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1627. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

La fable épique, en général, n’est bornée ici par les lieux ni par les autres unités théâtrales : ses acteurs sont à la fois humains et surnaturels : elle occupe la terre, les cieux, les enfers, enfin le monde connu, et tous les mondes soupçonnés. […] C’est la fable de presque tout notre pauvre monde, que la fable des sots ! […] « Ai-je droit de tirer de cette nuit profonde « Ces grands événements, secrets d’un autre monde ? […] Il va donc traverser le monde en tous sens. […] ou ne l’a-t-elle que sur un seul, qui peut sur le monde ce qu’elle peut sur lui, et qui force la nature entière à subir l’ascendant qu’il subit lui-même ? 

1628. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

En outre, ce ne doit pas être un mince plaisir, et c’est tout au moins une raison de vivre, que de savoir que l’on continue une race célèbre, de retrouver son nom mêlé partout à l’histoire, de reconnaître des aïeux dans les conducteurs de peuples et parmi les premiers acteurs qui ont joué publiquement leur rôle sur la scène du monde. […] Ce que les autres hommes n’obtiennent que par un génie, une fortune ou un effort exceptionnels : le souvenir de la postérité, la mention de leurs noms dans les annales futures, les princes en sont sûrs par cela seul qu’ils sont venus au monde, et si tout est vanité, comme je n’en doute point, cela est pourtant une des vanités les plus recherchées des mortels. […] Ce n’est guère que sur les mœurs qu’ils pourraient s’accorder quelque liberté, et jadis ils laissaient volontiers leur corps prendre la revanche des esclavages de leur esprit ; mais beaucoup d’entre eux se refusent aujourd’hui cette consolation  Ils vivent enfin dans un monde très restreint ; ils ne se trouvent de plain-pied qu’avec un très petit nombre d’hommes : ils ne peuvent donc connaître les hommes qu’imparfaitement. […] Et de là, si l’on a un peu de bonheur, on peut monter, traverser tous les mondes ou même y séjourner successivement, connaître les bourgeois, les marchands, les bohèmes, les artistes, les politiques et ceux qu’on appelle les gens du monde. […] Il revient à Paris, entre à l’Académie royale, qui était une sorte d’École militaire, et commence à aller dans le monde, à l’hôtel de Condé et à l’hôtel de Rambouillet, où il rencontre une foule de jolies personnes et notamment cette touchante Marthe du Vigean dont il devient quelque peu amoureux.

1629. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Dans notre dernier numéro, annonçant la publication des lettres du Figaro, nous n’avons voulu, pour rien au monde, opposer aux allégations qui y étaient contenues un démenti hâtif, non appuyé d’une étude des faits. […] La lettre était datée : « Paris, le 7 mai 1841 » et on y voyait entre autres choses : « Le monde doit posséder un portrait de ce grand homme, clair et noble comme lui. […] Comment ses étonnantes œuvres, le charme de son être me conquirent, comment nous devînmes amis, amis dans le sens le plus élevé, le plus idéal de ce flot dont on a tant abusé, le monde le sait. Et ce monde que je n’ai jamais aimé fait que je me retire toujours plus en moi-même et dans le petit centre de ceux qui pensent comme moi, par la façon dont il juge cette amitié. Que n’aurais-je pas à éprouver, à subir de ce monde vénal et méprisable, si je n’étais pas Roi, si je ne pouvais pas lui mettre le pied sur la nuque, quand je veux ?

1630. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Comme toutes les cités illustres du monde antique, la Tragédie grecque a la gloire d’avoir eu pour fondateur un héros. […] A peine venue au monde de l’histoire, elle transforma et rajeunit les vieux dieux ; elle les refit à son image et les doua de son âme. […] Ses divinités souveraines sont toujours Ouranos et Gaïa, le Ciel et la Terre, les « deux grands Compagnons de voyage », les « deux Parents du monde », des hymnes aryens. […] S’il n’explique pas ces inexplicables problèmes, il en dégage du moins une foi invincible dans l’équité finale qui régit les destinées de l’homme, et l’ordre du monde. […] Un monde s’est évanoui sous la fumée de quelques manuscrits détruits par le feu.

1631. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Le prince de Broglie était bien de cette race d’aimables Français qui s’en allaient à travers les deux mondes semant les saillies, les fleurettes et les idées, — les idées, notez-le, tout autant que le reste. […] Sachons bien que la plupart des hommes de ce temps qui sont lancés dans le monde et dans les affaires ne lisent pas, c’est-à-dire qu’ils ne lisent que ce qui leur est indispensable et nécessaire, mais pas autre chose. […] Le monde nouveau, la famille dans laquelle il entrait, le trouva singulièrement disposé à élever son libéralisme d’un cran si je puis dire, à lui trouver des raisons plus fines, plus neuves, plus distinguées, plus d’accord avec l’idée morale qu’on s’y faisait de la nature humaine. […] Les plus beaux souvenirs de la race humaine se rattachent à ces époques glorieuses où les peuples qui ont civilisé le monde, et qui n’ont point consenti de passer sur cette terre en s’ignorant eux-mêmes, et comme des instruments inertes entre les mains de la Providence, ont brisé leurs fers, attesté leur grandeur morale, et laissé à la postérité de magnifiques exemples de liberté et de vertu. […] Et lorsque, des hauteurs où cette pensée nous transporte, on abaisse ses regards sur l’état actuel de l’Europe, lorsque l’on songe que ce sont ces mêmes cabinets que nous avons vus pendant trente ans si complaisants envers tous les gouvernements nés de notre Révolution, qui ont successivement traité avec la Convention, recherché l’amitié du Directoire, brigué l’alliance du dévastateur du monde ; lorsque l’on songe que ce sont ces mêmes ministres que nous avons vus si empressés aux conférences d’Erfurt qui viennent maintenant, gravement, de leur souveraine science et pleine autorité, flétrir de noms injurieux la cause pour laquelle Hampden est mort au champ d’honneur et lord Russell sur l’échafaud, en vérité le sang monte au visage ; on est tenté de se demander : Qui sont-ils enfin, ceux qui prétendent détruire ainsi, d’un trait de plume, nos vieilles admirations, les enseignements donnés à notre jeunesse, et jusqu’aux notions du beau et du juste ?

1632. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

* * * — Une femme du monde disait d’un amoureux ridicule : « Je ne supposais pas que ce monsieur eût un cœur !  […] C’est un envolement dans le monde de La Faustin qui me réjouit, en me prouvant que la mécanique imaginative va encore. […] Un autre jour ça ne m’aurait pas frappé, mais aujourd’hui ce portrait de l’autre monde avec son jardin de cimetière, m’a parlé comme un vilain présage. […] » Jeudi 3 février À Paris, dans ce moment, il existe des femmes du monde, jouant à la Bourse, et qui, tous les matins, reçoivent la visite de quatre remisiers, venant prendre leurs ordres. […] Samedi 12 mars Qui me délivrera des hommes du monde dilettante d’art et de littérature, acheteurs au rabais des tableaux cotés à l’hôtel Drouot, et leveurs de volumes, dont on parle.

1633. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

En poétique, Voltaire montre le même mépris de toutes ces vaines théories qui troublent le monde. […] J’ai toujours regardé l’athéisme comme le plus grand égarement de la raison, parce qu’il est aussi ridicule de dire que l’arrangement du monde ne prouve pas un artisan suprême, qu’il serait impertinent de dire qu’une horloge ne prouve pas un horloger. […] Si l’apôtre saint Paul a dit214 que les fidèles sont un spectacle au monde, aux anges et aux hommes, nous pouvons encore ajouter qu’ils sont un spectacle à Dieu même. Nous apprenons de Moïse que ce grand et sage architecte, diligent contemplateur de son propre ouvrage, à mesure qu’il bâtissait ce bel édifice du monde, en admirait toutes les parties215 : Vidit Deus lucem quod esset bona : « Dieu vit que la lumière était bonne » : qu’en ayant composé le tout, parce qu’en effet la beauté de l’architecture paraît dans le tout, et dans l’assemblage plus encore que dans les parties détachées, il avait encore enchéri et l’avait trouvé parfaitement beau216. […] Il ira, cet ignorant dans l’art de bien dire, avec cette locution rude, avec cette phrase qui sent l’étranger, il ira en cette Grèce polie, la mère des philosophes et des orateurs ; et, malgré la résistance du monde, il y établira plus d’églises que Platon n’y a gagné de disciples par cette éloquence qu’on a crue divine.

1634. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Déjà Rome, dont la mission était de préparer pour le monde moderne la conception d’un Droit sans privilèges, n’était-elle pas le plus puissant instrument « d’intégration » de l’antiquité ? […] Entre les murs de la cité romaine se forgeait la première idée du Droit naturel — Rome est la « ville du monde » où, des quatre coins de l’horizon, les masses des peuples divers concourent pour se pénétrer. […] On nous dit de Philostrate qu’il avait peu vu le monde ; il connaissait l’Italie, l’Égypte et la Grèce. […] L’union de la ville et du monde, Urbis et Orbis, tel était le phénomène singulier qui conviait l’humanité à prendre, par Rome, une première conscience d’elle-même. […] Et c’était Thiers qui se trompait en déclarant que deux morceaux de fer mis à côté l’un de l’autre ne changeraient pas grand-chose au monde.

1635. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

La langue française conserva pendant plusieurs siècles cette âpreté de sons, monument de son origine ; mais peu à peu elle perdit ses prononciations barbares, et se rapprocha par degrés de l’harmonie : car il en est des langues comme des sables qui roulent dans les rivières et qui s’arrondissent par le mouvement, ou comme de ces dés avec lesquels Descartes composait le monde, et dont les inégalités et les angles se brisaient en se heurtant. […] De là l’emphase et les grands mots, et les citations des anciens, et la magnificence du style portée dans des affaires pour lesquelles, sous peine d’être ridicule, il fallait le style du monde le plus simple. […] C’est devant le peuple que Tibérius Gracchus s’écriait : « Les bêtes féroces ont un antre où elles peuvent se réfugier et trouver un asile ; mais vous, citoyens romains, vous maîtres d’une partie du monde, vous n’avez pas un toit où vous puissiez reposer ; vous n’avez ni un foyer, ni un asile, ni un tombeau. » C’est devant le peuple que l’orateur d’Athènes s’écriait : « Vous vous informez si Philippe est vivant, ou si Philippe est mort ; eh ! […] Enfin, comme dans les monarchies ce sont les grands, les riches, et tous ceux qui composent ce qu’on appelle le monde, qui distribuent la gloire des arts, et décident du prix des talents ; comme la plupart des hommes de cette classe, par leur oisiveté, par leurs intrigues, par la lassitude et le besoin des plaisirs, par la recherche continuelle de la société, par la crainte de blesser l’amour-propre encore plus que l’orgueil ; enfin, par la politesse et le désir de plaire, qui donne une attention continuelle et sur soi-même et sur les autres, ont, en général, plus d’esprit et de délicatesse de goût, que de passions et de force de caractère ; ils doivent tendre sans cesse à atténuer, et, pour ainsi dire, assassiner le style, la langue et l’esprit. […] Souvent les causes étaient mêlées à des affaires d’état ; souvent il s’agissait de juger des hommes qui avaient gouverné une partie du monde : des députés de l’Afrique et de l’Asie sollicitaient au nom de l’univers.

1636. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XII » pp. 47-52

— Les quolibets de la haute littérature sur Lucrèce courent le monde et ne tarissent pas : « C'est du style vieilli, dit de Vigny, il mérite un accessit. […] 2° Le gros du monde, même des gens d’esprit, est dupe des genres : il admire à outrance, dans un genre noble et d’avance autorisé, des qualités d’art et de talent souvent moindres que celles qu’il laissera passer inaperçues dans des genres moyens non titrés.

