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1466. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Dans cette ascension de la Dôle, j’ai oublié, pour compléter la scène, de dire qu’outre les deux amis et le pâtre, il y avait là un vieux capitaine de leur connaissance, redevenu campagnard, révolutionnaire de vieille souche et grand lecteur de Voltaire. […] On lit dans une lettre de Ninon vieillie au vieux Saint-Évremond : « S’il (votre recommandé) est amoureux du mérite qu’on appelle ici distingué, peut-être que votre souhait sera rempli ; car tous les jours on me veut consoler de mes pertes par ce beau mot. » Il paraît toutefois que ce mot distingué pris absolument, et sans être déterminé par rien, ne fit alors qu’une courte fortune, et il n’était pas encore pleinement autorisé à la fin du xviiie  siècle.

1467. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Cette affectation se retrouve jusque dans la langue, qui est vieille et étudiée jusqu’à la contorsion, au lieu d’être abandonnée et confiante comme la langue qu’on se parle à soi-même dans ces notes du cœur ou dans ces confidences secrètes à Dieu ou aux hommes. […] Dites de lui tout ce que vous voudrez, mais vous ne lui contesterez pas d’avoir été l’Ossian de la France dans ses conceptions américaines, telles qu’Atala ; d’avoir apporté au vieux continent quelque chose de la sève, sinon réelle, du moins imaginaire, du nouveau monde, et enfin d’avoir été grand comme ses déserts, ses forêts, ses fleuves, et d’avoir retrouvé pour ainsi dire la solitude de l’âme humaine, cette puissance de sentir et de penser seul devant la nature et devant Dieu ! […] Il dut y avoir à la fin du paganisme des hommes supérieurs, d’abord chrétiens, puis ramenés aux dieux de leur jeunesse par la poésie de l’Olympe et par la facilité d’un vieux culte rétabli ; flottant d’une religion à l’autre, écrivant tantôt pour la nouvelle, tantôt pour l’ancienne foi de Rome, et mourant héroïquement comme Julien l’Apostat, en lançant au ciel le reproche terrible où le doute retentit à travers ces âges : « Tu as vaincu, Galiléen ! 

1468. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Les plus forts ont fini, l’un après l’autre, par dire comme le vieux Corneille, mais dans un autre sens : Je suis vaincu du temps, je cède à son outrage. […] Qui ne voit, en effet, qu’il faudrait à Werther une religion, pour remplacer dans son cœur et dans son intelligence la vieille religion dont il est à jamais sorti, et pour le retenir ainsi sur le bord de l’abîme, au nom du devoir ? […] Ce n’est pas avec des débris de vieilles idoles, ce n’est pas non plus en aplatissant nos âmes et en vulgarisant nos intelligences, qu’ils résoudront ce problème d’une poésie qui, au lieu de nous porter au suicide, nous soutienne dans nos douleurs.

1469. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Ce ne sont pas les jeunes qui ont besoin de secours, mais les vieux qui tombent sur la route, par la malchance du sort. […] Robert Scheffer Voici mon opinion féroce et sincère : Ce vampire de lettres, le vieux et ridicule Goncourt, qui institua le fameux prix par vanité et pour sauver son nom d’un oubli certain, on devrait, selon l’usage rituel, lui percer le cœur d’un pieu bien aigu afin qu’il cesse ses exploits. […] … La « vieille littérature » a d’ailleurs des prix aussi, ceux de l’Académie qui est au coin du quai.

1470. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Une pensée cependant me rassure : c’est que les grands écrivains de l’antiquité et des temps modernes sont, pour la plupart d’entre vous, de ces vieilles connaissances, de ces anciens amis dont on aime toujours à entendre parler ; et que les autres me sauront gré de leur faire connaître ces hommes du passé qui deviendront bientôt leurs amis les plus chers. […] Lorsqu’à grand-peine on était parvenu à se placer sur les bancs, sur les chaises et jusque sur les marches de l’estrade du professeur, on voyait se glisser à travers la foule un petit homme, déjà vieux, dont les traits étaient empreints de cette laideur spirituelle qui, chez les hommes, est souvent préférable à la beauté. […] dit le vieux soldat, « Lire une tragédie !

1471. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Comme Léonard de Vinci, qui regardait tout pour tout dessiner, jusqu’aux rides des vieilles murailles, où il trouvait des airs de tête, des figures étranges, des confusions de bataille, des habillements capricieux, le poète coloriste a tout regardé pour tout peindre. […] Assistée de cette science nouvelle, l’histoire nous enseigne par quel travail se forme et se développe une société politique ; comment elle se maintient ; par quelles causes se détruit l’édifice, édifice si beau, même aux époques où l’architecture en est le plus défectueuse ; comment de ces destructions, qui ne sont que des transformations, sort un édifice nouveau ; dans quelles proportions le vieux s’y mêle au neuf ; quels sont, dans les crises violentes qu’on appelle les révolutions, les intérêts en lutte, les passions aux prises, les vérités en travail, les pertes où les conquêtes de la civilisation. […] Les Récits des temps mérovingiens, ouvrage si neuf et si dramatique, trahit, dans l’auteur, le penchant à croire que tout contemporain du passé est nécessairement un témoin fidèle, que tout ce qui est en vieux langage est naïf, que tout ce qui est authentique est vrai.

