Il est presque banal de rappeler les aspects multiples de ce triomphe : le roman s’efforçant d’être impersonnel, documenté et de calquer le langage parlé ; le théâtre s’ingéniant à réduire au minimum la part de la convention et à porter au maximum l’exactitude de la mise en scène ; l’histoire se confinant dans les travaux d’érudition et dans les recherches minutieuses ; la critique se faisant scientifique, analytique, aussi impartiale qu’elle peut l’être ; la poésie même s’inspirant de la science ou de la vie familière. […] Et le philosophe de s’écrier : « Messieurs, parlons de l’éléphant ; c’est la seule bête un peu considérable dont il soit permis de parler. » L’histoire du xviiie siècle est pleine d’écrivains arrêtés ou exilés, d’ouvrages mis au pilon, lacérés, brûlés par la main du bourreau : l’Eglise et l’Etat, la Sorbonne et les Parlements collaboraient il cet étouffement. […] Les tempêtes sociales rendent difficile, sinon impossible, le paisible exercice de la liberté ; mais la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen avait posé ce principe, base de la législation future : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Ce droit, solennellement proclamé, n’en fut pas moins étranglé par l’Empire. […] S’adressant à une foule encore mal dégrossie, ils s’abaissent volontiers à sa taille au lieu de l’élever à leur niveau, ils se gaspillent en œuvres bâclées ; ils ressemblent à cet homme à la cervelle d’or dont parle quelque part Alphonse Daudet : ils s’arrachent chaque matin un morceau du trésor qu’ils ont dans la tête et, quand ils ont durant des années éparpillé ainsi leur pensée, ils s’aperçoivent un peu tard qu’ils sont parvenus au bout de leurs forces et de leur vie sans avoir rempli leur mérite, sans avoir condensé le meilleur d’eux-mêmes en un ouvrage élaboré avec amour. […] Est-ce parce que la pensée indépendante, volontiers novatrice et aventureuse, se heurte au passé cristallisé dans les formules rigides des codes, se sent en désaccord avec l’esprit d’un corps qui, par la langue qu’il parle, le costume qu’il porte, les usages qu’il pratique et maintient, est régulièrement en retard sur les idées et les mœurs de son temps ?
On parle d’une première liaison galante qu’il aurait eue avec une femme de qualité. […] Il a en aversion les bureaux d’esprit, tels que l’était en son temps le salon de la marquise de Lambert, et, sans parler de sa surdité qui le gêne, il a ses raisons pour cela : On n’y regarde la meilleure comédie ou le roman le plus ingénieux et le plus égayé, remarque-t-il (non sans un petit retour sur lui-même), que comme une faible production qui ne mérite aucune louange ; au lieu que le moindre ouvrage sérieux, une ode, une églogue, un sonnet, y passe pour le plus grand effort de l’esprit humain. […] En faisant parler Arlequin, il ne croyait pas si fort déroger ; il passa même, un instant, d’Arlequin aux marionnettes. […] C’est l’abbé de Voisenon qui parle ; Voisenon était alors grand vicaire de l’évêque de Boulogne. […] La mort remit bientôt Lesage à son rang, et celui qui n’avait rien été de son vivant, et de qui on ne parlait jamais sans mêler à l’éloge quelque petit mot de doléance et de regret, se trouve aujourd’hui classé sans effort dans la mémoire des hommes, à la suite des Lucien et des Térence, à côté des Fielding et des Goldsmith, au-dessous des Cervantes et des Molière.
Victor, duc de Broglie, celui dont nous parlons, né en novembre 1785, petit-fils du maréchal de Broglie, descend d’une race toute guerrière, dans laquelle on distinguait des gens d’esprit, dont quelques-uns ont eu un nom dans la diplomatie ou dans l’Église ; mais il ne s’y trouverait aucun philosophe ni écrivain proprement dit. […] Ils parlent des choses et des livres comme les connaissant. […] À part toutefois ces quelques circonstances où il s’est passionné, le genre d’éloquence particulier à M. de Broglie est en général celui que Cicéron avait en vue, quand il disait : « On doit s’énoncer avec moins d’appareil dans les délibérations du Sénat, car on parle devant une assemblée de sages. » Sa parole était bien celle, en tout, qui convenait en présence de l’ancienne Chambre des pairs. […] Improvisateur véritable, il ne parle jamais qu’autant qu’il a quelque chose à dire ; il intervient dans les discussions ardues pour les éclairer, pour y introduire des idées nouvelles, pour y proposer des moyens spéciaux de solution. Il parle avec clarté, avec déduction et suite, et, mieux que cela, avec élégance, avec une élégance qui ne serait pas naturelle chez un autre, qui chez lui ne semble pas cherchée, et qui est la forme précise de sa pensée.
Un de mes honorables confrères en critique m’a devancé dans le Journal des débats 10, en commençant à parler de Camille Desmoulins, mais il n’a pas encore dit son dernier mot. […] Il était un peu étrange qu’un écrivain qui prétendait s’adresser avant tout au peuple parlât ainsi latin à tort et à travers, et lâchât à tout moment des allusions qui ne pouvaient être entendues que de ceux qui avaient fait leurs classes. […] Puis, affichant nettement sa théorie subversive de tout pouvoir constitué, il ajoute : « On connaît mon profond respect pour les saints décrets de l’Assemblée nationale ; je ne parle si librement de celui-ci que parce que je ne le regarde pas comme un décret. » Ainsi, dans les décrets de l’Assemblée il se réserve de choisir ceux qui ‘lui conviennent, et de considérer les autres comme non avenus, sous prétexte qu’ils ont été votés par une majorité formée de membres du clergé et de la noblesse, plus nombreux dans l’Assemblée qu’ils ne devraient, l’être. […] n’hésita pas à se reconnaître, et dans son numéro 41, attaquant les hommes de la Société de 1789 qui se séparaient du club des Jacobins, il parla de leur manifeste comme de l’ouvrage « de je ne sais quel André Chénier qui n’est pas celui de Charles IX ». […] Il dit : Voyez comme on nous traite, voyez ce qu’on dit de nous. Cette naïveté de conscience m’a paru plus plaisante que rien de ce que j’avais vu de lui jusqu’à ce jour, et vous-même, si vous l’avez lu, vous n’aurez pu sans doute vous empêcher de rire comme moi, qu’un homme, trouvant dans un livre où personne n’est nommé une grande quantité d’auteurs qui, d’après leurs écrits, d’après des faits, d’après une longue suite de preuves, sont traités de perturbateurs séditieux, de brouillons faméliques, d’hommes de sang, aille se reconnaître à un tel portrait, et déclarer hautement qu’il voit bien que c’est de lui qu’on a voulu parler.
C’est qu’ils parlent sans avoir étudié ni examiné la question. […] Fort bien jusqu’ici, voilà l’examen qui a passé à l’état de devoir, et tous nous parlons ainsi quand nous voulons persuader et convertir les hommes. […] Lorsque la morale défend les jugements téméraires, ne nous ordonne-t-elle pas de nous éclairer avant de parler, c’est-à-dire d’examiner, de contrôler, de voir clair par nous-mêmes ? […] Ceux qui parlent ainsi croient sans doute défendre la cause de la vérité ; mais ils ne voient pas qu’ils lui portent de leur propre main les coups les plus redoutables et les plus profonds. […] Ne nous parlez pas des abus possibles de la liberté ; il est trop facile de répondre par les abus de l’ignorance, de la superstition et du fanatisme.
Il est même telle question où la séparation absolue est impossible, et où le métaphysicien ne peut parler que dans le vide, s’il ne s’appuie pas sur quelques données positives. […] Je ne voudrais pas rentrer ici dans un problème souvent discuté, et dont nous avons déjà parlé incidemment : je me contenterai de dire que l’hypothèse d’une force vitale distincte des forces physico-chimiques me paraît résister assez solidement jusqu’ici aux objections de ses adversaires. […] Nous parlons de l’homme libre ; mais la liberté, j’entends la liberté morale, peut-elle subsister, si l’on représente la vie, ainsi que le fait M. […] Sans doute, dans la mythologie antique, le fatum était bien quelque chose de semblable à cette force aveugle et capricieuse dont parle M. […] A proprement parler, ce sont des idées, et ces idées suffisent pour empêcher l’action ou la déterminer.
Dans l’entracte, il parle haut, il s’exclame, il échange de sa place de joyeux dialogues avec les étudiants du parterre, auxquels il permet de tutoyer ses quarante-cinq ans. […] je vois ce que c’est, interrompit-il tranquillement : vous voulez parler d’un ami de Minoret, qui va corriger ses épreuves chez Dubuisson ? […] * * * Voilà, mon ami, pour le côté matériel de Toulouse. — Je viens de te parler des pierres, — veux-tu connaître les caractères ? […] Je ne parle pas d’Heildberg et autres villes moyen âge qu’on exhume à point nommé ! […] Ce qu’on me parlait là, c’était un espagnol de fantaisie : la couleur locale tendait à s’effacer.
Je m’écoute parler et j’entends qu’on me répond ; pourtant je suis seul et je ne dis rien. […] Les physiologistes et les psychologues ont parlé de « poussière lumineuse », de « spectres oculaires », de « phosphènes » ; ils attribuent d’ailleurs ces apparences aux modifications légères qui se produisent sans cesse dans la circulation rétinienne, ou bien encore à la pression que la paupière fermée exerce sur le globe oculaire, excitant mécaniquement le nerf optique. […] Pour ne parler encore que du sens de la vue, disons qu’à côté des sensations visuelles dont la source est interne il en est qui ont une cause extérieure. […] Il nous arrive, selon la remarque de Max Simon, de soutenir en rêve toute une conversation et de nous apercevoir soudain que personne ne parle, que personne n’a parlé. […] Il faudrait parler Ici de ces tendances réprimées auxquelles l’école de Freud a consacré un si grand nombre d’études.
Remarquez-vous ses façons de parler quand il fait de la politique ? […] A parler franc, savez-vous ce que c’est ? […] A parler plus franc encore, savez-vous ce que c’est ? […] Ce que Stendhal a remarqué, et il en donne un millier d’exemples, c’est l’abandon avec lequel les Italiens et les Italiennes parlent (ou parlaient) de leurs faiblesses amoureuses. […] Et cela seul, ci proprement parler, lui est important.
Vous en avez même parlé ? […] M. de Vigny parle légèrement du Cénacle, où il s’accommodait fort bien d’être placé à la date de 1829 ; mais, en 1835, il ne demandait pas mieux que de faire colonne et obélisque à part et de s’isoler. […] Je ris encore en pensant que j’ai passé, il y a quelque temps, deux heures avec vous sans vous rien dire de votre bel article sur Racine, et je venais d’en parler toute la matinée à quatre personnes de différentes opinions, à qui je disais ce que j’en pense.
Son poëme se divise en quatre masses principales ou chants : 1° le Campo Santo à Pise ; c’est le vieil art toscan catholique au Moyen-Age que l’auteur y ranime dans la personne et dans l’œuvre du peintre Orcagna, contemporain de Dante ; 2° le Campo Vaccino, ou le Forum romain ; solitude, dévastation, mort ; la majesté écrasante des ruines encadrant la misère et l’ignominie d’aujourd’hui ; 3° Chiaia, la plage de Naples où pêchait Masaniello : c’est un mâle dialogue entre un pêcheur sans nom, qui sera Masaniello si l’on veut, et Salvator Rosa ; les espérances de liberté n’ont jamais parlé un plus poétique langage ; 4° Bianca, ou Venise, c’est-à-dire cette divine volupté italienne que l’étranger du nord achète et profane comme une esclave. — Telle est la distribution générale du poëme, à laquelle il faut joindre, pour en avoir l’idée complète, un prologue et un épilogue, puis, dans l’intervalle de chaque chant, un triple sonnet sur les grands statuaires, peintres et compositeurs, Michel-Ange, Raphaël, Cimarosa, etc. ; l’ordonnance en un mot ne ressemble pas mal à un palais composé de quatre masses ou carrés (les quatre chants), avec un moindre pavillon à l’extrémité de chaque aile (prologue et épilogue), et avec trois statues (les sonnets) dans chaque intervalle des carrés, en tout neuf statues. […] Le poëte, en des vers pleins de tendresse, conjure cette belle contrée, alors qu’elle pourra renaître, de ne s’adresser jamais qu’à ses enfants : Dans tes fils réunis cherche ton Roméo, et il repousse d’elle avec effroi toute intervention de l’étranger, du barbare, comme il dit, dans cette délivrance sacrée : Car ce qui n’est pas toi ni la Grèce ta mère, Ce qui ne parle pas ton langage sur terre, Et tout ce qui vit loin de ton ciel enchanteur, Tout le teste est barbare et marqué de laideur. […] Ce qu’il y a de piquant, c’est que la plupart des académiciens, quand on leur parla d’Auguste Barbier, ne l’avaient pas lu et ne distinguaient que confusément son nom de celui de ses homonymes : l’un des quarante, et des plus au fait, M. de Montalembert, soutenait même qu’il était mort.
