C’est ici l’amour chevaleresque, exalté, tel que l’a conçu le moyen âge, mais surtout tendre. […] » Il va à l’endroit où il l’a vue pour la première fois, puis à un autre où il l’a entendue chanter ; « il n’y a point d’heure du jour ou de la nuit où il ne pense à elle. » Personne n’a depuis trouvé des paroles plus vraies et plus tendres ; voilà les charmantes « branches poétiques » qui avaient poussé à travers l’ignorance grossière et les parades pompeuses ; l’esprit humain au moyen âge avait fleuri du côté où il apercevait le jour. […] Le coucou jette sa voix monotone comme un soupir douloureux et tendre entre les troncs blancs des frênes ; le rossignol fait rouler et ruisseler ses notes triomphantes par-dessus la voûte du feuillage ; le rêve naît de lui-même, et Chaucer les entend disputer sur l’amour. […] Ils ont eu des émotions fortes, parfois tendres, et les ont exprimées chacun selon le don originel de leur race, les uns par des clameurs courtes, les autres par un babil continu ; mais ils n’ont point maîtrisé ou guidé leurs impressions ; ils ont chanté ou causé, par impulsion, à l’aventure, selon la pente de leur naturel, laissant aux idées le soin de se présenter et de les conduire, et lorsqu’ils ont rencontré l’ordre, c’est sans l’avoir su ni voulu. […] But sore wept she if on of hem were dede, Or if men smote it with a yerde smerte : And all was conscience and tendre herte.
……………………………………………………………………………………………………… Cette mère, aussi ferme d’esprit que tendre de cœur, se dévoua tout entière à son fils unique, après la mort de son mari. […] C’est là qu’il faut s’asseoir, c’est là qu’il faut entendre Les airs lointains d’un cor mélancolique et tendre. […] Mais une autre imitation plus étudiée tentait déjà l’âme douce et tendre de Vigny. […] — Il n’y a pas, ô Kitty Bell, il n’y a pas si belle pensée à laquelle ne soit supérieur un des élans de ton cœur chaleureux, un des soupirs de ton âme tendre et modeste. […] il est tendu au dehors de ma fenêtre comme un rideau blanc, ou comme un linceul. — Il était pendu ainsi à la fenêtre de mon père la nuit de sa mort.
* * * — Se trouver en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts, sur un fauteuil fait à votre corps, dans la lumière voilée de la lampe, près de la chaleur apaisée d’une cheminée qui a brûlé tout le jour, et causer là, à l’heure où l’esprit échappe au travail et se sauve de la journée ; causer avec des personnes sympathiques, avec des hommes, des femmes souriant à ce que vous dites ; se livrer et se détendre ; écouter et répondre ; donner son attention aux autres ou la leur prendre ; les confesser ou se raconter ; toucher à tout ce qu’atteint la parole ; s’amuser du jour présent, juger le journal, remuer le passé, comme si l’on tisonnait l’histoire, faire jaillir au frottement de la contradiction adoucie d’un : Mon cher, l’étincelle, la flamme ou le rire des mots ; laisser gaminer un paradoxe, jouer sa raison, courir sa cervelle ; regarder se mêler ou se séparer, sous la discussion, le courant des natures et des tempéraments ; voir ses paroles passer sur l’expression des visages, et surprendre le nez en l’air d’une faiseuse de tapisserie, sentir son pouls s’élever comme sous une petite fièvre et l’animation légère d’un bien-être capiteux ; s’échapper de soi, s’abandonner, se répandre dans ce qu’on a de spirituel, de convaincu, de tendre, de caressant ou d’indigné ; avoir la sensation de cette communication électrique qui fait passer votre idée dans les idées, qui vous écoutent ; jouir des sympathies qui paraissent s’enlacer à vos paroles et pressent vos pensées, comme avec la chaleur d’une poignée de main ; s’épanouir dans cette expansion de tous, et devant cette ouverture du fond de chacun ; goûter ce plaisir enivrant de la fusion et de la mêlée des âmes dans la communion des esprits : la conversation, — c’est un des meilleurs bonheurs de la vie, le seul peut-être qui la fasse tout à fait oublier, qui suspende le temps et les heures de la nuit avec son charme pur et passionnant ! […] Leur physionomie se lève et peu à peu rayonne d’une tendre extase. […] * * * — Une femme, suprêmement maigre, les yeux profonds, le bleu de l’œil très clair dans l’effacement tendre des sourcils, un grand front, des tempes ramifiées de veinules bleuâtres, la bouche non sensuelle, la bouche sentimentale… Il y a des femmes qui ressemblent à une âme. […] Sainte-Beuve, fort ému de la querelle, me fait venir auprès de lui, essaye de me calmer, en me promenant la main sur le bras, et tâche de tout raccommoder, en proposant d’un côté à mes adversaires, de fonder un club d’homériques, pendant qu’il me frictionne de l’autre côté… Tout peu à peu s’éteint, et Saint-Victor en s’en allant me tend la main… J’aurais voulu qu’il ne me la tendît pas. […] 25 novembre Je me lève, j’ouvre La France… Gavarni mort… un coup de foudre… L’enterrement à l’heure où je lis cela… Et nous n’y serons pas, nous ne nous retrouverons pas derrière le cercueil de l’homme, que nous avons le plus aimé, le plus admiré… Nous ne le reverrons plus… Toutes sortes d’idées, de souvenirs : la mélancolie de ses derniers jours, ses mains si maigres qu’on aurait dû mouler, la caresse de son œil, sa voix si tendre quand il nous appelait ses petits, ce quelque chose en lui d’un père pour nous.
