On ne sait à fond la carte d’un pays qu’en étudiant les combats dont il a été le théâtre, et on ne connaît bien les relations d’un pays avec les autres qu’en connaissant bien sa carte. » (Article de M.
Il aimait dans son pays, il aime toujours Caliste, et celle-ci, créature adorable, l’aimait également : mais elle avait monté sur le théâtre, elle avait joué dans the Fair Penitent le rôle dont le nom lui est resté ; sa réputation première avait été équivoque.
Ayant recommencé à parler de cette grande roue des siècles qui fait paraître, mourir et renaître chacun à son tour sur le théâtre du monde, « si tant est que la terre ne tourne, dit-il (car il n’a garde d’en être tout à fait aussi sûr que Copernic et Galilée), au moins faut-il avouer que non-seulement les cieux, mais toutes choses, se virent et tournent à l’environ d’icelle. » Et citant Velleius Paterculus, lequel est avec Sénèque un vrai penseur moderne entre les anciens, il en vient à admirer la conjonction merveilleuse qui se fait à de certains moments, et la conspiration active de tous les esprits inventeurs et producteurs éclatant à la fois ; mais cela ne dure que peu ; la lumière, si pleine tout à l’heure, ne tarde pas à pâlir, l’éclipse recommence, l’éternel conflit de la civilisation et de la barbarie se perpétue : c’est toujours Castor et Pollux qui reparaissent sur la terre l’un après l’autre, ou plutôt c’est Atrée et Thyeste qui régnent successivement en frères peu amis.
Comme, selon lui, le propre de l’ honnête homme est de n’avoir point de métier ni de profession, il pensait que la cour de France était surtout un théâtre favorable à le produire : « car elle est la plus grande et la plus belle qui nous soit connue, disait-il, et elle se montre souvent si tranquille que les meilleurs ouvriers n’ont rien à faire qu’à se reposer. » Ce parfait loisir constitue véritablement le climat propice : être capable de tout et n’avoir à s’appliquer à rien, c’est la plus belle condition pour le jeu complet des facultés aimables : « Il y a toujours eu de certains fainéants sans métier, mais qui n’étoient pas sans mérite, et qui ne songeoient qu’à bien vivre et qu’à se produire de bon air. » Et ce mot de fainéants n’a rien de défavorable dans l’acception, car « ce sont d’ordinaire, comme il les définit bien délicatement, des esprits doux et des cœurs tendres, des gens fiers et civils, hardis et modestes, qui ne sont ni avares ni ambitieux, qui ne s’empressent pas pour gouverner et pour tenir la première place auprès des rois : ils n’ont guère pour but que d’apporter la joie partout39, et leur plus grand soin ne tend qu’à mériter de l’estime et qu’à se faire aimer. » Voilà les f ainéants du chevalier.
Il a une toilette de théâtre, oppositions, allusions, élégances mythologiques, réminiscences grecques ou latines.
Les cris des fugitifs qui la traversaient en courant, le bruit de la cavalerie de Murat qui en parcourait les rues au galop, sabrant sans pitié tout ce qui n’était pas assez prompt à jeter ses armes, avaient rempli d’effroi cette charmante cité, noble asile des lettres, et théâtre paisible du plus beau commerce d’esprit qui fût alors au monde !
Une véritable mascarade épique, où les guerriers des deux races et des deux cultes se confondent dans une galanterie commune, où les femmes elles-mêmes, les femmes cloîtrées et invisibles de l’Orient, Clorinde, Armide, Herminie, travesties tantôt en bergères de pastorales, tantôt en amazones de théâtres, tantôt en sorcières de sabbat, soupirent des amours de bergerie, livrent des combats d’Hercule, opèrent des enchantements et des sortiléges, transforment des héros en bêtes, en poissons, en monstres bizarres, sortent tout à coup de leur tente ou de leur armure de fer, vêtues en nymphes d’opéra ou en princesses de cour, pour parler le langage affecté et langoureux d’héroïnes de roman ou de muses d’académie.
« Virgile aimait trop la gloire pour ne pas aimer la louange, mais il l’aimait de loin et non en face ; il la fuyait au théâtre ou dans les rues de Rome ; il n’aimait pas être montré au doigt et à ce qu’on dît : C’est lui !
Kant, le plus penseur et le plus sublime des philosophes, a scruté le monde et y a retrouvé Dieu dans la raison pure ; comme un Brahmane des derniers temps, Wieland, a rajeuni les traditions obscures et mêlé aux dogmes des Indes les légendes de la Grèce ; Schiller a tenté au théâtre et dans l’histoire de renouveler à Weymar les triomphes d’Athènes ; Gœthe enfin, génie plus fort, plus haut, plus complet, a retrempé Faust à la fois dans l’observation et dans le surnaturel, il a expliqué le monde des vivants par le monde des morts ; il a été le Volkêr des temps modernes, le Ménestrel des grands combats de notre ère, il a laissé en mourant l’Allemagne éblouie et vide comme si rien d’aussi grand ne pouvait naître de longtemps pour le remplacer.
Telle est la puissance de la chanson sur le peuple illettré des capitales en France : c’est l’enseignement mutuel de la borne et du pavé ; l’air monte souvent jusqu’au grenier du pauvre ; il pénètre même dans le salon du riche ; mais son théâtre par excellence est le café.
Mais si vous voulez connoître le goût, le génie, le caractère de la plûpart de ces Tragédies, il faut lire les réfléxions judicieuses que le Pere Brumoy a eu occasion de faire sur ces piéces dans son théâtre de Grecs.