On démêla d’une manière générale le sujet du Cours qu’il venait ouvrir ; il se proposait de parler de la société civile, des lois de la civilisation et de la perfectibilité, du rapport qui existe entre les lumières et le bonheur des nations ; c’était un publiciste qui aspirait à remanier le grand problème du xviiie siècle et à se frayer une voie entre Montesquieu et Rousseau. […] Victorin Fabre se donna le change à lui-même, et il interrompit bientôt ses leçons en se disant et en disant à ceux qui lui en parlaient qu’il s’était aperçu du danger que pouvaient avoir, dans l’état des circonstances politiques, certaines doctrines incomplétement expliquées et légèrement comprises. […] Que si, rabattant de ces illusions de famille, nous venons à peser à leur juste valeur les œuvres de Victorin Fabre (je ne parle que de celles qui sont publiées), nous trouvons qu’il mérite, en effet, une mention honorable dans la littérature des premières années du siècle.
je ne parle plus des cinquante volumes inqualifiables qui précédèrent ses premières œuvres distinguées ; je parle de ce qui se mêle à tout instant à ses œuvres les plus distinguées et les plus fines elles-mêmes. […] M. de Pomenars, le vieil oncle, si fringant, et qui est le malin génie de l’aventure, semble avoir soufflé son esprit au romancier et tenir la plume en ricanant ; ou plutôt personne ne tient la plume ; chaque personnage agit, se comporte, parle comme il doit ; et si l’auteur se montre, ce n’est que pour les aider encore à mieux ressortir, comme un maître de maison plein d’aisance, qui s’efface ou reparaît à propos, et sait la vie.
Il me semble que je puis ici parler de moi-même sans manquer à la modestie, puisque mon cas est évidemment celui du plus grand nombre de mes chers concitoyens. […] Croyez que je vous parle très sérieusement. […] J’éprouvai si douloureusement cette nuit-là l’angoisse absurde, mystérieuse, d’être si loin de « chez moi », sous un ciel qui ne me connaissait pas, parmi des gens qui ne parlaient pas ma langue et qui n’avaient pas le cerveau fait comme le mien, que je sortis par la fenêtre pour attendre la diligence qui repartait à trois heures du matin.
Sans parler de l’antiquité, le XVIe, le XVIIe et le XVIIe siècles virent se constituer une Europe maîtresse du monde, au nom d’une civilisation supérieure. […] Ne dites jamais, comme les mécontents dont parle le prophète d’Israël : « Nos pères ont mangé le raisin vert, et les dents de leurs fils sont agacées. » Votre part est la bonne, et je vois mille raisons de vous porter envie, non seulement parce que vous êtes jeunes et que la jeunesse est la découverte d’une chose excellente, qui est la vie, mais parce que vous verrez ce que nous ne pourrons voir, vous saurez ce que nous cherchons avec inquiétude, vous posséderez la solution de plusieurs des problèmes politiques sur lesquels nous hésitons parce que les faits n’ont point encore parlé assez clairement.
Sa belle tête est d’un caractère si touchant ; il paraît si sensible aux services qu’on lui rend ; il a tant de peine à parler, sa voix est si faible, ses regards si tendres, son teint si pâle, qu’il faut être sans entrailles pour ne les pas sentir remuer. […] Il ne mange pas, il parle, et l’on est prêt à lui relever la tête. […] Dans celui-ci, il a placé à côté du garçon qui apporte à boire à son père infirme, une grosse chienne debout qui a le nez en l’air, et que ses petits tètent toute droite ; sans parler de ce drap qu’il a étendu sur une corde, et qui fait le fond de son tableau.
En second lieu, les signes que la peinture emploïe pour nous parler, ne sont pas des signes arbitraires et instituez, tels que sont les mots dont la poësie se sert. […] Je parle peut-être mal quand je dis que la peinture emploïe des signes. […] La grandeur d’ame, tous les sentimens élevez d’un beau naturel que le poëte peut prêter à Iphigenie, nous affectionnent bien plus à un personnage de tragédie, que les qualitez extérieures dont un peintre peut orner le personnage d’un tableau, ne nous affectionnent à ce personnage qui ne parle presque pas.
Impossible aujourd’hui : le ministre d’État vient d’obliger — par décret — les vaudevillistes à parler français…, et puis ils le savent tous — l’argot ! […] Poupardot parle le langage de la raison. […] C’est une manière de parler.
Aujourd’hui, par un hasard heureux, les deux poètes dont nous avons à parler tranchent vivement sur le fond vulgaire des rimeurs contemporains, et sont vraiment dignes du regard et du jugement de la Critique. […] S’il n’était que cela, nous n’en parlerions pas ! […] Le poète, amoureux pendant si longtemps de la couleur, de la ligne et des mille nuances de la lumière, qui voulait peindre, comme Titien, la chair d’opale de sa maîtresse et ses … cheveux dont l’or blême frisonne Et se poudre d’argent sous les rais du soleil… cesse tout à coup, dans le dernier livre de ses sonnets de jouer cette gageure enragée qu’exprimait Shakespeare quand il parlait de dorer l’or et de blanchir les lys, et le voilà qui n’a plus souci que de la seule qualité d’expression que Dieu ait permise aux poètes !
Il a du talent, ou, pour parler plus juste, il en aura, quand il n’imitera plus personne et qu’il se contentera d’être lui. […] J’ai parlé des Fiancés de Grinderwald. […] Nous ne parlons pas du Sacrifice d’Abraham, une grande diablesse d’histoire dont Rembrandt est le héros, laquelle n’a pas de raison pour être plutôt dans ce volume que dans tout autre volume de nouvelles, et qui en aurait une que je sais bien de n’y être pas… Enfin, dans les Contes de la montagne, où l’auteur se détire de son fantastique et commence de s’en dégager, vous ne trouverez que deux contes de cette espèce : Le Violon du pendu et L’Héritage de mon oncle Christian, aussi faibles d’ailleurs que tout le reste ; car pour le Conte qui a presque proportion de roman, et qui envahit, à lui seul, tout le volume, ce très beau Conte de Hugues-le-Loup, je ne le mets point parmi les tentatives fantastiques de l’auteur, malgré la donnée somnambulique qui en fait le dénouement et qui a été si rabâchée depuis Shakespeare, mais je le place plutôt parmi les autres récits, où le talent d’Erckmann-Chatrian, son talent réel et lumineux, — son talent antifantastique — s’est montré avec le plus de suite et d’éclats.
Il m’a parlé de plusieurs personnes favorisées par la fortune, par la beauté, par une grande situation sociale, et qui pourtant mènent une vie morale digne de la plus haute estime. […] Le vieux Littré a magnifiquement parlé, me rappelait Bourget, de cet océan de mystère qui bat notre rivage, que nous voyons devant nous réel et pour lequel nous n’avons ni barque, ni voile…1 . […] Je crois avoir bien parlé du Paradis terrestre qu’est Venise, mieux encore de l’héroïsme charnel de Rubens ; j’ai mis en valeur aussi les fougueux aventuriers de la Renaissance ; mais toute ma complaisance, je la donne à ceux qui souffrent et qui acceptent.
Tous ces Cicérons ou ces Plines modernes dont nous venons de parler, ou étaient, ou avaient la prétention d’être orateurs, et leurs éloges étaient de longs panégyriques prononcés dans des assemblées, et débités avec pompe pour honorer les morts et quelquefois ennuyer les vivants. […] D’abord, ils ont le mérite d’être très courts ; ils renferment quelquefois en peu de lignes, et d’autres fois en peu de pages, l’idée du caractère, des actions, des ouvrages de celui qu’il loue, ou du moins dont il parle ; car quelquefois il fait le portrait d’hommes plus célèbres que vertueux ; mais il les représente tels qu’ils sont, loue les vertus, admire les talents et déteste les crimes. […] Un autre assez singulier, c’est celui où il parle de ce Christiern, roi de Danemarck, surnommé le Néron du nord, qui, après avoir juré aux Suédois la paix sur une hostie, fit égorger, comme on sait, au milieu d’un repas, tout le sénat de Suède, deux évêques et quatre-vingt-quatorze citoyens des plus distingués.
Les solides eux-mêmes, ils les réduisaient aux chairs, viscera [vesci voulait dire se nourrir, parce que les aliments que l’on assimile font de la chair] ; aux os et articulations, artus [observons que artus vient du mot ars, qui chez les anciens Latins signifiait la force du corps ; d’où artitus, robuste ; ensuite on donna ce nom d’ars à tout système de préceptes propres à former quelques facultés de l’âme] ; aux nerfs, qu’ils prirent pour les forces, lorsque, usant encore du langage muet, ils parlaient avec des signes matériels [ce n’est pas sans raison qu’ils prirent nerfs dans ce sens, puisque les nerfs tendent les muscles, dont la tension fait la force de l’homme] ; enfin à la moelle, c’est dans la moelle qu’ils placèrent non moins sagement l’essence de la vie [l’amant appelait sa maîtresse medulla, et medullitùs voulait dire de tout cœur ; lorsque l’on veut désigner l’excès de l’amour, on dit qu’il brûle la moelle des os, urit medullas]. […] Ils considérèrent animus comme mâle, anima comme femelle, parce que animus agit sur anima ; le premier est l’ igneus vigor dont parle Virgile ; de sorte qu’animus aurait son sujet dans les nerfs, anima dans le sang et dans les veines. […] ce sentiment est propre à celui qui parle, le pluriel est pour le singulier ; cependant ce pluriel semble en faire un sentiment commun à plusieurs.
Lucas-Montigny s’appuie en un endroit, sans en rien citer, d’un cahier de Dialogues dont Mirabeau parle souvent dans ses lettres du donjon de Vincennes. […] Je foule aux pieds ses jugements ignorants et précipités par des passions d’emprunt…. ; et tant que santé et volonté me dureront, je serai Rhadamanthe, puisque Dieu m’y a condamné. » Ainsi parlait de lui-même, en style de Saint-Simon, ce représentant du xvie et du xviie siècle dans le xviiie , cette nature d’homme à la Montluc et à la d’Aubigné, vénérable jusque dans sa cruauté patricienne, cette volonté de fer dans un corps de fer. […] Pour les détails de sa vie et de ses aventures guerrières, il fallut à son fils beaucoup de soin et d’attention à se les procurer : car ce n’était pas un homme qu’on questionnât, fier, imposant à tous, de près de six pieds, la tête haute et soutenue par un col d’argent qui remplaçait des muscles hachés, « un de ces hommes qui ont le ressort et, pour ainsi dire, l’appétit de l’impossible, et à qui la nature a déféré le commandement. » Dans sa vieillesse, même quand il racontait ses guerres, il ne parlait jamais de lui que pour désigner à l’occasion le jour et le combat où, disait-il, il avait été tué. […] ) — On trouvera dans le même tome IV d’autres articles sur la Correspondance de Mirabeau et du comte de La Marck, publication capitale, avant laquelle Mirabeau politique n’était qu’imparfaitement connu : on en parlait un peu à l’aveugle et sans savoir le dessous des cartes. […] Aussi nous ne lui en ferons pas un sujet de reproche, tant qu’il se contente d’augmenter et de rajeunir les immortalités révérées ; nous lui passerons même quelques impétueux éloges qui veulent trop prouver sur le côté faible des modèles, comme lorsqu’il dit de Voltaire : « Voltaire pouvait parler de Dieu, car il l’aimait ardemment.
On peut découvrir demain toute l’Égypte et toute l’Inde, lire au cœur des religions antiques, en tenter de nouvelles, l’ode d’Horace à Lycoris n’en sera, ni plus ni moins, une de ces perles dont nous parlons. […] Philosophe à la mode et personnage célèbre, il eut toujours son bon père le forgeron, comme il disait, son frère l’abbé, sa sœur la ménagère, sa chère petite fille Angélique ; il parlait d’eux tous délicieusement ; il ne fut satisfait que lorsqu’il eut envoyé à Langres son ami Grimm embrasser son vieux père. […] On parla de l’amour paternel. […] Assez semblable au fleuve dont parle Werther, le courant principal, si profond, si abondant en lui-même, disparut presque au milieu de toutes les saignées et de tous les canaux par lesquels on le détourna. […] Sa vie se passa de la sorte, à penser d’abord, à penser surtout et toujours, puis à parler de ses pensées, à les écrire à ses amis, à ses maîtresses ; à les jeter dans des articles de journal, dans des articles d’encyclopédie, dans des romans imparfaits, dans des notes, dans des mémoires sur des points spéciaux ; lui, le génie le plus synthétique de son siècle, il ne laissa pas de monument.
Timocrate est le parlait amant, qui ne connaît pas de loi, de devoir, de gloire, hors l’amour. […] Athalie fut représentée dans une chambre, sans costumes (1691) : nul n’en parla. […] Une admirable poésie, dont on parlera plus tard, s’y fond, et s’y résout en langage pratique. […] Je ne parle pas d’Esther et d’Athalie : Dieu peut tout, et c’est lui qui mène les deux actions. […] Ses modèles et ses auteurs parlaient à son imagination.