1637. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXI » pp. 237-241

. — L'Ultramontanisme de Quinet a été fort sévèrement et fort judicieusement jugé par Lerminier dans la Revue des Deux Mondes ; Lerminier qui a, lui aussi, en son temps, connu les ivresses de la popularité et qui en a eu ensuite les déboires, était en mesure de faire la leçon à Quinet là-dessus : tout le détail de cet article et les remarques sur cette érudition confuse et fougueuse ont beaucoup d’à-propos et un grand caractère de raison. […] — Ce même n° de la Revue des Deux Mondes peut montrer combien l’invention devient rare et combien la critique est obligée de se replier et de vivre sur soi : ce sont des amis qui se prennent à parti et s’analysent : Lerminier sur Quinet, Rémusat sur Jouffroy, Sainte-Beuve sur Daunou. — Nous faisons cette remarque, non point pour nous plaindre, car nous nous accommodons très-bien de ces judicieux et ingénieux retours, mais il est impossible de ne pas voir que la critique, qui a besoin de pâture et qui ne trouve guère où fourrager, se replie en pays ami.

1638. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laprade, Victor de (1812-1883) »

Jules Barbey d’Aurevilly Il débuta dans la Revue des deux mondes par un poème de Psyché, ennuyeux, même à la Revue des deux mondes !!

1639. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947) »

Il sait et a la pudeur d’ignorer ; il a cherché les lois, mais, pour être innocent comme le monde, il les oublie, et son âme ainsi est suave et forte, et mieux que le vent son chant coule dans la lumière les invisibles semences et conduit sur nos fronts les bienfaits de l’aurore. […] Ce qui me ravit dans votre tentative, c’est que j’y vois un règne nouveau de l’évolution qui transforme en ce moment notre petit monde des lettres et des arts.

1640. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

S’il y avait un homme aujourd’hui qui pût réaliser le drame comme nous le comprenons, ce drame, ce serait le cœur humain, la tête humaine, la passion humaine, la volonté humaine ; ce serait le passé ressuscité au profit du présent ; ce serait l’histoire que nos pères ont faite confrontée avec l’histoire que nous faisons ; ce serait le mélange sur la scène de tout ce qui est mêlé dans la vie ; ce serait une émeute là et une causerie d’amour ici, et dans la causerie d’amour une leçon pour le peuple, et dans l’émeute un cri pour le cœur ; ce serait le rire ; ce serait les larmes ; ce serait le bien, le mal, le haut, le bas, la fatalité, la providence, le génie, le hasard, la société, le monde, la nature, la vie ; et au-dessus de tout cela on sentirait planer quelque chose de grand ! […] Demain il quittera l’œuvre faite pour l’œuvre à faire ; il sortira de cette foule pour rentrer dans sa solitude ; solitude profonde, où ne parvient aucune mauvaise influence du monde extérieur, où la jeunesse, son amie, vient quelquefois lui serrer la main, où il est seul avec sa pensée, son indépendance et sa volonté.

1641. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 1, de la necessité d’être occupé pour fuir l’ennui, et de l’attrait que les mouvemens des passions ont pour les hommes » pp. 6-11

La situation de leur esprit est même inconnuë au commun des hommes qui, jugeant de ce que les autres doivent souffrir de la solitude par ce qu’ils en souffrent eux-mêmes, pensent que la solitude soit un mal douloureux pour tout le monde. […] Quand les hommes dégoutez de ce qu’on appelle le monde prennent la resolution d’y renoncer, il est rare qu’ils puissent la tenir.

1642. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Combien peu de ces jeunes hommes mêmes, formés dès lors de si bonne heure et si brillants à leur entrée dans le monde des lettres, ont accompli toute leur mission et rempli toutes leurs promesses ! […] Cette amitié d’Ampère et de Tocqueville était si connue et si bien établie que lorsqu’on abordait Tocqueville dans le monde, c’était une entrée en matière toute naturelle et toute flatteuse que de lui parler d’Ampère. […] D’autres, depuis, se sont montrés encore plus durs que lui pour Auguste, à qui l’on fait maintenant un crime d’avoir été un politique profond et d’avoir donné quarante années de paix au monde. […] Tout connaître semble être le but de sa vie ; chaque nouvelle étude lui apparaît comme un nouveau monde dans lequel il se lance avec une ardeur de découvertes qui lui fait mettre de côté pour un temps les études antérieures. […] Ampère dans le monde littéraire et savant, sa renommée eût gagné peut-être s’il eût un peu plus concentré ses travaux.

1643. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

. —  Ce que nous connaissons du monde extérieur et du monde intérieur. —  Tout l’effort de la science est d’ajouter ou de lier un fait à un fait. […] Concordance de cette doctrine et de l’esprit anglais. —  Liaison de l’esprit positif et de l’esprit religieux. —  Quelle faculté ouvre le monde des causes. […] Pouvons-nous décider que tout événement à tout point du temps et de l’espace arrive selon des lois, et que notre petit monde, si bien réglé, est un abrégé du grand ? […] Mill s’arrête là ; mais certainement, en menant son idée jusqu’au bout, on arriverait à considérer le monde comme un simple monceau de faits. […] Ils ont essayé de les atteindre et de retrouver par la pensée pure le monde tel que l’observation nous l’a montré.

1644. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

L’amitié, le cœur, l’intérêt sérieux avaient des instants, le monde avait les heures. […] A un monde qui n’en vaut guère la peine, d’accord ; mais nous n’en avons pas d’autre ; et il n’y a moyen d’y exister qu’en rêvant à le rendre meilleur. […] Est-ce donc là m’écarter le moins du monde de mon sujet ? […] Revue des Deux Mondes du 15 avril 1844, article Benjamin Constant et Madame de Charrière. […] Revue des Deux Mondes du 15 septembre 1843.

1645. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

. — Très probablement tous les changements physiques dans notre monde, et probablement tous les changements au-delà de notre monde se réduisent à des mouvements qui ont pour condition des mouvements. — . […] On arrive ainsi à considérer les sciences de construction comme un exemplaire préalable, un modèle réduit, un indice révélateur de ce que doivent être les sciences d’expérience, indice pareil au petit édifice de cire que les architectes bâtissent d’avance avec une substance plus maniable, pour se représenter en raccourci les proportions et l’aspect total du grand monument qu’ils sont en train d’élever et que peut-être ils n’achèveront jamais. — En effet, si l’on met en regard le monde idéal et le monde réel, on s’aperçoit que leur structure est semblable. […] De là suit cette conséquence capitale, que partout et toujours, hors de notre histoire et de notre monde, comme dans notre histoire et dans notre monde, les théorèmes peuvent s’appliquer. […] Selon lui, nous ne pouvons concevoir le monde autrement. […] Exposition du système du monde, t. 

1646. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Sa Bibliothèque historique renferme en effet les annales de presque tous les peuples du monde, Egyptiens, Assyriens, Medes, Perses, Grecs & Romains, Carthaginois, &c. […] Cette prétendue histoire s’étend depuis la création du monde jusqu’à l’an 1253. […] Quand l’aurore du bon goût commença à éclairer l’Europe, il y eut des auteurs plus dignes de tracer le tableau des révolutions du monde. […] Il nous montre le monde sortant des mains de Dieu par un effet de sa Toute-puissance ; l’homme né pour être juste & heureux, frappé de malédiction ; son Libérateur promis & annoncé dans tous les siécles aux Patriarches & aux Prophêtes ; sa venue dans ce monde au tems marqué ; sa Religion prêchée & reçue dans tout l’univers ; les Empires qui s’élévent & qui tombent successivement. […] En revanche c’est la chose du monde la plus agréable que son Chapitre du Jansénisme.

1647. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Je connus là, dans ce monde de l’Avenir, l’abbé Gerbet, l’abbé Lacordaire, non célèbre encore, mais déjà brillant de talent, et M. de Montalembert. […] Buloz m’attacha à la Revue des Deux Mondes. […] J’avais pris position de critique dans la Revue des Deux Mondes. […] La Revue des Deux Mondes, dirigée par M.  […] Saint-René Taillandier dans la Revue des Deux Mondes (du 15 janvier 1864), et réfutation. » Il s’agissait d’une assertion erronée au sujet des relations de M. 

1648. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Aussi quelle est la controverse qui divise, durant cette période, le monde littéraire ? […] Chez les jésuites, qui ont voulu avoir prise sur la noblesse et la haute bourgeoisie, cet esprit a été par cela même le plus accommodé aux goûts du monde. […] X. dans sa tête porte, un monde. Ce n’est rien de moins qu’un monde ce que porte dans sa tête M.  […] Mais le mouvement s’arrêterait sans ces démolitions et reconstructions partielles que les différentes générations opèrent à mesure de leur entrée dans le monde.

1649. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Un des plus beaux sonnets de Ronsard, et qui le caractérisent le mieux dans son feu d’étude, dans sa lièvre de poésie et de travail, c’est celui qui commence par ces vers empressés, impétueux : Je veux lire en trois jours L’Iliade d’Homère, Et pour ce, Coridon, ferme bien l’huis sur moi… Il y ordonne à ce laquais, Corydon, de tenir sa porte exactement close et de ne le déranger pour rien au monde, sous peine d’éprouver à l’instant sa colère. […] Par malheur, aucun de nos grands prosateurs d’alors, ni Montesquieu, ni Voltaire, ni Buffon, ni Jean-Jacques, n’ont lu directement Homère : il n’est entré pour rien dans la composition ni dans la trempe de leur talent ; on s’en aperçoit à leur cachet. — Ce n’est pas la bonne volonté pour Homère qui a manqué à Diderot, et, sans guère le lire, il a dû plus d’une fois en causer de près et par bouffées avec son ami l’Allemand Grimm, l’ancien élève d’Ernesti. — Celui qui l’a lu (j’entends toujours lu à la source), dans tout ce monde du xviiie  siècle, ce n’est ni d’Alembert, ni Duclos, ni Marmontel, ni même le critique La Harpe, dont ce serait pourtant le devoir et le métier ; ce n’est pas même Fontanes, d’un goût si pur, mais paresseux. […] Au lieu de venir à l’une de ces grandes époques où le monde se rassoit, Ronsard tombait dans un temps où tout bouillonne, et où, pour ainsi dire, on entre dans la chaudière. […] Lors même que, dans le sujet et la fable de Francus, il y aurait eu matière à une composition nationale, il manquait donc la famille des Jules et un Auguste demandant à Virgile L’Énéide au lendemain de son triomphe et de la célébration des jeux de Troie, et comme un magnifique couronnement de la paix du monde.

1650. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Je ne témoignais de penchant pour aucun côté, ni ne me mêlais à rien ; j’avais toujours un air serein, beaucoup de prévenance, d’attention et de politesse pour tout le monde, et comme j’étais naturellement fort gaie, je vis avec plaisir que de jour en jour je gagnais l’affection du public, qui me regardait comme une enfant intéressante et qui ne manquait pas d’esprit. […] Elle prit très-bien ce que je lui dis et me répondit sur le même ton, le plus gracieusement du monde, que si elle était homme ; ce serait à moi qu’elle donnerait la pomme. […] Je me souviens qu’un jour, à une de ces mascarades publiques, ayant appris que tout le monde se faisait faire des habits neufs, et les plus beaux du monde, désespérant de pouvoir surpasser les autres femmes, je m’avisai de mettre un corps couvert de gros de Tours blanc (j’avais alors la taille très-fine), une jupe de même sur un très-petit panier ; je fis accommoder mes cheveux de derrière la tète, qui étaient fort longs, très-épais et fort beaux ; je les fis nouer avec un ruban blanc en queue de renard ; je mis sur mes cheveux une seule rose avec son bouton et ses feuilles, qui imitait le naturel à pouvoir s’y tromper, une autre je l’attachai à mont corset ; je mis au cou une fraise de gaze fort blanche, des manchettes et un tablier de la même gaze, et je m’en allai au bal. […] Et quelques années auparavant, pendant un pèlerinage de l’Impératrice au couvent de Troïtza, non loin de Moscou, Catherine, qui s’était établie dans les environs, à Rajova, avec son monde, voyait arriver tous les jours le frère du favori d’alors, l’Hetman des Cosaques, le jeune comte Cyrille Razoumowsky, très-aimable, lequel demeurait assez loin dans sa terre par-delà Moscou, et qui faisait 40 ou 50 verstes tous les jours (10 ou 12 lieues) pour venir dîner et souper dans cette petite société, s’en retournant chaque nuit.

