Newton avoit annoncé l’applatissement de la terre, des philosophes ont passé d’un hémisphere à l’autre pour la mesurer. […] La patrie d’un sage est la terre, son héros est le genre humain. […] En admirant la cause on a loüé les effets : ainsi les fléaux de la terre en sont devenus les héros. […] Qu’avoit-il besoin de conquêtes, ce héros, l’ennemi des méchans, le vengeur des bons, le pacificateur de la terre & des mers ? […] De tous ceux qui ont desolé la terre, il n’en est aucun qui, à l’en croire, n’en voulût assûrer le bonheur.
Et cela me rappelait les jardins mornes des béguinages hollandais, traversés par des haies coupées ras, où fleurit le linge des familles : l’existence terre à terre et en miniature. […] C’est un solitaire, comme le pilote à bord de son vaisseau, et il est indiscipline comme un matelot à terre. […] Il n’arrive guère sur notre bonne vieille maman de terre le plus simple accident que les commères, — et les compères aussi, hélas ! […] Récit saisissant, qui n’a qu’un seul défaut, c’est qu’il y a manque d’unité dans le ton général de l’ouvrage : parce que la passion du Cadet pour la terre. — et c’est une influence de la Terre de Zola, — y apporte un élément lyrique qui aurait pu aussi bien rester hors de la trame du récit et de l’action des personnages. […] Prenons notre point de départ dans une observation aussi terre à terre que possible.
Charles Maurras À force de considérer la structure profonde de sa terre, le poète des Regards intimes a senti ses propres regards se détacher de lui et lui revenir aussitôt comme des regards étrangers.
Nichent tous les oiseaux du malheureux augure ; La terre, pour toute herbe, y produit des poisons, Et l’hiver y tient lieu de toutes les saisons.
c’est pour lui que nous vous offrons des sacrifices : il a rempli la terre de son nom, et nous vous demandons que son nom, si comblé de gloire sur la terre, soit encore écrit dans le ciel. […] Combien de fois, Seigneur, m’est-il arrivé de goûter avec suavité l’abondance de ces consolations célestes dont vous êtes la source, et qui sont déjà sur la terre un paradis anticipé !
Mais si l’on a dit de celui-ci que dans ses conseils et ses descriptions il s’adressait moins au cultivateur et à l’habitant des campagnes qu’au possesseur de terres, au seigneur chargé de protéger des vassaux, que ne dira-t-on pas de Delille ? […] Cowper voit dans cette disposition et dans ce vœu universel un cri de la conscience qui, longtemps méconnue, mais non abolie, rappelle toute créature humaine à son origine et à sa fin, et l’avertit de sortir du tourbillon des villes, de cette atmosphère qui débilite et qui enflamme, pour revenir là où il y a des traces encore visibles, des vestiges parlants d’un précédent bonheur, et « où les montagnes, les rivières, les forêts, les champs et les bois, tout rend présent à la pensée le pouvoir et l’amour de Celui qui les a faits. » Et dans une description minutieuse et vivement distincte, où il entre un peu trop d’anatomie, mais aussi de jolis traits de pinceau, il donne idée de la manière d’interpréter et d’épeler la création, et il montre qu’ainsi étudié, compris et consacré, tout ce qui existe, loin d’être un jeu d’enfant ou un aliment de passion, ne doit plus se considérer que comme une suite d’échelons par où l’âme s’élève et arrive à voir clairement « que la terre est faite pour l’homme, et l’homme lui-même pour Dieu. » Tout cela est grave et solennel sans doute, il faut s’y accoutumer avec le poète : Cowper, c’est à bien des égards le Milton de la vie privée. […] La femme, ce don qu’il accorda à la terre quand il voulut créer un paradis ici-bas, le bien terrestre le plus riche qui soit sorti de ses mains, la femme mérite d’être aimée, non adorée.
On y voyait l’église de Luçon encore toute remplie des souvenirs de son cher Armand, et aussitôt après on avait à suivre le vol de cet aigle qui s’élevait de la terre au ciel. […] L’orateur ne montrait pas seulement la maison d’Autriche abaissée et réduite aux abois, mais encore les éléments soumis et assujettis par ce génie supérieur des quatre éléments, toutefois, un seul était pris au propre, l’eau de la mer retenue par la digue de La Rochelle ; les autres éléments ne figuraient qu’à l’état métaphorique : c’était le feu de la rébellion éteint avec celui de l’hérésie ; c’était l’air devenu plus serein, et la terre étonnée de tant de prodiges. […] Nous connaissons ce sang illustre en qui toutes les grandeurs de la terre se trouvent assemblées, et qui tient par tant d’endroits à tant de maisons souveraines ; nous vous voyons revêtu du titre auguste qu’un de nos rois a dit être le plus glorieux qu’on pût donner à un fils de France (le titre de pair) ; nous respectons en vous le sacré caractère que le fils de Dieu a laissé dans son Église comme le plus grand de ses bienfaits ; et cependant, monsieur, ce n’est pas à toutes ces qualités éclatantes que vous devez les suffrages de notre compagnie ; c’est à un esprit plus noble encore que votre sang, plus élevé que votre rang.
