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325. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

En se choisissant pour disciple un esprit de jeune femme, il s’adressait à son meilleur public, c’est-à-dire à des esprits plutôt vides et vacants que déjà occupés par d’opiniâtres erreurs ; il s’adressait à « l’esprit des ignorants qui, disait-il, étaient ses véritables marquises. » Mieux valait avoir affaire à un ignorant certes qu’à un esprit encroûté, entêté de la vieille science. […] Ô mages de l’éternelle vérité, apôtres du sacrifice, pères de la sagesse, toi, Socrate, qui pris la ciguë, toi, son élève, ô Platon, — vous, Phidias et Praxitèle, sculpteurs de la beauté, — vous, disciples de l’Évangile, Jean, Paul, Augustin, — vous, apôtres de la science, Galilée, Képler, Newton, Descartes, Pascal, — et vous Raphaël et Michel-Ange, dont les conceptions resteront toujours nos modèles, — et vous, chantres divins, Hésiode, Dante, Milton, Racine ; Pergolèse, Mozart, Beethoven, seriez-vous donc maintenant immobilisés dans un paradis imaginaire ; auriez-vous changé de nature ; ne seriez-vous plus les hommes que nous avons connus et admirés, et dormiriez-vous maintenant, véritables momies, éternellement assis à votre place dernière ? […] Le véritable antidote (s’il y en avait) à toutes les fièvres et les exaltations nées et à naître dans les cerveaux humains à propos des astres, devrait être la dernière page de l’Exposition du Système du Monde, que je demande la permission de rappeler.

326. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

On y voit la véritable et authentique écriture de la dauphine et de la reine qui forme sa main peu à peu et très-lentement. […] Elle avait besoin d’être pressée, et j’avais le plaisir de voir qu’elle prenait souvent le bon parti… » Voilà la véritable Marie-Antoinette, celle, à l’origine, dont la personne avait du charme, mais dont l’esprit n’avait certes rien du prodige. […] Les grandeurs véritables de Marie-Antoinette ne lui viendront que plus tard sous le coup de l’adversité.

327. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

II Les véritables historiens sont très rares au contraire, et, pour tout dire, plus rares peut-être que les grands poètes ; plus rares certainement que les grands hommes d’action. […] Un véritable historien n’est qu’un traducteur, mais c’est le traducteur des desseins de Dieu. […] L’adulation, les caresses, l’intérêt personnel, le poison le plus corrupteur de la véritable affection, vont bientôt t’entourer.

328. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Elle aimait les sciences exactes et s’y sentait poussée par une véritable vocation. […] Au fond, Voltaire n’était pas et ne pouvait être un véritable amant. […] Ce petit traité, qui renferme des réflexions fermes et hautes, des remarques fines, et rendues dans un style net et vif, avec un vrai talent d’expression, a un défaut : il est sec et positif ; il a ce cachet de crudité qui déplaît tant au milieu des meilleures pages du xviiie  siècle, et qui fait que la sagesse qu’on y prêche n’est pas la véritable sagesse.

329. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Il reçut du jeune prince de Prusse, non pas une lettre de compliments, mais une véritable déclaration passionnée. […] Les grands objets de comparaison étaient restés hors de sa portée et de sa vue : il parlait en cette matière tout à fait en homme qui n’avait vu ni conçu à aucun jour la beauté suprême et véritable. […] Revenu en France, d’Alembert continua de correspondre avec Frédéric ; et (si l’on oublie l’épigramme qui ne fut jamais connue) cette correspondance atteste des deux parts bien de la raison, de la philosophie véritable, et même de l’amitié, autant qu’il en pouvait exister alors entre un particulier et un monarque.

330. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

D’Aguesseau n’eut jamais des ailes et de la passion véritable qu’en cette matière des belles-lettres. […] D’Aguesseau, grand lecteur de Platon et nourri des antiques lectures, pense qu’il n’est pas besoin d’imputer à la philosophie païenne plus d’imperfections qu’elle n’en a eu en effet : « La véritable religion, dit-il, n’a pas besoin de supposer dans ses adversaires ou dans ses émules des-défauts qui n’y sont pas. » L’Évangile sera toujours assez hors de comparaison : laissons à la morale purement humaine la part légitime qui lui revient. […] M. d’Aguesseau aurait préféré, nous dit son fils, rester dans la pure et véritable magistrature, et passer ses jours dans une charge de conseiller au Parlement de Paris, et il ajoute, en des termes qui rappellent l’hôtel Rambouillet plus subtilement qu’il ne convenait à un ami et à un disciple de Boileau : « Les maîtres des requêtes ressemblent aux désirs du cœur humain, ils aspirent à n’être plus ; c’est un état qu’on n’embrasse que pour le quitter… » Or, cette phrase étrange sur les maîtres des requêtes, comparés aux désirs du cœur qui aspirent à n’être plus, serait inexplicable chez un aussi bon esprit sans une phrase de saint Augustin qui dit cela, en effet, des désirs du cœur humain (sunt ut non sint).

331. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Cette difficulté qu’éprouve la poésie à intéresser la société redouble quand, tous les trois ou quatre ans, agitée et remise en question, et comme soudainement retournée, cette société subit de véritables tremblements de terre : la plate-bande en est elle-même toute ravagée. […] Cette seule nouveauté de situation produit dans l’expression des sentiments naturels et simples un véritable rajeunissement. […] Ampère a, depuis, compromis à jamais sa réputation de poète ou même de demi-poète, en publiant son César, scènes historiques (1859), une œuvre malheureuse que de véritables amis l’auraient dû empêcher de faire imprimer.

332. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Il se rendait à Rome, où il vendait un tableau 25 francs, gagnait Florence, où il n’était sensible qu’à la peinture des Primitifs, attrapait Milan, où sur les 650 francs qui lui restaient, il était volé de 500 francs, dans son auberge, par des voleurs qu’il qualifie de véritables artistes. […] * * * — Avez-vous remarqué, me disait une amie, comme les femmes bêtes ont quelquefois de l’esprit, du véritable esprit, quand elles disent du mal de leurs maris ? […] Devant sa psyché, à l’effet de gracieuser sa bouche pour les bals du soir, elle se livrait à une véritable répétition tous les matins, disant cent fois, quand elle voulait la faire toute petite : Un pruneau de Tours, disant quand elle voulait la montrer dans sa largeur et son épanouissement : J’avale une poire.

333. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

Comme le progrès de l’expérience n’est pas subit, il a été nécessaire qu’il s’écoulât un espace de près de quatre-vingt ans depuis l’invention des lunettes de longue vûë jusqu’au planisphere de l’observatoire, et à la mappemonde de Monsieur De L’Isle, les premieres cartes où les points principaux du globe terrestre aient été placez dans leur véritable position. […] Il n’y a pas plus long-temps qu’on a rendu sa largeur véritable à l’ocean qui est entre l’Asie et l’Amerique, et qu’on appelle communément la mer du Sud. […] Il en fit part à ses amis, mais sans la rapporter à sa cause véritable, laquelle il ne devinoit pas encore.

334. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Encore faudrait-il faire voir d’où vient que nous avons, à la fois, le besoin et le moyen de dépasser le réel, de surajouter au monde sensible un monde différent dont les meilleurs d’entre nous font leur véritable patrie. […] Il est vrai que, pour cette raison, Kant se refuse à y voir des valeurs véritables : il tend à réserver cette qualification aux seules choses morales1. […] Il est vrai que nous avons précédemment exposé une théorie sociologique des valeurs dont nous avons montré l’insuffisance ; mais c’est qu’elle reposait sur une conception de la vie sociale qui en méconnaissait la nature véritable.

335. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

La voix du sang — cette voix du sang dont le mélodrame a tant abusé — parle éloquemment au cœur des jeunes noirs, si l’on en croit le conte intitulé « L’épreuve de la paternité », où les fils adultérins, bien qu’ignorant leur origine réelle, font franchir délibérément à leurs chevaux le corps du mari de leur mère, alors que les véritables fils se refusent à cette épreuve, malgré tous leurs efforts pour obéir à l’ordre formel de leur père. […] A côté du désir sexuel, il y a place pour l’amour véritable, né d’une émotion esthétique en présence de la beauté soit physique soit morale. […] Le chien de Dyinamoussa, —Le canari merveilleux) mais on ne lui témoigne pas d’affection véritable.

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