1651. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Je m’explique pourquoi cette physionomie, prise au repos et fixée par la photographie, est plutôt grave et triste, et si fortement travaillée ; je ne l’avais vu que dans le monde, c’est-à-dire causant, animé et charmant. […] Il semble alors qu’une noble et sainte alliance se forme entre cinq jeunes hommes, pleins de foi et de vaillance. — “Moi, je couvrirai ces toiles, ces murailles de mes peintures vivantes : graveur, prépare ton burin et répands mon œuvre dans le monde entier.” — “Je ferai respirer l’argile, dit le statuaire, et le marbre tremblera devant moi, comme il tremblait devant le Puget.” — “Moi, je saurai créer des mélodies sublimes, et mes chants inspirés se marieront aux belles harmonies de l’orchestre obéissant.” — L’architecte prend la parole et dit : “Moi, je construirai le temple où vivront tes peintures, où respireront tes statues ; je bâtirai le théâtre immense où frémira le public sous l’empire de tes chants ! […] Nul embarras : un désir de plaire assez marqué, mais justifié à l’instant même et de la meilleure grâce ; de la fertilité, de l’enjouement ; d’heureuses comparaisons prises dans l’art qui lui était le plus cher, dans la musique, et qui piquaient par l’imprévu et par l’ingénieux : — ainsi, dans la notice sur l’architecte Abel Blouët, la place de l’artiste au cœur modeste, à la voix discrète, comparée au rôle que joue l’alto dans un concert (« Un orchestre est un petit monde, etc. ») ; — des anecdotes bien placées, bien contées, des mots spirituels qui échappent en courant ; — ainsi dans la notice sur Simart, à propos des rudes épreuves de sa jeunesse : « Simart, après avoir été misérable, ne fut plus que pauvre et se trouva riche » ; — savoir toujours où en est son auditoire et le tenir en main et en haleine ; ne pas trop disserter, et glisser la critique sous l’éloge ; s’arrêter juste et finir à temps. […] Rien n’égale, à cet égard, la sincérité du premier jet : je donnerai donc ici les notes mêmes ; c’est tout un portrait d’Halévy, pris sur le vif, saisi dans l’intérieur et dans la familiarité : « Il avait un don naturel d’écrire, cultivé, perfectionné par l’étude, par un goût de lecture qu’il satisfaisait partout, dans son cabinet, pendant l’intervalle des travaux, des conversations d’affaires, dans les voitures publiques, dans les réunions d’amis, dans le monde même.

1652. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Tous les genres d’intérêt sont là réunis, et après même que la compassion contemporaine et vivante pour le grand homme souffrant est épuisée, les moindres de ses paroles conservées et transmises appartiennent à jamais au monde et vont émouvoir encore ou instruire la dernière postérité. […] La bêche en main dès l’aurore avec tout son monde, il travailla à élever un épaulement en terre gazonnée contre le vent du sud-est qui brûlait toute végétation ; et, fort de cet abri, il transplanta ensuite quelques arbres, surtout un chêne, cet ombrage si désiré, et le seul élève de toute cette plantation qui vive encore. […] Cette messe de l’Empereur à Sainte-Hélène, de celui qui avait restauré les autels et rouvert Notre-Dame avec pompe en 1802, et qui aujourd’hui dépouillé, relégué aux confins du monde, voulait revoir un autel au seuil du tombeau, cela n’est-il pas comme un dernier chapitre du Génie du christianisme ? […] Du reste, je ne parle que du mien, que je crois le plus sérieux qu’il y ait au monde ; et ne pas se proposer la forme simple, c’est n’en comprendre ni la beauté ni la grandeur.

1653. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Nulle part ce premier et principal dessein qu’a l’auteur de railler les livres de chevalerie, de les décrier et d’en ruiner l’autorité dans le monde et parmi le vulgaire, ne se perd de vue ni ne se laisse oublier ; il est ramené sans cesse. […] Ce pauvre Don Quichotte, répétant les exploits des anciens chevaliers avec une si parfaite bonne foi et une candeur si unique, donne jour à une telle variété de rencontres et d’aventures, — l’écuyer Sancho, dès la seconde sortie, accompagne et double si grotesquement son maître, avec ce perpétuel contraste de demi-bon sens et de demi-bêtise qui ne feront que s’accroître et se solidifier en avançant, — l’auteur, par des stations ménagées à propos, sait si naturellement entremêler d’autres récits et nous intéresser, chemin faisant, par les côtés passionnés et romanesques de notre nature, — il profite si justement et avec une si légitime hardiesse des instants lucides de son héros qui n’extravague que sur un point, pour le faire noblement et fermement discourir des matières que lui-même avait le plus à cœur de traiter, — tout cet ensemble vit, marche, se déduit si aisément, d’un cours si large, si abondant, et avec une telle richesse de développements imprévus et d’embranchements inépuisables, qu’on est bien réellement en plein monde, en plein spectacle, en plein air sous le ciel, qu’on nage dans un courant de curiosité humaine de tous côtés excitée et satisfaite, et que rien ne sent ni ne rappelle l’application critique et satirique née dans le cabinet. […] Pour rester vrai à son égard, il faut se résigner à essuyer cette larme que depuis quelque temps on veut absolument mêler à son sourire, ou bien alors il faut dire en avertissant le monde : « Cette larme lui sied mieux, selon nous, et c’est nous qui la lui mettons. » De bons esprits à l’étranger, Hallam et M.  […] Le monde en général, même celui des choses de l’esprit, ne va que par des à peu près.

1654. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Il déteste peut-être un peu trop l’Anglais (le Saxon) comme au temps du combat des Trente ; il paraît trop persuadé que son pays est, à tous égards, le premier du monde, sa langue, la plus belle de toutes : en prose, cela s’appellerait des préjugés et des entêtements ; c’est bon à chanter, non à dire. […] Non pas pour être alors vainqueur De l’amour que j’ai, car mon cœur La verra toujours jeune et belle ; Mais pour que son doux entretien Me gardât vieux longtemps près d’elle, Et sans que le monde en dît rien. […] Quoique j’aie dit que je ne prétendais pas faire le moins du monde une Notice sur Boulay-Paty, je suis pourtant amené, par l’incomplet et l’insuffisance absolue de celle qui est en tête du Recueil posthume, à donner quelques indications précises et quelques dates. […] , il vivait si en dehors du monde, que j’ai été seul de ses anciens amis à son convoi.

1655. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Je blesse sans doute votre modestie, mais c’est un amour-propre poussé à l’excès qui m’entraîne à faire l’éloge de mon discernement. » Rappelé brusquement du Nord par la maladie et la mort de sa mère, le comte de Gisors reparaissait dans le monde de Paris et de Versailles avec une éducation achevée. […] On remarqua qu’il y avait très peu de monde, et même de monde officiel, à son service funèbre. […] Cela s’est vu souvent chez ces femmes du grand monde.

1656. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Je parle de Charles Loyson dans la Revue des Deux Mondes (1840)126. […] Vous m’êtes échappés, secrets d’un autre monde,    Merveilles de crainte et d’espoir, Qu’au bout d’un océan d’obscurité profonde Sur des bords inconnus je croyais entrevoir ! […] Droz, Auger, Campenon, tous exacts et honnêtes esprits, mais un peu froids, un peu ternes et sans nouveauté : il se retrouvait plus à sa place et dans son vrai monde, lorsqu’il était en compagnie des Royer-Collard, des de Serre, ses vrais maîtres, et qui lui témoignaient par leur considération qu’ils le tenaient, malgré sa jeunesse, pour l’un des leurs. […] Il était fort au courant de la littérature anglaise, et je trouve dans le tome I du Spectateur, page 153, un article de lui sur l’auteur des Lettres de Junius : il y indique et y appuie la solution qui les attribue à sir Philip Francis, la même qui a été si ingénieusement discutée et proposée par M. de Rémusat dans la Revue des Deux Mondes du 15 septembre 1868.

1657. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Rousseau se désaccoquina du café et désavoua les couplets dans le monde ; mais on en parlait toujours ; de temps à autre de nouveaux couplets clandestins se retrouvaient sur les tables, sous les portes ; cette petite guerre dura dix ans et ouvrit le siècle. […] Un poëte lyrique, c’est une âme à nu qui passe et chante au milieu du monde ; et selon les temps, et les souffles divers, et les divers tons où elle est montée, cette âme peut rendre bien des espèces de sons. […] Et à toutes les époques de trouble et de renouvellement, quiconque, témoin des orages politiques, en saisira par quelque côté le sens profond, la loi sublime, et répondra à chaque accident aveugle par un écho intelligent et sonore ; ou quiconque, en ces jours de révolution et d’ébranlement, se recueillera en lui-même et s’y fera un monde à part, un monde poétique de sentiments et d’idées, d’ailleurs anarchique ou harmonieux, funeste ou serein, de consolation ou de désespoir, ciel, chaos ou enfer ; ceux-là encore seront lyriques, et prendront place entre le petit nombre dont se souvient l’humanité et dont elle adore les noms.

1658. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Les Romains ont civilisé le monde qu’ils avaient soumis. Il fallait que d’abord la lumière partit d’un point brillant, d’un pays de peu d’étendue, comme la Grèce ; il fallait que, peu de siècles après, un peuple de guerriers réunît sous les mêmes lois une partie du monde pour la civiliser en la conquérant. […] Ce mélange, cette réconciliation du Nord et du Midi, qui fut un si grand soulagement pour le monde, n’est pas le seul résultat utile de la religion chrétienne. […] Il n’y a qu’un fait pour l’homme éclairé depuis le commencement du monde, ce sont les progrès des lumières et de la raison.

1659. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Le plus grand homme du monde s’occupe à manger, à dormir, à causer, à s’ennuyer, à effacer la grandeur et l’originalité de son caractère dans les petits détails communs d’une foule de petites actions communes, et le héros n’est héros que par exception. […] On va voir ce qu’est devenue celle d’Esope en entrant dans ce monde nouveau. […] Et si dit, par l’âme son père Que bêtes à lui ne se père (compare) De noblesse ni de beauté : Car au monde n’a pas auté (pareil). […] Il ne verra dans le lion que l’animal royal, et la noble bête sera toujours majestueuse comme Louis XIV, « qui en jouant au billard conservait l’air du souverain du monde. » Il ne peindra les qualités diverses que pour les rapporter à la qualité principale qui engendre toutes les autres.

1660. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Mais il me paraît de toute évidence que le second Tartuffe, l’homme du monde, l’homme d’esprit, l’aventurier de haut vol, ne croit ni à Dieu ni à diable. […] Febvre en faisait, lui, un homme du monde et un « brillant causeur ». […] Et pourtant, si Molière revenait au monde, c’est bien, j’en suis sûr, ce truand aux basses grimaces qu’il voudrait voir, et qu’il conseillerait à ses interprètes de rendre uniquement. […] Et cette noblesse, Dorine elle-même ne paraît pas la mettre en doute, lorsqu’elle dit à Marianne : Vous irez par le coche en sa petite ville… D’abord chez le beau monde on vous fera venir.

1661. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Or, 1º il y a de par le monde, spécialement à Paris, quelques milliers d’intelligences cultivées auxquelles on a appris le goût du travail, de la charité, de la fraternité ; on leur a confié des anecdotes slaves émouvantes, et ils ont entendu ce vers de Voltaire : « J’ai fait un peu de bien, c’est mon meilleur ouvrage. » Voilà l’éducation de cette élite. […] Radiot, comme les socialistes, a jugé le monde organisé sottement et injustement. Et il dresse un plan de réparation dont les principes sont, je pense, les suivants : La société ne vaut que par sa tête ; les parties basses n’importent pas plus que le bétail de boucherie ; le monde doit donc être disposé de façon à sauvegarder et à ennoblir l’Élite. […] En attendant, il faut lutter pour défendre les savants, les idéologues et les bibliothécaires qui collaborent dans le monde entier à l’édification de la science intégrale.

1662. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Charles Maurras, soucieux de restaurer le règne de l’Intelligence, y luttait contre les empiètements de la sensibilité brouillonne et, à rebours des esthètes névropathes, nous invitait à ne pas réduire le monde à soft décor et à ne pas juger des choses, en dernier ressort, sur l’unique témoignage des sens. […] Le monde a tellement soif de joie ! […] Le symbole est vieux comme le monde et de qui se réclament-ils ? […] Afin de secouer le joug odieux, nos modernes anarchistes rêvent de bouleverser le monde et de s’ouvrir le chemin de la liberté à coups de bombes.

