Un symboliste est tenu de penser, s’il veut mériter le nom de symboliste, ou celui de poète même… Tout symbolisme suppose une idée sans le support de laquelle il n’est qu’un conte de nourrice ; et toute symbolique implique, ou exige, à vrai dire, une métaphysique, j’entends une certaine conception des rapports de l’homme avec la nature ambiante ou, si vous l’aimez mieux, avec l’inconnaissable. » Ces réflexions semblent avoir ôté dictées à notre grand critique par l’étude de l’œuvre de Francis Vielé-Griffin. […] Pour mieux comprendre la cosmographie ne commence-t-on pas par supposer la terre immobile ? […] La nature enferme en ses arcanes quelque chose qui dépasse la raison, un principe irrationnel que ne pénétreront jamais les sciences expérimentales, si parfaites qu’on les suppose, car différent est l’objet de ces dernières et la méthode. — Si au lieu de regarder ce qui l’environne, l’homme descend dans son âme, il découvre à la lumière de l’amour ou vivifié par la douleur son moi ultime ou subliminal, ce moi « plus profond et plus inépuisable que le moi des passions et de la raison pure ». […] Cette aspiration ou effusion psychique — première condition, non suffisante, mais nécessaire, exigée du poète — ne doit pas être confondue avec le désir ou la volonté qui supposent un but déterminé.
Le livre d’Emerson a une logique secrète qui suppose que le lecteur est d’avance d’accord avec lui sur les points fondamentaux, et que la controverse ne peut rouler que sur des détails : il n’a pas de logique visible et méthodique. […] Si quelqu’un se trompe en cette affaire, n’est-il pas raisonnable de supposer que c’est lui. […] Oui, il y en a un, légèrement excentrique il est vrai, mais qui est moins trompeur qu’on ne pourrait le supposer : il consiste à attribuer à cette force de la race exactement la même importance que lui attribue le peuple qu’on veut étudier. […] Supposez cependant que les deux amants soient morts ensemble ; par exemple, qu’ils aient été surpris par la lionne et déchirés en même temps : croyez-vous que leur légende serait venue jusqu’à nous ? […] On pourrait recommander ce livre à ceux qui ne savent pas faire la différence entre le génie et le talent et qui croient que l’un suppose nécessairement l’autre.
Molière dans ses premières pièces ne s’astreint guère plus que Plaute à cette division régulière ; il laisse fréquemment la scène vide, sans qu’on puisse supposer l’acte terminé en ces endroits. […] Molière disait du grand Corneille : « Il a un lutin qui vient de temps en temps lui souffler d’excellents vers, et qui ensuite le laisse là en disant : Voyons comme il s’en tirera quand il sera seul ; et il ne fait rien qui vaille, et le lutin s’en amuse. » N’est-ce pas dans ce même sens, et non dans celui qu’a supposé Voltaire, que Richelieu reprochait à Corneille de n’avoir pas l’esprit de suite ? […] Or, supposez une nature très-lyrique, c’est-à-dire un peu singulière, exceptionnelle, chez laquelle les éléments de l’âme humaine fortement combinés ne sont pas dans les mêmes proportions que chez le commun des hommes ; chez laquelle, par exemple, l’imagination est double ou triple, la raison moindre, inégale, la logique opiniâtre et subtile, la sensibilité violente, ne se produisant jamais qu’à l’état héroïque de passion sans remplir doucement les intervalles.
Valincour écrivit très-incognito un petit volume de critique qu’on attribua au Père Bouhours, et un abbé de Charnes riposta par un autre petit volume qu’on supposa de Barbier d’Aucourt, critique célèbre d’alors et adversaire ordinaire du spirituel jésuite. […] La Beaumelle, dans les Mémoires qui précèdent son édition des Lettres de Mme de Maintenon, suppose à Mme de La Fayette je ne sais quels torts de caractère et quelles prétentions de vouloir remplacer Mme de Sablé, qui éloignèrent d’elle ses amis et rendirent sa maison déserte : on ne peut trancher avec plus d’impertinence à l’encontre de tous les témoignages.
