l’université est établie n’a aucune juridiction sur lui. […] Il est donc bon de les établir dans des villes qui ne soient ni capitales, ni résidences, ni port, parce que la présence du souverain absorbe tout, parce que le trop grand mouvement et le bruit ne causent que des distractions, parce qu’il est bon que l’université soit tout dans les endroits où elle est établie, et que l’habitant regarde l’étudiant avec quelque considération, ce qui arrivera toutes les fois que la ville tirera un profit sensible du séjour de la jeunesse.

121. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Cousin était alors entraîné si loin, qu’il oubliait sa chère méthode psychologique, seule différence qui le séparât encore « de ses amis, de ses maîtres, des chefs de la philosophie, du siècle. » Il établissait a priori la philosophie de l’histoire et l’histoire de la philosophie38. […] Quatremère de Quincy la transportaient dans la littérature et les arts. » C’est une croisade que j’annonce, ce n’est pas une formule que j’établis. […] Peut-être se rencontrera-t-il un vrai savant, très-peu connu parce qu’il méritera de l’être, très-philosophe parce qu’il ne se donnera point pour philosophe, qui prendra la peine de mesurer le degré de certitude des sciences, d’établir l’axiome sur lequel elles s’appuient et d’expliquer les raisons raisonnables que nous avons de croire en elles. […] Nous nous garderons bien de l’établir à la façon des psychologues, en exposant le mécanisme forcé de nos sentiments, ou à la façon des métaphysiciens, en découvrant la définition du Bien.

122. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVII » pp. 193-197

Il étend ses largesses sur les savants étrangers ; il établit l’Académie des inscriptions et belles lettres, l’Académie de sculpture et de peinture ; il fonde le Cabinet des médailles. […] Établis dans la capitale, ils se lièrent avec Molière, valet de chambre du roi, fort aimé de ce prince, et dispensé de faire la cour aux dames.

123. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Sans ce principe, nul moyen de connaître l’histoire des nations transplantées par des colonies aux lieux où s’étaient établies déjà d’autres nations. […] Ensuite elle s’appela Parthenope, d’un mot grec de la langue héroïque, et enfin Neapolis dans la langue grecque vulgaire ; ce qui prouve que les Grecs s’y étaient établis ensuite, pour partager le commerce des Phéniciens. […] Cet axiome, avec le mot de Dion Cassius qui vient d’être rapporté, établit que la Providence est la législatrice du droit naturel des gens, parce qu’elle est la reine des affaires humaines. Le même axiome établit la différence qui existe entre le droit naturel des Hébreux, celui des Gentils, et celui des philosophes. […] Les six dernières propositions établissent que la Providence a été la législatrice du droit naturel des gens.

124. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Et dès lors j’en fis ce jugement, qui se peut faire en beaucoup d’autres mots, qu’à cause qu’on en avait besoin et qu’il était commode, il ne manquerait pas de s’établir. » Arnauld avait risqué le mot d’Exacteté dans son livre de la Fréquente Communion (1643), se réglant en cela sur les terminaisons en usage dans les mots de Netteté, Sainteté, Honnêteté ; mais, se voyant à peu près seul, il se rétracta depuis et revint à Exactitude. […] Transfuge, comme en latin Transfuga, est quiconque quitte son parti pour suivre celui des ennemis. » Pour que ce mot s’établît de plain-pied et d’un si prompt accord, il fallait peut-être que l’idée de patrie elle-même fût bien établie, et encore mieux qu’elle ne l’était il y avait environ un siècle, du temps du connétable de Bourbon. […] Et encore peut-on dire aujourd’hui qu’Insidieux est entré dans la langue littéraire plutôt qu’il n’est passé dans l’usage courant : c’est qu’il est de sa nature un mot savant, dont le sens, dans toute sa force et sa beauté, n’est bien saisi que des latinistes, et qu’il n’a trouvé dans notre langue aucun mot déjà établi, approchant et de sa famille, pour « lui frayer le chemin. » Toutes ces circonstances propres et comme personnelles à chaque mot sont démêlées à merveille par Vaugelas. […] Il en est d’aventuriers qui ne font que passer et qu’on ne revoit plus ; il en est d’autres qui fondent leur race et s’établissent. […] M. de La Mothe, en esprit solide, le sentait : « Ce n’est pas, disait-il, que je veuille établir ici l’opinion de quelques philosophes, qui se sont déclarés ennemis capitaux du beau langage.

125. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Cette modification avait pour but — sans rien changer à l’esprit général et à l’organisation pratique de l’Association — de donner à l’Association un caractère légal qui lui permît d’établir ensuite une « Fondation-Wagner » et de recevoir des legs. […] Wagner avait trente-deux ans lorsqu’il commença à s’occuper de la littérature ayant trait au Saint-Gral et à Parsifal ; à quarante-deux ans il fît son premier essai de dramatisation du personnage (dans le projet primitif de Tristan) : à quarante-quatre ans il esquissa le drame et quelques fragments musicaux ; à cinquante et un ans, en 1864, il établit le projet complet du Parsifal que nous possédons aujourd’hui. […] — à peine le roi de Bavière, Louis II l’avait-il appelé à Munich et lui avait-il ôté tout souci, qu’il s’occupait à établir le projet définitif de ce drame. […] Primitivement, nous ne devions voir Parsifal qu’errer par le monde ; aujourd’hui, ce long épisode de sa vie, qui remplit les vieux poèmes, est réduit à une simple mention, dans ce seul vers : « Je suivis les sentiers de l’erreur et des souffrances … » Dans le Ring et dans Tristan (que le maître considérait comme un acte du Ring) Wagner avait créé l’image de la vie-réelle, du « monde qui n’est que misère » : dans Parsifal, — où il a expressément, tenu à établir un strict parallélisme avec le Ring — il a « bâti le monde saint d’une meilleure vie »au. […] Nous avons annoncé la publication de cet ouvrage dont le titre complet est : « Catalogue d’une bibliothèque wagnérienne, répertoire authentique et complet de la littérature wagnérienne établi systématiquement selon l’ordre chronologique d’après les originaux inclus et augmenté de citations et de notices, par Nikolaus Oesterlein, membre honoraire de l’Association Wagnérienne Académique de Vienne, — deuxième volume, clos en novembre 1881 (n° 3.373 jusqu’à 5.567)45. » Cet ouvrage contient, — après une table des matières, une préface, un guide et une table des signes :   1re partie : Richard Wagner ; œuvres en prose et en vers : manuscrits ; télégrammes ; lettres ; discours et allocutions ; mots ; communications imprimées et fragments ; articles de journaux ; œuvres musicales.

126. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

C’est ce qui établit entre l’image mnémonique du plaisir et la réalité du plaisir une différence, et cette différence est appréciable pour la conscience par son caractère même de discontinuité, de contraste : elle enveloppe un sentiment de contrariété, parce que le réel résiste à notre désir et ne s’y adapte plus. […] Aussi le contraste s’établit-il tout seul entre la perspective d’images faibles constituant le passé et le tableau d’images vives constituant le présent, comme font contraste au grand soleil mon corps et son ombre, parce que les différences sont données ensemble et éclairées d’une même lumière. […] Ce sont en effet les fibres qui établissent des relations entre les diverses cellules ; or, l’intelligence porte surtout sur des relations : elle doit avoir pour principal organe ces fibres, ces canaux de communication où le sens intime, se rapprochant de l’état d’indifférence et s’exerçant sur des termes, devient entendement. […] Par l’effet de l’habitude, des associations si faciles s’établissent entre les mouvements réflexes que le premier suggère et entraîne tous les autres. […] Enfin, une fois la coopération parfaitement établie dans la société de cellules, celles-ci fonctionnent d’elles-mêmes sans l’intervention de la volonté centrale : il n’y a plus mémoire consciente, mais instinct.

127. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Il avait dit dans le conseil qu’à la place d’une autorité morale s’établirait une force matérielle, à laquelle on sacrifierait l’indépendance de l’Église3. […] La famille du Dr Pusey, normande, comme le nom de Bouverie l’indique, était établie dans le comté de Berk depuis la conquête. […] En 1834, il prêcha un sermon sur l’Eucharistie, dans l’église du Christ, à Oxford, et ce sermon, dans lequel il s’avança plus loin que jamais dans une direction hétérodoxe au point de vue de l’Église établie, le fit interdire pendant deux ans. […] Le révérend Georges Ward, fellow du collège de Balliol, mêlé à la grande controverse puséyste qui passionnait l’Angleterre, avait fait paraître, en 1844, l’Idéal d’une Église chrétienne (Ideal of a Christian church), et ce livre, philippique inspirée contre l’Église établie, excita des flammes de ressentiment chez les universitaires, à qui la suspension du Dr Pusey ne suffisait plus. […] L’auteur, Peter Maurice, membre de l’Université d’Oxford et de l’Église établie, savant dans la connaissance des textes sacrés, mais un de ces esprits ardents et courts qui périssent dans la lettre comme un soldat dans sa consigne, attaqua fougueusement le nouveau parti qui s’élevait dans Oxford, et qui menaçait la Grande-Bretagne du règne prochain de l’antéchrist.

128. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

La Pensylvanie avait d’abord essayé d’établir une Assemblée unique, et Franklin, obéissant à la logique rigoureuse, avait poussé à cette mesure. […] En louant ce livre si récemment publié, on ne fait au reste qu’enregistrer le jugement, déjà établi, qu’en ont porté toutes les personnes compétentes et graves. […] Permettez-moi, Monsieur, d’attacher à quelque chose plus d’importance encore qu’au jugement que vous portez sur la Démocratie américaine, c’est à voir continuer et devenir plus fréquents les rapports qui se sont établis entre nous.

129. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IX. L’antinomie politique » pp. 193-207

Benjamin Constant a même pu, dans son Discours sur la liberté à l’antique et la liberté à la moderne, établir une véritable antinomie entre ces deux libertés. — Qu’est-ce, en effet, que la liberté politique ? […] « L’indépendance individuelle, dit encore Benjamin Constant, est le premier des besoins modernes. » « En conséquence, il ne faut jamais en demander le sacrifice pour établir la liberté politique… » « il s’ensuit encore qu’aucune des institutions nombreuses et trop vantées qui, dans les républiques anciennes, gênaient la liberté individuelle, n’est admissible dans les temps modernes90 ». […] Ostrogorski a bien raison de montrer que le système des partis « décourage, par le formalisme qu’il établit, l’indépendance d’esprit du citoyen, l’énergie de sa volonté et l’autonomie de sa conscience94 ».

130. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Quoique ce parti eût son centre à Jérusalem, il avait cependant des adeptes établis en Galilée, ou qui y venaient souvent 922. […] Son règne était fini, et pourtant lui demander d’abdiquer, c’était lui demander l’impossible, ce qu’une puissance établie n’a jamais fait ni pu faire. […] Ils essayèrent d’intéresser à leur querelle les partisans du nouvel ordre politique qui s’était établi 937.

131. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

Ainsi donc je crois que les différentes magistratures de la pensée n’ont pas été établies seulement pour la conservation des mœurs ; car, s’il ne se fût agi que des mœurs, on n’aurait eu besoin que de lois répressives et pénales, et non point de lois somptuaires ou préventives. […] Les hommes ont beau n’être pas disposés toujours à toute justice, il se forme une conscience générale, une morale publique, qui ont besoin d’être consultées à chaque instant, et dont les arrêts sont sûrs ; à peu près comme dans un parterre composé d’hommes plus ou moins éclairés, il s’établit des jugements et même des impressions qui, en définitive, méritent toute notre estime et toute notre confiance. […] Ceux qui s’établissent d’eux-mêmes les organes de l’opinion doivent se borner à éclairer les gouvernements par leurs écrits ; sitôt qu’ils ont la prétention de vouloir les diriger et en appeler à l’opinion, ils deviennent factieux, En un mot, il faut que l’opinion délègue ses organes, soit dans le corps représentatif, soit dans les jurys, et qu’ensuite elle s’en rapporte à eux, sauf à leur retirer son mandat dans le temps, et avec les formes consacrées.

132. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Après quelques années de pratique en province, à Loudun18, il conçut de bonne heure le projet d’établir à Paris un centre d’information et de publicité. Montaigne, en ses Essais, au chapitre xxxive , qui a pour titre : « D’un défaut de nos polices », avait dit : Feu mon père, homme, pour n’être aidé que de l’expérience et du naturel, d’un jugement bien net, m’a dit autrefois qu’il avait désiré mettre en train qu’il veut ès villes certain lieu désigné auquel ceux qui auraient besoin de quelque chose se pussent rendre et faire enregistrer leur affaire à un officier établi pour cet effet : comme « Je cherche à vendre des perles ; Je cherche des perles à vendre ; Tel veut compagnie pour aller à Paris ; Tel s’enquiert d’un serviteur de telle qualité ; Tel, d’un maître ; Tel demande un ouvrier ; Qui ceci, qui cela, chacun selon son besoin ». Et semble que ce moyen de nous entravertir apporterait non légère commodité au commerce public ; car à tout coup il y a des conditions qui s’entrecherchent, et, pour ne s’entr’entendre, laissent les hommes en extrême nécessité. » Renaudot, qui savait sort Montaigne et qui s’en autorise, résolut d’établir ce centre commun d’annonces, d’adresses et de renseignements ; il eut l’idée de plus, soit par un sentiment d’humanité, soit pour mieux achalander son entreprise, de donner des consultations gratuites, et de se faire le commissaire officieux, mais qualifié et breveté, des pauvres et des malades, de ceux qui ne voulaient pas entrer dans les hôpitaux, et qui désiraient être traités à domicile : il se chargeait de leur procurer gratis médecins et médicaments. […] Renaudot, qui ne s’oubliait pas, adressa une Requête à la reine en faveur des pauvres malades de ce royaume, dans laquelle il renouvelait son projet d’un grand hôtel central à établir pour les consultations charitables et gratuites. […] [NdA] « L’origine et les mœurs de ce réformateur sont à observer : il est né à Loudun où, selon les jugements des commissaires, les Démons ont établi leur séjour ; a témoigné avoir une partie de leurs secrets et de leurs ruses. » C’est ce que disait l’avocat de la faculté de médecine de Paris dans une plaidoirie contre Renaudot.

133. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

En lisant bien le Xe livre de la seconde partie des Confessions, dans lequel Rousseau raconte comment, après sa rupture avec Mme d’Épinay et sa sortie de l’Ermitage, il s’établit à Montmorency et s’y lia avec le maréchal et la maréchale de Luxembourg, dont le château était en ce lieu, et qui le prévinrent de mille politesses, et comment insensiblement il devint leur hôte, leur intime, on voit qu’il y faut faire la part des faits et celle des conjectures ou chimères. […] Avec Mme du Deffand et de la part de celle-ci, nous allons rencontrer plus d’une mauvaise humeur, plus d’une injustice également, plus d’une méchanceté même, comme les femmes du monde s’en permettent en langage envers des amies de tous les jours ; mais la suite aidera à corriger ce qui n’était que jugement hasardé, boutade, et à établir le vrai point. […] Cependant la confiance s’est établie, et l’aisance avec elle… Je n’aurai pas de peine à vous en dire du bien, si sa belle humeur se soutient. […] L’aisance a été établie entre elles du premier jour ; je ne serais pas étonnée qu’il se formât une liaison solide ; mais moi, je suis restée aussi gênée, aussi bête, aussi maussade. […] Enfin, Mme du Deffand elle-même, celle qui doute le plus de ses amis et de l’amitié, est réduite à revenir sur ses préventions, et un jour que la maréchale est malade, elle écrit à l’abbé Barthélémy : « La maréchale est mieux, mais pas assez bien pour s’établir à Auteuil… Savez-vous, l’abbé, que s’il arrivait malheur à cette maréchale, c’en serait un très-grand pour moi, et qu’elle est peut être de mes connaissances celle qui m’aime le mieux.

134. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Il accepta les unités, qui n’étaient pas encore établies quand il débutait, parce qu’elles étaient une méthode utile pour l’exposition dramatique de la vérité morale. […] Pour lui, il a sur les unités le sentiment qui est celui du public, et qui les a établies : elles sont l’expression de « la raison naturelle » ; elles donnent la vraisemblance, et un air de réalité au poème dramatique. […] Appelez-les de noms inconnus : vous aurez bien plus de mal à établir la vraisemblance des faits. […] Corneille semble établir une sorte de symbolisme conventionnel, qui fait représenter par les horreurs de la tragédie une réalité moins horrible : Suréna tué, par exemple, représentera Condé emprisonné323 ; je ne dis pas que l’auteur ait songé à Condé, mais je prends un cas entre cent autres similaires. […] Il mourut assez misérable dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 16S4. — La chronologie des premières pièces de Corneille a été longtemps établie d’une manière erronée : voici comment il faut la rétablir : le Cid, déc. 1636 ou janv. 1637 ; Horace et Cinna, 1640 ; Polyeucte, 1643 ; Pompée et le Menteur, hiver de 1643-1644 ; la Suite du Menteur, sans doute 164i ; Rodogune, hiver de 1644-1645 ; Théodore, 1645.

135. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Un équilibre s’établit entre la libre imitation des Grecs et des Latins et l’observation du monde environnant. […] En politique, elle est soumise aux puissances établies ; elle est profondément monarchique ; je ne vois aucun écrivain qui se dérobe au prestige du roi-soleil, qui ne lui paie un jour ou l’autre son tribut d’adulation et d’idolâtrie. […] Descartes n’est, pas sûr que la nature existe ; il se défie là-dessus du témoignage de ses sens ; il a besoin de se prouver à lui-même que le monde — tel qu’il le voit, tel qu’il le touche — n’est pas une illusion, et c’est par un long raisonnement qu’il arrive à établir que la terre, les arbres, les autres hommes sont bien des êtres réels. […] Les exceptions que nous avons constatées, chemin faisant, les rapports que nous avons établis avec ce qui précède ou ce qui suit, nous font aussi discerner différents groupes d’esprits. […] Elle fausserait la vérité, si elle ne savait établir dans sa reproduction du passé une hiérarchie de talents et d’œuvres correspondant à ce que fut la réalité vivante.

136. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Il y établit avec un surcroît de preuves tout à fait décisives que la méthode expérimentale, qui a produit de si beaux résultats dans la physique et dans la chimie, est également applicable à la physiologie. […] Que de telles tentatives puissent avoir lieu, et cela avec la même précision et la même certitude que dans les corps inertes et inorganiques, c’est ce qui étonne beaucoup au premier abord, et, je le répète, il y avait à établir là d’une manière démonstrative un point des plus importants de la théorie des méthodes. […] Il établit que l’expérimentation peut avoir lieu sur les corps vivants tout aussi bien que sur les corps bruts, et même que les principes d’expérimentation sont absolument les mêmes de part et d’autre. […] Claude Bernard me paraît établir avec une parfaite rigueur qu’il y a un déterminisme absolu des phénomènes tout aussi bien dans l’ordre de la vie que dans l’ordre de la matière brute26. […] Cependant, quelque séparation que l’on établisse entre la métaphysique et la science, dans l’intérêt de l’une ou de l’autre, il est impossible que les vues du savant n’aient quelque influence sur celles du métaphysicien : tout en séparant les deux domaines, il faut encore se demander s’ils peuvent s’entendre et se concilier.

137. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

S’il contredit leurs principes, c’est toujours modestement qu’il propose ou qu’il établit les siens. […] M. d’Ablancourt & Patru dont il avoit eu l’amitié, & de celles de l’Académie que l’Abbé d’Aubignac avoit établie, & où il avoit été admis en 1665. ; mais ces lumieres n’étoient que des foibles lueurs. […] On n’a point négligé de rapporter le sens métaphysique que certains mots reçoivent quelquefois en vertu d’un usage établi ; mais on n’a pas fait mention des sens figurés que les Poëtes & les Orateurs donnent à plusieurs termes, & qui ne sont point autorisés par un usage reçu. […] Il est vrai qu’il n’est pas encore reçu, ni établi : mais n’est-il pas vrai qu’il seroit bon à établir & à recevoir ?

138. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Si donc, comme nous cherchons à l’établir, il existe un certain rapport entre l’accroissement de la quantité sociale et le succès des idées égalitaires, il n’est pas étonnant que les peuples les plus portés à l’égalitarisme soient aussi les plus habitués à la mobilité. […] « Pendant beaucoup de siècles il y a eu moins de mouvement sur la terre qu’il ne s’en produit de nos jours en un an76. » Et ainsi — la remarque en a souvent été faite77 — par la multiplication des contacts que la nature disciplinée établit entre leurs membres, les sociétés civilisées ressemblent de plus en plus à des villes énormes. […] Lorsque vous établissez entre l’un et l’autre une sorte d’incompatibilité, vous ne considérez qu’un des aspects de cet accroissement, à savoir l’augmentation du volume des sociétés, et vous oubliez de tenir compte de l’augmentation de leur densité ou de la mobilité de leurs éléments, — phénomènes qui se rencontrent justement, nous l’avons vu, dans les sociétés égalitaires. […] Une même opinion publique couvre les plus larges aires et ainsi, par la multiplication des contacts établis entre ses membres, un grand peuple devient, lui aussi, capable de se gouverner lui-même. […] En nous découvrant ces voies, la déduction psychologique nous autorise à penser qu’il y a, dans le rapport établi tout à l’heure par l’induction historique, autre chose qu’une coïncidence : nous avons le droit de conclure que l’accroissement incessant des sociétés occidentales a contribué à les rendre égalitaires.

139. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVI » pp. 147-152

Dans ce beau travail (sur Vanini), il établit de plus en plus nettement la position qu’il prétend faire à sa philosophie éclectique. […] Descartes est revenu établir une philosophie régulière et organique qui a marché assez bien de concert avec la religion de son temps.

140. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

C'est méconnoître les grands talens, mépriser son Siecle, ôter à son jugement toute espece d'autorité, décrier ses propres sentimens, que de prétendre affoiblir une gloire qui ne déplaît peut-être à son détracteur, que parce qu'elle paroît plus solidement établie que la sienne. […] On a reproché à Rousseau de s'être trop livré, dans ses Epîtres, à un ton de misanthropie qui les dépare quelquefois, d'y ramener trop souvent ses ennemis, d'y établir des principes qui portent moins sur la vérité que sur les ressentimens qui l'aigrissoient.

141. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 50, de la sculpture, du talent qu’elle demande, et de l’art des bas-reliefs » pp. 492-498

Mais ce n’est point à eux de les établir ni de choquer pour les établir, l’opinion vulgaire, à moins qu’ils n’écrivissent de ces poëmes que nous avons appellez des poëmes dogmatiques.

142. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Il y a là une conscience de répulsion réciproque qui est l’origine de l’idée d’impénétrabilité ; cette conscience établit entre les choses une barrière, une séparation plus profonde que ne le pourraient faire, à eux seuls, les signes locaux. […] La place d’un point ne peut pas être déterminée sans un rapport à d’autres points ; établissons donc en principe que toute localisation suppose un certain nombre de sensations simultanées. […] C’est seulement quand tout le mécanisme des relations géométriques s’est établi de lui-même que l’enfant arrive à en abstraire l’espace. […] De cette façon, une communication ininterrompue s’établit entre l’organe central et l’extérieur, selon une ligne déterminée. […] De plus, l’excitation extérieure étant permanente, il s’établirait un courant constant d’actions et de réactions entre les centres sensitifs et les nerfs périphériques.

143. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

En publiant en 1776 son Exposé des moyens curatifs et préservatifs à employer dans les épizooties, Vicq d’Azyr avertissait les observateurs dont on sollicitait le zèle, de vouloir bien communiquer leurs travaux à la Société et correspondance royale de médecine, qui venait d’être établie par le roi : « Cette société, était-il dit, présidée par M. de Lassone, s’assemble tous les mardis de chaque semaine, et on lui fait parvenir des mémoires en les adressant à M.  […] Tant que la Société de médecine fut peu considérable, et qu’elle ne consista qu’en une commission de huit médecins, établie pour correspondre avec les médecins des provinces sur tout ce qui avait rapport aux maladies épidémiques et épizootiques (arrêt du Conseil du 29 avril 1776), on la laissa faire ; mais dès qu’on s’aperçut qu’elle prenait de l’extension, et que cette société, créée originairement pour s’occuper des bêtes, en venait à se mêler non moins activement de ce qui tient à la santé des hommes, la faculté de médecine de Paris prit l’alarme, et fit ce que feront toujours les vieilles corporations en face des institutions nouvelles. […] Société établie. […] Les séances de la Société royale, qui s’étaient tenues d’abord au Collège de France, furent bientôt établies au Louvre sous les auspices du trône, et il n’y eut plus rien à désirer pour l’autorité et pour l’éclat de l’institution utilement libérale et nouvelle.

144. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Que l’on me permette cependant de ne pas fuir l’illustre souvenir et de l’aborder même de front, résolument : sans prétendre établir aucun rapprochement en effet, il y a lieu de se rendre compte de la différence des temps, de celle des points de vue, et d’apprécier de nouveau et en tout respect, mais aussi en pleine connaissance de cause, la plus mémorable des œuvres qu’a laissées Bossuet après ses Oraisons funèbres. […] Au début, après quelques réflexions générales sur l’utilité de l’histoire, sur ce « qu’il est honteux non-seulement à un prince, mais à tout honnête homme, d’ignorer le genre humain » et les changements mémorables du monde dans le passé, Bossuet établit qu’indépendamment des histoires particulières, celle des Hébreux, la Grecque et la Romaine, l’histoire de France, il n’y a rien de plus nécessaire, pour ne pas confondre ces histoires et en bien saisir les rapports, que de se représenter distinctement, mais en raccourci, toute la suite des siècles. […] Il s’agit des belles-lettres : Velléius, à un moment, se met à en discourir, car il ne s’interdit pas les digressions, et c’est une de ses formes ordinaires de dire : « Nequeo temperare mihi… Je ne puis m’empêcher, je ne puis me contenir… » Il vient de parler des colonies romaines établies sous la République, et, passant à un tout autre sujet, il s’adresse à lui-même une question : Pourquoi y a-t-il pour les choses de l’esprit des époques et comme des saisons exclusivement favorables, où tout se rassemble et se groupe, et passé lesquelles on ne retrouve plus le même goût ? […] On n’a jamais établi entre des notions historiques un enchaînement plus étroit et plus naturel.

145. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Les uns vont se satisfaire aux confins de la science, dans les phénomènes anormaux, d’apparence irrationnelle, insuffisamment expliqués ou établis : hallucinations, hypnotisme, maladies de la personnalité, télépathie, etc. […] La comédie naturaliste minutieusement exacte, brutalement pessimiste, n’a pu arriver à s’établir. […] Ce Théâtre a été fondé pour établir l’art réaliste : grossièreté allant jusqu’à l’obscénité, puisque c’est notre erreur favorite, à nous autres Français, de croire que plus le modèle est dégoûtant, plus l’imitation est réelle, et, d’autre part, minutieuse exactitude du décor, de la mise en scène, du jeu et du débit des acteurs, voilà les deux caractères apparents que présente d’abord le Théâtre Libre. […] Jules Lemaître, qui, sans répudier bruyamment la technique établie, sans déconcerter les habitudes du public, sans prétention philosophique aussi et sans fracas de symboles, nous a donné la sensation rafraîchissante d’une originalité sincère.

146. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

On sent qu’il est toujours maître de son sujet, qu’il se meut dans le champ des idées comme dans son domaine, qu’il en sait tous les chemins, qu’il est prêt, si l’un d’eux se trouve fermé, à en ouvrir d’autres, qu’il a le droit de prendre charge d’âmes, et de s’offrir pour guide aux ignorants et aux étrangers qui voudront visiter la contrée solitaire et périlleuse où il s’est établi. […] Elles s’adressent au sens commun autant qu’au raisonnement ; les vérités qu’elles établissent sont plutôt vraisemblables que vraies, et plutôt aimées que prouvées. […] Presque toutes les grandes vérités établies par M.  […] Socrate, il y a bien longtemps, démontrait à Polus que l’éloquence n’est pas la dialectique, et que l’art de persuader le public par un choix habile de raisonnements vraisemblables, n’est pas l’art d’établir des analyses exactes et des syllogismes rigoureux.

147. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Le plus grand de nos romanciers nourrissait sa cervelle de spéculations, de comptes, de projets de Bourse, et parlait incessamment d’établir à Paris une serre d’ananas qu’il vendrait quinze francs et qui lui coûteraient dix sous. […] D’autres conjectures, habilement établies, en découvrent à peu près la date. […] Vous sortez d’un commentaire docte et aride, ayant pour but d’établir, d’après Stobée, Diogène de Laërte et d’autres, le système probable de Xénophane, et, parmi des arguments de commentateur, vous tombez sur la phrase suivante : La partie du système de Xénophane qui porte l’empreinte de l’esprit ionien est et devait être sa partie cosmologique et physique. […] Et d’un autre côté, si ce monde qui doit faire place à un monde nouveau laissait un trop riche héritage, il empêcherait que le nouveau ne s’établit.

148. (1889) La critique scientifique. Revue philosophique pp. 83-89

Mais à négliger, ici surtout, les caractères extérieurs, et à retirer, en quelque sorte, les données physiologiques des données intellectuelles, on courrait le risque d’établir une description de peuples sans racines dans le sol qui les nourrit, sans filiation entre eux, et peu s’en faut incorporels. […] Et il ajoute : « Il est permis d’établir sur les traces d’une hardie formule de M.  […] Il y trouvera le développement des idées sur lesquelles cette critique est établie.

149. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

L’antagonisme obstiné qu’Ernest Semichon établit entre l’Église et la Féodalité est une erreur, que les faits lui auraient démontrée s’il les avait examinés davantage. […] dressa la chevalerie à la guerre chrétienne, acheva par les cathédrales le mouvement commencé par les châteaux forts, et enfin mit ses cent bras de Briarée partout, jusque dans les décisions de l’Église, qui établirent la Trêve de Dieu, mais qui l’établirent… avec des lances !

150. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Préliminaires S’il est un fait établi par les lois les plus constantes de l’histoire, c’est que les grands poètes et les grands artistes n’ont pas été en leur temps des accidents fortuits, des phénomènes isolés. […] Quand elle n’a pu établir leur filiation, elle l’a entrevue ou devinée.

151. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Le cartésianisme fit des chrétiens apparents, en faisant des philosophes qui croyaient à Dieu, à l’âme immortelle, à la supériorité infinie de la nature spirituelle sur la nature corporelle (ce qui établissait une hiérarchie très nette des plaisirs). […] Le foyer du jansénisme, en France, fut l’abbaye de Port-Royal : c’était une communauté cistercienne de femmes établie depuis 1204 dans la vallée de Chevreuse, et réformée en 1608 par la mère Angélique Arnauld ; elle fut transportée, en 1626, à Paris, au faubourg Saint-Jacques. […] En 1631, son père s’établit à Paris ; il s’occupe de sciences physiques et mathématiques ; et des savants, le Père Mersenne, Roberval, fréquentent sa maison. […] En poursuivant ces études, deux idées dominent l’argumentation de Pascal : 1° Credo quia absunlum : la religion, essentiellement, est choquante, absurde pour la raison, et pourtant elle s’est établie : donc son établissement est preuve de sa divinité. […] Il s’était engagé à démontrer la religion, et il avait établi l’impuissance métaphysique de la raison.

152. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

L’historien ne devrait pas même écrire en vue de soutenir une thèse, d’établir le bien fondé d’un système ; il risque trop ainsi de fausser le sens des phénomènes qu’il étudie. […] Au critique revient la tâche de les appliquer, de fonder ses arrêts et ses conseils sur les lois découvertes ; l’historien, lui, borne son ambition à en établir solidement la réalité.

153. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Et je m’efforcerai d’établir cette vérité de trois façons : premièrement par une preuve directe ; secondement en montrant par contraste la folie et l’ignorance de l’irréligion et du vice ; troisièmement en défendant la religion contre les accusations ordinaires qui semblent la taxer d’ignorance ou de déraison. […] Un pyrrhonisme aussi achevé n’est bon qu’à rejeter le public vers les croyances établies. […] Puis se retournant vers les communes : Un Parlement ainsi lié et contrôlé, sans cœur et sans liberté, au lieu de limiter la prérogative de la couronne, l’étend, l’établit et la consolide au-delà de tout précédent, de toute condition et de toute limite. […] Cent cinquante ans de réflexions morales et de luttes politiques ont rattaché l’Anglais à la religion positive et à la constitution établie. […] Nous sommes décidés à garder une Église établie, une monarchie établie, une aristocratie établie, une démocratie établie, chacune au degré où elle existe et non à un plus grand. » Nous révérons la propriété partout, celle des corporations comme celle des individus, celle de l’Église comme celle du laïque.

154. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Il est facile d’établir qu’avant la civilisation, l’attention volontaire n’existait pas ou n’apparaissait que par éclairs, pour ne pas durer. […] On a établi depuis que les mouvements de l’estomac et du tube intestinal tout entier sont sujets à l’inhibition. […] Un centre d’attraction s’est établi, qui peu à peu acquiert le monopole de la conscience. […] Il rédige des indicateurs très compliqués qui couvrent des pages énormes, dresse des courbes, établit des concordances aux points de bifurcation. […] La langue courante elle-même établit une distinction entre la forme ordinaire et la forme attentive des états de l’esprit.

155. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Ainsi que je l’ai établi autre part, la crainte de l’homme s’acquiert peu à peu par divers animaux qui habitent des îles désertes, à mesure qu’ils expérimentent nos moyens de destruction. […] Une multitude de faits établissent que les individus de même espèce, nés à l’état sauvage, diffèrent extrêmement dans leur caractère et leurs dispositions instinctives. […] Si nous cherchons à établir une série, peu étendue, il est vrai, de degrés transitoires, nous trouvons l’un des termes extrêmes représenté par les Bourdons, qui déposent leur miel dans leurs vieux cocons, en y ajoutant quelquefois de courts tubes de cire. […] On m’accusera d’avoir une foi excessive en la valeur du principe de sélection naturelle ; mais je me refuse à admettre qu’aucun de ces faits, si merveilleux et si bien établis qu’ils soient, renverse en aucune façon ma théorie, ainsi du reste qu’on va le voir. […] J’ai tâché d’établir plus brièvement encore que les instincts varient de même à l’état de nature, bien que plus légèrement.

156. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Il tomba par ce défaut, et quelquefois en public, dans les absurdités les plus grossières. » Si je cite ce trait, c’est pour établir que Louis XIV fut à son insu, une proie offerte aux plus bruyants ou aux plus astucieux, et que sa volonté fut sans cesse à la merci de son entourage, de ses maîtresses et du clergé. […] L’étude suivante n’a pour but que la recherche des responsabilités à établir dans cet énorme attentat aux prodigieuses conséquences. […] Et cette constatation ne nous était pas inutile avant d’établir la responsabilité capitale de la violation de l’Édit de Nantes avec toutes ses conséquences. […] Quand le futur évêque de Meaux écrivait dans un placet au roi : « Nous avons à cœur d’établir un ordre et union à Metz entre tous les sujets de Votre Majesté », cela voulait dire qu’il prétendait user de tous les moyens pour refuser le droit de vivre à une fraction de la population de Metz ; plus tard dans un prêche aux Nouvelles Converties, s’adressant aux protestantes arrachées par la force à leurs maris ou à leurs pères, puis incarcérées, il les nommera : « ces pauvres filles, qui sont venues à l’Église, … qui ont couru à nous… » ! […] Si vous suivez, hors de France, la fortune de ces proscrits chassés pour leur libre foi, vous constaterez qu’une fraction d’entre eux alla s’établir en Prusse et détermina l’hégémonie de ce royaume.

157. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Il s’établit dans le cerveau, dit Ribot, des liens nouveaux entre les cellules pour l’accomplissement de certaines fonctions, c’est-à-dire des « associations dynamiques ». — Rien n’est plus vrai, et le savant ne doit jamais oublier qu’il a affaire, dans le cerveau, à de la matière vivante, non à une substance inorganique ; mais ce n’en est pas moins là une vérité toute relative à notre ignorance. […] L’habitude suppose, en effet, soit de nouveaux nerfs, soit des relations nouvelles entre les nerfs, et ces relations une fois établies sont de véritables organes, comme le sont nos yeux et nos oreilles : le pianiste s’est fait un organe pour parcourir le clavier, le calculateur pour accomplir ses opérations. […] Selon nous, dans ce problème délicat, il y a des distinctions nécessaires à établir. […] En premier lieu, par cela même que la mémoire, au point de vue organique, consiste en voies nerveuses plus faciles qui se sont établies dans le cerveau pour aboutir à des mouvements, le souvenir d’une peine trouve des voies toutes tracées qui ne permettent pas à la peine même (πόνος) de se reproduire. […] Ces remarques sont importantes pour établir le degré d’influence que les idées peuvent avoir sur la production des émotions.

158. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Pour établir ces principes sur une base plus solide encore, nous devons attaquer l’opinion selon laquelle les hiéroglyphes auraient été inventés par les philosophes, pour y cacher les mystères d’une sagesse profonde, comme on l’a cru des Égyptiens. […] Pour résoudre ce problème, établissons d’abord une grande vérité : par un effet de la diversité des climats, les peuples ont diverses natures. […]   Maintenant, pour comprendre la formation de ces trois sortes de langues et d’alphabets, nous établirons le principe suivant : les dieux, les héros et les hommes commencèrent dans le même temps. […] Il nous sera très utile d’avoir établi ceci, lorsque nous traiterons de l’origine du chant et du vers. […] Mais lorsque l’on eut acquis des idées générales, on reconnut que la propriété essentielle de la loi devait être l’universalité ; et l’on établit cette maxime de jurisprudence : legibus, non exemplis est judicandum .

159. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

L’incertitude de nos mœurs publiques, notre mobilité oublieuse, les revirements fougueux de chaque jeunesse nouvelle qui survenait, ont dû en grande partie tenir à ce manque de guides naturels établis et imposants. […] Jeunes gens qui voulons nous retremper et nous affermir dans l’intégrité politique, qui voulons espérer en l’avenir sérieux dont l’aspect momentanément se dérobe, qui sommes résolus à ne nous immiscer d’ici là à aucun mensonge, à ne signer aucun bail avec les royautés astucieuses, à ne jamais donner dans les manèges hypocrites des tiers-partis, faisons donc, pour prendre patience et leçon, ce salutaire voyage d’Amérique ; faisons-le dans Jefferson du moins ; étudions-y le bon sens pratique, si différent de la rouerie gouvernementale ; apprenons-y la modération, la tolérance, qui sied si bien aux convictions invariables, la rectitude, la simplicité de vues, qui, si elle s’abstient maintes fois, a l’avantage de ne jamais s’embarquer dans les solutions ruineuses ; apprenons-y, quelle que soit la vivacité de nos préoccupations personnelles sur certains points de religion, de morale, d’économie ou de politique, à ne prétendre les établir, les organiser au dehors que dans la mesure compatible avec la majorité des esprits : car la liberté et la diversité des esprits humains sont le fait le plus inévitable à la fois et le plus respectable qu’on retrouve désormais dans le côté social de toutes les questions. […] Des troubles assez graves qui survinrent dans le Massachussets achevèrent de mettre en évidence l’insuffisance de la première forme adoptée, et une Convention générale fut convoquée à Philadelphie, le 25 mai 1787, à l’effet d’établir une constitution plus forte et plus efficace.

160. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

Les esprits violents se servent des hommes éclairés quand ils veulent triompher du pouvoir établi ; mais lorsqu’il s’agit de se maintenir eux-mêmes, ils s’essaient à témoigner un mépris grossier pour la raison ; ils répandent sourdement que les facultés de l’esprit, que les idées philosophiques ne peuvent appartenir qu’aux âmes efféminées, et le code féodal reparaît sous des noms nouveaux. […] Le mélange des qualités supérieures, bien que plaçant plus haut celui qui les possède, établit cependant plus de rapports entre l’homme extraordinaire et les autres hommes. […] Le principe d’une république où l’égalité politique est consacrée, doit être d’établir les distinctions les plus marquées entre les hommes, selon leurs talents et leurs vertus.

161. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

Littérairement aussi, notre influence s’établit. […] Puis s’établissent les rapports directs entre les pays, voyages d’écrivains anglais en France, français en Angleterre582. […] L’anglomanie se répand dans nos salons à la faveur de la philosophie, et les mœurs françaises s’imprégnent des usages et des goûts de nos voisins : on importe d’outre-Manche les courses de chevaux ; on établit la mode des thés à l’anglaise.

162. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

Ainsi le domaine propre du nombre entier est envahi lui-même, et cette invasion a établi l’ordre, là où régnait le désordre. […] Combien de vérités que les analogies physiques nous permettent de pressentir et que nous ne sommes pas en état d’établir par un raisonnement rigoureux ! […] On s’y heurte presque toujours en voulant établir que telle quantité tend vers telle limite, ou que telle fonction est continue, ou qu’elle a une dérivée.

/ 1986