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442. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Je viens de relire l’Âne d’or d’Apulée dans la traduction élégante qu’en a donnée, après une seconde et complète révision, M.  […] J’allais, je venais de tous côtés, sans trouver trace, ou commencement de trace, de quelque chose qui pût me satisfaire. […] Dès qu’on est arrivé au repaire dans la montagne, au quartier général de tous les Mandrins de la contrée, les histoires de voleurs se succèdent et ne tarissent pas ; chaque bande qui arrive raconte la sienne, ses prouesses, ses pertes : il y a de fameux voleurs qui viennent de périr et qu’on exalte ni plus ni moins que des héros, Lamachus, Thrasyléon ; il faut entendre comme leurs compagnons en parlent, comme ils en sont fiers et en quels termes ils les déplorent : c’est à donner envie de se faire brigand, si l’on a du cœur.

443. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Pour me rafraîchir et me raviver les impressions à son sujet, je viens de relire sa Correspondance24 si vive, si amusante, à laquelle il ne manque, pour être tout à fait agréable, qu’une clef, l’indication possible et facile à donner (mais qu’on se hâte !) […] Andrieux, dont on vient de publier les Œuvres, est un élève de Voltaire, ingénieux, spirituel et sans force ; tel il s’est toujours montré dans ses comédies, dont une seule est restée au théâtre, les Étourdis et dans ses poésies légères. […] Ses théories, telles que je viens de les recomposer ; forment évidemment un tissu de vérités, de taquineries et d’impertinences.

444. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Jacquinet, vient de présenter réunis dans une analyse et une Étude complète tous les prédicateurs antérieurs à Bossuet, et dont les noms seuls étaient assez vaguement connus39. […] Ce prélat de qualité et qu’on vient de voir si en beau, quoique réellement le portrait ne soit que ressemblant et nullement flatté, avait fait d’excellentes études au collège de Navarre, où il avait laissé de brillants souvenirs. […] Il venait de se signaler par tout un Carême prêché aux Minimes de la Place Royale, où de mémoire d’homme, assure-t-on, il ne s’était vu un tel mouvement de dévots et surtout de dévotes de la haute société.

445. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Cet homme, ce grammairien modeste, attentif, non décisif, d’un genre et d’une nature si à part, et qui mérite une définition précise non moins qu’une estime singulière, c’était un gentilhomme de Savoie, venu de bonne heure à la Cour, — c’est Vaugelas. […] J’y ai retrouvé bien d’agréables et de curieux détails, de piquantes anecdotes de langue, et surtout la fidèle image de cet état de croissance dernière où l’on sentait la perfection venir de jour en jour et s’achever comme à vue d’œil. […] Chapelain ne perdait aucune occasion ce revenir à la charge, de faire valoir son ami, ou de l’excuser quand le cardinal s’impatientait de ne voir rien venir de ce fameux Dictionnaire, dont la première édition devait mettre encore plus de cinquante ans à paraître Chapelain à M. de Bois-Robert.

446. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Grote au suprême degré, dans les premiers volumes où je viens de l’étudier, c’est une rectitude de bon sens et de bon esprit, qui, purgée de toute idée préconçue et de toute superstition traditionnelle, examine, pèse, discute et n’avance rien qui ne lui paraisse probable ou possible ; là où il doute, il le dit, et comme l’incertitude est partout à cette origine de l’histoire grecque qui débute par la mythologie, il ne nous donne d’abord aucune histoire, il ne nous propose aucune explication ni interprétation ; il se borne à exposer chaque récit mythique dans toute son étendue et avec ses variantes, tel que les Grecs se le racontaient entre eux. […] N’est-ce dans certains cas, comme on l’a soutenu récemment pour Laïus et pour Œdipe, qu’une légende astronomique, un mythe solaire, venu de la même source que les plus antiques Védas ? […] Sans doute avant Wolf, il s’était élevé plus d’un doute sur l’origine et la forme première de l’Iliade ou de l’Odyssée, sur l’unité de composition ou d’auteur applicable à des longs poëmes venus de si loin et transmis dans l’obscurité des âges ; mais ce n’avait été que des aperçus, des mots dits en passant, des boutades de gens d’esprit sans autorité, comme l’abbé d’Aubignac, — une phrase sagace et perçante de Bentley, — une conception philosophique de Vico ; Wolf, le premier, donna à la question tout son poids, se livra, en la serrant de près, à une démonstration méthodique, et mit le siège en règle devant la place.

447. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Je viens de relire cette scène, cette série de scènes avec leurs nombreuses péripéties et leurs changements à vue, dans leur ampleur, leur profondeur, leur sérieux, leur comique aussi et leur grotesque. […] Il vient de poser la généalogie des La Feuillade et de nommer divers membres de la famille : « Celui-ci, dit-il du maréchal, se poussa à la guerre, et fut fort aidé à la Cour par son frère, l’archevêque d’Embrun, qui y était en considération, et qui lui céda ses droits d’aînesse. […] Chéruel de l’utile ouvrage à charge, dans lequel il vient de faire preuve d’un savoir si exact, si précis, et d’un esprit un peu austère ; et je ne puis cependant me résigner à finir sans un dernier hommage et un dernier salut à Saint-Simon.

448. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Mais le geste était supérieur à Zola, dépassait Zola, comme ce mot qu’il dit inattentif à la cour d’assises : « Je ne connais pas la loi. » Le prétendu révolutionnaire ferma les yeux, terrifié par la belle lumière antisociale que la Parole venait de faire en lui et autour de lui ; il s’excusa, tremblant comme un enfant dont la main a tourné, machinale, un bouton quelconque et qui voit les ténèbres soudain s’éclairer. […] Mais il a souvent le plaisir adroit et haineux de sentir que son épée empoisonnée vient de glisser, précise et meurtrière, au défaut de la cuirasse. […] Bergeret, pour les plaisirs légers que je te dois, pour la demi-griserie amusée qui me vint de plusieurs de tes pages.

449. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

De ces divers écrivains, ainsi agrégés, qui avaient commencé ou qui continuèrent alors de concert la fortune du journal, quatre noms sont restés de loin associés dans le souvenir comme représentant la critique littéraire sous l’Empire : Geoffroy, Dussault, Hoffman et M. de Féletz, qui vient de mourir le dernier. […] Je redirai, à peu de chose près, son jugement, dans lequel les lectures que je viens de faire m’ont pleinement confirmé. […] Dussault, qui venait de lui porter ce coup, était un bon humaniste aussi, mais moins foncièrement que Geoffroy.

450. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Je viens de regarder d’assez près à cette relation de Walpole et de Mme Du Deffand, et je trouve qu’en général on n’est pas juste envers tous deux. […] Je lus hier Othello, je viens de lire Henri VI ; je ne puis vous exprimer quel effet m’ont fait ces pièces, elles m’ont ressuscitée. » Elle aussi, à sa manière, elle a sa vue du fond comme Shakespeare, et sa lettre lxive est ce que j’appelle chez elle son monologue d’Hamlet. […] Le fidèle secrétaire Viart, qui venait de l’écrire, ne put la relire tout haut à sa maîtresse sans laisser éclater ses sanglots ; elle lui dit alors ce mot si profondément triste dans son naïf étonnement : « Vous m’aimez donc ? 

451. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

J’en trouve quelques-unes qui pourraient paraître telles, dans le volume même que je viens de lire, et qui montrent que Fénelon n’était pas du tout un évêque selon l’ordination par trop commode de La Harpe, de d’Alembert et de Voltaire. […] La paix qui venait de se signer lui imposait de nouveaux devoirs : Ce qui finit vos travaux, écrivait-il à Destouches, commence les miens ; la paix qui vous rend la liberté me l’ôte ; j’ai à visiter sept cent soixante et quatre villages. […] La Motte, ami du chevalier Destouches, venait de traduire, de travestir l’Iliade d’Homère, et il l’envoyait à Fénelon, en lui demandant son avis.

452. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

En conseillant d’imiter les anciens et de les traduire, Pasquier recommande qu’on ne les traduise pas servilement, mais qu’on trouve leur équivalent en français, qu’on fasse surgir s’il se peut, à leur propos, une parole qui vienne de notre propre fonds. […] Et comme correctif à ce que je viens de dire sur les quelques défauts de l’estimable prosateur, quelle plus jolie lettre, quelle plus vive et plus légère d’allégresse, que celle que Pasquier adresse à l’un de ses amis, lors de la naissance de son fils ! […] Si l’on voulait raconter sa vie (ce que viennent de faire si bien ses derniers biographes), il faudrait parler en détail de son plaidoyer pour l’Université contre les Jésuites, et de la longue guerre où ce premier acte l’engagea, lui et sa postérité.

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