Budé, dans une lettre au sujet de cette brouillerie, lui reproche de s’être défié de son compagnon d’études ; il déplore ce manque de charité des moines entre eux ; il parle de conventions qui n’auraient pas été tenues. […] N’en pouvant obtenir d’audience, est-il vrai qu’il aurait imaginé, pour attirer son attention, de se promener sous ses fenêtres dans un costume grotesque ; qu’alors le chancelier lui ayant dépêché un page pour savoir qui il était, Rabelais lui aurait répondu en latin ; qu’à un autre page il aurait parlé en grec ; à un autre, en espagnol ; à d’autres successivement, en allemand, en anglais, en italien, en hébreu ; et que la rencontre si plaisante de Pantagruel et de Panurge44 ne soit que le récit, sous d’autres noms, de cette anecdote de sa vie ? […] Ce fut plutôt manque de penchant que de savoir ; car, sans parler des études de théologie qu’il dut faire au couvent de Fontenay-le-Comte pour y recevoir ta prêtrise, il n’est pas douteux que Rabelais ne sût l’hébreu, et qu’il n’eût lu les livres sacrés dans l’original. […] Les vérités générales sont enfin émancipées, et, si je puis ainsi parler, sécularisées. […] Le premier langage qu’elles parlent est magnifique ; on sent bien, à la beauté des formes, à la généralité des expressions, que notre langue est devenue celle de l’esprit humain.
Il ne me reste pas assez de place, et moins encore de loisir, pour parler dignement d’une œuvre française, récemment exécutée aux concerts de M. […] Il ne faut pas négliger ici de parler des œuvres de quelques jeunes musiciens qui ont avec celles de Wagner un faux air de ressemblance, mais qui ont aussi contribué à convertir le public. […] » donne cette appréciation : « Quelle déplorable manie de parler ! […] Tous les wagnériens français, pour ne parler que de ceux-là, en sont demeurés au même point, et, comme M. […] A qui pourra-t-on faire croire que, lorsque Wagner s’occupe de la perception de l’œil ou de l’oreille, il ne s’intéresse et ne veut parler que de l’ouïe et de la vue allemandes ?
Seroit-ce en effet un paradoxe d'avancer que son Héros n'intéresse que parce qu'il est Henri IV, c'est-à-dire, un Roi dont le nom, chéri de toutes les Nations, adoré dans la sienne, parle à tout le monde en sa faveur ? […] Point de ces douces illusions qui vous mettent à la place du Personnage qui parle ou qui agit ; aucuns transports de cet enthousiasme, de cette ardente vigueur d'une ame enflammée qui maîtrise les autres ames ; aucune éruption imprévue de ce beau feu qui fait taire la critique, lors même qu'elle trouve à condamner dans ces écarts. […] S’il parle d’une bataille, c’est pour faire remarquer que les Combattans qui avoient pour eux la justice, ont eu les revers en partage. […] Nous ne parlerons pas du Tableau du Genre humain, de l’Histoire du Parlement, de la Philosophie de l'Histoire, ni de tant d’autres Ouvrages, prétendus historiques, qui ne sont capables de piquer la curiosité que par la hardiesse & la licence, qui y attaquent les objets les plus respectables. […] Nous ne parlerons pas de la Princesse de Babylone, Roman plus satirique que moral, plus ordurier qu’ingénieux : le désœuvrement & le libertinage peuvent seuls procurer des Lecteurs à cette Production indécente & médiocre.
On a parlé de mystification, on a prononcé le mot de délire ; ne croyez ni à l’un ni à l’autre, il n’y a qu’un système mal compris et audacieusement défiguré. […] Bien que les faits soient rapidement présentés et les personnages dépeints en quelques traits, tout est vivant, car tout parle à l’esprit. […] Parlons sérieusement : aux prises avec l’impossible, l’auteur de Salammbô s’est senti arrêté à chaque pas, et, violant les conditions du vrai savoir, il a passé outre avec une intrépidité de matamore. […] Gesenius, l’illustre orientaliste, me parle d’une déesse à laquelle sont dédiées plusieurs des inscriptions votives de Carthage ; elle s’appelait, dit-il, Tholath, et paraît correspondre à la Junon des Hellènes. […] » Ainsi parlerait Goethe à M.
Quand la parole intérieure est calme, nous ne croyons pas parler ; quand elle est vive, nous croyons jusqu’à un certain point parler, nous croyons, ou bien nous livrer à un monologue, ou bien raconter nos pensées à un compagnon absent. […] La bouche garde le silence Pour écouter parler le cœur34 ; sa parole intérieure reste calme ; elle ne peut s’élever jusqu’à l’inspiration ; si, dans cet état, il se souvient de la Muse et de leurs amours d’autrefois, son esprit lui représente en vain tous les motifs poétiques qui devraient éveiller son génie ; aucun n’a le pouvoir de l’arracher à lui-même ; il ne ressent ni colère durable ni enthousiasme profond ; la Muse est pourtant descendue du ciel ; elle lui a parlé ; mais il a eu peine à la reconnaître ; ni son appel ni son baiser n’ont pu réchauffer un cœur glacé ; il refuse de s’envoler avec elle dans les « mondes inconnus » qu’en des temps plus heureux ils ont tant de fois parcourus ensemble. […] Aussi, dans la suite de cette monographie, parlerons-nous surtout de la parole intérieure proprement dite ou calme, considérant la parole imaginaire comme une forme imparfaite et d’importance secondaire du même phénomène, et l’intérêt spécial qu’elle présente comme à peu près épuisé désormais. […] Durant le sommeil, ces sortes d’habitudes se réalisent encore, comme l’habitude générale de parler intérieurement ; le sommeil suspend la réalisation des habitudes en raison inverse de leur généralité. […] /La bouche garde le silence/ Pour écouter parler le cœur. » 35.
On n’en a parlé qu’assez bas. […] Là sera le succès de Nos Fils, de ce livre sans consistance et sans valeur pour les têtes solides, qui peut-être ne l’achèveront pas… Petite berquinade, livre de parti mis sous le couvert de la famille, où il n’est parlé que de seins, de lait, de tendresses, de girons ! […] Sans le nom de Michelet, je n’en parlerais pas ! […] En sommes-nous devenus — toujours pour parler comme Michelet — plus « fraternels » ? […] Risum teneatis… Guenille de Christianisme quand il parle de la nécessité d’un « médiateur » entre les hommes, — mot et idée de la langue chrétienne, plus forte que la bouche qui la parle sans la comprendre, — mais, presque au même instant, guenille de paganisme aussi quand il ajoute que le « médiateur » des temps modernes c’est le jeune homme, et uniquement parce qu’il est un jeune homme, et non pour une raison plus haute que son éphémère juvénilité !
Le principe de l’examen, si cher à l’orgueil, parlait éloquemment aux intelligences enivrées et les entraînait. […] Nous voulons parler de l’affaire Hampden, en 1836, quand les anglo-catholiques revendiquèrent les droits de l’Église contre l’État. […] On se rappelle la suspension du Dr Pusey, dont nous avons parlé et qui souleva jusque dans la Chambre des Communes une indignation bientôt étouffée sous les cris d’une majorité fanatique. […] L’auteur du Mouvement religieux en Angleterre dit qu’on alla jusqu’à parler de refuser les taxes de l’Église. […] Cet ouvrage, qui ne mène le mouvement d’opinion dont nous parlons qu’en 1846, aurait besoin d’être continué.
Parlons donc raison et raison seule ; voyons clair, s’il se peut. […] Quelque sujet dont il parle, il n’a jamais qu’un but, qu’une pensée. […] Zola, qui se plaît à parler de Balzac, de M. […] Quelques initiés prétendent que les deux auteurs dont je viens de parler ne possèdent pas, absolument pures de tout alliage, les vraies traditions du vrai naturalisme. […] J’accorde que les romanciers nous ont plus d’une fois fatigué avec leurs marquises et leurs comtesses ; il en est que la qualité entête tout simples bourgeois qu’ils soient nés, et qui, comme tel personnage de Molière « ne parlent jamais que duc, prince ou princesse ».
L’action réciproque de contiguïté et d’affinité, dont je parlais plus haut, est parfaitement évidente. — La réalisation de ce double principe amène la réaction, et la deuxième ère. […] Je ne parle donc pas de l’inertie en tant qu’elle est un attribut général de la matière et de l’humanité ; je parle des retards qui sont dus au traditionalisme, à l’égoïsme, disons le mot, au pharisaïsme de quelques-uns, qui s’obstinent dans un dogme suranné, alors que l’humanité pensante a déjà atteint une région plus haute. […] Je parle par expérience personnelle. […] En participant ainsi, d’une façon quelconque, à l’action du principe, l’individu agit lui-même sur l’évolution ; grâce à un élément psychologique qui lui est particulier, et dont je parlerai bientôt, l’homme devient une cause après avoir été un effet. […] Je parle du fonds même, et non des procédés ; les procédés se répètent, car ils sont logiques.
J’ai parlé des ascendants littéraires de Raoul Ponchon. […] Une sérénité divine, pour ainsi parler, règne dans ses Chroniques rimées et solides de nombre et de son, d’un si savoureux beau français qui donne comme l’impression du faire robuste et râblé de maître Nicolas Boileau-Despréaux.
Sans remonter bien haut, dans le Jacques Cœur 4 de Pierre Clément, dont nous parlions récemment, nous nous rappelons un excellent chapitre sur la littérature du xve siècle qui prouve, avec une grande autorité, combien déjà au xve siècle le génie littéraire de la France avait de vie intime et de force, et avec quelle puissance il commençait, semblable au lion de Milton s’arrachant au chaos qui l’enveloppe encore, de se détirer des obscurités et des empâtements de sa native originalité. […] Ce qu’on nomme les influences italiennes, françaises, espagnoles, — et, tout circonscrit qu’il est à l’Italie, Rathery est bien obligé de parler aussi de celles-là, — n’est peut-être que les transpirations d’un même génie, — le génie latin, — exposé à différentes latitudes.
Acceptons d’un cœur léger la nécessité de ne parler ici que du second. […] On parlait de ce conscrit pour la chaire du major Pictet. […] Le chanoine calviniste n’a qu’une vocation bénévole, et souvent sa clairvoyance parle. […] Elle peint, parle l’allemand et l’anglais, est intelligente et jolie. […] Amiel parle quelque part du « sentier étroit de Gide ».
Ce jeune homme de dix-huit ans, élancé de taille, et dont la tête penchait volontiers comme légèrement lassée, blond, rougissant, se montrait d’une timidité extrême ; après une visite où il avait écouté longtemps, parlé peu, il vous écrivait des lettres pleines de naturel et d’abandon : plume en main, il triomphait de sa rougeur. […] Si nous nous trouvons un jour réunis tous à Paris, j’espère te le faire connaître. »— Une telle tristesse était certainement disproportionnée aux causes appréciables ; la science elle-même n’aurait pu trouver de quoi justifier ces pressentiments ; c’était la lassitude de la vie qui parlait en lui. […] Gabriel Naudé est bien le patron, en effet, de ceux qui avant tout lisent et dévorent, qui parlent de tout ce qu’ils ont lu, et chez qui l’idée ne se présente que de biais en quelque sorte, ne se faufile qu’à la faveur et sous le couvert des citations. […] On sentait que ce débutant d’hier s’était abouché de longue main avec ces hommes d’autrefois dont il parlait : il avait reçu d’eux le souffle, il avait la tradition. […] Je prie qu’on veuille bien ne pas se méprendre sur ma pensée et n’y rien lire de plus que je ne dis : ce ne sont pas le moins du monde les estimables recherches en elles-mêmes que je viens blâmer ; personne au contraire ne les prise plus que moi quand l’esprit s’y contient à son objet ; je parle simplement des conclusions exagérées qu’on y rattache.
Cependant l’expression de romantique, surtout à mesure que s’est prononcé le triomphe des idées et des œuvres modernes, et que ce qui avait paru romantique la veille (c’est-à-dire un peu extraordinaire) ne le paraissait déjà plus, s’est particulièrement concentrée sur une notable portion de la légion poétique la plus riche en couleur, la plus pittoresque, la plus militante aussi, et qui, après avoir conquis bien des points qu’on ne lui dispute plus, a continué d’en réclamer d’autres qui ont été contestés ; je veux parler de l’importante division de l’école romantique qui se rattachait à l’étendard de Victor Hugo. […] Et comment oublier, à ce propos, celui qui, dans le groupe dont il s’agit, s’est détaché à son tour en maître et qui est aujourd’hui ce que j’appelle un chef de branche, Théophile Gautier, arrivé à la perfection de son faire, excellant à montrer tout ce dont il parle, tant sa plume est fidèle et ressemble à un pinceau ? […] J’ai parlé d’art grec : est-il rien qui le rappelle et le représente plus heureusement que ce conseil donné à un sculpteur de se choisir des sujets calmes et gracieusement sévères, comme des hors-d’œuvre à son ciseau, dans les intervalles de la verve et de l’ivresse : Sculpteur, cherche avec soin, en attendant l’extase, Un marbre sans défaut pour en faire un beau vase : Cherche longtemps sa forme, et n’y retrace pas D’amours mystérieux ni de divins combats. […] Pour la première fois, D’ouïr sa voix ; Où rêveuse, l’amie Doucement obéie, S’appuyant à mon bras, Parlait tout bas ; Pensive et recueillie, Et d’une fleur cueillie Brisant le cœur discret, D’un doigt distrait, À l’heure où, sous leurs voiles, Les tremblantes étoiles Brodent le ciel changeant De fleurs d’argent.
Et qui donc parlerait des lettres de la mère Agnès, si je n’en parlais pas ? […] Si elle avait vécu dans le monde, on aurait parlé d’elle comme d’une précieuse du bon temps et de la meilleure qualité. […] Elle en parlait à son aise, ayant pour maxime « que plus on ôte aux sens, plus on donne à l’esprit ».