Voici, de tout le Journal, la page, selon moi, la plus caractéristique et la plus propre à nous faire juger de l’humeur excitée et charmante du voyageur excellent : « Je crois à la vérité, nous dit son secrétaire, que, s’il eût été seul avec les siens, il fût allé plutôt à Cracovie ou vers la Grèce par terre, que de prendre le tour vers l’Italie ; mais le plaisir qu’il prenait à visiter les pays inconnus, lequel il trouvait si doux que d’en oublier la faiblesse de son âge et de sa santé, il ne le pouvait imprimer à nul de la troupe, chacun ne demandant que la retraite, tandis que lui, il avait accoutumé de dire qu’après avoir passé une nuit inquiète, quand au matin il venait à se souvenir qu’il avait à voir ou une ville ou une nouvelle contrée, il se levait avec désir et allégresse. […] Quand ils furent avancés jusqu’à être devant Sa Sainteté, l’ambassadeur, mettant lui-même un genou en terre, « retroussa la robe du Pape sur son pied droit, où il y a une pantoufle rouge avec une croix blanche au-dessus. » Montaigne ne perd pas une occasion de regarder et de bien voir. […] Ce n’est plus l’humeur voyageuse qui s’égaye et qui se joue en mille désirs de courses errantes et vagabondes, ce n’est plus la curiosité jeune et dans sa légère ivresse, c’est le sentiment historique profond, qui se prononce et se déclare, c’est une admiration pleine de deuil pour la plus grande cité qu’ait portée la terre et qu’elle a presque tout engloutie.
Voici donc le pendant de ce beau morceau du Centaure, mais en prose gauloise, digne des vieux aïeux rabelaisiens de la terre bourguignonne ; ce n’est plus un Centaure qui parle ici, mais un paysan (notez-le bien), un manant, fils et petit-fils de manants, d’anciens soldats redevenus bûcherons et un peu braconniers ; c’est l’ancien bouvier devenu trop citadin à son tour, et qui regrette les heures rustiques de sa jeunesse. […] Il ne l’effleure pas d’un œil d’artiste ; il la caresse à pleins bras, comme l’amoureux du Cantique des cantiques : Veni, et inebriemur uberibus… « Quel plaisir autrefois de me rouler dans les hautes herbes, que j’aurais voulu brouter, comme mes vaches ; de courir pieds nus sur les sentiers unis, le long des haies ; d’enfoncer mes jambes, en rehaussant (rebinant) les verts turquies, dans la terre profonde et fraîche ! […] Elle semble heureusement née pour habiter la campagne, tant son être« s’harmonise avec les fleurs, les oiseaux, les bois, l’air, le ciel, tout ce qui vit dehors, grandes ou gracieuses œuvres de Dieu. » Elle aussi, comme Bernardin de Saint-Pierre, elle a le sens des symboles naturels ; la vie sous toutes ses formes lui parle ; elle est femme à voir des mondes dans un fraisier : « Mon ami, je suis ce fraisier en rapport avec la terre, avec l’air, avec le ciel, avec les oiseaux, avec tant de choses visibles et invisibles que je n’aurais jamais fini si je me mettais à me décrire, sans compter ce qui vit aux replis du cœur, comme ces insectes qui logent dans l’épaisseur d’une feuille. » Toutes les saisons de l’année, toutes les heures de la journée ont pour elle leur charme particulier et leur langage.
Le paysan de La Bruyère, « cet animal farouche, noir, livide et tout brûlé du soleil, qui fouille et remue la terre », est un Apollon au prix de cet animal à face et à membres de squelette, qui convoite des haillons un peu moins haillons que les siens. […] Mais, pendant son séjour en Angleterre, Gavarni ne s’en tint pas à Londres et à ses spectacles journaliers, aux figures de marins, aux nourrices de Saint-Giles, aux buveuses de gin et aux balayeuses en chapeau, il voyagea ; il voulut visiter les campagnes et les hautes terres ; il alla en Écosse et y fit moisson. […] Mais que cet homme étendu sur le premier plan est donc admirablement jeté par terre, et comme on sent qu’il est tombé à la renverse, d’un seul coup, à l’improviste !
Saint-Simon, qui n’entendait rien, en effet, aux affaires d’argent et qui avait perdu dans sa femme un utile économe, mourut réellement insolvable et ses créanciers perdirent moitié, « parce qu’il y avait pour 40,000 livres de rente de terre substituées qui passèrent à Mme de Valentinois sans être tenues des dettes ». […] Chéruel, qui a habilement substitué sa petite-fille à ses créanciers, c’est la loi qui régissait alors les terres féodales. […] Saint-Simon, ce jour-là, est dans l’admiration de rencontrer le roi qui chasse sur ses terres et qui, pour une fois qu’il se le permet, y chasse en maître.