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679. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Parlerai-je maintenant de la partie la moins importante et aussi la plus faible de l’ouvrage, du style, auquel on dirait que l’auteur n’a pas songé ? […] C’est toujours une imperfection fâcheuse qu’une belle œuvre manque par le style.

680. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — II »

Le mouvement de leur style diffère autant que la physionomie de leur pensée : plus vif et varié dans madame des Ursins, plus doux et monotone dans madame de Maintenon. […] « Le seul art dont j’oserais soupçonner madame de Sévigné, dit madame Necker, c’est d’employer souvent des termes généraux, et, par conséquent, un peu vagues, qu’elle fait rassembler, par la façon dont elle les place, à ces robes flottantes, dont une main habile change la forme à son gré. » La comparaison est ingénieuse ; mais il ne faut pas voir un artifice dans cette manière de madame de Sévigné, non plus que dans celle de mesdames des Ursins et de Maintenon : c’est la manière de l’époque et l’un des mérites inséparables de son style.

681. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Son style, au reste, la liberté de ses tours, sa nouveauté et son éclat d’expression, l’acception excellente et parfaitement française des mots qu’il emploie et qu’il découvre presque, au sein de la langue du xviie  siècle, ces qualités si rares, et que M. Lerminier unit à tant d’autres, ne ressortent nulle part plus évidemment chez lui que dans cette attaque portée à deux hommes qui sont deux maîtres en vrai style.

682. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Mais le style de théâtre a ses exigences propres, ses bornes étroites. […] Brieux, quoique — et peut-être parce que — traitant un sujet plus médical encore102, les a délibérément proscrits, ces mots dangereux et, « bien que fort renseigné sur le sujet dont il parle, n’a pas adopté absolument les termes spéciaux, le style particulier du traité de pathologie » 103 ; délibérément, disons-nous, et nous récusons la suite du commentaire : « on dirait presque que c’est à son insu et qu’il les aurait employés s’ils lui étaient venus sous la plume » 104.

683. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Mécanisme des passions, brutalité des instincts, caractères d’hommes, paysages, tristesse des choses, effroi de l’inexpliqué, jeux de l’amour et de la mort, tout cela s’y trouve noté brièvement et infailliblement, dans un style dont la simplicité et la sobriété sont égales à celles de Voltaire, avec quelque chose de plus serré, de plus prémédité, de plus aigu. […] Mais ces sentiments divers sont tous comprimés et dominés chez lui par un autre sentiment, plus général, ou mieux par une manière d’être qui, jointe, à la qualité particulière de son style ; achève de donner sa marque à ce rare écrivain : car elle nous révèle, après la distinction incomparable de l’artiste, la suprême distinction de l’homme.

684. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

« Le style de Tertullien est de fer, disait Balzac, mais avouons qu’avec ce fer il a forgé d’excellentes armes. » Selon Lactance, surnommé le Cicéron chrétien, saint Cyprien est le premier Père éloquent de l’Église latine . […] La diction de saint Chrysostome est pure, mais laborieuse ; il fatigue son style à la manière d’Isocrate : aussi Libanius lui destinait-il sa chaire de rhétorique avant que le jeune orateur fût devenu chrétien.

685. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

nous avons cru à une démolition, comme disent les journaux en leur style de maçon, — ces maçons de la publicité ! […] Il nous donne Cousin comme le plus bel esprit, le plus bel orateur, la plus belle imagination, le plus beau style et la plus belle figure de ce temps.

686. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Du moins ses brèves indications sont-elles d’un style et d’un sentiment exquis. […] Ces bizarres anagrammes sont partie intégrante de la physionomie de l’œuvre et de son style vrai. […] Le style, comme la force, leur fait peur ». […] Une intense ardeur intellectuelle s’exprime chez lui en style volontairement géométrique.) […] Mais le style est d’un lyrisme biblique.

687. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

On se dit : « Allons toujours, je réfléchirai après. » Les peuples à grande imagination sont tous habitués à cet effet du grand style sur leur esprit. […] Il serait trop douloureux de laisser au peuple des doctrines paradoxales écrites du style de Pascal ou de Bossuet. Heureusement, la vérité n’a pas besoin de style. […] Mais il sent juste, et il s’exprime en style magique, quand il oublie ses sophismes pour méditer la nuit sur l’œuvre infinie du Créateur dans ses contemplations nocturnes devant les étoiles. […] C’est un cadre dans lequel l’écrivain, tour à tour philosophe, penseur, sophiste, poète, prend, comme l’aigle, son lecteur à terre, l’emporte avec lui çà et là dans l’irrésistible élan de son style, lui fait parcourir un pan de l’espace, lui donne le vertige, l’enthousiasme, le délire de son talent, puis ne se souvient plus ni de lui, ni de sa composition, ni de son sujet parcouru à grand vol, le dépose à terre sûr de le reprendre à son gré et lui dit de nouveau : « Allons ! 

688. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Tout était donc à créer au temps de Corneille ; car si l’on ne peut sérieusement donner le nom de poèmes dramatiques à des ouvrages sans caractères, sans passions, sans mœurs, sans style, sans ressemblance avec la vie, il n’y a rien d’exagéré à dire que Corneille avait tout à créer. […] Il a donné les premiers modèles de la tragédie à Racine ; Molière a appris de lui le ton et le style de la comédie. […] Si la poésie est à la fois un langage, une peinture et une musique, si elle doit plaire à l’âme, à l’imagination et à l’oreille, il restait à faire connaître, après le style de Corneille, plus oratoire que poétique, plus énergique qu’harmonieux, plus ferme que varié, où il y a plus de feu que de douceur et plus de mouvement que d’images, un style qui réunît à toutes les beautés du style de Corneille, dans des vérités dramatiques du même ordre, toutes les beautés propres aux vérités dramatiques qui restaient à exprimer ; un style qui contentât la raison par l’exactitude des paroles, l’âme par leur accent, l’imagination par leur éclat, l’oreille par leur harmonie.

689. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Le seul retour, parfois, de la rime et de l’assonance distingue ce style de la prose lyrique. « Il n’y a pas à s’y tromper, c’est bien un style nouveau. […] « Désormais, il existe un style intermédiaire entre la prose et le vers français, un style complet qui semble unir les qualités contraires de ses deux aînés… » M.  […] La mémoire alourdie de formules apprises, ils sont comme les pseudo-classiques de 1830, — les Casimir Delavigne et les Baour-Lormian, — qui traitaient des sujets romantiques dans le style et avec les habitudes d’esprit du xviiie  siècle. […] Elles sont enguirlandées de mélisse et de réglisse, de cityses et de citrons, de résine et de menthe dont elle excelle à pénétrer, à saturer ses poèmes, comme des sachets avec un sens de l’olfactif qui aromatise le terme et donne à l’expression quelque chose d’odorant qui ne se rencontre avec cette intensité que dans le style de d’Annunzio. » Servie par une culture très classique et un sensualisme très païen, elle sait le prix de l’heure qui s’enfuit.

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