Ce jeune homme à l’œil ardent, à la parole inspirée, au geste quasi prophétique, qui parlait de la spiritualité de l’âme avec enthousiasme et qui semblait recéler prématurément en lui un germe mortel, frappait les imaginations et reportait la pensée aux leçons de l’école de Platon dans l’Antiquité. […] Victor Cousin, avait parlé des appréciations que M. […] Il l’avait été dans l’intimité par ce Maine de Biran dont vous parlez. […] Jeune, jolie, irréprochable, la comtesse de Boigne, rentrée en France, tenait avec distinction le salon de son père, et les étrangers qui visitaient Paris vers 1809 parlaient déjà d’elle comme d’une des personnes les plus sérieuses jusque dans son amabilité.
Les beautés des tragiques et des lyriques, les grandeurs d’Homère se dérobaient par mille côtés, et par leurs côtés peut-être les plus sacrés : on en parlait à la légère, presque sur ouï-dire, un peu sur la foi de l’écho, et, même en les célébrant, on courait risque d’en méconnaître et d’en altérer le caractère. […] On parlait à merveille du génie des écrivains et du caractère des œuvres, dont on eût pratiqué difficilement les textes. […] On a beaucoup parlé d’art dans ces derniers temps, et il faut convenir, en effet, que jamais peut-être l’art n’a été mieux compris, mieux étudié dans ses variétés brillantes, dans ses branches parallèles et ses transformations successives à travers l’histoire ; et pourtant l’époque elle-même, malgré l’éclat de ses débuts, ne paraît pas destinée à prendre rang dans ces grands moments et siècles, comme on les appelle, qui comptent entre tous, qu’on vénère de loin, et qui se résument d’un nom. […] On a beaucoup et très-éloquemment parlé à ce propos de poésie populaire, de génie instinctif, d’épopée toute spontanée, et l’on a cru par là, retrouvant la grandeur, suppléer à l’unité.
Lorsque le gouverneur de la tour où est enfermé le jeune Arthur, fait apporter un fer chaud pour lui brûler les yeux, sans parler de l’atrocité d’une telle scène, il doit se passer là sur le théâtre une action dont l’imitation est impossible, et dont le spectateur observera tellement l’exécution, qu’il en oubliera l’effet moral. […] La douleur parle seule en eux ; l’idée dominante a fait disparaître toutes les idées communes de la vie ; tous les organes sont dérangés, hors ceux de la souffrance ; et ce touchant délire de l’être malheureux semble l’affranchir de la réserve timide, qui défend de s’offrir sans contrainte à la pitié. […] C’est une question que je me propose de discuter, lorsque après avoir parlé des tragédies de Racine et de Voltaire, j’examinerai, dans la seconde Partie de cet ouvrage, l’influence que doit avoir la révolution sur la littérature française. […] D’ailleurs le docteur Blair n’aurait pu juger en Angleterre Shakespeare avec l’impartialité d’un étranger ; il n’aurait pu comparer la plaisanterie anglaise avec la plaisanterie française : ses études ne le conduisaient pas à ce genre d’observations ; il aurait pu encore moins, par des raisons de convenance relatives à son état, parler des romans avec éloge, et des philosophes anglais avec indépendance.
Un livre sur les principes du goût, sur la peinture, sur la musique, peut être un livre philosophique, s’il parle à l’homme tout entier, s’il réveille en lui les sentiments et les pensées qui agrandissent toutes les questions. […] Les hommes à imagination, en se transportant dans le rôle d’un autre, ont pu découvrir ce qu’un autre aurait dit ; mais quand on parle en son propre nom, ce sont ses propres sentiments que l’on montre, même alors que l’on fait des efforts pour les cacher. […] Jamais, dans nos crises révolutionnaires, jamais aucun homme n’aurait parlé cette langue dont j’ai cité quelques mots remarquables ; mais dans tout ce qui nous est parvenu des rapports qui ont existé par écrit entre les magistrats d’Amérique et les citoyens, l’on retrouve ce style vrai, noble et pur dont la conscience de l’honnête homme est le génie inspirateur. […] Tels sont les principaux secours que l’autorité politique peut retirer de l’art de parler aux hommes ; tels sont les avantages qu’assure à l’ordre, à la morale, à l’esprit public, le style mesuré, solennel et quelquefois touchant des hommes qui sont appelés à gouverner l’état.
Sitôt qu’on les endossait, on devenait roide ; l’étiquette vous prenait ; vous vous retranchiez tous les mouvements prompts et abandonnés ; vous deveniez digne ; vous ne parliez plus la langue ordinaire ; vous vous réduisiez à un certain nombre de mots et de tours approuvés ; les autres étaient écartés comme familiers et roturiers ; vous deveniez un personnage de représentation ou d’antichambre, à la longue un mannequin. […] A son avis, la nature va au plaisir, ainsi que l’eau à la rivière ; elle y va (ce n’est pas moi qui parle), quelles que soient les digues, religion ou mariage. […] Il loue Epicure, il parle de la mort en païen, il voudrait, comme Lucrèce, « qu’on sortît de la vie ainsi que d’un banquet, remerciant son hôte. » Il ne semble pas songer qu’il y ait quelque chose au-delà de la vie et du plaisir. […] C’est un Gaulois qui parle à des Gaulois.
Ayant démontré copieusement la conformité du langage français avec son cher grec, il n’eut pas de peine à se convaincre de la précellence de notre idiome sur le parler d’Italie, qui n’est que du latin : et comme il prouvait par exemples abondants la gravité, sonorité, richesse et souplesse du français, il était naturel qu’il tâchât d’en préserver la pureté des inutiles et plutôt dangereux apports de l’italianisme. […] Etienne Pasquier208, que nous retrouverons quand nous parlerons de l’éloquence judiciaire, prolongera sa vie jusqu’au début du xviie siècle littéraire : mais il est bien de la génération et de la période qui nous occupent. […] Palissy surtout mériterait d’être lu plutôt que bien des auteurs de Mémoires politiques et militaires : quand il nous parle de son jardin, ou des engrais, et des terres, et des sels, et des eaux, est-il moins près de nous que celui qui nous raconte les démêlés du roi de France et de l’empereur, ou bien les amours et les intrigues d’une cour ? D’autant que la science de Palissy n’est point abstraite : ce curieux obstiné, qui vécut tant d’années pour son idée, ce sévère huguenot, qui n’échappa à la Saint-Barthélemy que pour mourir à la Bastille, s’est mis tout entier dans tous ses ouvrages ; il ne peut parler agriculture et chimie sans répandre au dehors toute son originale et forte nature, sa large intelligence, sa liante moralité, son ample expérience de l’homme et de la vie.
Ceux des littérateurs qui parlent des Grecs et des Romains en parlent avec une connaissance bien superficielle, ou même avec une inintelligence grossière : lisez les jugements de Voltaire et de La Harpe. […] Il s’enfermait volontairement dans la technique et le détail, et méprisait les philosophes qui parlent de tout sans rien savoir : les philosophes le lui rendaient bien, et sa réputation en a souffert. […] Les voyages615 se multipliaient en Italie, en Grèce, dans le Levant ; et les relations des voyageurs rendaient un intérêt aux œuvres de la poésie antique, en faisant connaître tous ces pays où étaient nés les chefs-d’œuvre qui en étaient le cadre ou la matière, en décrivant les ruines de ces monuments dont l’antiquité avait parlé, ou dans lesquels elle s’était survécu.
Dans ce rôle encore, il fut admirable de souplesse, de netteté d’esprit, d’éloquence dans toutes les occasions qu’il eut de parler ou d’écrire. […] Quel malheur qu’avec cette éloquence puissante, cette pensée forte et généreuse, Gambetta parle une mauvaise langue, trouble, incorrecte, abondante en jargon ! […] J’ai parlé précédemment, pour n’y pas revenir, de l’éloquence religieuse : l’orientation nouvelle de l’Église, dans notre société, n’a pas encore eu le temps de donner des résultats littéraires, que peut-être elle donnera bientôt. […] Je veux parler de la conférence.
Charles Asselineau Le livre dont je vais parler (les Odelettes) n’a pas soixante pages ; c’est un recueil de douze à quinze pièces de poésie, dont la plus longue n’excède pas quatre-vingt vers. […] De naissance, il eut le don de cette admirable langue que le monde entend et ne parle pas ; et de la poésie il possède la note la plus rare, la plus ailée, le lyrisme. […] Par quel prodige, au milieu de ce siècle de critique et tout en subissant comme un autre les misères de ce siècle, dans ce pays de censure et d’académie, un homme de ce temps et de ce lieu a-t-il pu se ressouvenir de la vraie, pure, originelle et joyeuse nature humaine se dresser contre le flot de la routine implacable et non pas écrire ou parler, mais « chanter » comme un de ces bardes qui accompagnèrent au siège de Troie l’armée grecque pour l’exciter avant le combat et ensuite la reposer, — toutefois, en chantant, ne point sembler (pour ne blesser personne) faire autre chose qu’écrire ou parler comme tout le monde, et, avec une langue composée de vocables caducs, usés comme de vieilles médailles, sous des doigts immobiles depuis deux siècles, donner l’illusion bienfaisante d’un intarissable fleuve de pierreries nouvelles ?
Le détail de chacun de ces voyages est peu connu ; car les synoptiques n’en parlent pas 584, et les notes du quatrième évangile sont ici très confuses 585. […] Les Galiléens parlaient un patois assez corrompu ; leur prononciation était vicieuse ; ils confondaient les diverses aspirations, ce qui amenait des quiproquo dont on riait beaucoup 589. […] Il prêcha ; on parla de lui ; on s’entretint de certains actes que l’on considérait comme miraculeux. […] Deux pèlerinages sont clairement indiqués (Jean, II, 13, et V, 1), sans parler du dernier voyage (VII, 10), après lequel Jésus ne retourna plus en Galilée.
Nous ne sçaurions discerner son mérite par la voïe du sentiment, qui est ce sixiéme sens dont nous avons parlé. […] En second lieu la poësie du stile dont nous avons encore parlé fort au long dans cette premiere partie, et qui décide presque entierement du succès d’un poëme, est si défigurée dans la meilleure traduction, qu’elle n’y est presque plus reconnoissable. […] Si le traducteur change les figures, ce n’est plus l’auteur original, c’est le traducteur qui nous parle. […] S’il est permis de parler ainsi, le mérite des choses est presque toujours identifié avec le mérite de l’expression dans la poësie.
Il n’était pas permis de s’en taire ; il fallait en parler. […] De la même plume dont il traçait les Lettres dont nous parlerons tout à l’heure, et dont les mots poignants ont été autant de pièges pour ceux qui devraient connaître le piège des mots, il se posait devant le public, comme il se posait devant Charlotte et Kestner, dans sa correspondance. […] Pour mon compte, je ne sais pas si ce buste d’Athénée fera un dieu sortable, mais ce dont je suis sûr, c’est que l’évolution par laquelle il s’élançait si agilement à sa divinité prétendue est l’évolution des âmes vulgaires… Les grandes âmes blessées traînent plus longtemps dans la vie cette chaîne brisée dont parle Bossuet. […] », mais ce que je sais bien, c’est qu’il n’a jamais mis dans ses femmes (qu’il le crût ou non) tout l’esprit, pour parler comme Bélise, qu’y a mis Paul de Saint-Victor.
Il attrape aisément leurs façons de parler, énergiques et communes. […] Mais qui parle de caractère ? […] On peut donc parler de lui et de son œuvre en toute impartialité. […] Il en parle comme pourrait faire un maître d’école de campagne. […] Zola n’entend pas ce dont il parle.
on ne parle pas de ces choses-là devant les dames ! […] Moi qui vous parle, j’y ai plusieurs fois joué la comédie. […] oui, parlons-en ! […] Le silence est complet, un silence énorme, pour parler comme Flaubert. […] Pas une fois il ne nous parla des dogmes.
Il ne le leur laissera pas ignorer, mais il leur montrera son venin. » Ainsi parle M. […] Touriri II, Touriri fils de Touriri, lit des livres qui n’en parlent pas toujours, qui, à son avis, n’en parlent pas assez, et il les conduit doucement à en parler, il s’appuie sur leurs fictions pour les solliciter et les achever dans le sens qui par-dessus tout l’occupe. […] comme les Stendhaliens parlent de leurs personnages familiers, la place centrale ? […] Il serait inexact de parler, à cette occasion, d’actualité. […] Ne parlons pas de l’éloquence ni des grands genres spéculatifs ou critiques.
Renan considère le roman comme un genre inférieur et peu digne, pour parler sa langue, des « personnes sérieuses », lorsque la science, la critique et l’histoire sont là qui offrent un meilleur emploi de nos facultés. […] Il leur est arrivé, dans Madame Gervaisais, de parler de l’histoire de la philosophie de manière à faire sourire ceux qui la savent, ou simplement ceux qui sont « au courant ». […] Les romans d’à présent (je parle toujours des romans littéraires) n’ont rien de bien consolant. […] Pour ne parler que de l’atelier de Coriolis, il est certain que la description n’en était pas absolument nécessaire à l’intelligence de son histoire ; mais, puisqu’il est encore permis de décrire le crépuscule à la campagne, il vaut peut-être la peine, pour changer, de le décrire dans un atelier. […] Stylistes, ils ne le sont point du tout à la façon des autres ; ils dédaignent dans le style tout ce qui ne sert pas à faire voir ou à faire sentir Mais, quand on parle de leur style, il faut distinguer entre leurs livres.