1663. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Il ne s’amuse pas à rompre des lances, « car c’est la plus grande rêverie du monde, remarque Rabelais, de dire : J’ai rompu dix lances en tournoi ou en bataille ; un charpentier en feroit bien autant ; mais une louable gloire, c’est d’une lance d’avoir rompu dix de ses ennemis ». […] Là prenoit le plus grand plaisir du monde. […] Eugène Noël : Il arracha, dit ce biographe, les hommes de son temps aux ténèbres, aux jeûnes formidables du vieux monde… Son livre, tout paternel, répondit à ce cri de soif universelle du xvie  siècle : À boire au peuple ! […] J’avais alors un souverain mépris pour Rabelais. » Dans ses Lettres philosophiques, il a parlé de lui très légèrement en effet, en le mettant au-dessous de Swift, ce qui n’est pas juste : « C’est un philosophe ivre, concluait-il, qui n’a écrit que dans le temps de son ivresse. » Mais, vingt-cinq ans plus tard, il lui a fait réparation en écrivant à Mme Du Deffand : J’ai relu, après Clarisse, quelques chapitres de Rabelais, comme le combat de frère Jean des Entommeures et la tenue du conseil de Picrochole ; je les sais pourtant presque par cœur, mais je les ai relus avec un très grand plaisir, parce que c’est la peinture du monde la plus vive.

1664. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Quand Marie Stuart perdit subitement son mari (5 décembre 1560), et que, veuve à dix-huit ans, il fut décidé qu’au lieu de rester en son douaire de Touraine, elle retournerait en son royaume d’Écosse pour y mettre ordre aux troubles civils qui s’y étaient élevés, ce fut un deuil universel en France dans le monde des jeunes seigneurs, des nobles dames et des poètes. […] Elle l’aimait si follement (avril 1567) qu’elle disait, à qui voulait l’entendre, « qu’elle quitterait la France, l’Angleterre et son propre pays, et le suivrait jusqu’au bout du monde, vêtue d’une jupe blanche, plutôt que de se séparer de lui ». […] Elle émeut le monde entier dans l’intérêt de son infortune et le soulève par un charme puissant. […] Ce n’est plus la femme passionnée et légère, punie pour ses fragilités et ses inconstances, c’est l’héritière légitime de la couronne d’Angleterre, qui est exposée dans son donjon aux yeux du monde, une catholique fidèle, inébranlable, et qui refuse de sacrifier sa foi à l’intérêt de son ambition et même au salut de sa vie.

1665. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

C’était le mercredi, 26 janvier 1831, qu’il devait faire son premier pas hors de ce cercle et dans le monde proprement dit ; il devait assister à un bal donné par lord Cowley, ambassadeur d’Angleterre. […] La puissance de Méhémet Ali en Égypte était alors l’objet de l’attention des politiques et de la curiosité du monde : c’est par cette étude faite de près et sur les lieux, que le duc de Raguse termina ce voyage, et qu’il put dire en se rendant toute justice : Il est dans mon caractère de prendre un vif intérêt à ce qui a de la grandeur et de l’avenir. […] Non, la France ne saurait renier celui qui justifia si bien les grandeurs déjà commencées de l’histoire, et qui montra de sa présence et de sa personne, dans ces diverses contrées du monde où il parut, que la renommée lointaine ne mentait pas. […] S’il en était autrement, j’en serais bien aise assurément ; mais pour rien au monde, à quelque titre que ce soit et de quelque manière que ce puisse être, je ne voudrais pas que ce fût pour moi, ou de la part de mes amis pour moi, l’occasion d’une provocation.

1666. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

» Mais, cela dit, il ne faut pas qu’en s’abstenant de prendre part dans les affaires décisives du monde, ces sages et solitaires y jettent au passage leurs boutades rimées ni leurs satires. […] Je ne puis vous dire combien je me trouve heureux depuis que j’ai secoué le monde. […] Mon cher ami, le monde ira comme il plaira à Dieu : je me suis fait ermite. […] Ô Poésie française, me suis-je dit bien des fois en lisant Ducis, que tu es femme du monde, volontiers capricieuse et infidèle, et que tu sais aisément trahir ceux qui t’aiment !

1667. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

La névrose après avoir causé l’incapacité sociale du duc Jean, affiné son intelligence jusqu’à l’amincir, apparaît en lui plus ouvertement, le poursuit d’hallucinations, le force une première fois — dans l’épisode du voyage ébauché à Londres  à tenter de rentrer dans la vie, l’anémie le mine et l’accable dans une prostration finale jusqu’à ce que la folie et la phtisie le menaçant — le duc Jean se résolve sur l’ordre de son médecin à revenir au monde pour mourir plus lentement. […] Il tire de l’observation des comparaisons étonnamment justes : « Elle eut à la fin des larmes, qui coulèrent comme des pilules argentées, le long de sa bouche. » Comme pour tous les artistes, le commerce avec la réalité, avec ce que l’on peut saisir par les sens, revoir, tâter et montrer avec les spectacles familiers de l’humanité et du, monde, lui a été profitable. […] Ce livre avec lequel on pourra toujours restituer la physionomie exacte du Paris actuel, nous donne l’aspect intime de la rue le matin quand les cafés s’ouvrent sur le passage des ouvriers et des filles découchées la nuit au moment des rentrées tardives, le soir à l’heure discrète ou des messieurs bien mis enboitent le pas d’ouvrières en cheveux, au crépuscule, où déserte et morte, elle sèche d’une averse sous la flambée jaune du soleil couchant ; il nous donne les boutiques, les ateliers, le garni d’un peintre, les brasseries, les restaurants, l’appartement d’une fille, celui d’un employé, tout le dedans et le dehors de la capitale du monde moderne. […] Sur la base d’un réalisme rigoureux, d’une aptitude singulière à apercevoir le monde ambiant, en son aspect véritable et à ressentir un plaisir général à la décrire, s’étage une faculté visuelle plus spécialisée, plus délicate, source de plus de joie et de plus d’efforts, celle de sentir et de retenir de préférence des sensations colorées.

1668. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Cousin est une aristocratie, et la haute naissance, il est vrai, enseigne la fierté, parfois la grandeur d’âme, toujours l’élégance et les belles manières ; avec la richesse elle donne la sécurité, le loisir, le goût pour les occupations de l’esprit ; elle fait des hommes du monde, des hommes de guerre, des hommes de cour, et quelquefois des hommes de cœur. […] Cousin, les entretiens alors étaient charmants, les bâtiments magnifiques, les fêtes galantes, les actions héroïques, les amours nobles, les caractères grands, la piété parfaite, et que dans ce monde accompli Mme de Longueville tenait le premier rang. […] Après les témoignages graves, viennent les témoignages douteux, et jusqu’à celui du poète Scudéry, le plus grand vantard du monde. — Êtes-vous satisfait, lecteur sceptique ? […] Il nomme toutes les prieures, il expose en style ecclésiastique leurs caractères tous divers, mais tous également saints ; il marque leur famille, il donne des détails sur la généalogie, il explique les circonstances qui les ont retirées du monde.

1669. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Dans quel monde M.  […] Est-ce dans ce monde légendaire et fantomal où les femmes, suivant l’expression célèbre d’un rapport de la censure théâtrale, « ne tutoient pas leurs amants » ? […] Hervieu opérait dans le monde, affaires étrangères, sports, militaires, belles madames, il en montrait les marionnettes comme un qui connaît bien leurs ficelles, qui sait ce qu’elles valent et qui n’en clame point.

1670. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

À mesure que la vie du corps s’éteignait, son âme se rassérénait et revenait peu à peu à sa céleste origine. 11 retrouva le sentiment de sa mission ; il vit dans sa mort le salut du monde ; il perdit de vue le spectacle hideux qui se déroulait à ses pieds, et, profondément uni à son Père, il commença sur le gibet la vie divine qu’il allait mener dans le cœur de l’humanité pour des siècles infinis. […] Pour des milliers d’années, le monde va relever de toi ! […] Mille fois plus vivant, mille fois plus aimé depuis ta mort que durant les jours de ton passage ici-bas, tu deviendras à tel point la pierre angulaire de l’humanité qu’arracher ton nom de ce monde serait l’ébranler jusqu’aux fondements.

1671. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

C’est une dilution des journaux du temps dans un verre d’eau, incolore, insipide et gonflant comme tous les verres d’eau du monde. […] a des prix de pitié pour elles, qui font concurrence à ses prix de vertu… Mais lorsque des femmes du monde, et du plus grand, investies de tous les avantages de la vie, de la naissance, de la richesse et quelquefois de la beauté, qui ont des salons pour y être charmantes, des familles pour y être vertueuses, se détournent assez d’elles-mêmes et de leur véritable destinée pour vouloir être littéraires comme des hommes et prétendent ajouter la gloriole de la ponte des livres à l’honneur d’avoir des enfants, la Critique n’est-elle pas en droit de les traiter comme les hommes qu’elles veulent être, sans crainte de passer pour brutale, ainsi que le fut un jour l’empereur Napoléon avec Mme de Staël ? […] Mais l’aimable, c’est encore l’auteur qui cite tout ce monde pour se faire un livre.

1672. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Louis XVI, cet homme unique dans les annales du monde, dont Renée a dit si bien « qu’il faisait toujours ce qu’il ne voulait pas, tout en voyant ce qu’il faisait », Louis XVI, peint ressemblant comme nous l’a peint Renée, suffit parfaitement pour faire comprendre les impossibilités de ce règne que la Révolution interrompit. […] Le plus souvent on a besoin, pour en expliquer les catastrophes et les infortunes, de recourir aux idées des hommes désorientés par le malheur suprême, à ces idées qui sont comme les planches de salut qu’ils saisissent quand ils ne comprennent plus rien aux faits de la vie dans le naufrage de leur raison : logique des événements, justice de Dieu, Providence ou hasard, lois mystérieuses qui régissent le monde ! […] Il était, au contraire, une sublimité de faiblesse, un phénomène — et un phénomène prodigieux — de pusillanimité morale et de défaillance, on ne sait quelle chimérique merlette de blason, sans bec ni sans ongles, et comme il était cela et n’était que cela, tout fut dit : le monde, dont il était l’ironique clef de voûte, s’affaissa.

1673. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

Hors ce résultat, qui est la destruction, n’importe par quelles voies, du monde ancien et de ses hiérarchies, et l’érection, n’importe par quelles voies, du monde nouveau appuyé sur l’égalité politique, rien pour l’auteur de cette histoire ne vaut la peine d’être aperçu ou même regardé. […] Or, si c’est là, sans aucune exagération, sa seule philosophie, si son histoire tout entière est contenue dans de telles prémisses, il est facile d’en conclure cette terrible abréviation des soixante années qui valent peut-être deux siècles ordinaires, tant elles ont influé sur le cours des choses et du monde !

1674. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

Il a cru que dans le mystère, le mystère profond de la vie, une question d’éducation pouvait toujours résoudre une question de destinée : ce qui rendrait la vie aussi plane en réalité qu’elle est hérissée de complications formidables ; et alors, moraliste appliqué exclusivement à la femme, il est devenu le Chesterfield de mademoiselle sa fille, et il l’a formée pour un mari dans une suite de chapitres où il parle à la seconde personne, et qui ressemblent à des lettres, absolument comme le lord anglais, plus superficiel, formait pour le monde et la politique son gentilhomme de fils qui, je crois, aurait été un assez pauvre diplomate, et, à ce qu’il paraît, a eu toute sa vie assez mauvais ton ! […] Weill est un écrivain qui a de la vie, dans ce monde livré aux pâteux ! […] À force de regarder sa fille et d’attendre à l’horizon le gendre qui doit y apparaître, il ne voit plus, moraliste raccourci, les autres jeunes filles d’un monde très compliqué, très varié, plein de vocations différentes, et que le seul mariage n’explique pas comme au premier jour de la création.

