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614. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Lacordaire, la Philosophie, plus habile et plus fière, multiplie les auréoles autour de la tête de ses Élus. […] D’un côté, vous avez un fat de quarante ans, un bellâtre gauche et impudent, une de ces âmes comme celle de Rousseau, coquinement honnêtes, qui se passionnent d’esprit pour le bien et de volonté pour le mal ; et de l’autre vous avez un bas-bleu du xiie  siècle, froide de cœur comme toutes ces folles Ménades de la gloire qui l’appellent « un deuil éclatant du bonheur », et qui s’est, comme on dit vulgairement, monté la tête, non pour l’homme tel qu’il soit, mais pour le professeur le plus renommé de son temps. […] Les dernières pudeurs de la femme et de la chrétienne, le mystère et la honte de sa faute, ce qui reste à la plus coupable pour que le pardon descende sur sa tête, tout est sacrifié par Héloïse à cette vanité infernale d’avoir été la préférée d’un homme célèbre et sa fille de joie, — car le mot y est : meretrix, et M. 

615. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

Quand on lui coupe une tête, il en repousse deux !  […] Car elle fut de son temps et ne fut pas plus que de son temps, ainsi que l’attestent les lettres, et c’est la différence qu’il y a entre elle et Madame Du Deffand, qui fut aussi du xviiie  siècle, et même qui en fut l’expression la plus concentrée et la plus complète, mais qui, du moins, eut la tête et le cœur plus haut que ce temps. […] L’Encyclopédie a tourné toutes les têtes de France ; la sienne tient bon dans son tonneau.

616. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Mais Southey, l’épique de beauté menteuse, l’épique de vignette à la tête de ses Œuvres complètes, n’avait ni l’imagination assez grande, ni l’œil assez perçant pour être l’historien de Nelson. […] Son oncle, capitaine de vaisseau, en le voyant arriver sur son bord, avait dit, en haussant les épaules de pitié : « À la première action, un boulet lui emportera la tête, et c’est toute la fortune qu’il peut espérer !  […] Avec cette profondeur de tendresse qui lui fut sa Fatalité, avec sa rêverie amoureuse de la mort, même dans la vie la plus intense de sa gloire, avec cette fantaisie si noire qui plaça de si bonne heure dans sa chambre le cercueil où il se rêvait et coupa, dans le combat même, sur la tête d’un ami, des cheveux pour en tapisser ce cercueil, Nelson, le Mélancolique intrépide, est bien du pays de Shakespeare et méritait, certes !

617. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Ils s’abandonnent… Ils ont, pour le xviiie  siècle, l’amour, comme on le représentait précisément au xviiie  siècle, avec le bandeau mythologique qu’on lui nouait alors autour de la tête, — ce bandeau à travers lequel on voit ce qu’on aime et on ne voit pas ce qu’on n’aimerait plus, si on le voyait ! […] Mais Sophie Arnould, qui ne savait pas l’orthographe, n’était qu’une jouisseuse en toute chose, et elle laissait perdre la mousse de son esprit comme la mousse du vin de Champagne, sur le pied du verre, à souper… Spirituelle, n’étant que spirituelle en tout, cette diablesse d’esprit n’était pas jolie, et même le portrait qu’en donnent MM. de Goncourt, à la tête de leur ouvrage et d’après un dessin du xviiie  siècle, nous la crache fort laide. […] Ils vivaient la tête, le cœur et la main, dans ce siècle… Ils soupaient tous les soirs avec les Revenants de ce siècle qu’ils faisaient revivre sous leur plume, Cagliostros plus magiciens que Cagliostro !

618. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

On fait sur le goujat des livres… de goujat… et la société, qui porte à présent la tête en bas, comme le porc, boit cette boue comme du lait ! […] Son amour pour La Gervaisais fut si beau qu’il n’y a pas plus beau dans l’ordre du Génie, et que, je n’hésite pas à le dire, elle est aussi étonnante, dans son siècle, comme cœur de femme, que, comme tête d’homme, Napoléon ! […] D’après les lettres seules de Mademoiselle de Condé, La Gervaisais, malgré l’auréole de son amour qu’elle lui met autour de la tête, fait l’effet d’un homme meilleur peut-être que les hommes de son temps, mais affecté pourtant des vices de son temps.

619. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

Excepté peut-être dans la tête de Méry, qui faisait avec un esprit qu’on ne peut malheureusement pas importer en ballots, ce que font les Chinois avec leur opium ; excepté dans les romans de cet Hoffmann de la lumière… et des Indes, l’Inde est regardée maintenant avec des yeux calmes, et on ne voit plus dans les horizons de cet étincelant pays ce qu’on y voyait. […] il nous en a assez coûté pour découronner cette Aimée au teint de topaze du poétique bandeau que l’imagination roule autour de sa tête avec les plis du cachemire… Les choses pittoresques et aimées du regard, les choses lointaines et naturelles ont tant de force et de prestige ! […] Pris autrement et comme un livre ayant ses agréments et ses mérites particuliers, il accablera la tête européenne d’un ennui profond et d’une fatigue immense.

620. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Lacordaire, la Philosophie, plus habile et plus fière, multiplie les auréoles autour de la tête de ses Élus. […] D’un côté, vous avez un fat de quarante ans, un bellâtre gauche et impudent, une de ces âmes comme celle de Rousseau, coquinement honnêtes, qui se passionnent d’esprit pour le bien et de volonté pour le mal ; et de l’autre vous avez un bas-bleu du douzième siècle, froide de cœur comme toutes ces folles Ménades de la gloire qui l’appellent « un deuil éclatant du bonheur », et qui s’est, comme on dit vulgairement, monté la tête, non pour l’homme tel qu’il soit, mais pour le professeur le plus renommé de son temps. […] Les dernières pudeurs de la femme et de la chrétienne, le mystère et la honte de sa faute, ce qui reste à la plus coupable pour que le pardon descende sur sa tête, tout est sacrifié par Héloïse à cette vanité infernale d’avoir été la préférée d’un homme célèbre et sa fille de joie, — car le mot y est, meretrix, — et M. 

621. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

Il y a bien des âmes, parmi les plus fortes comme parmi les plus faibles, que l’approche du dernier moment a tout à coup décomposées, depuis le maréchal de Biron, qui faisait trembler ses bourreaux et les planches de son échafaud, sur lequel il courait, terrible comme à la bataille, prêt à faire une massue du billot qui attendait sa tête, jusqu’à la misérable Du Barry, griffant au visage l’homme de la guillotine, comme une chatte forcée ; depuis l’héroïque Masséna, mourant platement dans son lit, en disant « qu’il ne croyait pas si difficile de mourir », jusqu’à la foule de ceux-là qui ne sont pas des héros, et qui, ne disant rien de leur désespoir, meurent comme le loup d’Alfred de Vigny, en silence. […] pas là une tête philosophique d’un ordre fécond et redoutable, mais c’est une imagination et une sensibilité extraordinaires, que le désespoir de mourir exalte jusqu’à la folie, mais à la plus éloquemment navrante des folies ! […] elle est folle, elle est égarée, cette faible tête, à l’aurore d’une vie qu’elle va perdre, ce qui la bouleverse ; mais elle est belle encore, comme Oreste était beau quand il était en proie aux Furies.

622. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

» Après vingt-cinq ans, les Roméos qui sont descendus du balcon de Juliette n’y remontent plus par la même échelle, et s’ils en sont descendus pour entrer, par le hasard de leur génie, dans la gloire, ils donneraient leur gloire pour y remonter… Ces Mémoires inédits et inachevés de Lamartine, et qu’il a peut-être laissés inachevés à dessein, l’Histoire devant se charger du reste, tromperont l’écho de nos petites têtes sonores auxquelles il faut toujours le bruit d’un grelot. […] Virgile est depuis deux mille ans sur son socle, couronné de laurier par la sculpture de tous les temps qui ont suivi le sien, et Lamartine n’est que d’hier, et moi, qui écris ce chapitre, je l’ai vu dans le prosaïsme de nos plates mœurs et de nos tristes costumes, avec le chapeau blanc de Louis-Philippe et des épiciers endimanchés sur sa noble tête… Rapprochement de plus d’influence qu’on ne croit sur l’imagination déconcertée et qui compare deux poètes immortels ! […] C’était l’arbre qui laisse tomber ses fruits et qui ne sait pas que les fruits qui roulent à ses pieds sont tombés de sa tête.

623. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

Rien, au contraire, ne montre mieux que le livre de Fabre la largeur d’idées de cette Église qu’ils font étroite comme leurs pauvres têtes, et qui est vaste comme la coupole sous laquelle doivent s’abriter les nations ! […] Et son doux et sensible Ternisien, le secrétaire de l’évêque de Roquebrun, et son courageux et sanguin Lavernède, et son épuisé de courage, le vieil archiprêtre Clamouse, et son plat et servile Turlot, et son supérieur des Capucins, et son cardinal Maffei, cette tête chauve et chenue, mais si fine, et à travers laquelle il semble que l’on aperçoit le grand cerveau politique de l’Église… Tous sont vrais, très étudiés, très pensés et très conséquents à eux-mêmes, dans leurs tonalités diverses. […] Ses colères de porcher, s’il en eut, lui, il les boucla et les ardillonna sous son froc de capucin, et il sut jouer cette comédie de la vieillesse, que Capdepont n’aurait pas jouée, qui faisait dire au cardinal San Severino, plus jeune que lui de quelques années, car il ne faut que quelques années de moins sur la tête pour qu’un sot se fasse méprisant : « Ne nous opposons pas à ce pauvre vieux, parce que nous serons les maîtres ! 

624. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Tel le général Saussier, dans les revues, marche en tête de ses officiers d’ordonnance. […] Il s’était mis en tête de la faire parler, de savoir ce que ses yeux éteints avaient vu. […] que cette petite tête est romanesque ! […] Rachmed trottine sur un petit cheval chevelu et ébouriffé, en tête de la longue file des chameaux. […] Dans une des mains, il met un bouquet de roses, dans l’autre une baguette d’ivoire à tête d’épervier.

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