Le caractère commun des écrits, dans ces commencements de notre langue, c’est l’imitation non du latin littéraire, mais du latin parlé. […] C’est cette sincérité d’un narrateur qui ne parle que de ce qu’il a vu, ou qui nomme et compte ses témoignages quand il raconte sur ouï-dire. […] Le vendredi seulement, Joinville parla de son départ. […] Son récit l’amène-t-il à parler des Bédouins ? […] On y reconnaît l’imitation, non du latin parlé, comme dans Villehardouin et Joinville, mais du latin des clercs, du latin écrit.
C’était, je m’en souviens, comme une consonance encore lointaine et confuse, mais comme une consonance enfin, entre mon âme et ces âmes qui me parlaient ainsi à travers les siècles. […] Trois de ces roches sont creusées en niches, ou plutôt en chaires de cathédrales, comme si la main des hommes s’était complu à préparer dans ce lieu désert trois sièges ou trois tribunes à des solitaires pour parler de Dieu aux éléments. […] J’y descendais presque tous les soirs, tantôt à pied, tantôt à cheval, pour passer une ou deux heures avec le jeune vicaire lettré dont j’ai parlé plus haut en racontant l’entretien des trois voisins. […] Elle finit aussi avec elle : dès qu’un peuple ne sait plus ni chanter, ni écrire, ni parler, il n’existe plus. XXXIII La tribune politique, où je montai à mon tour pendant quinze ans de ma vie, redoubla pour moi le sentiment des lettres ; j’étudiai nuit et jour, sans relâche, pendant ces quinze années, les modèles morts ou vivants de la parole, pour me rendre moins indigne de parler après eux ou à côté d’eux.
Mais autre chose est de bien parler et de savoir agir. […] Il parlait et écrivait en arabe. […] Ils ont été moins écrits que parlés. […] Dieu ne lui parlait pas seulement par la voix des vents et des flots ; il lui parlait par la voix des anges et des morts, hommes ou bêtes ; et Dieu parlait comme lui. […] Personne ne parla plus de la fermer.
— Après cela il faut parler de la semaine de Pâques. […] Il appropriait ses discours aux différentes classes ; aux femmes du monde, il parlait en homme qui le sait et qui en a été.
Mademoiselle Rachel a été un grand fait ; son avénement a été un de ces temps dont je vous parlais dans ma dernière chronique ; en effet, las de tous ces efforts prétentieux, pesants, ou de ces licences immorales, on s’est rejeté au classique pur, interprété par cette jeune et charmante actrice. […] D'ailleurs ce n’est pas tout à fait une bonne pièce encore ni dans l’habitude suffisante du théâtre ; les personnages parlent longuement, en tirades, et sans couper le dialogue.
Il a parlé à Michelet avec autorité, en homme que la calomnie n’a pas épargné et qui ne s’en étonne plus ; il a parlé de Quinet convenablement, et le jugement qu’il a porté des jésuites est, je crois, celui que l’histoire enregistrera.
En réponse à ces excellentes exigences, nous n’avons rien à opposer sinon que M. du Clésieux, nous a-t-on dit encore, n’a pas employé ces six années de retraite, dont nous parlons, à de pures extases de cœur, à de simples élévations d’intelligence ; il a fait le bien, et a beaucoup amélioré les hommes autour de lui ; combien d’agitations bruyantes sont moins effectives ! […] Le volume que nous avons sous les yeux laisse certainement à désirer pour l’art, pour la composition et l’expression ; souvent, quand il parle du Jour des Morts, quand il nous peint sa paisible et assise existence sous le toit qui est à lui, quand, dans le silence de son vallon, il entend et nous raconte la voix de son cœur, en ces endroits, tout en étant lui-même, le poète nous rappelle un peu trop le maître harmonieux dont l’inspiration l’a éveillé.
Il n’y a guere aujourd’hui que nos Philosophes qui affectent, dans leurs Ecrits, d’employer le moi & le je, & de parler souvent d’eux mêmes. […] Si c’est un défaut de parler de soi, dit le P.
Si quelque chose pouvoit justifier M. l’Abbé Prévot, de s’être abaissé à des Ouvrages, qui, pour le plus grand nombre, captivent l’imagination pour l’égarer, parlent à l’esprit sans le rendre plus éclairé, agirent le cœur sans le corriger & le former ; ce seroient l’art singulier, l’imagination vive & féconde, le sentiment tendre & profond, la touche mâle & vigoureuse, qui dominent avec tant de richesse dans tout ce qu’il a écrit. […] Il est aisé de deviner que nous voulons parler de la fameuse Histoire du Chevalier des Grieux & de Manon Lescaut.
Comment venir parler à ce public si nombreux, si divers, pure littérature et pure critique ? […] Véron toutes mes objections : il prit la peine de les combattre ; il me parla en homme de goût qui sent la littérature, et en homme d’esprit qui connaît son public.
La gloire, dira-t-on, l’emporte à la fin, et Titus, de qui l’on voit bien que vous voulez parler, renvoïe Berenice chez elle. […] Cet auteur ne dit point que Titus se soit abandonné à la douleur excessive où il est toujours plongé dans la piece dont je parle.
Il proposa aux Peuhl de leur préparer un grigri qui leur assurerait la victoire malgré leur grande infériorité numérique : « Mais, ajouta-t-il, il vous faudra souscrire à la condition que je vais vous poser… » « — Parle ! […] Bien entendu, je ne parle que de celles qui seraient libres et à qui ils pourraient se marier sans enfreindre les prescriptions d’Allah. » Les Peuhl ont, à l’unanimité, déclaré qu’il en serait selon son désir.
La campagne fut toujours, si l’on peut dire, le dada de l’abbé Delille ; il en parlait, même aveugle, comme d’un charme présent. […] Je permets qu’au boudoir, sur les genoux des belles, Quand ses vers pomponnés enchantent les ruelles, Un élégant abbé rougisse un peu de nous, Et n’y parle jamais de navels et de choux. […] Ducis, vers le munie temps, écrivait à Thomas au retour d’une course dans les montagnes du Dauphiné, et plein encore de l’impression magnifique qu’il en avait rapportée : « Le poème des Jardins, dont vous me parlez avec tant de goût, avec le goût de l’âme qui est le bon, ne m’a point donné de ces émotions-là. » Un peu avant la publication et au sortir d’une séance de l’Académie où Delille avait lu des morceaux, le même Ducis écrivait : « Parlons un peu du poème des Jardins ; on ne peut pas se tromper sur le charme de la lecture. […] Quoi qu’il en soit, lorsqu’on essayait de sonder ses vrais motifs et qu’on lui parlait de revenir à Paris, il demandait toujours si l’abbé de Cournand y était encore. […] Barbier parle, dans son Examen critique des Dictionnaires historiques, d’un ouvrage inédit de Charles Remard, libraire d’abord, puis bibliothécaire à Fontainebleau : « M.
Le joueur d’échecs dont j’ai parlé m’écrit encore : « Je ne songe jamais à établir une différence entre l’échiquier qui est dans mon esprit et l’autre. […] « Si l’on s’approche d’un malade en proie à des hallucinations de l’ouïe et qu’on lui parle de manière à fixer son attention, on peut se convaincre que ses prétendus interlocuteurs invisibles se taisent pendant le temps que dure la conversation… » Un malade, observé par M. […] Au bout de quatre semaines, leur nombre augmenta ; elles commencèrent à parler entre elles, à lui adresser la parole, et le plus souvent de petits discours agréables. […] Nous ne parlons point des nerfs, de la moelle ou du cerveau. […] Sandras parle d’hallucinations qu’il a eues lui-même dans une maladie, pendant laquelle il prenait ses propres pensées et ses désirs pour des voix.
Les questions de gouvernement sont donc, par leur importance, celles sur lesquelles les hommes ont le plus parlé, discuté, écrit ; ce que les hommes de tous les siècles ont écrit sur les gouvernements et sur la société est ce que nous appelons la littérature politique. […] Les travaux classiques et sincères des savants jésuites qui habitèrent pendant soixante ans (sous Louis XIV) le palais des empereurs de la Chine, qui compulsèrent toutes les bibliothèques de l’empire et qui traduisirent tous ces principaux monuments littéraires, parlent de ces livres sacrés de la Chine comme nous en parlons. […] Les savants de l’Europe ont beau élever la voix pour célébrer ces anciennes nations, ils ne peuvent presque en parler que d’imagination, puisqu’ils ne les connaissent que par des étrangers qui, les ayant connues trop tard, n’en ont parlé que par occasion, et ont laissé beaucoup d’obscurités dans les fragments disparates qu’ils ont recueillis de leur histoire. […] « Le père ayant cessé de parler, ses trois filles se regardèrent en silence pendant quelque temps. […] Ses révélations ne sont que des études, ses lois ne sont que des avis, la divinité qui parle en lui et par sa bouche n’est que la divinité de la raison.
Sans parler de la tendresse d’imagination d’une nation si jeune encore, la cause la plus générale de cette disposition au merveilleux fut le contact avec l’Orient et la lecture des traductions des ouvrages orientaux. […] Il lui dépêche Raison qui lui parle longuement de l’amour, de l’amitié, des caprices de la fortune, de l’avarice et de ses inconvénients. […] Il parle des attaques dont il fut l’objet, et s’il oublie celles de Christine de Pisan, il mentionne celles de Martin Franc, poète du xve siècle, lequel y vit un outrage aux dames, dont il se disait le champion. […] On se souvient de cet endroit où la Raison parle en termes si crus qu’elle se fait traiter par l’ami de ribaude. […] Charles d’Orléans écrit le français qui se parlait dans les cours, même dans le palais du roi anglais Henri V, où les courtisans affectaient de ne parler que français, par prétention de seigneurs et maîtres de la France.
Wilder : « Mais ne me parle plus des splendeurs du Walhall ! […] Rien de plus facile, du reste Mais des splendeurs de Walhall — ne me parle plus ! […] Aujourd’hui que tout le monde en parle, on ne le connaît plus. […] Nous ne croyons pas que l’art de faire parler la nature ait jamais été atteint de cette façon. […] C’est Hunding qui parle de sa cabane et qui dit : « Hunding se nomme l’hôte » (20).
Le vrai coup primitif, ce n’est pas celui dont parle Spencer et qui est tout mécanique, c’est la douleur, c’est le désir entravé, c’est la vie même de l’être se sentant d’une manière immédiate dans son opposition avec le milieu. […] Nous pouvons donc parler d’une « faim mécanique » comme cause de toutes les actions des organismes vivants. […] L’indépendance possible de la sensibilité par rapport au besoin et à la douleur, déjà manifeste pour les sens les plus élevés, est plus remarquable encore pour les plaisirs intellectuels, esthétiques et moraux dont parlent Platon et Aristote. […] L’entière satisfaction d’un besoin, même physique, ne consiste-t-elle qu’à remplir, sans rien de plus, un vide préexistant et à rétablir ainsi l’équilibre dont parle Platon dans le Philèbe ? […] La prolongation même de l’exercice des nerfs et de leur stimulation agréable tend à en diminuer l’effet, par cette loi d’usure dont nous avons déjà parlé.
Nous parlerons plus tard de l’un d’eux, M. […] Poincaré parla de la poésie scientifique, en savant et en poète. […] John-Charpentier, de qui nous avons parlé au cours de ces pages… Et ce sera l’occasion de les remercier avec émotion, avec tous ceux qui m’honorèrent aussi de leur amitié et de leur aide. […] Nous aurons à parler tout à l’heure des Ecoles « Symbolistes » Mais, l’un des plus notoires en elles, M. […] Mallarmé lui-même, gagné, sut en ses Divagations, quand il parle des diverses techniques poétiques, sciemment omettre la première en date et la plus active, qu’il avait saluée.
Et combien d’autres que je ne nomme pas, mais en qui j’ai senti la divinité de l’Italie parler à mon âme ! […] Les sensations n’y parlent pas en vous, elles y chantent ; elles y parcourent en une heure la gamme entière de toute une vie ! […] Ce n’est pas l’homme en moi qui parle de lui, c’est l’artiste. […] Laissez-moi donc vous parler encore de moi, et n’en accusez que mon art. […] J’étais transi ; je ne pouvais parler, à peine regarder.
De son temps, sans doute n’était-il pas encore de mode de parler d’acte gratuit, mais son exemple déjà nous vaut de savoir que, pour qui veut s’affirmer, rien ne saurait distraire sa pensée de la mort, des sentiments ou des gestes qui la donnent. […] Ainsi, par exemple, a-t-on parlé d’acte gratuit à propos de l’affaire Loeb et Léopold : l’assassinat d’un jeune garçon par deux étudiants d’excellente famille de Chicagov. […] Qui parle de bâtir ? […] À la vérité, la couardise de certains juges, seule, put les décider à parler ainsi d’une bouleversante liberté, de ses miracles. […] Il ne convient pas de parler de mageay.
Quand nous parlons d’objets matériels, nous faisons allusion à la possibilité de les voir et de les toucher ; nous les localisons dans l’espace. […] À vrai dire, chacun de nous établit une distinction entre ces deux espèces de multiplicité quand il parle de l’impénétrabilité de la matière. […] Cette dernière, nettement conçue par l’intelligence humaine, nous met à même d’opérer des distinctions tranchées, de compter, d’abstraire, et peut-être aussi de parler. […] Pourtant je donne encore le même nom à la sensation éprouvée, et je parle comme si, le parfum et la saveur étant demeurés identiques, mes goûts seuls avaient changé. […] La tendance en vertu de laquelle nous nous figurons nettement cette extériorité des choses et cette homogénéité de leur milieu est la même qui nous porte à vivre en commun et à parler.
