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498. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre III. Trois principes fondamentaux » pp. 75-80

III Enfin pour apprécier l’importance du troisième principe de la civilisation, qu’on imagine un état dans lequel les cadavres humains resteraient sur la terre sans sépulture, pour servir de pâture aux chiens et aux oiseaux de proie. […] Toutes les nations païennes se sont accordées à croire que les âmes allaient errantes autour des corps laissés sans sépulture, et demeuraient inquiètes sur la terre ; que par conséquent elles survivaient aux corps, et étaient immortelles.

499. (1901) Figures et caractères

La terre lui sembla belle, la forte terre ardennaise, pays de forges, d’étangs et d’ardoisières. […] Il prend possession de la terre sacrée. […] Il aime la terre de France pour sa saveur particulière et sa vertu native. […] Il ne voulut rendre la belle morte ni aux flots, ni à la terre. […] Terre vivace et ingénieuse, ses fleuves lents vont vers des mers pâles.

500. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Quel avantage a l’homme des travaux qu’il fait sur la terre ? […] Tout pousse, la terre est déjà verte jusqu’au creux des sillons. […] — Oui, monsieur Kobus ; la terre est encore un peu fraîche ; mais, depuis ces huit jours de soleil, tout vient ; dans une quinzaine, nous aurons des petits radis. […] Kobus, le juge de paix, assis auprès d’elle, son tricorne au bâton de la chaise, écoutant, et lui, Fritz, tout petit, assis à terre, avec le cheval de carton, criant : « Hue ! […] » Sûzel ne répondit pas ; elle regardait à terre, et l’on voyait bien qu’elle aurait voulu rester.

501. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Ceux qui se font de cette terre des espèces de limbes grises et froides, qui n’y voient que redoutable crépuscule et qu’exil, ceux-là peuvent y passer et en sortir sans même s’apercevoir, comme Philoctète au moment du départ, que les fontaines étaient douces dans cette Lemnos si longtemps amère. […] Partout, dans ses voyages, son but secret et cher était de trouver, d’obtenir un coin de terre et quelques paysans pour fonder son règne heureux ; comme Colomb, qui mendiait de cour en cour de quoi découvrir son monde, Saint-Pierre allait mendiant de quoi réaliser son Arcadie et son Atlantide. […] Sitôt que ce talent se lève, c’est comme une lune qui idéalise tout, même les monceaux et les terres pelées et les vilainies informes aux faubourgs des villes ; au dedans de lui, au dehors, un manteau lumineux et velouté s’étend sur toutes choses. […] Lemontey, dans son Étude sur Paul et Virginie, a remarqué que ces mêmes sites, qui deviendront sous la plume du romancier les plus enviables de l’univers et un Éden ravissant, ne sont représentés ici que comme une terre de Cyclopes noircie par le feu. S’il y a quelque exagération à dire cela, il faut convenir que Bernardin parle à chaque instant de cette terre raboteuse, toute hérissée de roches, de ces vallons sauvages, de ces prairies sans fleurs, pierreuses et semées d’une herbe aussi dure que le chanvre  ; mais la tristesse de l’exil rembrunissait tout à ses yeux.

502. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

J’avais déjà dit, il y a quelques années, cet adieu au cher Milly, terre et maison de mon enfance. […] Nous n’avons rien à demander à personne ; mais mes filles sont jeunes, comme vous voyez, et pendant que vous êtes encore sur la terre, elles étaient heureuses de se ménager, en vous voyant, un souvenir. […] Nous mangeâmes ce que nous avions apporté le matin de la maison, nous bûmes de l’eau ; nous fîmes notre prix pour une petite chambre sur le derrière ; c’était très-peu ; d’un lit nous en fîmes deux en étendant les matelas par terre. […] Alphonse lui a fait tailler et coucher à terre, là, auprès du chœur de son église. — Où est-elle, dîmes-nous toutes à la fois. — Venez, nous répondit le fendeur de bois, descendez l’escalier qui conduit à la porte d’entrée de la maison, je vais vous y conduire en trois pas, car il n’a pas eu un long voyage à faire pour aller de son lit de bois à son lit éternel de terre. […] Toutes les femmes étaient réunies sur la place du hameau, c’est-à-dire sous le four banal, où les paysannes avaient fait cuire des châtaignes, des pommes de terre, et les courges dorées ; des pots de crème en terre rouge, et des raisins de différentes couleurs étaient épars autour de nous ; nos yeux étaient enivrés d’avance de ce frugal et délicieux repas.

503. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Plus de bras pour cultiver la terre ; en plusieurs provinces, les habitants obligés de mêler de l’argile à la farine pour faire du pain ; de temps en temps, des émeutes terribles, émeutes de la faim et du désespoir ; des hivers rigoureux qui tuent en germe l’espoir de la récolte future ; les laquais du roi mendiant aux portes du palais ; les grands seigneurs et même Mme de Maintenon réduits parfois à manger du pain d’avoine ; tel est le tableau qu’offre à la fin du grand siècle la France, près de faire banqueroute. […] Fontenelle esquisse, à la façon de Platon, un État idéal qu’il intitule Ma République, et non seulement il y introduit l’égalité civile et politique, le suffrage universel, mais il va jusqu’à y proposer des mesures presque socialistes, témoin celle-ci : « Un homme qui offrira de cultiver les terres d’un autre mieux qu’il ne les cultive y sera reçu en payant au propriétaire le revenu quelles lui produisaient. […] Les physiocrates proclament que la terre est la source de toute richesse. […] Dans les époques où il est dans toute sa vigueur, ce ne sont que marchands voyageant d’un bout de la terre à l’autre, sillonnant les mers, échangeant des produits de toute espèce avec les nations étrangères, semant des colonies françaises sur toute la surface du globe. […] Pourquoi, dans la répartition des biens de la terre, une part si petite à ceux qui les produisent, une part si grosse aux autres ?

504. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

N’importe, marchons chez lui, et bon courage ; mon étoile fera peut-être que je ne le trouverai ni par terre, ivre sous la table, ni trônant sur sa chaise percée. — Ô imprudent que je suis ! […] Un homme admis à vos levers a besoin de douze domestiques ; donnez-moi cette terre qu’on vient de confisquer sur un protestant ; ajoutez-y ce dépôt qu’il m’avait confié en partant et que je vous révèle2. […] Vingt fois pendant ces détails, involontairement je l’ai vu, en chaise de poste, sur la route de Blaye, avec un ordre du roi qui le renvoie dans ses terres. […] « La fougue lui faisait faire quelquefois le tour entier et redoublé d’une chambre courant sur les tables et les chaises sans toucher du pied la terre. » Il vécut et mourut dans les rages et les blasphèmes, « grinçant des dents », écumant, « les yeux hors de la tête », avec une telle tempête et si continue d’ordures et d’injures qu’on ne comprenait pas comment des nerfs d’homme y pouvaient résister ; le sang fiévreux de l’animal de proie s’allumait pour ne plus s’éteindre, et par des redoublements exaspérés s’acharnait après le butin. […] Les plus politiques, les yeux fichés en terre et reclus dans des coins, méditaient profondément aux suites d’un événement aussi peu attendu, et bien davantage sur eux-mêmes. » Le duc de Berry, qui perdait tout et d’avance se sentait plié sous son frère, s’abandonnait.

505. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

L’univers est le temple, et la terre est l’autel. […] il vient un jour où la terre nous laisse : Vos aumônes là-haut vous font une richesse. […] il vient un jour où la terre nous laisse : Vos aumônes là-haut vous font une richesse. […] Enfin, en voilà un qui ne portait pas le diable en terre ! […] L’air flamboie et brûle sans haleine ; La terre est assoupie en sa robe de feu.

506. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Sa morale, tout anglaise, se traîne toujours terre à terre, parmi les lieux communs, sans découvrir des principes, sans serrer des déductions. […] Une terre franche, quand elle ne se composerait que de neige et de glace, rend son maître heureux de sa possession et résolu pour sa défense… Je me considère comme un de ceux qui donnent leur consentement à toutes les lois qui passent. […] Je suis content de me voir ainsi perpétué ; et comme il n’y a point de production comparable à celle d’une créature humaine, je suis plus fier d’avoir été l’occasion de dix productions aussi glorieuses, que si j’avais bâti à mes frais cent pyramides ou publié cent volumes du plus bel esprit et de la plus belle science918. » Si maintenant vous prenez l’homme hors de sa terre et de son ménage, seul à seul avec lui-même, dans les moments d’oisiveté ou de rêverie, vous le trouverez aussi positif. […] Elle suit terre à terre la religion positive924 : quel appui pour elle que l’autorité d’une tradition ancienne, d’une institution nationale, d’un clergé établi, de cérémonies visibles, d’habitudes journalières ! […] L’enfant, l’artiste, le barbare, l’inspiré leur échappent ; à plus forte raison tous les personnages qui sont au-delà de l’homme : leur monde se réduit à la terre, et la terre au cabinet d’étude et au salon ; ils n’atteignent ni Dieu ni la nature, ou, s’ils y touchent, c’est pour transformer la nature en un jardin compassé et Dieu en un surveillant moral.

507. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Ventre à terre ! […] Ventre à terre ! […] Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et ses royaumes, ne valent pas le moindre des esprits. […] On jette de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais. […] Là tous nos beaux desseins tomberont par terre ; là s’évanouiront toutes nos pensées.

508. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Il lui fut donné de voir la terre promise, mais non pas d’en fouler le sol. […] On éprouvait, à peine redescendu du ciel sur la terre, le besoin d’aller enseigner les hommes. […] Comment, dans ces conditions, l’humanité tournerait-elle vers le ciel une attention essentiellement fixée sur la terre ? […] Sur la terre, en tout cas, l’espèce qui est la raison d’être de toutes les autres n’est que partiellement elle-même. […] On ne se lasse pas de répéter que l’homme est bien peu de chose sur la terre, et la terre dans l’univers.

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