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13. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Les véritables convenances, dans un état libre, ne peuvent être blessées que par les défauts réels de l’esprit ou du caractère. […] En effet, la véritable grandeur du caractère, dans quelque situation douloureuse qu’on la représente, inspire aux spectateurs un mouvement d’admiration qui les rend plus capables de braver l’adversité. […] Un écrivain ne mérite de gloire véritable, que lorsqu’il fait servir l’émotion à quelques grandes vérités morales. […] À l’époque où nous vivons, la mélancolie est la véritable inspiration du talent : qui ne se sent pas atteint par ce sentiment, ne peut prétendre à une grande gloire comme écrivain ; c’est à ce prix qu’elle est achetée. […] Ce sont des espèces de contes de fées, un peu plus monotones que les véritables, parce que les combinaisons en sont moins variées.

14. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Le génie est une puissance d’aimer qui, comme tout amour véritable, tend énergiquement à la fécondité et à la création de la vie4. » Le principe de la vie « la plus intense et la plus sociale » se retrouve donc partout. […] Aussi l’histoire nous montre-t-elle l’effet civilisateur des arts sur les sociétés, ou parfois, au contraire, leurs effets de dissolution sociale. « Sorti de tel ou tel milieu, le génie est un créateur de milieux nouveaux ou un modificateur des milieux anciens. » L’analyse des rapports entre le génie et le milieu permet de déterminer ce que doit être la critique véritable. […] Il s’est peint lui-même et il a peint le véritable artiste, en disant : « Pour comprendre un rayon de soleil, il faut vibrer avec lui ; il faut aussi, avec le rayon de lune, trembler dans l’ombre du soir ; il faut scintiller avec les étoiles bleues ou dorées ; il faut, pour comprendre la nuit, sentir passer sur nous le frisson des espaces obscurs, de l’immensité vague et inconnue. […] L’art, figuration du réel, représentation de la vie, n’en deviendra l’expression véritable et n’acquerra toute sa valeur sociale que s’il a pour objet de rendre frappants, en les condensant, les idées ou sentiments qui « animent et dominent toute vie » et « valent seuls en elle ». […] Il semble qu’il y ait en lui, comme chez tout véritable poète, assez d’émotion et de sympathie pour traverser et animer la nature entière ; il n’écoute battre son propre cœur que pour sentir venir jusqu’à lui quelques-unes des vibrations de la vie universelle : il agrandit la nature en lui prêtant le retentissement du cœur humain, et il élargit le cœur humain en y faisant entrer toute la nature.

15. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

L’art de discuter les témoignages, d’interroger les monuments, de faire parler aux traditions leur véritable langage : voilà plus qu’il n’en faut pour retrouver de grands sujets de gloire. […] Les véritables historiens, à mon avis, ont été les poètes, parce qu’ils ont été les historiens de l’homme, du genre humain. […] Bossuet seul, parmi ceux qui ont écrit en prose, donne l’idée du véritable historien. […] M. de Chateaubriand a pris pour centre d’une véritable épopée deux personnages sans nom ; mais il ne s’est pas encore entièrement affranchi du vieux préjugé classique ; car Eudore descend de Philopœmen ; et Cymmodocée, d’Homère. […] Les Puritains d’Écosse sont, dans cette hypothèse, un véritable roman historique.

16. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Les gotteré peuhl semblent aussi de véritables gardiens des trésors cachés (tels les korrigans bretons). […] — L’aspect véritable des guinné n’est pas connu et ne saurait l’être car — disent les Peulh — ils prennent toutes les formes qu’il leur plaît. […] Le véritable guinné ne saurait avoir de religion que celle de soi-même s’il est, comme je le pense, un des vestiges d’une ancienne religion panthéiste. […] Goules : Ybilis déterreur et mangeur de cadavres est une véritable goule (V. […] Il y est procédé à un véritable interrogatoire du cadavre.

17. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

D’abord elle réunit les caractères essentiels d’un véritable système, la loi d’unité et la loi de continuité. […] Derrière cette scène extérieure et apparente des phénomènes se cache l’action intime, profonde des véritables causes. […] Or, si l’instinct proprement dit peut être considéré comme un auxiliaire de la volonté dans l’accomplissement de la loi morale, il n’a jamais compté pour un véritable principe moral. […] Pour elle, il n’y a qu’un Être véritable, dont les prétendus êtres individuels ne sont que les modes ou les manifestations. […] Avec le sentiment des choses du dedans, il acquiert les véritables notions de force, de cause, de fin.

18. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

La liberté d’abord, malgré le grand usage qu’il fit du mot, il est impossible de l’y trouver fidèle dans le sens véritable et pratique durant toute sa période d’ultraroyalisme. […] Un homme politique véritable aurait pu entrer dans la carrière par une brochure violente et incendiaire ; mais il l’eût laissée de côté en avançant, et se serait bien gardé de chercher à réveiller et à raccommoder ce qui n’est pas conciliable ni compatible. […] monsieur de Chateaubriand, je suis de votre avis. » Je ne sais si cette conversation se passa exactement dans ces termes ; mais, en les admettant pour exacts, je retrouve là encore une preuve que Chateaubriand n’était pas un véritable homme politique. […] Confiez donc les premières places de l’État aux véritables amis de la monarchie légitime. […] Les quarante premiers chapitres du livre sont consacrés à développer les principes du gouvernement représentatif, et ces principes sont en général les véritables, les principes orthodoxes constitutionnels.

19. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Un peu au-dessus de Regimbard, pour le degré d’énergie dont ils sont doués, voici d’autres personnages de L’Éducation sentimentale qui, parce qu’ils ont pris le change sur leur véritable personnalité, sont condamnés à l’insuccès. […] Pour se persuader qu’elle est ce qu’elle veut être, elle ne s’en tient pas aux gestes décoratifs que l’on vient de décrire mais elle ose accomplir des actes véritables. […] Devant cette sommation de la fiction, Rodolphe reprend son véritable personnage. […] Ce besoin de se concevoir autre qu’elle n’est constitue sa véritable personnalité, il atteint chez elle une violence incomparable et s’exprime par un refus d’accepter jamais aucune réalité et de s’en contenter. […] Elle ne tient compte d’aucun de ses instincts véritables, mais elle lui en attribue de fictifs, et c’est à satisfaire ces faux instincts, à assouvir ce moi déguisé, qu’elle emploie toute l’énergie, dont elle est pourvue.

20. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

En parlant de l’amour de la gloire, je ne l’ai considéré que dans sa plus parfaite sublimité ; alors qu’il naît du véritable talent, et n’aspire qu’à l’éclat de la renommée. […] Si vous supposez, au contraire, à l’homme ambitieux un génie supérieur, une âme énergique, sa passion lui commande de réussir ; il faut qu’il courbe, qu’il enchaîne tous les sentiments qui lui feraient obstacle ; il n’a pas seulement à craindre la peine des remords qui suivent l’accomplissement des actions qu’on peut se reprocher, mais la contrainte même du moment présent est une véritable douleur. […] C’est dans la lutte de leurs intérêts, et non dans le silence de leurs passions, qu’on croit découvrir les véritables opinions des hommes : et quel plus grand malheur que d’avoir mérité une réputation opposée à son propre caractère ! […] Les événements sont l’extérieur de la vie ; sa véritable source est tout entière dans nos sentiments. […] Pour aimer et posséder la gloire, il faut des qualités tellement éminentes, que si leur plus grande action est au dehors de nous, cependant elles peuvent encore servir d’aliment à la pensée dans le silence de la retraite ; mais la passion de l’ambition, les moyens qu’il faut pour réussir dans ses désirs, sont nuls pour tout autre usage : c’est de l’impulsion plutôt que de la véritable force ; c’est une sorte d’ardeur qui ne peut se nourrir de ses propres ressources ; c’est le sentiment le plus ennemi du passé, de la réflexion, de tout ce qui retombe sur soi-même.

21. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre Premier »

Cependant les mots du second et du troisième type peuvent avoir acquis, par le hasard des formations ou des déformations, une certaine beauté analogique  ; ils peuvent être tels qu’ils aient l’air d’être les frères véritables des véritables mots français ; cette pureté extérieure, qui ne fait point illusion au phonétiste, doit désarmer le littérateur ; il nous est parfaitement indifférent, en vérité, que hélice, agonie, gamme soient des mots grecs ; rien ne les différencie des plus purs mots français ; ils se sont naturellement pliés aux lois de la race et leur fraternité est parfaite avec lice, dénie, flamme, véridiques témoins. […] Ce n’est donc pas là un doublet véritable ; mais si le vieux français avait tiré un mot de unionem (unir), nous dirions, sans rire : L’oignon fait la force.

22. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

C’est vraisemblable pour la seconde dont le véritable nom était, comme on l’a vu, Maria Antonazzoni ; c’est plus douteux pour la première, Silvia Roncagli, qui jouait déjà en 1578. […] Mais le comble de la bizarrerie est La Centaura, véritable monstre dramatique, dédié cependant à Marie de Médicis. […] Quant aux autres types, il serait difficile de désigner les noms véritables des acteurs qu’on voulut copier dans cette fête royale ; quelques-uns des noms que l’on cite, Colas, maître Philippes, n’ont point une physionomie italienne, et sans doute ces personnages n’avaient appartenu qu’accidentellement à la comédie de l’art.

23. (1757) Réflexions sur le goût

Mais qui ne voit d’ailleurs que ce second vers serait encore faible et froid, même après avoir été remis à sa véritable place ? […] Et comment le véritable esprit philosophique serait-il opposé au bon goût ? […] Alors elle revient sévèrement sur les productions du génie ; elle conserve ce qui est l’effet du véritable enthousiasme, elle proscrit ce qui est l’ouvrage de la fougue, et c’est ainsi qu’elle fait éclore les chefs-d’œuvre. […] Observons en finissant, que quand ces reproches seraient fondés, ils ne seraient peut-être convenables, et ne devraient avoir de poids que dans la bouche des véritables philosophes ; ce serait à eux seuls qu’il appartiendrait de fixer l’usage et les bornes de l’esprit philosophique, comme il n’appartient qu’aux écrivains qui ont mis beaucoup d’esprit dans leurs ouvrages, de parler contre l’abus qu’on en peut faire.

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