A parler ainsi, on réussit trop, et ce sont des athées que l’on fait. […] Elle ne parlait des passions que par théorie. […] Mais comme vous en parlez bien ! […] — Pas plus que parler amour n’est une façon de le ressentir. […] Personne n’a parlé plus magnifiquement que lui des démocraties anciennes.
Dans ses lettres écrites à M. de Ségur, et datées d’Otchakov, de ce triste siège où, malgré les lenteurs et les intrigues, il y avait eu pourtant quelques brillantes canonnades et des combats, le prince de Ligne parlait du prince de Nassau, ce brillant paladin, sorte de chevalier errant par tous les pays, tour à tour et à volonté colonel d’infanterie, de cavalerie, ou vice-amiral. Il parlait également d’un volontaire français, d’un autre joli phénomène chevaleresque, le comte Roger de Damas, de qui il disait : François Ier, le Grand Condé et le maréchal de Saxe auraient voulu avoir un fils comme lui. […] Soyez tous plus royalistes que lui. » Le prince de Ligne en parlait à son aise, lui dont la patrie était en quelque sorte ad libitum, et qui se définissait Français en Autriche, Autrichien en France, l’un ou l’autre en Russie. […] Il lisait, il écrivait chaque matin à tout hasard ; il faisait imprimer ses Œuvres trop mêlées et trop noyées, toutes criblées des fautes de l’imprimeur, sans parler des siennes. […] « Tout cela est très joli, disait-il des incrédulités fanfaronnes, quand on n’entend pas la cloche des agonisants. » Personne n’a mieux parlé que lui du principe de l’irréligion chez Voltaire, « de ce désir d’être neuf, piquant et cité, de rire et de faire rire, d’être ce qu’on appelait alors un écrivain hardi », toutes choses qui, selon lui, avaient plus animé Voltaire qu’aucune conviction positive.
À quelqu’un qui lui parlait de ses Sermons prêchés à la Cour, Massillon répondait : « Quand on approche de cette avenue de Versailles, on sent un air amollissant. » Il ne paraît rien de cet amollissement dans aucun des premiers discours de Massillon (1699-1715). […] » Acceptant hardiment l’éloge et en tirant sujet de s’humilier : Dieu, dit-il, ne retire plus ses prophètes du milieu des villes, mais il leur ôte, si j’ose parler ainsi, la force et la vertu de leur ministère ; il frappe ces nuées saintes d’aridité et de sécheresse : il vous en suscite qui vous rendent la vérité belle, mais qui ne vous la rendent pas aimable ; qui vous plaisent, mais qui ne vous convertissent pas : il laisse affaiblir dans nos bouches les saintes terreurs de sa doctrine ; il ne tire plus des trésors de sa miséricorde de ces hommes extraordinaires suscités autrefois dans les siècles de nos pères, qui renouvelaient les villes et les royaumes, qui entraînaient les grands et le peuple, qui changeaient les palais des rois en des maisons de pénitence… Et faisant allusion à d’humbles missionnaires qui, durant ce même temps, produisaient plus de fruit dans les campagnes : « Nous discourons, disait-il, et ils convertissent. » J’ai cité, d’après la tradition, quelques-unes des conversions soudaines opérées par l’éloquence de Massillon : pourtant, sans nier les deux ou trois cas que l’on cite, je vois que Massillon croyait peu à ces sortes de conversions par coup de tonnerre, « à ces miracles soudains qui, dans un clin d’œil, changent la face des choses, qui plantent, qui arrachent, qui détruisent, qui édifient du premier coup… Abus, mon cher Auditeur, disait-il ; la conversion est d’ordinaire un miracle lent, tardif, le fruit des soins, des troubles, des frayeurs et des inquiétudes amères ». […] On reconnaît presque là ce vaudeville dont parle Boileau : Agréable indiscret qui, conduit par le chant, Passe de bouche en bouche et s’accroît en marchant1. […] On a beaucoup parlé de celle de Massillon, qui consentit à être l’un des deux évêques assistants pour le sacre du cardinal Dubois, nommé archevêque de Cambrai ; ce sacre eut lieu solennellement au Val-de-Grâce (juin 1720). […] Il nous permit de lui en parler, et de lui faire hommage des religieuses larmes qu’elle nous avait fait répandre.
Quant à la noblesse et aristocratie de France, il l’estime, et sans assez de raison peut-être, beaucoup plus heureuse que celle d’outre-mer, « tant parce que celle-ci, dit-il, paie taille comme le peuple, qu’aussi pour la rigueur de justice qui est si ordinairement exercée contre eux, qu’il y en a qui tiennent à beaucoup d’honneur, et prennent la grandeur de leurs maisons par le nombre de leurs prédécesseurs qui ont eu la tête tranchée, au lieu que cela est fort rare parmi nous. » Il parle ici en jeune homme et avant Richelieu. […] En ce temps-là, on était apprenti aux divisions ; en celui-ci, tout le monde y est maître. » Et ce n’est point par intérêt personnel qu’il parle, dit-il, car « j’avais assez et trop de connaissance de la jalousie qu’il (Henri IV) portait à ceux de ma condition et religion, et connais bien que nous ne fûmes jamais plus considérables qu’à présent. » Mais cet intérêt qu’il a comme religionnaire et comme l’un des grands du royaume, il le met sous ses pieds un moment et le subordonne (ce qu’il ne fera pas toujours) à sa qualité de Français : Je regrette, s’écrie-t-il, en la perte de notre invincible roi, celle de la France. […] Je plains la plus belle et glorieuse entreprise dont on ait jamais ouï parler… occasion que je ne verrai jamais, pour le moins sous un si grand capitaine, ni avec tant de désir d’y servir et d’y apprendre mon métier… N’est-ce pas à moi un assez grand sujet de plaindre la seule occasion qui m’était jamais arrivée de témoigner à mon roi (mais, ô Dieu, à quel roi !) […] Ceux qui parlent du duc de Rohan, tout net, comme d’un grand écrivain, ne l’ont pas relu récemment, et se l’imaginent de souvenir. […] » Car, de même, continue Plutarque, que la poésie d’Antimaque et les peintures de Denys, ces deux enfants de Colophon, avec tout le nerf et la vigueur qu’elles possèdent, donnent l’idée de quelque chose de forcé et de peiné, tandis qu’aux tableaux de Nicomaque et aux vers d’Homère, sans parler des autres mérites de puissance et de grâce, il y a, en outre, je ne sais quel air d’avoir été faits aisément et coulamment : c’est ainsi qu’auprès de la carrière militaire d’Épaminondas et celle d’Agésilas, qui furent pleines de labeur et de luttes ardues, celle de Timoléon, si on la met en regard, ayant, indépendamment du beau, bien du facile, paraît à ceux qui en jugent sainement l’œuvre non pas de la fortune, mais de la vertu heureuse.
J’ai eu l’occasion plus d’une fois, et dans Le Moniteur même51, d’en parler avec quelque étendue : aujourd’hui je voudrais en aborder quelques portions encore, et dans la correspondance de Frédéric avec les membres de sa famille, je choisirai particulièrement celle qu’il eut avec le plus célèbre et le plus distingué d’entre ses frères, avec le prince Henri. […] Je vous parle vrai. […] Les premières lettres de Frédéric à son frère Henri, et qui se rapportent à l’extrême jeunesse de celui-ci, nous le montrent assez dissipé, rappelé à l’ordre par le jeune roi, et tiède dès lors et très froid à son égard : Le peu d’amitié que vous me témoignez dans toutes les occasions, lui écrivait Frédéric (1746), ne m’excite pas à faire de nouveaux efforts de tendresse en faveur d’un frère qui a si peu de retour pour moi… Il faut, si vous m’aimez, que votre amitié soit métaphysique, car je n’ai jamais vu aimer les gens de la sorte, sans les regarder, sans leur parler, sans leur donner le moindre signe d’affection. […] C’est ce qui, malgré mes autres chagrins, ne laisse pas de me faire un sensible plaisir, et ce qui était fort à désirer pour l’avantage de l’État, surtout pour celui des pauvres orphelins qui me sont confiés. » Il lui parle toujours alors comme à un tuteur naturel indiqué pour la chose publique et pour les siens, dans le cas où il disparaîtrait lui-même. […] [NdA] Oui, Napoléon parle bien autrement à l’imagination, mais Frédéric aura toujours ce mérite incomparable et cet avantage d’être le plus homme, le moins demi-dieu des grands hommes et des héros.
Ses vrais devanciers et parents, les émules directs qu’il avait en vue, et dont il avait à la fois à se distinguer, il nous les indique lui-même : c’est Théophraste, c’est La Rochefoucauld et Pascal, pour ne point parler de la divine sagesse de Salomon. […] On ne cite aucun mot du grand roi sur La Bruyère et sa libre tentative ; mais, à certain moment, sans nul doute, quand les courtisans émus en parlèrent devant le maître à Versailles, le front majestueux de Jupiter indiqua, par un léger signe, qu’il avait permis et qu’il consentait.. […] Il parle comme si l’intendant enrichi avait acheté ni plus ni moins que Versailles. […] À propos de femmes, on parle encore d’une liaison qu’il eut avec Mlle de Saillans du Terrail, mariée plus tard à M. de Saurois, trésorier de l’extraordinaire des guerres, et avec laquelle on le croyait secrètement marié lui-même ; mais, à sa mort, il ne se trouva point de contrat de mariage. […] La Bruyère y parlait d’eux, et à eux en face, comme la postérité le devait faire : le portrait de Bossuet notamment était de toute grandeur.
Elle écrivait beaucoup, mais le plus souvent pour elle seule, sur de petits papiers et au crayon : « Écrire au crayon, disait-elle ingénieusement, c’est comme parler à voix basse. » Ses amis se sont donc mis à écouter tout ce qu’elle s’était dit à elle-même à voix basse ; ils ont déchiffré ses petits papiers et ont recueilli les Pensées qu’elle y avait tracées plus ou moins distinctement. […] « La nuit de notre exil, dit-elle, peut avoir des ombres, mais elle n’a point de ténèbres. » Elle excelle à ces nuances incroyables, à cet art d’opposer entre eux les mots les plus voisins parle sens, de manière à multiplier la pensée en la divisant, et à faire croire peut-être à plus de choses possibles qu’il n’y en a ; c’est ainsi qu’ailleurs elle dira, en jouant sur ces mots unisson, union, unité : « Il n’y a rien de si attractif pour les belles âmes qu’une belle âme ; et quand cette harmonie qui se devine existe, il faut peu de chose pour que, partant de l’unisson, on arrive à prétendre à l’unité. […] Le moment de la transformation, de la cristallisation en Dieu, si l’on peut ainsi parler, se fait très distinctement sentir. […] Qu’aurait-ce donc été si j’avais parlé avec toute la liberté qu’un critique biographe peut prendre, si j’avais raconté plus d’une particularité qui me venait et qui m’était attestée par des témoins aussi dignes de foi, mais d’un autre bord que M. de Falloux ? […] On parlait devant l’aimable compositeur Auber de l’ennui de vieillir : « Oui, dit-il, c’est fort ennuyeux, et pourtant c’est encore le seul moyen qu’on ait trouvé jusqu’ici de vivre longtemps. » 33.
Aujourd’hui je voudrais non pas du tout répondre à deux articles qui ont paru, il y a une quinzaine, dans les Débats, mais en parler et exprimer à cette occasion quelques idées qu’ils m’ont suggérées à mon tour. […] Dès le milieu du règne de Louis XIV, tout était tourné à la règle étroite, à la dévotion, et le profit moral, la dose de connaissance morale dont on parle, et qui d’ailleurs n’était propre qu’à un petit nombre d’individus d’élite dans une génération à peu près parue, étaient dès longtemps épuisés ; la révocation de l’Édit de Nantes, et l’approbation presque entière qu’elle reçut dans les régions élevées et de la part de quelques-uns de ceux même qui auraient dû être des juges, l’inintelligence profonde où l’on fut à la Cour de la révolution anglaise de 1688 et de l’avènement de Guillaume, montrent assez que les lumières étaient loin et que les plus gens d’esprit en manquaient. […] Non ; si inférieurs aux Retz et aux La Rochefoucauld pour l’ampleur et la qualité de la langue et pour le talent de graver ou de peindre, ils connaissaient la nature humaine et sociale aussi bien qu’eux, et infiniment mieux que la plupart des contemporains de Bossuet, ces moralistes ordinaires du xviiie siècle, ce Duclos au coup d’œil droit, au parler brusque, qui disait en 1750 : « Je ne sais si j’ai trop bonne opinion de mon siècle, mais il me semble qu’il y a une certaine fermentation de raison universelle qui tend à se développer, qu’on laissera peut-être se dissiper, et dont on pourrait assurer, diriger et hâter les progrès par une éducation bien entendue » ; le même qui portait sur les Français, en particulier ce jugement, vérifié tant de fois : « C’est le seul peuple dont les mœurs peuvent se dépraver sans que le fond du cœur se corrompe, ni que le courage s’altère… » Ils savaient mieux encore que la société des salons, ils connaissaient la matière humaine en gens avisés et déniaisés, et ce Grimm, le moins germain des Allemands, si net, si pratique, si bon esprit, si peu dupe, soit dans le jugement des écrits, soit dans le commerce des hommes ; — et ce Galiani, Napolitain de Paris, si vif, si pénétrant, si pétulant d’audace, et qui parfois saisissait au vol les grandes et lointaines vérités ; — et cette Du Deffand, l’aveugle clairvoyante, cette femme du meilleur esprit et du plus triste cœur, si desséchée, si ennuyée et qui était allée au fond de tout ; — et ce Chamfort qui poussait à la roue après 89 et qui ne s’arrêta que devant 93, esprit amer, organisation aigrie, ulcérée, mais qui a des pensées prises dans le vif et des maximes à l’eau-forte ; — et ce Sénac de Meilhan, aujourd’hui remis en pleine lumière40, simple observateur d’abord des mœurs de son temps, trempant dans les vices et les corruptions mêmes qu’il décrit, mais bientôt averti par les résultats, raffermi par le malheur et par l’exil, s’élevant ou plutôt creusant sous toutes ; les surfaces, et fixant son expérience concentrée, à fines doses, dans des pages ou des formules d’une vérité poignante ou piquante. […] Ainsi parlait M. […] Vous me parlez de Bourdaloue et de ses habiles descriptions morales.
