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405. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Les courtisanes elles-mêmes ne se privaient pas de ces offrandes, et l’une d’elles, Calliclée, en se retirant, faisait comme Laïs, mais d’un air plus satisfait, et consacrait à Vénus ses instruments de toilette, devenus inutiles : « Cet Amour d’argent, une frange pour la cheville du pied, ce tour lesbien de cheveux foncés, une bandelette transparente pour soutenir le sein, ce miroir de bronze, ce large peigne de buis qui coule comme à pleine eau dans l’onde de la chevelure5, — voilà ce qu’ayant gagné ce qu’elle voulait, ô libérale Vénus, Calliclée vient déposer dans ton sanctuaire. » A côté de cela, une petite fille pieuse et fervente, — elle ou ses parents, — s’adressait à la déesse Rhéa pour obtenir d’arriver au seuil de l’hyménée dans toute sa fleur et sa fraîcheur : « Ô toi qui règnes sur le mont Dindyme et sur les crêtes de la Phrygie brûlante, Mère auguste des dieux, que par toi la petite Aristodice, la fille de Siléné, arrive fraîche et belle jusqu’à l’hyménée, jusqu’à la couche nuptiale, terme de sa vie de jeune fille ; elle le mérite pour avoir bien souvent, et dans le vestibule de ton temple et devant l’autel, agité çà et là (dans une sainte fureur) sa chevelure virginale !  […] Une autre fois, c’est un simple portefaix, l’honnête Miccalion, qui fait son offrande aux dieux : « Cette statue, ô Passant, est une consécration du portefaix Miccalion ; mais elle n’a pas échappé à Mercure, la piété du portefaix qui, dans son pauvre métier, a trouvé moyen de lui faire une offrande : toujours et partout l’homme de bien est homme de bien. » Mais la fleur des épigrammes de Léonidas en faveur du pauvre monde me paraît être l’épitaphe qu’il composa pour la bonne ouvrière Platthis, morte à quatre-vingts ans : « Soir et matin, la vieille Platthis a bien souvent repoussé le sommeil pour combattre la pauvreté ; elle a chanté aussi sa petite chanson à la quenouille et au fuseau, son compagnon d’ouvrage, jusqu’au terme de la blanche vieillesse ; se tenant à son métier jusqu’à l’aurore, elle parcourait avec les Grâces le stade de Minerve, dévidant d’une main tremblante, autour de son genou tremblant, l’écheveau qui devait suffire à la trame, l’aimable vieille ! et à quatre-vingts ans elle a vu l’onde de l’Achéron, l’ouvrière Platthis qui avait fait de si beaux tissus et si bien. » Heureux, dans toutes les professions qui demandent l’intelligence et qui n’excluent pas l’agrément, celui qui peut, au terme de sa carrière, se rendre ce témoignage, comme on l’a dit de la bonne Platthis, qu’il a accompli et « parcouru en compagnie des Grâces le stade de Minerve ! 

406. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Lui aussi, il était nommé cette année-là général de brigade, dans la même promotion que Franceschi, et enfin il devait trouver en Espagne également le terme de sa courte et brillante carrière. […] Lord Wellington, retrouvant peu de temps après Franceschi prisonnier, lui rendait justice en ces propres termes : « Monsieur le général, dans cette retraite, j’ai été plus content de vous que de mon général de cavalerie ; vous n’aviez que 600 chevaux, lui en avait 1,500, il avait du canon, et je le soutenais avec une division d’infanterie ; mais vos manœuvres ont été si habiles, vos mouvements si prompts, vos charges exécutées avec tant d’assurance, que moi-même je vous ai toujours soupçonné d’avoir de l’infanterie derrière vous et de me tendre un piège, ce qui m’a fait constamment agir avec mes masses. » Ici tout s’arrête. […] Avant tout, le hasard et la bizarrerie des destinées ; cette fatalité « qui préside aux événements de notre vie, qui paraît dormir dans les temps calmes, mais qui, dès que le vent s’élève, emporte l’homme à travers l’air comme une paille légère » ; les premiers succès, l’entrain du début, les heures brillantes de la vie, les espérances déjà couronnées ; puis les revers, les lenteurs, les mécomptes, les difficultés tournant à la ruine ; la prison, la souffrance, une épreuve sans terme ; une longue agonie dans l’âge de la force ; une nature d’élite écrasée, victime et martyre des persécutions ; les haines aveugles des foules, les sauvages préjugés des races ; l’horreur des guerres injustes ; toujours et partout, çà et là, quelques âmes bienfaisantes et compatissantes ; notre pauvre humanité au naturel et à nu, en bien et en mal ; une belle mort enfin, délicate et magnanime.

407. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Voici en quels termes à la Saint-Preux il fait la dédicace de ce petit traité à la Port-Royal : Ma Sophie, tu te souviens bien que ta mère m’a écrit une fois pour me prier de t’apprendre l’orthographe : je ne sais comment je négligeai une si grave recommandation. […] M. de Buffon est le plus grand homme de son siècle et de bien d’autres… » Et il dit quelque part dans une de ses notes manuscrites de Vincennes : On peut justement appliquer à M. de Buffon ce que Quintilien dit d’Homère : « Hunc nemo in magnis, etc. » — Jamais personne ne le surpassera en élévation dans les grands sujets, en justesse et en propriété de termes dans les petits. […] Voici en quels termes singuliers le curé Vallet rend compte de la manière dont il s’acquitta de sa commission et de l’effet qu’il produisit : Mon beau-frère me fit le détail de cet affreux événement, et me donnait la commission d’y préparer M. de Mirabeau, s’imaginant qu’il y avait une âme sensible dans un pareil corps.

408. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Ce n’est pas à une faculté que se rattache ma volition présente, mais à la totalité de mes réactions mentales et cérébrales, dont elle est le terme et l’expression sensible. […] Si mon petit doigt s’abaisse sur la détente de mon fusil, ce léger mouvement est le terme de la totalité des mouvements de réaction qui, composés et fondus ensemble, aboutissent, selon la loi du parallélogramme des forces, aux muscles de mon doigt. […] Le terme de sensation donné à tout mode de conscience n’a pas la vertu de supprimer les réelles différences entre les modes de conscience ; or, l’attitude sentante, dans l’expérience intérieure, ne saurait se confondre avec l’attitude de celui qui veut et fait effort pour maintenir ou supprimer la sensation148.

409. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

En second lieu il arrive que le traducteur latin d’un historien françois qui pour faire le détail d’un siege, d’un combat naval ou d’une séance du parlement a eu sous sa main tous les termes propres qui sont necessaires à sa narration, ne peut trouver des mots reciproques dans la langue latine. Comme les romains ne connoissoient pas les choses dont le traducteur doit parler, les romains n’avoient point de termes propres pour les signifier. […] Ainsi le latin est toujours plus court que le françois dès qu’on écrit sur des sujets pour lesquels les deux langues sont également avantagées de termes propres.

410. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

« Il a disparu ; et il a clos ses jours en paix, dans des termes si courts, objet d’immense envie et de pitié profonde, de haine inextinguible et d’insurmontable affection. […] Au terme de nos courses diverses dans le passé, avant de quitter tant de grands souvenirs, n’avons-nous pas quelques regards à jeter sur le monde actuel et ce qu’il offre encore d’imagination élevée et d’enthousiasme, au-delà du cercle d’or et de fer dont il semble de toutes parts s’environner ? […] Pedro Sabater, que dona Gomez acceptait pour époux, consumé dans les luttes de tribune et les rudes fatigues d’une ambition aux prises avec l’anarchie, touchait au dernier terme d’un mal de poitrine.

411. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Jamais, je crois, l’avilissement de la beauté n’avait été raconté en termes aussi poignants. […] Le terme fixé par Louise change la destinée d’Auguste ; et Latréaumont, avec deux ou trois tirades sur l’honneur et la loyauté, ressaisit son autorité sur son neveu. […] Elles causent lourdement, s’expriment en termes vulgaires et ne mettent dans leurs propos ni vivacité, ni jeunesse. […] Or, une fois réduite à ces termes, la comparaison ne permet pas le doute. […] Nous sommes maintenant parvenu au terme de notre tâche, il nous reste pourtant une dernière question à poser.

412. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

C’est que ce ne sont plus ici de ces périphrases, comme tout à l’heure, qui ne servaient qu’à relever un terme banal ou déguiser le terme propre, mais on peut dire qu’elles prolongent le terme banal au-delà de son ordinaire usage et qu’elles diversifient d’une nuance nouvelle la signification coutumière du terme propre. […] Car a-t-il parlé nulle part de la « canaille » en termes plus méprisants ? […] Marivaux n’aimait pas Molière : il a lui-même pris soin de le dire en propres termes. […] » Il vaut la peine de faire observer que c’est ici sur Candide le jugement que porte Grimm, et presque dans les mêmes termes. […] La mort de Mme d’Épinay, qui survint en 1783, mit un terme, pour ainsi dire, aux relations de Galiani avec ses anciens amis et avec la France.

413. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Choqué du terme, je ne suis, répondit l’archevêque, d’aucun autre parti que de celui de Jésus-Christ. […] Les termes dans lesquels est conçue cette loi, sont bien honorables pour la chirurgie. […] En quels termes en parle M. […] Il quitte ces cahiers pour d’autres, dans lesquels il ne voit encore que des termes propres aux eaux & forêts. […] Jamais éloge ne fut chargé de termes plus singuliers & plus emphatiques.

414. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXII » pp. 91-93

Les paroles par lesquelles il exprime ce qu’il vit et ressentit alors sont écrites au bas, et dans les termes de la mysticité la plus suave : le sourire et le geste de la Vierge ne sont pas moins doux et attrayants.

415. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chateaubriand, François René de (1768-1848) »

Peut-être doit-il à ce goût des vers quelques-unes de ses magnifiques qualités, le rythme, la mélodie des phrases ; mais il lui doit peut-être aussi maint défaut dont il trouvait l’exemple chez les versificateurs de son temps : le culte de la périphrase, l’abus des comparaisons, une certaine aversion pour le mot propre, très souvent remplacé par le terme réputé noble.

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