Elle souffre moins de voir applaudie une pauvreté que dédaignée une œuvre véritable. […] Le moine est souvent un révolté ; l’orgueil le travaille ; il souffre de ses liens plus que de ses privations. […] Elles sont patientes, souffrent les coups maladroits, les insultes, les caresses, et l’ironie de leurs yeux immuables étant tournée vers le ciel, les protagonistes n’ont pas à rougir ou à trembler sous un regard qui pourrait être médusien. […] Cela ne fait pas souffrir, cela n’incite ni à la colère, ni à la vengeance, c’est agaçant et voilà tout. […] C’est l’individu qui souffre et non la collectivité ; c’est lui, et non la totalité qui est la pièce importante.
Je crois bien me rappeler en avoir vu un exemple dans une chèvre, qui ne pouvait souffrir que l’on caressât un enfant en sa présence. […] Mairet, souffrira dans son amour, dans sa quiétude, dans son amour-propre et son orgueil, dans son instinct de possession et de domination ; et ces souffrances morales produiront généralement chez lui une réaction avec colère et besoin de faire souffrira son tour qui le fait souffrir. » Voilà ce qu’il y a de plus fâcheux dans la jalousie, c’est que le dénouement de la crise est assez souvent tragique. […] Il souffre même d’être dérangé, reprend et achève sans difficulté la besogne interrompue. […] La faculté de souffrir, comme celle de jouir du reste, est inégalement répartie entre les hommes. […] Le riche épicurien, bien décidé à être complètement heureux, souffrirait-il la misère autour de lui, consentirait-il, pour s’enrichir encore, à exploiter les besoins des autres hommes ?
Oui, notre art actuel souffre d’anémie, et ce n’est pas seulement, comme le pense Tolstoï, « parce qu’il s’est abaissé à ne plus exprimer que les trois sentiments de la vanité, du désir sexuel et du dégoût de la vie », c’est parce que, d’une façon générale, il n’est point désintéressé, qu’il est plus volontaire qu’instinctif, qu’il n’est point sincère, qu’il n’émane point d’une vision pénétrante, d’une impérieuse nécessité de se manifester, qu’il est un calcul, une spéculation, un produit industriel combiné en vue de l’effet et du placement immédiat, plutôt que le cri naturel d’une âme qui souffre et qui est prise de pitié. […] La difficulté pour l’artiste de subsister sans flatter les goûts de l’élite qui seule est en mesure de le rémunérer ; d’autre part, la surproduction d’œuvres d’art, comme disent les économistes, résultant de l’extension prise par les écoles d’art, de là la profusion d’œuvres médiocres qui amène à la fois l’abaissement du goût public et la dépression morale dont souffrent les artistes vraiment originaux, étouffés par la concurrence ; surtout la vie de plus en plus énervée et factice que nous vivons, tout cela agit profondément sur les conditions de l’art et contribue à le rendre plus pauvre. […] Il appelait le corps notre « grande raison », et il trouvait tout naturel que ce qu’il appelait « notre petite raison » souffrît quand le corps souffre. […] Il se savait supérieur à eux ; il ne souffrit jamais l’atteinte, même la plus légère, à sa dignité d’homme ou à sa fierté d’artiste. […] Notre art actuel souffre d’anémie, mais non, comme le pense Tolstoï, à cause du manque de nouveauté des sujets ; il n’est pas menacé, comme le pense Nietzsche, parce que les maîtres les plus récents ont abandonné la carrure rythmique : il est malade tout uniment parce que le sens du rythme s’est affaibli et, surtout, parce que, dans l’enseignement et la pratique, le rythme est relégué à l’arrière-plan.
puissé-je plutôt, par les veilles pâlie, Toujours souffrir, toujours aimer, toujours pleurer. » *** Mlle Jeanne Loiseau fait semblant de se cacher derrière un nom d’homme. […] Mais, — si divergents que soient les gestes de son titanique esprit créateur et ceux de la souriante intelligence qui observa tant de détails et les ordonna en chefs-d’œuvre lumineux, — il souffre d’apercevoir telles ressemblances profondes ou subtiles. […] Je me rappelle Musset : L’homme est un apprenti, la douleur est son maître Et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert. […] L’âme qui se lamente ici n’est intéressante que parce qu’elle souffre : il semble qu’il n’y ait ni esprit ni cœur ; une sensibilité dolente seulement et, avec, la banalité de tous les bons sentiments appris. […] Mais j’attends, impatient, la femme au grand cœur qui, ayant souffert par l’amour, le maudira avec la noble éloquence de Vigny.
