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760. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Spencer a essayé, en étendant et compliquant son explication, d’expliquer en partie la formation de l’œil rudimentaire chez les animaux inférieurs, de l’œil plus complexe chez les animaux supérieurs. […] Il n’y avait point de nécessité vitale à ce que le sens de l’électricité se développât d’une façon spéciale chez les animaux supérieurs et chez l’homme : n’est-il pas tout à fait indifférent pour la conservation de notre espèce que, chaque année, quelques individus soient ou non frappés de la foudre ? […] S’ils finissent par revêtir une telle fonction, ce n’est que secondairement et ultérieurement, à l’époque où la connaissance théorique elle-même acquiert une valeur pratique dans la lutte universelle pour l’existence, où elle assure la supériorité à certaines races et, avec une force supérieure, développe une jouissance supérieure.

761. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Samedi 17 mars Une jouissance tout à fait supérieure : un grand acteur dans une pièce sans talent. […] Un admirable comédien, le comédien supérieur de ces années. […] Et toute la table de lui crier que c’est de la récréation de bagne, du Poulman en goguette… enfin toute une série d’aperçus supérieurs sur ce que cela doit produire sur les cervelles de gandins, sur ces têtes qui ont une raie qui va jusque dans le crâne. […] Et nous voici arrivés à la question de l’immortalité de l’âme, cette causerie forcée, après un bon dîner, entre intelligences supérieures.

762. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Je ne parle pas du sublime de la fausse ivrognerie du chevalier Grosse-Roche, qui pour son rôle de vengeur, se laisse uriner sur la figure, couché, dans le ruisseau, du sublime du suicide de la mère du chevalier Communal, — de ce sublime égal, s’il n’est supérieur à tout le sublime de l’Occident, — je parle de délicates trouvailles, comme la réponse de Mlle Ronce à la déclaration du chevalier Écaille : réponse, que ne laisse pas entendre le chant des oiseaux ; et je parle encore de la figure à la fois comique et touchante du chevalier Haie-Rouge : figure, tout aussi heureusement et habilement construite, que les meilleures figures des romans d’aventures d’Alexandre Dumas père. […] Mais saperlotte, dans ce genre, le portrait de Mme *** par Regnault est très supérieur. […] Là-dessus un train précédé d’une solide fumée blanche, montant toute droite : un train, avec des bleus éteints et comme délavés de blouses, dans les compartiments supérieurs. […] Et vraiment dans les objets chinois et japonais, rien de supérieur.

763. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

On chercherait en vain chez l’auteur anglais un récit contenu et impassible, une scène où l’écrivain ait l’art supérieur de laisser porter de leur poids propre les événements et les idées qu’il exprime et retrace. […] Dickens n’est supérieur que quand il reste, comme le lui commande son talent, tout de premier jet et d’emportement, l’artiste caricatural et partial qui déforme violemment tout ce qu’il entreprend de décrire, et qui sait nous montrer les choses et les gens, mais les montrer comiques, haïssables, monstrueux, mystérieux, humoristiques, dignes de pitié ; qui, essentiellement subjectif et passionné, ne peut évoquer ni une scène ni un personnage sans les figurer de telle sorte qu’on les connaisse moins qu’on n’apprend à les juger L’art de Dickens est en effet un art moral, et c’est en vertu de règles précises, d’une vue arrêtée sur le monde, qu’il délivre le blâme et l’éloge. […] Si les caractères ont quelque peu varié de l’état sauvage au nôtre, c’est surtout grâce aux mobiles que les religions dédaignent : l’orgueil, l’amour de la vie, l’amour des jouissances, l’amour sensuel même, l’intérêt, l’égoïsme individuel, l’égoïsme patriotique ; et dans ce lent travail de formation de lui-même, auquel l’ont si peu aidé ses prêtres, l’homme, en paraissant et en croyant les écouter, ne s’est défait que de ce qui lui nuisait, et n’a recherché qu’une somme supérieure de bonheur, se pliant mieux à la vie naturelle et sociale et suivant ces commandements véritables, que personne ne lui formulait, mais que les climats, la chasse, la guerre, ses sens, toute sa chair, lui ont impérieusement imposés. […] Aussi le style d’un littérateur affectif sera exubérant, grandiloque, tout de premier jet et d’inspiration, tourmenté, sans mesure, sans grâce ; cet auteur se lancera à propos de n’importe quel sujet en infinis développements, et comme c’est son sentiment qui le fait écrire et qu’au moment où il écrit, ce sentiment d’aversion, de bienveillance, de raillerie, constitue son moi tout entier, cet auteur parlera surtout de lui-même et de ce qui l’agite toutes les fois qu’aucune raison supérieure ne l’empêche.

764. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Homme de cœur et d’une grande bonté morale, il était supérieur lorsque, triomphant de ses airs d’aristocratie intellectuelle et de ses assertions absolues auxquelles il s’abandonnait quelquefois, il retrouvait l’onction. […] Mignet de dire toutes ces choses, et peut-être même ne les a-t-il jamais sues qu’à peu près : car, homme de mérite et d’un talent supérieur, il a la faculté, ce me semble, de ne voir qu’imparfaitement tout ce qui ne se passe pas en plein sous son regard ; ce qui aide fort à la sérénité.

765. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Voilà les caractères et les défauts que je pourrais appuyer et démontrer par maint exemple : mais, à côté de cela, on sent l’homme compétent et supérieur quand il parle du fond des sujets ; on s’efforce de le comprendre et de le suivre, et on y parvient avec quelque application. […] Je le répète, au milieu des défauts qui sont saillants, il y a dans ses meilleurs éloges, tels que ceux de Fresnel, de Fourier, de Volta, d’Young, de Watt, des parties d’exposition solide où se marque distinctement l’intelligence supérieure et le maître.

766. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

M. de Meilhan est-il lui-même très supérieur à Duclos ? […] Les grands hommes n’ont jamais vécu dans les cercles de la bonne compagnie ; ils y paraissent, mais les entraves dont elle accable l’homme supérieur l’en écartent : il vit en famille, avec sa maîtresse (voilà la marque et le petit signe libertin du xviiie  siècle, qui se mêle à tout), avec des amis particuliers ; il cherche la confiance, et il n’a pas besoin des petits succès de la société pour s’assurer de sa valeur… Ce qui ne peint pas moins M. de Meilhan que son moment de société, c’est que dans ce regret général qu’il exprime de voir les caractères s’effacer de la sorte, il trouve moyen de songer même à la disparition prochaine des grands fats et des Alcibiades qui vont chaque jour en diminuant ; il le dit d’ailleurs d’une manière piquante : Il est des genres dans la société qui se perdent ; c’est ainsi que certains poissons, après avoir longtemps abondé sur les côtes, disparaissent pour des siècles.

767. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Nulle part peut-être, excepté à Édimbourg et en remontant à quelques années en arrière, on n’aurait trouvé réunis sur un aussi petit espace et dans des conditions de société plus favorables une aussi grande variété d’esprits, de talents et d’idées, une culture aussi diverse, aussi complète, et aussi honorablement désintéressée, de toutes les branches de l’intelligence, un ensemble aussi supérieur, aussi éclairé, aussi paisiblement animé, aussi honnête. […] On ne s’intéresse pas à ce Marius qui n’est nullement un personnage intéressant, et que son biographe est trop exact pour nous montrer tel ; et l’auteur n’a pas su introduire quelque idée supérieure à la fois et juste, qui rattache cette vie à toute son époque, et qui fasse qu’on se rattrape par ce côté.

768. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Scherer ; ainsi pressée et poussée dans ses résultats, serrée de près dans ses principes et ses déductions, la doctrine du grand théocrate se réduisait de beaucoup ; je ne voyais pas ce qu’en vérité on pouvait répondre à son ferme et froid contradicteur ; et pourtant l’homme en Joseph de Maistre me paraissait supérieur à ce qui ressortait de cette exacte analyse. […] J’aime à croire que non, car le fond de mon opinion est le même ; mais j’aime tout ce qui est de l’homme quand l’homme est distingué et supérieur ; je me laisse et me laisserai toujours prendre à la curiosité de la vie, et à ce chef-d’œuvre de la vie, — un grand et puissant esprit ; avant de la juger, je ne pense qu’à la comprendre et qu’à en jouir quand je suis en présence d’une haute et brillante personnalité.

769. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Lorsqu’il s’agit, la Terreur passée, de réorganiser l’instruction publique, et dans l’instruction publique les hautes sciences, l’enseignement supérieur, de tout rapprendre, de tout recréer à la fois, et d’improviser en quelque sorte une civilisation, comme on avait tout à l’heure improvisé la guerre, M.  […] Après l’enseignement supérieur, on s’occupa de l’enseignement élémentaire, « le plus difficile, dit M. 

770. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Ce moyen, c’est, avec les États Généraux très réduits, se tenant de cinq en cinq ans, et la tenue chaque année d’États provinciaux particuliers, l’établissement de sept Conseils supérieurs remplaçant les secrétaires d’État et composés en grande partie de ducs et pairs ; l’abolition de la réforme militaire introduite par Louvois ; la remise en l’honneur et sur pied de l’ancienne et vraie noblesse, soigneusement distinguée de la bâtarde et de la fausse : enfin tout un gouvernement aristocratique, auquel la lecture de Saint-Simon nous a de longue main familiarisés sans nous y convertir. […] Il n’est pas moins clair que le duc de Bourgogne cherchait, étudiait toujours, et n’avait rien trouvé de précis, n’avait rien de positivement arrêté ; que ses intentions étaient droites, pures, chrétiennes, tournées tout entières au bonheur et au soulagement des peuples, mais qu’avec tant d’instruction et le désir continuel d’en acquérir encore, il manquait de lumières supérieures, de génie politique, de ce génie qui tient surtout au caractère et à la conduite, à la décision de vue dans les crises, bien plus qu’aux règlements écrits et aux procédés mécaniques de constitution.

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