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16. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

La maudite beauté de l’enfant ne sortait plus de l’œil du sbire. […] Mais, au moment où Zampogna atteignait la chèvre et ses petits et aboyait autour d’eux pour les faire sortir du maïs, voilà six coups de feu qui résonnent comme des tonnerres derrière les sapins, de l’autre côté du champ, et trois sbires, leurs fusils fumants à la main, qui sortent avec de grands cris de la sapinière et qui se jettent comme des furieux à travers les cannes. […] Hyeronimo arracha avec ses dents les six gros grains de plomb qui étaient entrés sous sa peau, aussi tendre qu’une seconde écorce de châtaigne ; sa mère lava les filets de sang qui en sortaient et pansa ses bras avec des feuilles de larges mauves bleues, retenues sur la blessure avec des étoupes fines. […] Cela sortait de sa bouche sans chaleur, sans exclamation, sans style, sobrement, simplement, sans bruit, sans couleur, comme la lumière sort de la lampe quand on l’allume. […] Je pensai que je n’oserais jamais sortir de dessous l’arche du pont sur lequel j’entendais déjà les pas des contadins qui portaient des raisins et des figues au marché, et surtout que je n’aurais jamais le courage de passer devant les gardes des portes, et d’entrer dans la terrible ville.

17. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Des fumées de sarments sortaient de deux ou trois cheminées, et fuyaient chassées sous le vent comme des volées de pigeons bleus. […] On eût dit qu’il sortait du ciel, de la terre, des bois, des plantes, des fenêtres de la maison visible là-bas, du foyer d’enfance, des lèvres de mes sœurs, de la mâle poitrine de mon père, du cœur encore chaud de ma mère, pour m’accueillir à ce retour, et pour me toucher des lèvres sur la joue et au front. […] Je ne serai que trop tôt obligé, par mon devoir, de retourner où s’agite le sort des empires, et de me faire encore des misères et des inimitiés ici-bas, pour me faire un juge indulgent et compatissant là-haut ; car, voyez-vous, chacun a son travail dans ce monde, et il faut l’accomplir à tout prix. […] Je passe des heures entières à écouter près des ruches les mouches à miel qui commencent à bourdonner sous la paille, et qui sortent une à une, en s’éveillant, par leur porte, pour savoir si le vent est doux et si le trèfle commence à fleurir. […] C’était une sourde et monotone psalmodie qui sortait d’une petite fenêtre grillée au flanc de l’église, tout près de moi.

18. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Si mes craintes se réalisent, mon parti est pris, et je quitte la France en secouant la poussière de mes pieds. » Dès l’entrée du jeu, il est près de perdre patience, et l’on n’est pas à la fin du premier acte qu’il menace déjà de sortir. […] J’ai mieux aimé lui vendre qu’à un autre, afin que mon bien ne sortît pas de la famille. […] Les textes irrécusables, les témoignages directs, longtemps tenus sous clef, sortent enfin et parlent assez haut. […] L’obscurité seule me convenait ; aussi n’est-ce certainement pas de moi-même que j’en suis sorti… » — « (3 mars 1818)… De ma vie je n’ai été si malheureux que je le suis depuis deux ans. […] Je le crois bien ; sans sortir de ce même volume de correspondance, on lit à la date du 29 janvier 1824 : « Les hommes sans âme sont toujours faibles, quel que soit leur esprit ou leur génie.

19. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

. — Le talent qui veut sortir est comme un fleuve qui creuse jusqu’à ce qu’il se soit fait un lit, fut-ce un lit de torrent. » « — Ce qui me frappe dans ces événements si étonnants, c’est, à travers tout, un caractère d’imitation, — et d’imitation littéraire. […] le voilà à même de pratiquer et de professer ces sciences faciles. » « — Ce n’est pas en lui-même ni dans son bon sens personnel que Lamartine puise ce qui lui reste de bon aujourd’hui : il le doit à ses habitudes antérieures, au milieu social d’où il est sorti, à une certaine atmosphère d’homme comme il faut dont il ne pourra jamais se défaire. […] J’étais sorti dimanche 16 avril (1848) à deux heures, au moment où l’on battait le rappel et où le gouvernement semblait gravement menacé. […] J’étais près de l’église Saint-Gervais, je prenais une ruelle, à moi bien connue, qui longe la nef et le chevet ; deux hommes étaient devant moi : l’un d’eux se retourne, c’était Lamartine, lequel, sorti de l’Hôtel de Ville par une porte de derrière, essayait de rentrer à son hôtel des Affaires étrangères en se dérobant à son triomphe. […] J’étais sorti ce matin de chez moi, sans savoir si j’y rentrerais.

20. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Nous sortons de ce livre comme on sort de l’engloutissante mer, et nous en ruisselons. […] la question de Rousseau : « Si l’œuf est sorti de la poule, ou si la poule est sortie de l’œuf !  […] Il ne voit pas plus que son maître que l’œuf est sorti de la poule et du coq. Si le poulet ou la poulette est sorti chacun d’un œuf, comme c’est démontré de visu, un œuf est sorti de deux œufs, ou autrement dit de deux rapprochements du coq et de la poule, deux de quatre, etc., vérité élémentaire qui crèverait les deux yeux des philosophes, s’ils n’étaient borgnes. Bref, pour élever le débat, l’individu sort de la famille, et la famille génératrice sort de plus haut qu’elle, et il faut renvoyer Jean-Jacques et Proudhon au poulailler !

21. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Appendice] » pp. 417-422

Là, malgré la rigueur du sort, Les amants se content fleurettes, Et font revivre après leur mort Leurs amours et leurs amourettes. […] » Chez les morts, sans cérémonie, On se parle ainsi brusquement, Et dès qu’on sort de cette vie On ne fait plus de compliment. […] Je rendois le sort déplorable De ceux qui vivoient sous ma loi, Et dès qu’ils se donnoient à moi. […] De nos cendres froides il sort Une vive source de flammes Qui s’attache à nos froides âmes Et nous ronge après être mort.

22. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Je sors de chez elle sans avoir pu satisfaire mon appétit. […] Et il sortit. […] sors donc !  […] Le muet se leva, paya, et sortit. […] Il sortait.

23. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Hagene reconnut à cela qu’il n’y avait pas à éviter le sort qu’avaient prédit les sauvages femmes des eaux. […] Laissez-moi sortir de la salle et quitter en paix cette rude mêlée avec ma suite. […] Ce ménestrel n’a pas si bien fermé la porte, que nous ne l’ouvrions assez large pour pouvoir en sortir. […] Ils avaient laissé sortir de la salle ceux qu’ils voulaient. […] « Là le sort qui nous attend se décidera vite.

24. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

« Il y a un repentir et un retour aux pensées qui ne sortent pas de la sphère de la vie privée, et on peut y livrer impunément plus ou moins de soi-même à la fortune ; mais pour ceux qui tendent à l’empire, il n’y a point de milieu entre le faîte et l’abîme !  […] Cécina, à qui Vitellius doit l’empire, sort de Rome avec une armée pour aller combattre Mucien et Vespasien en Dalmatie ; mais Cécina, tout en embrassant Vitellius avant son départ, médite ou rêve déjà sa défection. […] Le souverain des Romains, si peu de temps auparavant, le maître de l’univers, abandonnant le siège de sa puissance, sortait de l’empire, à travers son peuple, au milieu de sa capitale. […] Beaucoup l’insultaient, aucun ne versait une larme sur son sort : l’ignominie du dénoûment avait détruit toute compassion dans la foule. […] Voyez cette mère qui s’inquiète et qui se rassure, qui sort heureuse du long festin de réconciliation, et qui monte avec une amie tranquillement sur la barque pour jouir du spectacle de sa dernière nuit.

25. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

On en sortait enivré. […] la pensée des morts sortit de là. […] Un jour d’été, de très grand matin, je sortis du parc, des lits d’eau, des grands bois de lauriers de Saltochio, et je gravis les collines opulentes qui portent les gros et riches villages du pays de Lucques ; mon chien me suivait par amitié, et je portais mon fusil par contenance, car dès ce temps-là je ne tuais pas ce qui jouit de la vie. […] J’abandonnai les villages, les maisons, les champs cultivés et je m’égarai pendant trois heures dans les ravins pierreux, dans le lit sec des torrents, puis j’en sortis pour monter encore. […] Il laissait le poil du chevreau en dehors sur la peau, afin qu’elle gardât mieux le son et que la pluie glissât dessus, comme sur la petite bête, sans l’amollir, et de plus c’était lui qui en jouait le mieux et qui essayait l’instrument en le corrigeant jusqu’à ce que l’air sortît aussi juste que la voix sort des ténèbres.

26. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Allons-nous sortir de cet entrepôt de marchandises étrangères, — écossaises ou allemandes, — qu’on nous donne depuis tant d’années pour la philosophie d’un pays qui avait de l’originalité autrefois et qui produisait par le cerveau presque aussi énergiquement que par le sol ? […] Or, comme ce système nous ne l’entrevoyons encore qu’à la lumière de ces prodromes, nous ne pouvons dire exactement à quelle hauteur de monument il s’élèvera, et quelle place définitive il assignera au nouveau philosophe de cet Oratoire dont le nom fut illustré déjà par Malebranche ; mais ce que nous savons, c’est que la tendance en est profondément rénovatrice, — historique deux fois, d’abord parce qu’elle nous fait sortir de l’abstraction intellectuelle pour entrer en pleine réalité humaine, et ensuite parce qu’elle reprend la tradition de méthode qui a été la vraie force de la philosophie, depuis Aristote jusqu’à saint Thomas d’Aquin, et depuis saint Thomas d’Aquin jusqu’à Leibnitz. […] Il n’y a plus d’être absolu. » Aussi, cela posé une fois pour toutes, l’abbé Gratry, avec la magnifique souplesse et la magnifique étendue de l’instrument logique dont il dispose, force-t-il la pensée philosophique à s’établir dans le terre-plein de l’humanité et de l’histoire, et, sous peine de se détruire elle-même, à n’en plus sortir. […] Tout en sort. […] et que l’unité de l’homme de la philosophie sort refaite de la poussière même de l’abstraction !

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