C’est un tendre. […] Elle est moins passionnée qu’elle n’est tendre. […] Jules Lemaître le modèle d’une sagesse tempérée, railleuse et indulgente, ironique et tendre. […] Il risquerait en outre de paraître tendu et pénible. […] Il est tendre et compatissant pour les humbles.
Nous avons des musiciens tendres qui les atténuent, des farouches qui les exagèrent ; tous les gâtent, lis ont appris que Wagner employait des thèmes caractéristiques, et ils emploient des thèmes caractéristiques, le thème de la lettre, le thème de l’évêque. […] À cette expression, les compositeurs, dits wagnéristes, ne tendent point : ils ne le peuvent, d’abord, parce qu’ils ne sentent point, étant occupés aux détails de leur métier ; ils ne le peuvent, ensuite, surtout, parce que le musicien, après Wagner, doit être artiste. — D’abord, le compositeur doit vivre son œuvre, entière, avant qu’il ne l’exprime ; ensuite, il doit, avec le contre-point, savoir la grammaire française, et l’orthographe. […] Au loin, plane le cantique intercédant, le cantique augural et fidèle des pèlerins, détergeant les dernières plaies de l’âme épuisée par la diabolique lutte ; — et, dans une apothéose de clarté, dans une gloire de Rédemption, la Matière et l’Esprit s’enlacent, le Mal et le Bien se lient, la Luxure et la Pureté se nouent avec les deux motifs qui serpentent, mêlant les baisers épuisants et rapides des violons, les éblouissantes et douloureuses caresses des cordes énervées et tendues, au chœur auguste et calme qui s’épand, à la mélodie médiatrice, au cantique de l’âme maintenant agenouillée, célébrant la définitive submersion, l’inébranlable stabilité dans le sein d’un Dieu. […] Fort de l’autorité des plus éminents critiques, par exemple des recherches d’un Lessing sur les limites de la peinture et de la poésie, je me crus en possession d’un résultat solide : c’est que chaque art tend à une extension indéfinie de sa puissance, que cette tendance le conduit finalement à sa limite, et que cette limite il ne saurait la franchir sans courir le risque de se perdre dans l’incompréhensible, le bizarre et l’absurde. […] La conséquence est que les différences entre les nationalités tendent à disparaître.
Nous avons vu que s’il est une idée qui tende à prévaloir dans les sciences modernes, c’est celle de progrès, d’évolution, de développement. […] D’ailleurs, pour que la correspondance soit possible entre l’être et son milieu, il est nécessaire qu’à mesure que l’organisme est exposé à des impressions plus nombreuses, ces impressions se coordonnent en lui, se centralisent et tendent constamment à l’unité. […] Strictement parlant, on ne peut tirer de ligne de démarcation entre lui et l’action réflexe simple, de laquelle il sort par des complications successives. » Tandis que dans l’action réflexe simple, une seule impression est suivie d’une seule contraction ; tandis que dans les formes plus développées de l’action réflexe, une seule impression est suivie d’une combinaison de contractions ; dans celle que nous distinguons sous le nom d’instinct, une combinaison d’impressions produit une combinaison de contractions ; et dans la forme la plus élevée, dans l’instinct le plus complexe, il y a des coordinations qui tendent à la fois à diriger et à exécuter. […] Elles tendent, comme toutes les autres expériences, à disparaître de l’esprit, et la perception de l’espace finirait par devenir indistincte, si elles n’étaient rafraîchies chaque jour ou remplacées par de nouvelles. […] La raison a servi d’instrument pour réprimer les formes inférieures du gouvernement mental, — le gouvernement par préjugé, le gouvernement par tradition, etc., et partout où elle les a remplacées, elle tend à jouer le rôle de despote à leur place.