Considérons avec émotion et avec reconnaissance le nom et l’œuvre de Jean-Baptiste de Monet de Lamarck, né en 1744 en Picardie et mort à Paris en 1829, après avoir vécu, travaillé et souffert pour la science et pour la liberté de la pensée. […] Cet homme tendre n’est ni plus ni moins féroce que ses congénères ; ami des bêtes, sans doute, mais qui souffre fort bien que l’on châtre, pour qu’ils engraissent mieux, les fils du taureau et les fils du bélier. […] Ils ne pourraient avoir qu’une clientèle, celles des amants malheureux, mais on n’y trouve jamais ni la description exacte de la sorte d’amour dont on souffre ni aucun conseil approprié au mai dont on voudrait guérir. […] Une femme qui a perdu son enfant souffre et ne peut même envisager, sans une souffrance plus grande, le moment où elle ne souffrira plus. […] Si le paysan et l’ouvrier sont, moins que le rentier, sensibles à la douleur, c’est souvent parce qu’ils n’ont pas le temps de souffrir, il arrive aussi que l’exercice de l’intelligence avive, par ricochet, la sensibilité et l’aptitude à souffrir, mais cela est loin d’être général, et il y a des intellectuels d’une insensibilité rare.
Cette jambe gauche m’aura-t-elle agacé, fait souffrir, coûté de l’argent, tout le petit pécule qui me restait d’une assez jolie aisance, fait manquer de bonnes occasions — et ce qu’elle me procure encore de souffrances, maintenant qu’elle et moi allons mieux. […] Depuis deux mois je souffrais étrangement. […] Elle naquit à Douai, ville triste, avec, entre autres merveilles calmes, une toute petite église (Notre-Dame), où il serait désirable qu’elle ait son buste, en attendant sa statue dans cet immense Paris où elle a tant souffert et « monté et descendu tant d’étages ! […] … Nous méconnaissons la nature Lorsque nous souffrons sans murmure L’inaction, la faim, le froid ; Nous manquons aux lois de nos êtres Lorsque nous souffrons sans combats : Est-ce donc pour ne vivre pas Que nous ne voulons plus de maîtres ? […] En effet, en ces temps de faciles, de fades, d’insipides, de banales et d’au fond odieusement et abusivement bourgeoises macabreries, il est digne et sain d’enfin entendre une voix qui chante bien, un cœur qui souffre bien, et de se complaire à voir parfois un sourire qui sied bien.
Ils sont jugés les uns et les autres très-justement, très-finement, par les humbles habitants ou naturels du lieu (comme dit George Sand), qui souffrent dans leur cœur de ces légèretés de passage, qui s’en affligent pour les objets de leur culte, et qui, entre soi, après, se gaussent des railleurs. […] Il s’agit d’un jeune bossu qui a des instincts chevaleresques, des velléités oratoires, qui a surtout des besoins de tendresse et qui souffre de ne pouvoir se faire aimer.
Il n’est pas étonnant que le même homme qui détourne les yeux de la demeure de ses enfants, de peur de s’attendrir, s’embarque sans enthousiasme, et se souvienne qu’il a souffert du mal de mer dans la traversée. […] Quant à la France, elle souffre des guerres ou elle s’amuse des fêtes, sans voir plus loin dans l’avenir que les princes qui s’y disputent l’empire.
Les habiles gens s’entendront mieux avec Descartes écrivant que « les poils blancs qui commencent à lui venir l’avertissent qu’il ne doit plus étudier, en physique, à autre chose qu’au moyen de les retarder. » Et ailleurs : « Qu’il n’a jamais eu tant de soin de se conserver que maintenant. » Et plus loin : « Qu’il fait un abrégé de médecine, dont il espère pouvoir se servir par provision pour obtenir quelque délai de la nature. » Ceux qui souffrent, et c’est le grand nombre, ceux qui ont la mauvaise part dans la distribution des biens de fortune, d’opinion ou de santé, ceux pour qui en particulier le Christ est venu, aimeront mieux Pascal disant dans cette sublime prière que j’ai citée : « Je ne trouve en moi, Seigneur, rien qui vous puisse agréer ; je ne vois rien que mes seules douleurs, qui ont quelque ressemblance avec les vôtres. Faites, ô Seigneur, que si mon corps a cela de commun avec le vôtre, qu’il souffre pour mes offenses, mon âme ait aussi en commun avec la vôtre qu’elle soit dans la tristesse pour ces mêmes offenses. » Celui qui a demandé à Dieu la maladie, et qui, comme un héroïque médecin s’inoculant la peste, pour l’étudier de plus près, s’est comme inoculé toutes les misères humaines pour les mieux connaître, sera toujours plus populaire que l’habile homme qui étudie l’art de vivre en santé et d’éloigner le terme fatal.
Elle tenait à sa classe, ne quitta jamais ses coiffes de bourgeoise, ne souffrit jamais d’être appelée que mademoiselle. […] Il ne souffrait pas qu’on le niât.
Souffrez donc que je vous donne une consultation que vous ne me demandez pas et que je vous offre tout de même, car c’est mon devoir de journaliste. […] Personne n’eût été surpris que Richard Wagner, de retour chez lui, eût manifesté son ressentiment et sa colère il a attendu que Paris souffrît de la famine et du froid pour rire de ses malheurs dans une brochure plus bête que méchante, d’une niaiserie telle que les bons esprits à l’étranger haussèrent les épaules dans un sentiment de dédain pour l’auteur.