Quand je parle de beauté, je m’entends, et je m’adresse à ceux qui savent de quoi il s’agit, lorsqu’ils prononcent ce mot. […] Paris parle en homme qui a peu lu Théocrite. […] Jésus se dépouille, et l’ange Gabriel lui aide à défaire ses vêtements : pendant lequel temps Dieu le Père parle du haut du Paradis, et l’archange saint Michel après lui. […] Cependant Dieu le Père parle de nouveau, mêlant un peu de latin au français : Hic est filius meus dilectus In quo mihi bene complacui. […] Je ne demande pas mieux d’oublier la Grèce quand on me parle du moyen âge.
Il y est dit, entre autres griefs, que Foucault se servait, pour la conversion du menu peuple, d’un homme de néant nommé Archambaud, que cet Archambaud menait des gens de sa sorte au cabaret et trouvait le moyen de les enivrer ; que le lendemain, lorsqu’ils étaient revenus à eux-mêmes, il leur allait dire, ou qu’ils avaient promis d’aller à la messe, et que s’ils prétendaient s’en dédire, il les ferait traiter comme des relaps ; ou qu’ils avaient mal parlé du gouvernement et des mystères catholiques, et que le seul moyen de se racheter d’une sévère punition était de se ranger à la religion romaine ; que l’affaire, ainsi amorcée et entamée sur des gens du commun, se poursuivit ensuite sur ceux d’une condition supérieure ; qu’en général l’artifice de l’intendant était de faire faire aux réformés, sous quelque prétexte, un premier acte extérieur qui pût être interprété pour une adhésion à la communion romaine, comme d’assister à un sermon, par curiosité ou par intimidation, et qu’ensuite, moyennant la peur d’être déclarés relaps et traités comme tels, il avait raison de son monde ; que, sans avoir eu besoin de demander des troupes, il s’était servi de celles qu’on faisait filer alors sur la frontière de l’Espagne et que commandait le marquis de Boufflers, et qu’il avait été commis par ces troupes, lui les dirigeant et les conduisant de ville en ville, de village en village, de véritables horreurs et cruautés. […] Il avait sous, les yeux, en écrivant, l’original même de la Relation de Foucault faite pour être mise sous les yeux du roi : « Il n’y est parlé ni de violences ni de dragonnades ; on n’y entrevoit pas qu’il y ait un seul soldat en Béarn : la conversion générale paraît produite par la Grâce-divine. » Foucault, dans ses Mémoires, est plus explicite, et je dois dire que tout ce qu’on y lit à ce sujet est fait pour confirmer bien plus que pour réfuter les reproches de ses accusateurs. […] Dans un voyage et séjour de cinq mois à Paris, pendant lequel il alla prendre souvent l’air de Versailles, il commença par se bien pénétrer des intentions du roi et de ses désirs ; il exposa à Louis XIV, dans une audience particulière, et lui fit agréer toute la partie ostensible et séduisante de son plan ; il ne parla que de l’amour, de la vénération des Béarnais pour la mémoire de Henri IV, sentiments qui avaient passé à son petit-fils. […] Je leur refusai, et de quatre mille religionnaires qu’il y avait à Orthez, il s’en convertit deux mille avant l’arrivée des troupes, en sorte que pendant le séjour que j’y fis avec des missionnaires ; ils se convertirent tous, à la réserve de vingt familles opiniâtres. » Foucault ; là encore, parle bien de ce qui se fit avant l’arrivée des troupes ; il glisse, et coule sur ce qui se fit après. […] Voici en quels termes Mathieu Marais, en son Journal, parle de Foucault, à la date de sa mort : « M.
C’est Ménédème qui parle : Lorsque l’on m’eut appris l’effet de ma rigueur, Je retournai chez moi, triste, comme on peut croire. […] Elle lui parle avec douceur et en personne qui l’aime toujours ; elle lui explique l’aventure de la veille. […] » Térence écrit et parle comme s’il ne tenait pas à être applaudi. […] Pétrone a parlé de l’heureuse curiosité, du goût choisi d’Horace, Horatii curiosca felicitas : c’est toute une définition en deux mots. […] On parle toujours et le plus volontiers de Térence comme de l’un des précurseurs profanes du christianisme : c’est pour lui un grand honneur.
Il faut parler, il faut juger, même quand les choses n’en valent guère la peine ; il faut s’étendre et motiver, et savoir intéresser encore, tout en louant et en blâmant. […] Vous qui parlez de cet élégant feuilletoniste si à votre aise et à la légère, on voit bien que vous ne savez pas ce que c’est qu’un poète condamné à la corvée à perpétuité. […] Notre métier de critique (je parle de ceux qui le font avec délicatesse et en honnêtes gens) a ses secrets, et il n’est que de les bien connaître. […] Essayez de faire la description d’une montagne de manière à la faire reconnaître : quand vous aurez parlé de la base, des flancs et du sommet, vous aurez tout dit. […] Henri Heine, le railleur, rencontrant Gautier à un concert de Listz à la veille de son départ, lui avait dit : « Comment ferez-vous pour parler de l’Espagne quand vous y serez allé ?
Savez-vous qu’elles sont plates et insipides, vos épigrammes, quand elles ne sont pas grossières ou alambiquées ; elles sont surtout très-fades la plupart du temps, et Perrault, La Motte et Fontenelle, dans cette querelle fameuse, avaient grandement raison lorsque, voulant parler de madrigaux sans pointe, d’épigrammes sans sel ni sauge, ils disaient d’un seul mot : « Ce sont des épigrammes à la grecque. […] Il y a de cet Archiloque, dont vous parlez si à votre aise, ou d’un de ses disciples, je croîs, une petite épigramme qui me revient à l’esprit à l’instant même : « Peste soit de ces critiques au front bas, qui ont la physionomie d’une brebis contente d’elle-même ! […] Robert Wood, autrefois voyageur en Orient et dans la Troade, et qui préparait un Essai sur le génie d’Homère dont Goethe parle comme d’un des livres qui donnèrent à son esprit une impulsion propice, Wood, arraché un moment aux Lettres, occupait, à cette date, le poste de sous-secrétaire d’État dans le ministère dont le comte de Granville était le président. […] Après avoir parlé de la race née aux confins de la terre des monstres, dans la limoneuse vallée du Nil, et de l’autre race dite sémitique, habitante du désert et de l’antique Arabie, après les avoir définies l’une et l’autre, et les avoir montrées fléchissant de respect et de superstitieuse terreur, ou comme anéanties sous la main souveraine en face d’un ciel d’airain, il ajoute, par un vivant contraste, en leur opposant la race aryenne venue du haut berceau de l’Asie, et de laquelle est sortie à certain jour et s’est détachée la branche hellénique, le rameau d’or : « Une autre race encore s’éveille sur les hauteurs, aux premières lueurs du matin ; les yeux au ciel, elle suit pas à pas la marche de l’aurore, elle s’enivre de ce mobile et merveilleux spectacle du jour naissant ; elle mêle une note humaine à cette immense symphonie, un chant d’admiration, de reconnaissance et d’amour ; c’est la race pure des Aryas ; leur première langue est la poésie ; leurs premiers Dieux, les aspects changeants du jour, les formes multiples de la sainte lumière. […] Ne parlez plus de vos grâces païennes : Je mets Thalie, Euphrosine, Aglaé, A cent piques des Parisiennes… Ailleurs, dans une pièce intitulée le Jeu de Boules (et ceci devient tout à fait anacréontique) : Près de Paphos, dans des bois solitaires, Les Jeux, les Ris et les Grâces légères Au cochonnet jouaient à qui mieux mieux.
Je me suis laissé traîner à la remorque pour parler de ce livre important : c’est que, malgré le désir que j’avais de lui rendre toute justice, je sentais mon insuffisance pour en juger pertinemment et en pleine connaissance de cause, pour l’explorer et l’embrasser, comme il le faudrait, dans ses différentes parties. […] Cet homme qu’on croirait si absolu quand on le lit est le plus doux, le plus aimable et le plus tolérant dans les rapports de la vie, même de la vie littéraire, celui de tous les auteurs qui accepte le mieux la contradiction directe et à bout portant, je parle de celle qui est loyale et non hypocrite. […] Il m’offre en lui l’image toute contraire à celle du poëte qui parle « d’un fruit déjà mûr sur une tige toute jeune et tendre » ; ici, c’est une fleur tendre et délicate sur une branche un peu rude. […] Je parle, bien entendu, dans la supposition, qui est la vraie, que le cadre de la civilisation ne sera pas entièrement changé, que la tradition ne sera pas brisée tout entière, et qu’il y aura lieu, même dans des sociétés assez différentes, aux mêmes formes essentielles des esprits. […] Nous arriverons la prochaine fois à parler du grand ouvrage (l’Histoire de la Littérature anglaise) qui partage en ce moment les esprits, qui a tenté d’abord et puis qui a fait reculer l’Académie française.
Je conçois cela pour le mémoire sur les médailles italiotes qui forme appendice ; il y a là matière toute spéciale et demi-grimoire ; mais pour le récit, pour le corps même du volume, dussé-je parler par anticipation d’une seconde édition, je persiste à en juger d’après l’effet éprouvé, c’est à tout le public que l’excellent Essai s’adresse, c’est à travers tout ce public qu’il ira çà et là découvrir son juge entre cent lecteurs203. Nous n’en pouvons parler qu’à titre de lecteur que ces questions, et la façon dont elles sont ici traitées, intéressent. […] Colomba, dans sa nouveauté, a tenu tête au fameux traité du 15 juillet ; elle y a fait une diversion charmante, et, si on a tant parlé du traité, ce n’est pas assurément sa faute à elle, car on ne parlait que d’elle en même temps. […] Pourtant, dans la pièce grecque également, tout parle de vengeance, d’immolation : l’oracle d’Apollon, consulté par Oreste, l’a ordonnée.
Il ne lui arrive jamais, aux heures de rêverie, de voir, dans les étoiles, des fleurs divines qui jonchent les parvis du saint lieu, des âmes heureuses qui respirent un air plus pur, et qui parlent, durant les nuits, un mystérieux langage aux âmes humaines. […] qu’il aimerait bien mieux, en honnête compagnon qu’il est, S’égayer au repos que la campagne donne, Et, sans parler curé, doyen, chantre ou Sorbonne, D’un bon mot fait rire, en si belle saison, Vous, vos chiens et vos chats, et toute la maison ! […] Et comme si l’aspect de l’hypocrisie libertine avait rendu Regnier à de plus chastes délicatesses d’amour, il nous y parle, en vers dignes de Chénier, de … la belle en qui j’ai la pensée D’un doux imaginer si doucement blessée, Qu’aymants et bien aymés, en nos doux passe-temps, Nous rendons en amour jaloux les plus contents. […] Indépendant de caractère et de parler franc, il vécut à la cour et avec les grands seigneurs, sans ramper ni flatter. […] Août 1829 Dans le morceau suivant et en mainte autre occasion j’ai été ramené à m’occuper de Chénier : j’avais déjà parlé de Regnier dans le Tableau de la Poésie française au xvie siècle ; j’en ai reparlé, non sans complaisance et après une nouvelle lecture, dans l’Introduction au recueil des Poètes français (Gide, 1861), tome 1, page XXXI.