1472. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Non qu’il soit né, cependant, d’un simple artifice, de quelque convention volontaire entre les hommes : mais, pareillement à tous les langages d’une association fortuite, consolidée en l’âme par d’héréditaires habitudes ; d’une vieille association qui lia certains rythmes et sons à certains états passionnels de l’esprit. […] Son œuvre demeure, pour nous, d’une compréhension malaisée ; il emploie un langage encore indécis, moyen entre la langue des vieux savants, à nous secrète, et la langue nouvelle qui venait du peuple. […] Je sais, dans les Improperia, un fragment du Popule meus, à peine moins sublime que le Popule meus du vieux plain-chant.

1473. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Le vieux maire d’Ablain-Saint-Nazaire, tout en larmes, vint lui serrer la main et lui annoncer qu’une des rues de la ville reconquise porterait son nom. […] Comment l’homme dont toute la vie se ramène à amasser quelques sous pour ses vieux jours ne serait-il pas d’abord sensible à l’universelle tendance vers le bien-être ?‌ […] Nos vieilles provinces se sont ranimées dans le péril et sous l’affront

1474. (1876) Romanciers contemporains

Quelle gaieté charmante dans l’histoire de ce vieux et bon docteur de petite ville ! […] Mais le vieux marquis de Pierrerue est mis, par son âge, à l’abri du séduisant écueil. […] Les vieux béliers s’attendrissent en revoyant leur crèche. […] La vieille servante regardait un des cierges d’un air inquiet. […] Cela devrait être écrit en vieux français, mais n’a pas besoin d’être traduit en latin.

1475. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

CXII Saint-Lambert vieux était morose, gourmand, un peu en enfance ; Mme d’Houdetot le surveillait, et l’empêchait de manger ce qui lui aurait fait mal ; elle disait : « Je suis l’intendante de ses privations. » CXIII Véron, repu et gorgé de tout, disait spirituellement ; « Je manque de privations. » CXIV Avec M. de La Fayette, on est toujours dans l’alternative de le trouver ou plus fin ou moins intelligent qu’on ne voudrait. […] Il y a là aussi des voies d’expropriation pour cause d’utilité publique : sans quoi les vieilles idées, comme les vieilles masures, demeureraient toujours et gêneraient la route. […] … » Mais quand l’idée nouvelle qui s’empare de la société s’est établie, s’est répandue et presque universalisée, il arrive qu’un matin l’immense majorité s’impatiente de voir encore debout ce qui ne vit plus à ses yeux, et alors, sans trop s’inquiéter du motif, sans prendre même la peine de colorer le prétexte, elle fait quelque querelle d’Allemand à ce reste de vieille opinion insolente, et quelquefois innocente, qui l’offusque et qui la gêne. […] Il rappelle cela en plaisantant comme une vieille devise. […] D. : — Un homme qui, depuis cinquante ans, professe, disserte, expose, rapporte à satiété, inonde toutes les chaires et les tribunes, colporte dès le matin ses répétitions de lectures à domicile ; toujours affairé, toujours ruisselant, ou du moins exsudant en tout temps, en toute saison, une légère moiteur oratoire ; également prêt sur tout sujet, un robinet toujours ouvert, usé, sempiternel et monotone ; coulant et collant ; d’une opiniâtre fadeur, soit qu’il approuve et qu’il loue, soit qu’il regimbe et se lamente ; qui parle de tout, se raccroche à tout, généralise et banalise à propos de tout sans savoir une seule chose vraiment bien et la posséder à fond ; — sans poids réel, sans autorité de ton ou de figure ; une mine de vieux, jeune homme à longs cheveux gris, un vieux cadet qui n’a jamais été un maître. — “Est-il possible, me disait un jour M. 

1476. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

L’ancien Saxon, le vieux rover des mers Scandinaves, n’a pas péri. […] La nation est armée, chaque homme est élevé en soldat, tenu d’avoir des armes selon sa condition, de s’exercer le dimanche et les jours de fête ; depuis le yeoman jusqu’au lord, la vieille constitution militaire les tient enrégimentés et prêts à l’action. […] Joignez-y la saleté et le grotesque, les misérables polissonneries, les détails de marmite, toutes les vilenies qui ont pu hanter l’imagination triviale d’une vieille dégoûtante et hystérique, voilà les spectacles que Middleton et Shakspeare étalent, et qui sont conformes aux sentiments du siècle et à l’humeur nationale. […] Ne pleure pas Mortimer, —  qui méprise le monde, et, comme un voyageur, —  s’en va pour découvrir des contrées inconnues. » Pesez bien ces grandes paroles, c’est le cri du cœur, et la confession intime de Marlowe, comme aussi celle de Byron et des vieux rois de la mer. […] Bien vrai, mon père aurait dû me choisir un mari, et alors mes petits enfants n’auraient pas été bâtards ; mais il est trop tard pour me marier maintenant ; je suis trop vieille pour avoir des enfants ; ce n’est pas ma faute… Donne-moi ta main ; crois-moi, je ne te ferai pas de mal ; ne te plains pas si je la serre trop fort, je la baiserai.

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