1675. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Seulement, l’homme qui étonnait Bossuet avait été soumis aux rudes épreuves que subissent tous, plus ou moins, ceux-là qui réussissent dans ce monde et y parviennent à la célébrité ou à la gloire. […] , Gœthe est resté dans le préjugé, comme dans un marbre impossible à entamer, le Shakespeare du monde moderne, et, que dis-je ? […] Blaze de Bury, écrivain de la Revue des Deux Mondes (cela pèse un professeur), y publiait un article sur Goethe qui serait sans excuse si M. 

1676. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Oscar de Vallée lui-même, qui ne veut pas qu’on les oublie et qui a plus mesuré son admiration à la moralité révoltée, intrépide et fière de Chénier, qu’à la supériorité intellectuelle de l’écrivain, n’a pu s’empêcher de revenir au poète et de finir son livre par des vers plus beaux que toutes les proses du monde, et qui enterrent le prosateur dans la tombe du poète, à mille pieds dans les rayons de cette tombe, faite avec des rayons ! […] Au xixe  siècle, Chateaubriand, Lamennais, Bonald et Louis Veuillot, qu’il faut nommer après eux, eurent du christianisme dans leur génie, et le Christianisme tient tant de place dans les choses humaines qu’il est impossible à des hommes qui se mêlent aux choses de ce monde de s’en passer sans se diminuer, quand ils sont les combattants de tous les jours dans la bataille des idées, en attendant celle des hommes ! […] Elles n’ajouteront rien à l’opinion du monde, et il n’y aura que des curieux, des lettrés et des exceptionnels, qui chercheront le journaliste, cette aiguille dans une botte… de gloire, et qui se préoccuperont de le trouver dans l’homme qui fit déroger sa poésie à n’être, un instant, que cela !

1677. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Elles prirent bien Robespierre pour ce qu’il était, — c’est-à-dire pour la Terreur elle-même, pour la Terreur faite homme ; car il faut que toute force se fasse homme pour être davantage et pour avoir toute la puissance de ce qu’il y a de plus puissant au monde : — l’Unité. […] Le monde romain stupéfié se tut devant Sylla, et il s’en alla mourir tranquille à sa maison de campagne, cet homme qui, malgré ses batailles et son génie de gouvernement, n’avait jamais été fier que d’une chose, qui ne lui appartenait pas, c’est d’avoir été toujours heureux… Robespierre, lui, l’autre proscripteur, ne s’arrêta pas. […] IV Il n’était que cela, — et je m’en doutais bien un peu, mais je ne l’avais pas vu avec cette évidence que je dois à M. d’Héricault… On a beau se rappeler le mot d’Oxenstiern sur la médiocrité de ceux qui gouvernent les hommes pour s’expliquer la toute-puissance et la popularité de Robespierre et l’écrasement de tous ses rivaux de pouvoir, qui avaient des facultés d’esprit dix fois plus éclatantes que les siennes et des âmes vingt-cinq fois plus hautes, on a peine à croire que le monde ait été — ne fût-ce qu’une heure ! 

1678. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Malgré son fond de piété sincère, — la piété des femmes de l’ancien monde qui ne s’étaient pas enversaillées, comme disait le vieux marquis de Mirabeau, — elle a les haines et les mépris un peu altiers des femmes comme elle, à qui la Révolution a cassé sur la tête le dais sous lequel elles rendaient la justice féodale autrefois. […] Elle, la marquise de Créqui, ne dépendait pas ainsi du monde. […] … À cette époque encore, les gens du monde entraient en dévotion sans quitter entièrement le monde, et c’était presque une prise d’habit sans cloître que cette modification profonde et réfléchie qui se produisait tout à coup dans les mœurs et les élégances d’une femme.

1679. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XII. MM. Doublet et Taine »

Honteux d’être obligé de rétrograder jusque-là, car il a un bon sens qui se révolte probablement contre les conclusions de sa philosophie, l’historien de l’intelligence essaie de s’abriter sous l’opinion (d’ailleurs rétractée) de saint Augustin, dont le génie, comme on le sait, élevé dans les écoles, oscilla plus d’une fois aux souffles de son temps, avant de devenir la ferme lumière qui a brillé dans le monde catholique, phare immobile à travers les siècles ! […] … III Certes, quand on touche de pareils résultats, quand on lit ce livre laborieux dans le rien où l’abstraction met le monde en, poudre, on comprend que M.  […] Dans la splendeur animée du monde catholique, où nous assistons à la vie, les philosophes nous semblent des ombres chinoises, des marionnettes noires qui s’agitent sur une toile blanche tamisée de lumière, et cela nous cause je ne sais quel frémissement de plaisir de les voir se livrer aux affreux amusements de la discorde et se briser des meubles sur leur majestueux angle facial.

1680. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Georges-Maurice de Guérin, qui dans le monde aimait à porter le nom du Cayla (l’antique château de ses pères), fut un poète, ou, pour parler plus correctement, un écrivain d’imagination, qui mourut très jeune, en 1839, dans une obscurité contre laquelle, du reste, il ne s’est jamais révolté. […] Au lieu d’écrire, eux qui l’avaient connu, sous l’empire des souvenirs personnels et émus qu’il leur avait laissés, ils ont mieux aimé s’adresser à un écrivain qui ne l’avait jamais vu, pour dire au monde ce qu’il était et lui attacher le second grelot de sa gloire, puisque le premier n’avait pas assez retenti ! […] Gœthe, si respecté par Sainte-Beuve, Gœthe, qui aurait joui si profondément du Centaure et qui aurait rêvé à son tour cet Hermaphrodite, fils des Musées et de Pausanias, et qui devait devenir, dans la pensée de Guérin, le frère du Centaure ; Gœthe n’aurait confondu avec personne ce panthéiste original qui ne vit jamais au monde que la Nature, — la grande Nature qu’aimait Lucrèce, celle-là qui tient sous le bleu du ciel, entre deux horizons, — et, tout allemand qu’il fût, il aurait mieux compris que Sainte-Beuve l’interprétation presque consubstantielle de cette nature que Guérin nous a faite, dans ces fragments inouïs de pureté, de mollesse et de transparence, de contours sinueux et rêveurs !

1681. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

Le monde aussi. […] Cela le met à part de Lamartine, ce Virgile chrétien plus grand que Virgile, et que Racine, s’il revenait au monde, adorerait à genoux ! […] L’art, le talent, la poésie surtout, cette Isis voilée au vulgaire, sont incompréhensibles à qui n’a ni art, ni talent, ni poésie, et c’est le gros du monde, cela !

1682. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

Il n’était poète que de génie, mais il n’avait pas l’effroyable légèreté des poètes, de ces oiseaux charmants qui chantent et qui s’envolent, et dont le monde, dans un sens plus amer que ne le disait Lamartine : Ne connaît rien d’eux que leur voix ! […] Il avait une femme et une fille que le monde connaît, car il les lui a apprises dans cette poésie, qui fut la dernière qu’il ait écrite, et qu’il consacra, sous le titre de : Quelques vers pour Elle à sa femme, morte depuis à peine quelques mois. […] Il les aimait et elles l’admiraient, et lui, le poète trompé peut-être dans ses aspirations de renommée, buvait l’admiration dans la coupe de ces deux cœurs, qui en étanchaient, mieux que le monde, la soif infinie.

1683. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Madame Sand et Paul de Musset » pp. 63-77

Laurent, comme l’éclair d’orage qui frissonne à l’horizon entre deux mondes, habite tour à tour le monde de l’inspiration et celui de la démence ; mais c’est celui de la démence qu’il habite le plus. […] C’est toujours la morale de tous ses livres, à elle, et de ceux de son père, qui dit « toi et moi » comme s’il n’y avait dans le monde que des amants et des maîtresses, et que l’amour supprimât du même coup la société et Dieu !

1684. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Deux romans scandaleux » pp. 239-251

Laurent, comme l’éclair d’orage qui frissonne à l’horizon entre deux mondes, habite tour à tour le monde de l’inspiration et celui de la démence, mais c’est celui de la démence qu’il habile le plus. […] C’est toujours la morale de tous ses livres à elle et de ceux de son père, qui dit «  toi et moi », comme s’il n’y avait dans le monde que des amants et des maîtresses, et que l’amour supprimât du même coup la société et Dieu !

1685. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Elle nous fait pénétrer dans le monde si efféminé du clergé parisien. […] Celui-ci, un peu prétentieux, croit contenir Deux mondes, ancien et nouveau continent. […] Il est exorbitant que le brave général écoute aux portes et entende des paroles décisives au moment où en réalité sa femme ne dit rien ; mais où l’auteur nous parle, dans un monde que le général ignore, dans un monde plus lointain qu’une autre planète. […] Parmi tous ceux qui professent à la Revue des Deux Mondes, Arvède Barine est un des moins déplaisants. […] Quand Maria Star s’occupe de la vanité du « monde », on a parfois le plaisir d’entendre comme un sifflement de cravache.

1686. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bornier, Henri de (1825-1901) »

. — Le Monde renversé, comédie en vers (1853). — Dante et Béatrix (1853). — La Muse de Corneille (1854). — Le Quinze janvier ou la Muse de Molière (1860). — Le Fils de la terre, roman (1864). — Agamemnon, tragédie en cinq actes (1868). — La Fille de Roland, drame en quatre actes (1875). — Les Noces d’Attila, drame en quatre actes (1881). — Poésies complètes, 1850-1881 (1881). — La Lizardière, roman (1883). — Le Jeu des vertus, roman d’un auteur dramatique (1885). — Mahomet (1888). — Le Fils de l’Arétin (1806). — France… d’abord ! […] Il est très mérité, il va à une belle œuvre et à l’homme le plus sympathique du monde.

1687. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

Le recueil de ses chansons représente tout un petit monde où l’homme fait entendre plus de soupirs que de cris de gaîté et où la nature, dont notre poète sent admirablement l’immortelle fraîcheur, semble avoir mission de consoler, d’apaiser, de dorloter le pauvre et l’abandonné. […] L’éternelle révolte de l’homme contre les lois inéluctables est aussi vieille que le monde ; elle exhalera éternellement sa plainte inutile.

1688. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IX » pp. 77-82

C’est elle qui se fit catholique parce que son mari était huguenot, et qui s’en sépara, afin, disait la reine Christine, de ne le voir ni dans ce monde-ci, ni dans l’autre. […] Adam, qui n’était pas le premier homme du monde.

1689. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens » pp. 305-312

Pourquoi le commun du monde les néglige-t-il aujourd’hui ? Enfin notre molesse vient-elle de notre genre de vie, ou bien est-ce parce que nous naissons plus foibles par l’estomac et par les visceres que nos ayeux, que chacun dans sa condition cherche de nouvelles préparations d’alimens, des nourritures plus aisées, et que les abstinences que ces ayeux observoient sans peine, sont aujourd’hui réellement impraticables au tiers du monde.

1690. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ix »

Ils ont donné ce Dieu au monde. […] Un monde d’idées nouvelles, ou plutôt de sentiments s’agitaient.

1691. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XII. Des panégyriques ou éloges des princes vivants. »

On était souvent en guerre ; l’empereur qui jouissait en paix des dépouilles du monde, souvent ne sortait point de son palais ; mais des généraux qui avaient quelquefois la hardiesse d’être de grands hommes, lui gagnaient des batailles : il était établi que ces batailles n’avaient été gagnées à trois cents lieues de lui, que par ses auspices invincibles. […] Le peuple romain, de conquérant devenu oisif, et ne pouvant plus se désennuyer en gouvernant le monde, aimait les fêtes, et on les lui prodiguait.

1692. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

des amours de ce monde, j’en ai assez, ô mon Dieu, comme cela ; ah ! […] Les choses de ce monde sont vertes et mûres. […] Les choses de ce monde sont vertes et mûres. […] Les choses de ce monde sont vertes et mûres. […] Les choses de ce monde sont vertes et mûres.

1693. (1927) Approximations. Deuxième série

Ce n’est pas à dire qu’il n’y faut pas de la raison : c’est comme les beaux vers ; … toute la raison du monde ne les empêche pas d’être mauvais, s’ils choquent l’oreille. […] Vous êtes bien la mesure du monde, dont mon âme ne me présente que le dehors. […] Combien, et qui ignorent jusqu’au nom de Schopenhauer, n’en vivent pas moins toute leur vie en fonction de son axiome liminaire : « le monde est ma représentation ». […] Or de ce monde à trois dimensions — est-il besoin de le rappeler aux lecteurs d’Un amour de Swann, aux familiers du salon de Mme de Villeparisis, aux hôtes de la duchesse de Guermantes ? […] Et il est au monde.