Tout le corps parle ; souvent, à défaut du mot, c’est le geste qui exprime ; une grimace, un haut-le-corps, un bruit imitatif deviennent signes à la place du nom ; pour désigner une allée de vieux chênes, la taille se dresse droite, les pieds se prennent au sol, les bras s’étendent raides, puis se cassent aux coudes en angles noueux ; pour désigner un fourré de chèvrefeuille et de lierre, les dix doigts étendus se recourbent et tracent des arabesques dans l’air, pendant que les muscles du visage se recourbent en petits plis mouvants. — Cette mimique est le langage naturel, et, si vous avez quelque habitude de l’observation intérieure, vous devinez à quel état intérieur elle correspond. […] » Ta est pris dans un sens trop vaste, vil faut que désormais ce mot désigne seulement la tête de celui à qui l’on parle. — L’endiguement va se faire ; de nouvelles expériences compléteront la tendance qui produisait le mot blanc, et, désormais achevée, elle correspondra non seulement à la présence de l’éclat, mais encore à la présence d’une certaine couleur. Pareillement, et par une autre série d’expériences, la tendance qui produisait le mot ta, définitivement précisée, correspondra non seulement à la possession, mais encore à cette circonstance supplémentaire que la chose possédée appartient à quelqu’un à qui l’on parle. […] VI D’autre part, si l’on peut ainsi parler, les noms se remplissent. […] le gros sens populaire ; la tendance qui aboutit au nom ne correspond guère qu’à ce caractère-là. — Mais voici qu’un naturaliste m’ouvre un chat et me fait voir cette poche qu’on appelle l’estomac, ces petits tubes infiniment ramifiés qu’on nomme les veines et les artères, ce paquet de tuyaux lisses qui sont les intestins, ces bâtons, ces cages, ces cerceaux, ces boîtes ou demi-boîtes solides qui s’emmanchent les unes dans les autres et qui sont les os. — Je resterais là pendant six mois que je verrais toujours des choses nouvelles ; si je prends un microscope, ma vie n’y suffira pas ; et, à parler exactement, aucune vie ni série de vies ne peut y suffire ; par-delà les propriétés observées, il en restera toujours d’autres, matière illimitée de la science illimitée.
Il n’y a plus d’éloquence religieuse après Massillon, du moins dans l’église catholique : car lorsque Rousseau parle sur la Providence et la conscience, sur la religion et sur la morale, nous avons reconnu dans sa parole une inspiration protestante ; notre grand orateur philosophique est un prêcheur de Genève. […] La langue est molle, pâteuse, diffuse, elle se défait jusque chez les plus vigoureux orateurs ; le vocabulaire n’est pas pur, et je ne parle pas des néologismes nécessaires, des noms d’institutions ou d’opinions nouvelles, des abréviations pratiques du jargon politique : je parle de l’emploi des termes courants et communs de la langue française. Un Mirabeau parle de citoyens peu moyennés, d’idées subverties, de gens qui se routinent ; un Vergniaud nous entretient de la répulsion des ennemis, pour faire entendre qu’il faut les repousser. […] Dès qu’il ouvre la bouche, Napoléon est orateur ; car il règle sa parole pour enlever à ceux à qui il parle, individus ou peuples, contemporains ou postérité, la liberté de leur jugement, pour asservir leurs esprits ou leurs volontés.
Qui parle de fonder un foyer, une famille ? […] Ainsi faisaient Edmond About, Sarcey, Jules Lemaître… Je ne parle pas de Richepin qui, lui, avait rompu délibérément toutes amarres avec son passé de la rue d’Ulm. […] Les symbolistes (je parle de l’élite) faisaient fi des procédés jusque-là en usage dans l’Art de parvenir. […] Il croyait n’avoir qu’à laisser parler son cœur. […] Je parle de ce genre de brasseries aujourd’hui à peu près disparues, véritables lieux de perdition, qu’on vit s’établir et pulluler, dans Paris, au lendemain de 1870, soi-disant à l’imitation des brasseries alsaciennes, mais desservies par d’étranges « Kellnerinnen » et où certains voyaient la main de l’Allemagne, préoccupée de noirs dessins et d’assurer sa domination future, en préparant la corruption et l’énervement de la jeunesse française.
Si j’ai parlé de Vicq d’Azyr à l’occasion de M. […] Ainsi parlait de La Rochefoucauld, l’homme qui devait composer tant d’éloges et se montrer le plus abondant des panégyristes. […] C’est tout le contraire de ce parler sec, bref et nerveux qu’affectionne Montaigne, et qui, au besoin, a le coup de jarret du Basque. […] L’anecdote est assez agréablement racontée chez Pariset ; pourtant, au lieu de dire l’hôpital Necker et de nommer la fondatrice, il nous parle d’un établissement « qu’une dame célèbre avait fondé du côté de Vaugirard » ; il tourne autour de cette dame comme s’il voulait et n’osait la définir : « La simplicité, dit-il, n’est pas toujours compagne de la bienfaisance. […] » car il sent bien qu’il est allé trop loin : « Je viens, dit-il, de parler sans mon guide, et d’exposer des idées qui, bien que liées au sujet que je traite, n’étaient peut-être pas dans le sage esprit de Cuvier. » Et c’est précisément parce que rien ne ressemble moins au procédé de Cuvier, que, dans un éloge de ce dernier, il eût été du plus simple bon goût de s’en abstenir.
Il est impertinent de parler d’âge et de date à une femme, mais il est permis d’exiger ce compte exact de l’historien : la chronologie, avec la géographie, est un des yeux de l’histoire. […] Quant à moi, au milieu de toutes les preuves de talent, de génie naturel, d’esprit même et de sagacité que donne M. de Lamartine dans les pages flottantes et dans les fresques inachevées de ses Histoires, je m’attendrai toujours à toutes les distractions et à tous les lapsus de pinceau de la part de quelqu’un qui, ayant à parler de Camille Desmoulins pour son Vieux Cordelier, a trouvé moyen de le comparer à Fénelon. […] Enfin, quoi qu’il fasse (pour parler comme au xviie siècle), il y aura en lui cette fois bien des restes de l’honnête homme. […] Mais, dans ce portrait du Napoléon de 1812, M. de Lamartine s’est trop abandonné à son nouveau style de prose, dans lequel il entre plus de Balzac que de Tacite, je parle de Balzac le romancier : L’Empire l’avait vieilli avant le temps, dit l’historien : l’ambition satisfaite, l’orgueil assouvi, les délices des palais, la table exquise, la couche molle, les épouses jeunes, les maîtresses complaisantes, les longues veilles, les insomnies partagées entre le travail et les fêtes, l’habitude du cheval qui épaissit le corps (tout ceci joue le Tacite), avaient alourdi ses membres et amolli ses sens. […] M. de Lamartine se retrouve ici en plein dans cette compagnie d’honnêtes gens dont j’ai parlé : il doit aimer particulièrement M.
Il parlait de suite, avec enchaînement, sans jamais s’interrompre, et comme par le courant naturel et plein d’une improvisation facile. […] On parlait jadis de la foi du charbonnier, je crains bien qu’on ne puisse parler aujourd’hui de la philosophie du charbonnier. […] Je ne parle point des Jacobins, qui ne sont qu’une poignée d’hommes que l’apparence même de la justice peut faire disparaître. […] Venant à parler des haines entre les vieux partis qui n’étaient contenues dans leurs manifestations que par la sévérité des lois sur la presse : « Si les journaux pouvaient tout dire, ajouta-t-il non sans malice, ne diraient-ils pas que Portalis a été un Bourbonien dont je dois me méfier ?
Quand il parle de poésie proprement dite, il lui manque, je le crains, quelque chose : « Celui qui veut comprendre le poète, a dit Goethe, doit aller dans le pays du poète. » M. […] Il n’en parle pas comme un juge ni comme un critique, mais comme un rival : « Elle n’a aimé véritablement qu’une seule personne, La Rochefoucauld », dit-il de Mme de Longueville ; et cela le mène à dire : « Je ne m’en défends pas, je n’aime pas La Rochefoucauld… » Dans cette véritable diatribe contre La Rochefoucauld, M. […] Villemain a trouvé moyen de faire parler Napoléon en personne sur les études classiques et sur le haut enseignement. […] Villemain ne s’est montré rhéteur plus accompli (au meilleur sens du mot) que dans ce morceau où il parle précisément contre les rhéteurs, et où il traduit une pensée d’homme d’État. […] Nous qui parlons ici, nous en souffrons d’ailleurs autant que personne, et nous en ressentons la gêne.
Pour lui, rien n’était isolé, tout fait particulier s’animait, parlait, prenait une physionomie et un sens. […] « J’apprends chaque matin en me réveillant, dit-il, qu’on vient de découvrir une certaine loi générale et éternelle dont je n’avais jamais ouï parler jusque-là. […] Les démocrates modernes parlent sans cesse de la foi démocratique, de la religion démocratique. […] Quand il parle de l’Amérique, c’est le premier de ces despotismes qu’il craint pour elle et non le second ; quand il parle du second, c’est à l’Europe qu’il pense et non à l’Amérique.
I Quelques jours après sa mort, Philarète Chasles eut sa minute de bruit ; mais les nécessiteux et les furieux d’actualité, comme ils disent, qui avaient attendu sa mort pour parler de lui, dont ils ne disaient pas grand-chose quand il était vivant et qu’il lançait quelque livre du fond de sa petite catacombe de la Bibliothèque Mazarine, ne s’occupèrent bientôt pas plus de sa personne que s’il n’avait jamais existé. […] Il faudra des curieux et des travailleurs comme il l’était, des espèces de Tallemant des Réaux dans l’avenir, pour pouvoir parler, en science de cause, de cet homme qui fut un très éblouissant feu follet littéraire, lequel, comme les feux follets, errait et ne se fixait pas, et qui a oublié de laisser derrière lui le livre un, profond et complet, qu’il était très capable de faire, — le livre qui eût été un fût de colonne sur sa tombe effacée, et qui en eût marqué la place aux yeux de la Postérité ! […] Il était plus né orateur… On a parlé aussi beaucoup de leurs deux causeries. […] Excepté dans deux chapitres dont je vais parler tout à l’heure, Chasles n’y griffe son sujet nulle part. […] D’ailleurs, encore une fois, à parler même sans rigueur, ce n’est pas là de l’histoire.
Que parles-tu d’amis et de parents ? que parles-tu d’hommes ? […] Quand nous parlons de Dieu, nous avons droit d’en parler, parce que nous en parlons d’après lui même, d’après la raison qui nous le révèle et nous le représente. […] De quoi parle-t-il ? […] Je parle en grand, sauf les exceptions.
Thiers fut aisément égal ou, pour parler vrai, supérieur (M. […] Il parle sans cesse des vanités plébéiennes ; il rappelle continuellement notre bassesse et nos crimes. […] Je ne sais plus qui a dit : On commence toujours par parler des choses, on finit quelquefois par les apprendre. […] On a beau jeu de parler après coup de la conséquence inévitable des principes, mais, dans le fait, ils auraient pu courir et se heurter de bien des manières. […] Ce dernier projet fut, de sa part, en voie d’exécution ; il en parla à M. de Bourqueney, qui, à son tour, en dit un mot à M.
Morose est un vieillard maniaque qui a horreur du bruit, et aime à parler. […] À peine mariée, Épicœne parle, gronde, raisonne aussi haut et aussi longtemps qu’une douzaine de femmes […] » Elle commande aux valets de parler haut ; elle fait ouvrir les portes toutes grandes à ses amis. […] On ajoute, en manière de consolation, que sa femme parle en dormant, et « ronfle plus fort qu’un marsouin. » — « Ô ! […] J’en parlerai à part ; il faut, pour en faire le tour, une large place vide.
Ils parlent le langage wagnérien comme les lauréats du concours général parlent le langage latin, qui ont abouté, en leurs discours, les phrases copiées de leurs cahiers d’expressions. […] Wagner, dans ses dernières œuvres théoriques, semble avoir renoncé à parler jamais de son œuvre musicale, et, sans cesse, il cite les noms de ses deux grands prédécesseurs, qui ont, d’après lui, fondé la religion allemande artistique, Bach et Beethoven. […] Le Ménestrel, aussi, a parlé de Tristan et Isolde : textuellement, nous le citons (8 mars) : Ce deuxième acte nous a paru, dans sa première partie, de nuance grise et lourde, souvent pauvre d’inspiration, malgré sa redondance dans la forme. […] Après une préface explicative sur son sujet, l’auteur parle avec sa compétence habituelle des commencements de la musique à l’époque de Palestrina, et arrive à Bach, au grand Sébastien Bach, issu, lui, en quelque sorte du protestantisme et du choral, ces deux bases sur lesquelles se développera librement l’esprit allemand. […] On ajoutera l’utilisation de « thèmes caractéristiques », la puissance de l’instrumentation, les développements symphoniques… Ils parlent le langage wagnérien comme d’autres le latin.
Voilà ce qui fait hésiter à parler de ce livre, impatientant pour la Critique qui ne peut pas se scinder comme le livre et se mettre en petits paquets. […] J’ai parlé plus haut de lui, et je n’ai montré que le Brucker intellectuel et la note la plus élevée et la plus grave de sa prodigieuse intellectualité. […] Va-t-il parler, lui qui était l’éloquence même ? […] On avait parlé d’un livre sur les Jésuites, et je croyais que le célèbre romancier, resté romancier quoique ardemment devenu chrétien dans sa vie comme dans sa pensée, allait nous donner un roman dont les Jésuites seraient le sujet et les héros. […] J’ai parlé de Voltaire, mais lisez l’introduction étincelante de Jésuites !
Mais d’abord, que parle-t-on des vitesses de notre planète ? […] Vous donneriez à la simultanéité savante un autre nom, au moins quand vous parlez philosophie. […] On parlera alors d’une multiplicité de Temps qui seraient tous sur le même plan, tous réels par conséquent si l’un d’eux est réel. […] Il parlera donc de « réalité » et d’« apparence », de « mesures vraies » et de « mesures fausses ». […] Il n’y a de difficulté, il ne se pose de problème que parce qu’on parle d’une Terre en mouvement.