Avec plus de solennité encore et une attention extrême pour ne rien verser, je revins et je tendis le verre, ainsi corrigé, au coupable. […] B… arrivait, souriant, pressé, avec ses favoris courts, son gilet bien tendu sur son ventre où la chaîne d’or mettait un double feston. […] Quand je revenais des vergers, au temps des abricots mûrs, le ventre tendu à éclater, je me moquais bien du pain sec. […] J’avais l’idée de quelque chose de brillant et de joyeux et tout mon désir se tendait vers le parc. […] Affalée dans un fauteuil, sous son voile noir et sa guimpe blanche, elle riait, d’un rire aux longues dents rares, et tendait vers moi ses mains noueuses.
Comme dit Pascal, il tend au repos par l’agitation. Bonald tend à dire toujours la même chose, en trouvant toujours de nouvelles manières de le dire, et de nouveaux arguments à prouver qu’il a raison de l’avoir dit. […] Qu’il tende à la liberté, il lui est loisible, et peut-être il faut qu’il ait ce penchant ; mais c’est à la mort qu’il tend sans le savoir ; car l’extrême aboutissement du désir de s’affranchir de la société, c’est la mort du corps, et l’extrême aboutissement du désir de s’affranchir de la pensée en commun, c’est le silence de la bouche, le silence de la pensée et la mort de l’âme. […] C’est du Rousseau plus délicatement senti que par Rousseau lui-même, du Rousseau aussi passionné, aussi inquiet et moins orgueilleux, aussi attendri sur soi-même, mais plus tendre aussi, d’une pitié ouverte et répandue, qui va à tout ce qui souffre. […] C’est à l’empire qu’elle voit que toutes choses tendent dans un pays où les niveleurs n’ont laissé que des fonctionnaires pour un grand administrateur, des soldats pour un général, des sujets pour un césar, et l’anarchie pour le faire désirer.
Mon titre et le train de réflexions dans lequel nous sommes entrés tendent peut-être, en rapprochant Freud et Proust, à les écraser un peu l’un contre l’autre, à leur faire perdre leur volume et leurs contours respectifs. […] Si autonomes qu’il les représente, il ne les fait se servir de leur autonomie que pour se combattre ; et c’est les ramener d’une autre façon en dépendance l’un de l’autre, c’est leur reformer une solidarité, c’est tendre à reconstituer l’unité de la conscience ou plutôt de l’être psychologique. […] Même si pendant sa dernière nuit, il a tâché de corriger encore certains traits de la Mort de Bergotte, soyez sûr que ce n’est pas sous l’empire d’un devoir positif, d’une obligation active dictée par sa conscience ; c’est seulement la force de son esprit qui tendait encore spontanément à se manifester. […] Or c’était souvent les soirs où j’avais attendu son retour avec les plus tendres pensées, où je comptais lui sauter au cou avec le plus de tendresse. […] La psychologie de Proust tend à méconnaître trop complètement la ligne de nos actes, et comme l’a très fortement marqué M.
(Il ne faudrait pourtant pas exagérer et contribuer à la légende d’un Sainte-Beuve entomologiste littéraire, qui tend à s’accréditer. […] En l’essayant, nous esquisserons peut-être aussi l’histoire d’un art qui a constamment tendu vers une plus grande perfection. […] Leurs couleurs tendres et déchirantes de lyrisme se réfléchissaient sur la lagune de façon que nous glissions sur les cieux. […] Voltaire avait compris que la doctrine de Rousseau tendait à faire marcher les hommes « à quatre pattes ». […] Ses expressions tendaient douloureusement vers une simplicité biblique… » Tel était M.
Il a l’âme tendre, au contraire, la sensibilité vive : dans quelques écrits somme dans les Méditations et les Élévations, dans quelques lettres, il s’est livré, et l’on a pu voir de quelle ardeur il aimait et son Dieu, et les hommes, et quelques-uns parmi les hommes. […] Il a pris de ce biais ces discours d’apparat, ne pouvant concevoir un discours chrétien qui ne tendit à l’édification. […] Aussi tout son raisonnement tendait-il à faire apparaître le mal, en réduisant le protestantisme à l’individualisme effréne, rationalisme ou illuminisme ; et il ne lui donnait le choix qu’entre ces deux excès. […] Théologien solide, discutant et démontrant le dogme avec érudition, il s’étendait surtout sur la morale ; fin et pénétrant dans ses analyses, rude, tendre, pressant dans ses exhortations.