1694. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Enfin, comme il aurait pu se rencontrer néanmoins de par le monde des esprits assez disposés à m’adresser les accusations que M.  […] Avant lui, personne n’avait osé la tenter ; le monde au milieu duquel il nous introduit était une région inconnue pour la littérature russe. […] Déjà bien des fois on avait charitablement essayé de l’envoyer dans l’autre monde : mais il ne s’était pas laissé faire. […] À quoi bon déranger le monde pour rien ? […] — Non, — reprit-il, — ce monde-là n’est pas méchant, ce sont des espèces de bûches.

1695. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Voilà un beau principe social à établir pour base des vertus dans toute sociabilité en ce monde ! […] Il y a un monde entre ces deux systèmes. […] La justice est une révélation divine qui n’a été inventée par aucun sage, aucun philosophe, aucun législateur, mais que tout homme, sauvage ou civilisé, a apportée dans sa conscience humaine ou dans son instinct organique et naturel en venant au monde, comme il y a apporté un sens invisible, le sens de la société. […] Mais la société politique doit-elle l’égalité des conditions et des biens à tous les hommes venant dans ce monde, rois ou sujets, nobles ou peuple, riches ou pauvres, avec l’avantage ou le désavantage de ce qu’on appelle le fait accompli ? […] Le monde s’arrêterait le jour où une loi si immobile serait proclamée par les utopistes de J.

1696. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Plutôt que de le quitter, j’irai au bout du monde avec lui en jupon blanc. » Elle ne s’arrêtera pas qu’elle n’ait tout ruiné ici ; on lui a persuadé de se laisser enlever par Bothwell pour accomplir plus tôt leur mariage ; c’était chose concertée entre eux avant le meurtre de Darnley dont elle est la conseillère et lui l’exécuteur. » C’était le langage d’un ennemi, mais l’événement justifia bientôt après la prophétie de la colère. […] C’est là que gémissait Marie Stuart, opprimée sous les violences des lords presbytériens, déchirée par le remords, troublée par les fantômes du passé et par les terreurs de l’avenir. » Elle y portait dans son sein un fruit de son criminel amour ; elle y mit au monde une fille qui mourut ignorée, dans un couvent de femmes, à Paris. […] Je n’ai chose au monde que ma personne, telle que je me suis sauvée, faisant soixante milles à travers champs le premier jour, et n’ayant depuis jamais osé aller que la nuit… Faites-moi connaître aujourd’hui la sincérité de votre naturelle affection vers votre bonne sœur, cousine et jurée amie. […] Elle écrivit à tous ses parents et à tous ses amis de France et d’Écosse. — « Mon bon cousin, disait-elle au duc de Guise, celuy que j’ay le plus cher au monde, je vous dis adieu, estant preste par injuste jugement d’estre mise à mort, telle que personne de nostre race, grasces à Dieu, n’a jamays receue, et moins une de ma qualité ; mais mon bon cousin, louez-en Dieu, car j’estois inutile au monde en la cause de Dieu et de son Église, estant en l’estat où j’estois ; et j’espère que ma mort tesmoignera ma constance en la foy, et promptitude de mourir pour le maintien et restauration de l’Église catholique en ceste infortunée isle ; et, bien que jamais bourreau n’ait mis la main en nostre sang, n’en ayez honte, mon amy, car le jugement des hérétiques et ennemys de l’Église, et qui n’ont nulle jurisdiction sur moy, royne libre, est profitable devant Dieu aux enfants de son Église ; si je leur adhérois, je n’aurois ce coup. […] Un moment elle releva son voile, et sa figure, où brillait une espérance qui n’était plus de ce monde, parut belle comme au jour de sa jeunesse.

1697. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Lohengrin a depuis longtemps triomphé ; Wagner est hors du débat, car rien au monde ne saurait être plus indifférent, en cette matière, que l’opinion de M.  […] L’artiste en cheveux se trouvait être un mélomane fort au courant des choses et sachant son monde ; il reconnut le grand homme, et tout en faisant effort pour dominer son émotion : —  N’ai-je pas, en ce moment, demanda-t-il, l’insigne honneur de tenir en mes mains la tête illustre qui a conçu Lohengrin ? […] Votre imprimeur me fait dire ce matin la plus grosse bêtise du monde. […] Wilder est le premier journaliste du monde, Wagner vient… Wagner vient… » Et voilà ce qui se dit en France, voilà ce que les Français osent écrire. […] Cela rappelle que l’ironie et le pastiche ont eu de beaux moments dans le monde du wagnérisme.

1698. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Ce petit dieu de maraîchers et de vignerons va troubler le monde et le conquérir. […] Un nouveau monde s’ouvre devant Bacchus, il entre dans l’Inde, et l’imagination grecque mêlant plus tard l’expédition divinisée d’Alexandre à cette conquête fabuleuse, en composera un cycle éblouissant. […] Ce culte inextricable fait le tour du monde. […] Ainsi replongé chaque année avec la vigne au sein de la terre, Bacchus-Zagreus descend au monde souterrain, et s’y transfigure, dans les ténèbres, en dieu infernal. […] Bacchus fit une triste fin dans le monde antique : les prêtres d’Orphée avilis, tombés, avec le temps, dans les bas-fonds de la bohème religieuse, l’exploitèrent misérablement.

1699. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

… ……………………………………………………… Pan m’a dit : « Sois la voix de la terre et du monde. […] Les origines du monde sont ainsi expliquées en cinquante pages… Une impression vraiment profonde naît parfois de l’animation des tableaux évoqués ; mais l’émotion n’y a aucune part. […] Les cieux seront muets et le monde stérile ; Ton geste sacrilège a tué le désir !  […] Du monde et même du demi et même du nouveau monde. […] Partout ailleurs, son vers résonne d’un timbre qu’il emprunte à cette épigraphe de Taine : “l’antiquité est la jeunesse du monde”. — On dirait une transposition de la poésie grecque, avec parfois une attitude de Chénier, une intonation de Keats.

1700. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

La part du hasard ne disparaît pas pour cela, car il y a du hasard dans l’esprit, moins il est vrai que dans le monde. […] À cette cause d’illogisme que l’esprit porte en lui, il s’en ajoute une autre : ses rapports avec le monde extérieur. Tous les éléments sur lesquels l’esprit travaille ont des conditions médiates ou immédiates dans le monde, et ce que le monde apporte directement à l’esprit tient dans la vie mentale une place qui varie avec les individus, puisqu’il en est qui sont plus portés à observer, d’autres à réfléchir, mais qui est toujours considérable. […] Mais ces éléments derniers — ou supposés tels — et qui sont les mêmes d’ailleurs dans le monde organique et dans l’autre, en ce sens qu’on n’en retrouve aucun dans les êtres vivants qui ne se retrouve dans le monde physique, n’y sont pas reliés et coordonnés entre eux de la même façon. Leur organisation, presque nulle dans le monde inorganique, devient très compliquée et très hiérarchisée dans le monde vivant, et c’est là le fondement réel de l’opposition vraiment exagérée que l’on établit dans l’homme entre le dedans et le dehors.

1701. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Il croyait naturellement à un monde des essences. […] Extrais-toi de la geôle du monde, enfant des prisonniers. […] Ainsi le cartésianisme immodéré de Spinoza retire en un monde de glace géométrique une vivante philosophie française. […] Cela même, selon l’analyse psychologique, donne naissance au monde des objets, dont le monde propre au poète, extériorisé dans le Verbe, avec la même origine, n’est qu’un cas privilégié. […] On reconnaît la boutique d’orfèvre où, pour les Parnassiens, tenait le monde.

1702. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Dieu, l’âme du monde, la providence ou la fortune (appelée ainsi parce qu’elle fait naître mille événements imprévus dont les causes existent, mais dont nous ne pouvons apercevoir de si bas ni prévoir ces causes) gouverne l’univers. […] Rome, en proie aux démagogues, à la soldatesque, à la tyrannie, à la gloire de mauvais aloi, n’était plus digne de lui ; la pensée de Cicéron quittait ce monde vulgaire et pervers pour les régions sublimes et éternelles de la pensée. […] « Pas le moins du monde. […] Elle ne s’est pas donné le soin de nous produire et de nous conserver la vie, pour nous précipiter, après nous avoir fait éprouver toutes les misères de ce monde, dans une mort suivie d’un mal éternel. […] Quant à moi, ajoute-t-il, je doute si éteindre la piété envers la divinité, ce ne serait pas anéantir du même coup la bonne foi, la conscience, la société humaine tout entière, et la vertu qui supporte à elle seule le monde, je veux dire l’instinct de la justice !

1703. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Alors, il fut saisi par un de ces frissons de l’âme où il vous semble qu’on est transporté dans un monde supérieur. […] Pourquoi ne ferait-il pas, en quelque sorte, sympathiser et rimer le monde intérieur et le monde visible ? […] Salut, oubli du monde et de la multitude, Reprends-nous, ô nature, entre tes bras sacrés ! […] Tout commence en ce monde et tout finit ailleurs289. […]            Aye suspectz les abus du monde.

1704. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Dès l’instant où le gendarme lui a mis la main à l’épaule, il est, irrémédiablement, par ce geste, séparé du monde. […] Enfin, en aucun autre endroit du monde, on n’y pratique mieux le respect de la vie urbaine. […] Mais nulle force, dans le monde, ne m’empêchera de clamer et de proclamer que voilà une idée qui n’est pas bête. […] je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’ils s’établissent dans l’autre monde… Mais dans ce monde-ci, holà ! […] Et pourquoi ai-je eu l’idée bizarre et ridicule de le mettre au monde ?

1705. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Quand, au milieu d’une société riante et légère, le chevalier de Parny laissa échapper ses élégies immortelles, naïves inspirations du loisir et de la volupté, ce fut dans le monde un murmure flatteur de louanges, ou plutôt un frémissement de plaisir. […] Le poète érotique pour nous, c’est celui qui transporte la patrie, la liberté, l’humanité, dans l’amour, qui consacre les tourments et les désirs de la volupté par des douleurs et des espérances bien autrement viriles ; c’est celui qui nous enivre de notre gloire en même temps que de la beauté, qui, dans le délire des sens, a une pensée encore pour les malheurs du monde : nommons-le, le poète érotique pour nous, c’est Béranger, plaçant le message d’Athènes jusque sous l’aile de la colombe amoureuse.

1706. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Préface » pp. -

— « J’affirme que les conversations données par moi, dans les quatre volumes parus, sont pour ainsi des sténographies, reproduisant non seulement les idées des causeurs, mais le plus souvent leurs expressions, et j’ai la foi que tout lecteur désintéressé et clairvoyant, reconnaîtra que mon désir, mon ambition a été de faire vrais, les hommes que je portraiturais, et que pour rien au monde, je n’aurais voulu leur prêter des paroles qu’ils n’auraient pas dites. […] « Oui, je le répète, insista M. de Goncourt, avec un geste et un accent de conviction et de sincérité frappante, je n’en ai nulle honte, car depuis que le monde existe, les Mémoires un peu intéressants n’ont été faits que par des indiscrets, et tout mon crime est d’être encore vivant, au bout des vingt ans où ils ont été écrits, et où ils devaient être publiés — ce dont, humainement parlant, je ne puis avoir le remords.

1707. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

Pénétrez dans ces forêts américaines aussi vieilles que le monde : quel profond silence dans ces retraites, quand les vents reposent ! […] Oui, quand l’homme renierait la Divinité, l’être pensant, sans cortège et sans spectateur, serait encore plus auguste au milieu des mondes solitaires, que s’il y paraissait environné des petites déités de la fable ; le désert vide aurait encore quelques convenances avec l’étendue de ses idées, la tristesse de ses passions, et le dégoût même d’une vie sans illusion et sans espérance.

1708. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Les diverses parties du monde ancien ne furent d’abord que les parties du petit monde de la Grèce.