Mercure étant apparu aussitôt et ayant demandé la cause de ces larmes, chacun d’eux répondit qu’il avait perdu sa hache dans le fleuve, etc. »172 Je suppose qu’arrivé là, La Fontaine s’est mis à bâiller, respectueusement sans doute, en se disant, par conscience, qu’Esope était un grand homme, et « méritait des autels. » Mais en faisant ces réflexions décentes, sa main allait chercher au bout de la table un petit volume, assez mal famé, et qu’il aimait trop ; il ouvrait maître Rabelais et y lisait le même conte, l’imagination allumée par tout ce que le grand rieur lui faisait voir : « De son temps était un pauvre homme villageois, natif de Gravot, abatteur et fendeur de bois, et en cettuy état gagnait cahin-caha sa pauvre vie. […] Supposons que notre poëte, ayant relu sa fable du loup et de l’agneau, ne l’ait pas trouvée assez forte et cherche un autre exemple afin de mieux prouver que La raison du plus fort est toujours la meilleure.
Nul éloge moral ne peut lui convenir, car tous supposent des rapports avec les hommes, et il n’en a point. […] Quant au titre de ministre d’État, joint à la dignité de régent, il ne suppose pas des fonctions particulières, ni la direction d’un département.
Je supposai que lord Byron vivait encore et que le génie, qui lui avait inspiré les quatre premiers chants de son poème, inspirait encore à son génie le récit de sa propre mort. […] Dans ce dernier poème, je supposais que le poète anglais, en partant pour aller combattre et mourir en Grèce, adressait une invective terrible à l’Italie pour lui reprocher sa mollesse, son sommeil, sa voluptueuse servitude.
Il est à supposer que dans Tristan et Isolde on la retrouvera. […] Wyzewa définit le wagnérisme comme une « doctrine esthétique » qui a la valeur d’une révélation philosophique et qui suppose « l’alliance naturelle, nécessaire, des trois formes de l’Art, plastique, littéraire, musicale, dans la communion d’une même fin unique, créer la vie, inciter les âmes à créer la vie. » Ainsi, cette doctrine s’applique-t-elle à toutes les formes de l’art, et surtout pas à la seule musique.
On peut imaginer qu’en quelqu’un de ces jours anciens, parmi les fêtes qui remplissaient la cité de splendeurs, quelque divin philosophe isolé dans la multitude sur les gradins de marbre d’un Panathénée, ayant été subitement étonné par la magnificence de quelque maxime qu’énonçait le protagoniste, une fois ferma les yeux aux merveilles des décorations et des chorégraphies ; et, comme l’on dit, il ferma les yeux pour mieux entendre ; en effet, aveugle aux tableaux du théâtre, il s’aperçut qu’il entendait mieux, qu’il comprenait mieux, qu’il se faisait plus fortes, plus profondes, plus belles, les sentences qui arrivaient à son oreille ; et supposons qu’à ce moment, par quelque bizarre incident, les musiques accompagnatrices des paroles et des mimiques se soient tues, alors le philosophe, n’ayant plus en son esprit que la sensation des paroles récitées et donnant à ces paroles toute l’attention de son esprit auparavant divisée aux visions et aux harmonies, médita qu’il jouissait, plus intensément de ces littératures que seules il percevait ; ainsi pouvait-il conclure que l’œuvre d’art serait plus puissante à l’émouvoir qui, au lieu d’occuper tous les moyens de perception, en occuperait un seul et, de ce fait, avec une triple intensité. […] L’aspiration universelle étant le sujet primitif du Parsifal, voyons, parmi l’infinité des extensions possibles, quelques figures de l’existence, sujets secondaires que vous pouvez supposer.
Elle suppose une érudition profonde, une dialectique peu commune, un maître versé dans presque toutes les langues connues, un Gebelin53 ou quelque autre. […] Je demande si cette étude ne suppose pas des têtes plus mûres et des connaissances préliminaires ?
Ainsi donc, supposons Renart déjà connu par ses méfaits : il est en guerre habituelle avec son compère Ysengrin, le Loup ; sous prétexte d’alliance et de cousinage, il lui joue mille tours odieux, dans lesquels Ysengrin succombe presque toujours.