1709. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

De ces cinq motifs les deux premiers et le dernier impliquaient une louange de la sagesse divine, qui a ordonné le monde civil, et un témoignage que lui rendaient les philosophes, même au milieu de leurs erreurs. […] Les choses les plus sublimes en ce monde, sont les connaissances que l’entendement et le raisonnement peuvent nous donner relativement à Dieu ; les choses les meilleures sont celles qui concernent le bien de tout le genre humain ; les premières s’appellent divines, les secondes humaines ; la véritable sagesse doit donc donner la connaissance des choses divines pour conduire les choses humaines au plus grand bien possible.

1710. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Gabriel Naudé Il me semble difficile, lorsqu’on est arrivé en quelque endroit nouveau, en quelque coin du monde, pour s’y établir et y vivre quelque temps, de ne pas s’enquérir tout d’abord de l’histoire du lieu (et, si obscur, si isolé qu’il soit, c’est bien rare qu’il n’en ait point)  : quels hommes y ont passé, s’y sont assis à leur tour ; quels l’ont fondé, donjon ou clocher, maison d’étude ou de prière ; quels y ont gravé leur nom sur le mur, ou seulement y ont laissé un vague écho dans les bois. […] Avant de leur décerner le bonnet doctoral ou, comme on disait, le laurier, et de les lancer dans le monde, la Faculté, en bonne mère, les faisait louer et préconiser en public. […] Il pense avec Montaigne trop de bien de Plutarque, il l’estime trop hautement le plus judicieux auteur du monde, pour fifre entièrement dénué d’une certaine connaissance religieuse dont Plutarque a été comme le dépositaire et le suprême pontife chez les païens. […] Si Naudé ne comptait pas assez sur ce prochain monde des bons esprits, il semble avoir encore moins soupçonné qu’une autre portion plus délicate s’y introduirait, et que l’heure approchait où il faudrait écrire en français pour être lu même des femmes. […] Revue des Deux Mondes, 15 août 1836, article de M. 

1711. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

La plus noble le suivit par la Romagne, à Lorette et à Ferrare, chef-lieu de sa maison ; l’autre, où se trouvait beaucoup plus de monde et une belle cavalerie, passa par Florence. […] Je donnai l’ordre à tout mon monde de rester à sa place. […] Quand je fus entré, tout mon monde se mit après moi, en me faisant des reproches sur ce que je me fiais trop sur moi-même, et en me disant que quelque jour je me ferais tuer. […] Je courus ensuite à mon atelier, où je vis tout mon monde bouleversé. […] Une grande quantité de monde se rassembla pour le voir, même avant le jour, et tous le louaient à l’envi les uns des autres.

1712. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

L’enfant qui venait au monde se trouvait ainsi apparenté aux livres de tous les côtés. […] Quand il allait dans le monde, il ne sortait qu’après lui avoir rendu ces derniers devoirs de la journée et lui avoir donné le bonsoir filial, et il n’avait pas moins de trente-cinq ans alors. […] Magnin était dès lors à la Revue des Deux Mondes, et c’est de ce côté que sa faculté littéraire et critique allait désormais trouver un ample espace et un cadre heureux pour s’étendre et se développer. […] Pas le moins du monde. […] Ce Portrait a été inséré dans la Revue des Deux Mondes du 15 mai 1863.

1713. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

J’ai sous les yeux de très-agréables poésies publiées avant juillet 1830, et qui n’ont pas fait un pli, je vous assure ; de touchantes élégies dans lesquelles une jolie femme du monde écrivait : ….. […] Puis l’audience solennelle commence : Apollon a été choisi pour avocat du plaignant par Vénus, « encore que l’on ait, dit-elle, semé par le monde que la maison d’Apollon9 et la mienne ne s’accordoient guère bien. » Apollon accepte avec reconnaissance et tient à honneur de démentir ces méchants propos. […] Quelquefois, en attachant mes yeux sur toi, j’allais jusqu’à former des désirs aussi insensés que coupables : tantôt j’aurais voulu être avec toi la seule créature vivante sur la terre ; tantôt, sentant une divinité qui m’arrêtait dans mes horribles transports, j’aurais désiré que cette divinité se fût anéantie, pourvu que, serrée dans tes bras, j’eusse roulé d’abîme en abîme avec les débris de Dieu et du monde ! […] et belle, et naïve, et du monde étonnée ! […] Ceci était de convenance dans la Revue des Deux Mondes, où l’article a paru d’abord ; mais n’ayant pas, dans un volume, à observer les mêmes conditions de réserve rigoureuse, je laisse glisser le fruit savoureux : Oh !

1714. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

Je vis sur le milieu du pont, devant moi, un magnifique chariot de riches paysans, de la plaine du Cerchio, autour de Lucques, tout chargé de beau monde, en habits de noces, et recouvert contre le soleil d’un magnifique dais de toile bleue parsemée de petits bouquets de fleurs d’œillets, de pavots et de marguerites des blés, avec de belles tiges d’épis barbus jaunes comme l’or, et des grappes de raisins mûrs, avec leurs pampres, et bleus comme à la veille des vendanges. […] Les deux fiancés m’avaient adossée sur mon séant contre le parapet du pont, à l’ombre, et ils me regardaient doucement avec de belle eau dans les yeux ; on voyait qu’ils attendaient, pour questionner, que je leur parlasse moi-même la première ; mais je n’osais pas seulement lever un regard sur tout ce beau monde pour lui dire le remercîment que je me sentais dans le cœur. […] Je me gardai bien de lui dire que c’était un jeune cousin nommé Hyeronimo, là tout près dans la montagne de Lucques ; je ne voulais pas mentir, mais je lui laissai entendre que j’étais un de ces pifferari du pays des Abruzzes, où les enfants viennent au monde tout instruits et tout musiciens, comme les petits des rossignols sortent du nid tout façonnés à chanter dans les nuits et tout pleins de notes qu’on ne leur a jamais enseignées par alphabet ou par solfège. […] non, dit-il, nous étions assez de monde à la maison sans lui pour soigner les animaux et pour servir de valets de ferme au père ; mon frère aîné était entré depuis deux ans, comme porte-clefs de la prison, dans la maison du bargello ; notre aïeule l’avait ainsi voulu, pour que sa filleule, la fille du bargello, et son petit-fils, mon frère, eussent l’occasion de se voir tous les jours et de s’aimer ; car elle avait toujours eu ce mariage dans l’esprit, voyez-vous, et les grand-mères, qui n’ont plus rien à faire dans la maison, ça voit de loin et ça voit mieux que les autres. […] craindrais-tu de prendre service chez nous parce que nous sommes geôliers de la prison du duché, dont tu vois la cour par cette fenêtre, et parce que le monde méprise, bien à tort quelquefois, ceux qui portent le trousseau de clefs à la ceinture, pour ouvrir ou fermer les portes des malfaiteurs ou des innocents ?

1715. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Il est en outre d’une haute importance d’avoir formé son esprit et son goût à l’école des grands écrivains, si l’on ne veut pas rester-étranger aux choses dont on s’occupe dans le monde et à la langue qu’on y parle. […] Comme le soleil, elles éclairent le monde. […] Nous nous ferons les concitoyens, les contemporains de ces puissants génies qui ont éclairé le monde, afin de les mieux comprendre, et de les voir de plus près qu’à travers les siècles. […] Ne semble-t-il pas, à l’indifférence qu’on attache dans le monde à l’étude de cet art, que la nature doive seule faire les frais de son enseignement ? […] On a peine à comprendre la négligence qu’on met à s’occuper d’un art qui est la source des succès dans le monde, et sans lequel se trouvent presque perdues les plus nobles qualités du cœur et de l’esprit.

1716. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

C’est que, décidément, le palais de l’Institut est loin de Paris, et il faut des années ou des siècles pour que les bruits du monde y puissent parvenir. […] que les mondes s’abîment enfin, puisque je ne dois trouver le repos que dans la mort universelle !  […] X, le Kahbaliste) : « J’ai vu le fier sommet rocheux, — la forêt de sapins, — les pointes aiguës, — et la garde des précipices où gît le monde, — les grands cortèges, solennels, des nuages, — la désolatrice vastitude des Walküréens refuges : — et, sous la lance du Terrible, la flamme crépitante jaillissait, courait, nageait, volait, le feu, aux tintinnabulants éclats, aux dansantes furies, universel … Oh ! […] L’isolement, l’éloignement d’un monde où dominent les conventions et la mode, c’est la première condition pour l’idéalisation dans l’Art. […] Il n’y avait pas de drame allemand ; mais le sauveur nous est trouvé ; la complète beauté des formes lyriques et du dialogue dramatique ne pouvait s’accomplir que par le mariage de la parole avec la musique ; et ce n’est qu’à cette condition que le monde mythologique allemand pouvait être réveillé à une nouvelle vie.

1717. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Les grandes causes philosophiques et politiques, les grands partis littéraires, une fois que l’influence leur échappe et que le monde tourne décidément à un autre cours d’idées, se rétrécissent, s’immobilisent, passent à l’état de secte et comme de petite Église ; ils tombent dans ce que j’appellerai une fin de jansénisme. […] Paris se faisait encore appeler la capitale du monde civilisé ; mais qu’y trouvait-on au fond ? […] Il ressentait profondément l’humiliation de la France, il s’accoutuma à y rapporter et à y mêler la sienne propre, et, comme le monde littéraire lui échappait, il se dit que ce changement devait tenir à une perversion complète des sentiments de tous.

1718. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

L’entrée en matière de ses Annales fait espérer d’utiles révélations ; en quelques mots profonds et rapides, il montre le monde fatigué des guerres civiles, un besoin général de repos et de sécurité ; Auguste, maître de l’armée par ses largesses, du peuple par ses distributions, des nobles par ses faveurs, de tous par la douce tranquillité de son gouvernement ; les provinces acceptant avec joie cette domination d’un seul homme par aversion pour l’empire du sénat et du peuple, pour les combats des grands, pour l’avarice des magistrats, pour la violence, la corruption et la brigue qui avaient pris la place des lois ; enfin, la République s’effaçant peu à peu du souvenir d’une société qui, sous un sceptre protecteur, goûtait un repos dont elle avait été si longtemps privée. […] Un auteur qui croit que tout est mal à partir des XII Tables ne prouve rien autre chose, sinon qu’avec des dispositions misanthropiques, un homme de génie, grand peintre et moraliste intègre, peut manquer du tact si nécessaire à l’histoire pour discerner, au milieu des maux de ce monde, la somme toujours croissante des biens par lesquels la Providence vient les compenser. » Si cela est vrai de Tacite, de combien d’autres ne le dira-t-on pas ? […] Ce n’est pas un rêve que de croire qu’il serait utile de voir se produire quelquefois de beaux essais de ce que j’appelle une littérature d’État, c’est-à-dire d’une littérature affectionnée, qui ne soit pas servile, mais qui ose relever les vrais principes, honorer les hommes par leur côté principal et solide, rappeler derrière les jeux brillants et souvent trompeurs de la scène les mérites de ceux qui, à toutes les époques, ont servi le monde en le rendant habitable d’abord, en le conservant ensuite, en le replaçant, quand il veut se dissoudre, en des cadres fixes, et en luttant contre les immenses difficultés cachées.

1719. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Sully-Prudhomme dit à l’hirondelle : Toi qui peux monter solitaire Au ciel, sans gravir les sommets, Et dans les vallons de la terre Descendre sans tomber jamais…, ce mot de ciel traîne après lui pour tout le monde les mêmes images : l’espace libre, profond, sans limites, d’un bleu intense ou laiteux, baigné de soleil, ou traversé de nuages. […] Lui seul entendra, chaque fois que le mot sera prononcé, certain sifflement de balle, certain amortissement de ce bruit dans la chair vivante, lui seul verra certaine grimace, certaine contorsion de l’homme qui meurt, certain geste indifférent du vieux soldat, certaine colère du vaincu, lui seul évoquera certain regard d’un ennemi rencontré dans une charge, certaine parole, certaine lumière, certain paysage : un monde d’impressions ressenties une seule fois par un seul homme surgira au son de deux syllabes banales. […] Un air humide et lourd enveloppe le monde ; Au bord de l’horizon, comme des caps dans l’onde, Les nuages rayés s’allongent lentement ; Et le soleil, immense au fond du firmament, Heurtant au brouillard gris sa lueur inégale, Sur le globe muet penche son disque pâle.

1720. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Renan a exprimées déjà (dans les Dialogues philosophiques, dans Caliban, dans la Fontaine de Jouvence, dans les Souvenirs, dans l’article sur Amiel) ; vous y retrouverez son dilettantisme, son attitude en face du monde, son âme hautaine et tendre, caressante et ironique, attirante et fuyante. […] Nulle ne se prête mieux à l’expression complète et nuancée de nos idées sur la vie, sur le monde et l’histoire. […] Ce drame contient, du reste, une douce satire politique, la peinture d’un peuple décadent vaincu par un peuple jeune, des paysages, une idylle, des prières et des effusions mystiques, une philosophie de l’histoire, une conception du monde.

1721. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

l’annonce et l’expose par le comment et le pourquoi avant de l’accomplir, faut-il donc do toute nécessité que même les esprits les plus hauts et les plus fins du monde entrent en méfiance, laissent percer sous l’ambiguïté de leur jugement une vague accusation de pédantisme et se tiennent à peine de prononcer les mots sacramentels : absence d’inspiration ? […] Sourds aux sollicitations du monde qui leur demande des beautés harmonieuses à l’idéal enfantin, ils passent, doux et graves, déléguant aux parvis célèbres les solliciteurs, et traversent dans l’exil de leur pensée les joies et les douleurs tumultueuses. […] Sans doute le sentiment de la couleur et de l’harmonie sommeillait et sans doute, à maintenir si longtemps dans cette pénible attitude doctorale l’esprit humain, on risquait de le paralyser, de le dessécher, de lui faire oublier la grâce de gestes plus vivants : le XVIIIe siècle, cette mare, puis ce torrent, est le loyer dont nous payâmes le XVIIe  Le Romantisme n’eut point d’autre fonction que de rappeler l’art français au souci du monde extérieur : sur l’Ame de Bossuet et de Racine, Hugo et Gautier jetèrent leur draperie splendide.

1722. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

Voici un homme d’intelligence dont l’activité s’adonne au commerce du monde arabe. […] Radiot a symbolisé dans un roman de vif attrait une intuition profonde et instruite de tout un monde. […] C’est des amours fous ou criminels, l’oubli de la femme chérie, le droit à changer d’objet que s’arroge l’Amour, et à choisir en aveugle, qu’il faut accepter puisqu’on n’a pas refusé son choix quand il avait fait une première sélection, providentielle ; c’est la sœur de l’épouse qu’on désire, et c’est deux femmes qu’on tue ; et l’envie dans le mal dont on se sent irresponsable de courir le monde et des cieux non témoins, et la lassitude finale de tout ce qu’on peut toucher dans la vie d’inutile, de tragiquement bête, de vaniteusement vain.

1723. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

C’est qu’il règne dans le monde des lettres, plus que partout ailleurs, une violence manifeste qui acharne tous les êtres les uns après les autres. […] Les nuances les plus subtiles de tout un monde nouveau, ondoyant et divers, s’y trouvaient reflétées. […] C’est bien le monde entier qui communie dans cette fête fraternelle, puisque voici à côté de l’Athénien Jean Moréas, le Portugais Enrique Carillo, le Finlandais Leclercq, l’Américain Stuart Merrill, le Belge Camille Lemonnier, et Louis Dumur, citoyen suisse, avec son inséparable princesse Nadedja, délicieuse fleur russe cueillie aux bords de la Néva.

1724. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Le lac de Tibériade est un des bassins d’eau les plus poissonneux du monde 418 ; des pêcheries très fructueuses s’étaient établies, surtout à Bethsaïde, à Capharnahum, et avaient produit une certaine aisance. […] L’une d’elles, Marie de Magdala, qui a rendu si célèbre dans le monde le nom de sa pauvre bourgade, paraît avoir été une personne fort exaltée. […] La grande route d’Acre à Damas, l’une des plus anciennes routes du monde, qui traversait la Galilée en touchant le lac 467, y multipliait fort ces sortes d’employés.

1725. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Dieu fit dire à madame Fouquet tout ce qui se peut au monde imaginer de mieux, et sur l’instante prière de s’enfermer avec son mari, et sur l’espérance, qu’il avait que la Providence donnerait à madame de Montespan, dans les occasions, quelque souvenir et quelque pitié de ses malheurs. […] Dans le monde, tous les retours sont pour Dieu ; dans le couvent, tous les retours sont pour le monde.

1726. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Le tableau de l’éloquence chrétienne et de l’église durant les premiers siècles nous transporte dans un monde bien différent. […] L’auteur, qui entend toute chose, mais qui d’instinct sent l’éloquence mieux encore que la poésie, a su cette fois pénétrer dans cette poésie un peu sombre et déjà voilée, qui, chez quelques-uns de ces pères, chez Grégoire de Nazianze surtout, se montre si bien en accord avec les souffrances de l’âme et du monde. Le beau génie de la Grèce, dit-il, semble s’obscurcir ; un nuage a voilé sa lumière ; mais c’est un des progrès moraux que le christianisme apportait au monde, un progrès de douleur sur soi et de charité pour les autres.

1727. (1902) L’humanisme. Figaro

Je ne voudrais pour rien au monde être injuste envers les symbolistes. […] Enfin il indique bien notre point de vue sur le monde — et c’est ici que M.  […] Donc, la cause première, l’énigme du monde, premier obstacle.

1728. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Il joua, dans le monde, une forte de rôle, mais principalement dans le monde sçavant. […] Celle de Térence est toujours pure, toujours élégante, & sent l’homme du monde ; ce qui fait dire à Cicéron que toute la politesse Romaine est renfermée dans cet écrivain.

1729. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Les Romains, ayant imité les Grecs, n’ont point eu de théâtre national ; encore les ouvrages de Plaute et de Térence sont-ils d’excellents sujets d’étude pour les historiens ; on y retrouve une foule d’usages qu’eux seuls nous ont transmis, et rien ne nous fait mieux connaître la dissolution de la jeunesse de Rome, les séductions des courtisanes, l’effronterie des parasites, et enfin tous les éléments dont se composait la société sous les maîtres du monde. […] Le monde où nous vivons ne t’offrirait plus le modèle de ton Alceste, et peut-être jugerais-tu inutile de prouver à notre siècle que la vertu peut avoir ses excès ? mais tu démasquerais ces prétendus misanthropes qui refusent les emplois qu’on ne leur accorde pas, ces indépendants qui sollicitent sans cesse, et ces philosophes disgraciés, qui se retirent à deux lieues de Paris, pour éviter la ville, le monde et la cour.

1730. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

Sans être marquée de ce cosmopolitisme du génie qui rend les grandes œuvres justiciables de la critique de tous les pays et en fait une acquisition pour le monde, cette histoire, que Macaulay s’est engagé à continuer jusqu’à nos jours, est, dans la pensée du célèbre écrivain, le monument de sa gloire future, ce point central sur lequel, quand on a quelque renommée, on veut en ramener les rayons. […] C’est, en effet, la prétention des whigs depuis qu’ils existent — et on peut dire l’année et presque le jour où ils ont été mis dans le monde — que l’Angleterre, telle que la révolution de 1688 l’a faite, est toujours la vieille Angleterre, l’Old England des premiers temps ! […] « Si le parlement l’eût permis, — disait-il avec un regret amer, — j’aurais élevé ma nation au rang des premières nations du monde. » Il applaudissait, au combat de la Hougue, à la charge des vaisseaux anglais qui se battaient contre lui !

1731. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

Que si, au contraire, l’oubli a eu raison de s’étendre sur les plateaux pyrénéens, si ces peuplades intermédiaires — Catalans, Aragonais, Navarrais, Béarnais et Basques, — ne sont placées aux frontières de France et d’Espagne que pour appointer des forces respectives et jeter dans la balance des intérêts de ces deux pays le poids de leurs atomes orageux ; si, enfin, toute cette paille d’hommes hachés par les événements et par la guerre n’est là — comme on pourrait le croire — que pour faire fumier aux grandes nations qui résument l’Europe, et par l’Europe le genre humain, à quoi bon remuer, avec un tel détail, ce monde de faits sans signification vive et profonde, et sous lesquels le lecteur périt accablé ? […] Il aurait vu, enfin, que l’Europe, à son tour, cette Europe qui, à elle toute seule, est le monde, n’est, au fond, qu’une seule famille : la famille d’Abraham, dominant la terre par les juifs, les chrétiens et les musulmans, et il aurait compris que les luttes de l’Europe, quelles qu’elles aient été et quelles qu’elles soient encore, sont des luttes dans le même esprit, et que le glaive qu’elle tient, comme le glaive qui tournait dans la main du chérubin de l’Éden, n’est que le même glaive. […] Car tout fait important a été déjà exprimé une fois, comme toute idée pensée déjà, — a dit Goethe, — et pour leur redonner cours dans le monde, il faut reproduire l’un et repenser l’autre, sous la forme la plus propre à la personnalité qu’on a.

1732. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Mais Yolande d’Aragon, Isabelle de Lorraine, Marie d’Anjou, la femme de Charles VII, furent des reines dans toute la majesté morale de ce mot ; et la mystérieuse puissance qui mène le monde voulut qu’elles fussent, toutes les trois, de la famille même de René, pour qu’il fût, lui, victime de sa race autant que des événements de sa vie et des souvenirs de l’histoire. […] Il serait estimé peut-être de feu Guizot et de la Revue des Deux Mondes, où sa place est probablement marquée. Mais l’estime de la Revue des Deux Mondes !

1733. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Sa Madame de Montmorency 20, dont il s’occupait avec un soin presque religieux, cette histoire qui commence par la Cour, l’éclat et le monde, et qui finit par l’affliction et une cellule, sa Madame de Montmorency a été pour lui pendant longtemps comme une espèce d’oratoire littéraire dans lequel il revenait à la dévotion de toute sa vie : l’amour des choses de l’esprit et des recherches de l’histoire. […] Le livre de Renée nous fait assister à sa vie cloîtrée, avec autant de renseignement et d’animation qu’il nous avait fait assister à sa vie du monde. […] C’est que le monde se prend surtout par les contrastes.

1734. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

De son balcon sur la Vera, il voyait et écoutait le monde. Derrière les tentures de velours noir de sa chambre funèbre, comme Néron derrière le rideau de Junie, il était invisible et présent dans ce monde qu’il avait gouverné. […] Sans doute, la chronique est encore une forme intéressante de l’histoire, mais Charles-Quint, comme tous les personnages qui font question dans les Annales du monde, échappe à la chronique par la profondeur de son caractère ; et quelque dévoué que l’on soit à ramasser les épingles que l’histoire laisse parfois tomber, il y a mieux pourtant que ce travail de bésicles et de flambeau par terre, quand il s’agit d’un homme qu’il faut regarder en plein visage pour le pénétrer.

1735. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

Pour nous taire sur un pareil ouvrage, nous pensons trop que le xviiie  siècle, dont Voltaire fut le chef et presque le Dieu, a été l’un des siècles les plus funestes à la France et au monde. […] Car, si Voltaire revenait au monde, il ne serait pas probablement, en raison de sa supériorité même, de l’avis de M.  […] Il a, dans son énorme volume, dans cette Encyclopédie des immoralités du chef de la philosophie du xviiie  siècle, allégué un nombre de faits très intéressants pour tout le monde, pour les amis et pour les ennemis, et puisqu’on parle de la morale des philosophes comparée à la morale chrétienne, nous savons maintenant à quoi nous en tenir !

1736. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

Le critique, selon Vacquerie, n’a pas autre chose à faire dans ce monde qu’à « proclamer les poètes dramatiques, à donner les chefs-d’œuvre à la foule et la foule aux chefs-d’œuvre, à remonter le poète dans ses instants de défaillance, à se tenir derrière lui pendant qu’il écrit, à ramasser sa plume à terre et à la lui remettre entre les doigts. » Ici la grimace recommence : « Critiques, — dit-il, — figures sublimes ! […] Vacquerie raconte au monde la famille de son maître en littérature, mais, tout en nous donnant cette vue d’histoire, il continue d’être lui-même (heureusement !) […] Émotion inexprimable, d’être seul dans ces mondes inédits, dans ces strophes non touchées, dans la pureté de ces créations, dans la virginité de ces aurores !

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