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110. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Je n’éprouvais aucun besoin de sortir ; ma respiration était tout intérieure ; je passais le jour à attendre le soir. Quand la distance du matin au soir me paraissait trop longue, je prenais involontairement la plume et je lui écrivais ce que je n’aurais peut-être pas pu lui dire assez librement pendant la soirée suivante, afin que rien ne fût perdu de ce que la tendresse nous suggérait. […] Quelquefois aussi, brûlant du désir de pouvoir rester à Paris toute l’année pour la revoir tous les soirs, je songeais, non par ambition, mais par amour, à me créer quelque emploi modeste, mais suffisant pour y vivre indépendant de ma famille. […] J’aurais griffonné le jour, mais je l’aurais vue le soir ; le monde m’aurait dédaigné, mais mon cœur m’aurait applaudi. […] Mais le petit salon de madame de Beaumont, à peine éclairé, nullement célèbre, fréquenté seulement de cinq ou six fidèles qui s’y réunissaient chaque soir, offrait tout alors : c’était la jeunesse, la liberté, le mouvement, l’esprit nouveau, comprenant le passé et le réconciliant avec l’avenir.

111. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Celui qui, ce soir-là, en parla le plus énergiquement, était M.  […] M. de Lavalette, directeur général des postes, était ce soir-là chez le maréchal : celui-ci, voulant emmener avec lui le plus d’artillerie possible, lui demanda un ordre pour prendre tous les chevaux dont disposait l’administration. […] M. de Talleyrand vint ce soir-là chez le maréchal avec une arrière-pensée. […] Aussi, quand, ce soir du 5 avril, Marmont revint et qu’il entra chez M. de Talleyrand, il fut fêté, entouré de tous. […] Vous allez vous y rendre pour y prendre le commandement des troupes ; vous ferez dissiper les attroupements, et si, comme je l’espère, tout est tranquille ce soir, vous reviendrez coucher à Saint-Cloud.

112. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Il était ce soir-là triste, plus triste que jamais. […] * * * La scène d’hier soir m’a fait cruellement mal. […] bien, je lirai ce soir du Chateaubriand. » Lire tout haut les Mémoires d’outre-tombe, c’est son idée fixe, sa manie ; il m’en persécute, du matin au soir, — et il faut que ma figure ait l’air d’écouter. […] Ce soir, — j’en ai honte, — à propos de quelque chose que je voulais qu’il fît pour sa santé, et qu’il n’a pas voulu faire… Ah ! […] * * * Ce soir j’ai été douloureusement ému.

113. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Le magnifique fleuve déploie le cortège de ses eaux bleues entre deux rangées de montagnes aussi nobles que lui ; leurs cimes s’allongent par étages jusqu’au bout de l’horizon dont la ceinture lumineuse les accueille et les relie ; le soleil pose une splendeur sereine sur leurs vieux flancs tailladés, sur leur dôme de forêts toujours vivantes ; le soir, ces grandes images flottent dans des ondulations d’or et de pourpre, et le fleuve couché dans la brume ressemble à un roi heureux et pacifique qui, avant de s’endormir, rassemble autour de lui les plis dorés de son manteau. […] On n’entre jamais ici dans un atelier sans inquiétude ; fussiez-vous prince et bordé d’or, ces gamins en manches sales vous auront pesé en une minute, tout gros monsieur que vous êtes, et il est presque sûr que vous leur servirez de marionnette à la sortie du soir. Ce sont là des raisonnements de voyageur, tels qu’on en fait en errant à l’aventure dans des rues inconnues ou en tournant le soir dans sa chambre d’auberge. […] Le ciel et le paysage lui tiennent lieu de conversation ; il n’a point d’autres poëmes ; ce ne sont point les lectures et les entretiens qui remplissent son esprit, mais les formes et les couleurs qui l’entourent ; il y rêve, la main appuyée sur le manche de la charrue ; il en sent la sérénité ou la tristesse quand le soir il rentre assis sur son cheval, les jambes pendantes, et que ses yeux suivent sans réflexion les bandes rouges du couchant.

114. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « V » pp. 19-21

Le vendredi 7 avril, le soir, chez madame Récamier. mademoiselle Rachel a récité : 1° quelques scènes de Bérénice ; 2° le premier acte presque entier de Judith ; — Bérénice assez bien, mais pour Judith, succès complet d’actrice et d’acteur. […] M. de Ravignan prêchait trois fois par jour : à une heure pour les femmes du beau monde, le soir pour les hommes.

115. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugues, Clovis (1851-1907) »

. — Les Soirs de bataille (1882). — Les Jours de combat (1883). — Les Évocations (1885). — Madame Phaéton (1888) […] Clovis Hugues sont : Les Soirs de bataille (1882), les Jours de combat (1883), les Évocations (1885).

116. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Ce jeune homme repart demain soir pour son champ d’oliviers, à Maillane, village des environs d’Avignon. […] Le dîner fut sobre, l’entretien à cœur ouvert, la soirée courte et causeuse, à la fraîcheur du soir et au gazouillement des merles, dans mon petit jardin grand comme le mouchoir de Mireille. […] La jeune fille venait de donner les feuilles de mûrier à ses vers à soie, et, sur le seuil de la grange, elle allait, à la rosée du soir, tordre un écheveau de fil. […] Il arrive un beau soir de moisson au domaine des Micocoules. […] Le soir, mon ami M. 

117. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

elles ne sont plus, ni l’une ni l’autre, sur cette terre ; elles sont remontées à ces régions inconnues d’où les belles matinées se lèvent derrière les montagnes de leur pays, et où les beaux soirs s’éteignent dans leur belle mer Adriatique. […] On redescendait alors pour se rencontrer sur les terrasses, et pour commencer nonchalamment une seconde matinée, jusqu’à l’heure où le soleil touchait presque à la mer, où la première rosée du soir mouillait l’herbe, et où l’on annonçait que la calèche était attelée pour la promenade du soir, aussi régulière que le coucher du soleil. […] si j’avais été une Lucrèce Borgia ou une Éléonore d’Este, s’écria la comtesse Léna, j’aurais voulu donner à ces deux divins poètes la moitié de mon revenu pour que l’un me fît pleurer le matin et que l’autre me fît sourire le soir ! […] Nous nous couchâmes le soir sur un lit de songes, dont l’Arioste semblait avoir rembourré l’oreiller des deux maîtresses et des trois hôtes de la maison. […] Le jour, il faisait une large tache d’ombre sur la colline ; le soir, il rendait, en frissonnant au vent de mer, des frissons mélodieux qui faisaient chanter l’âme à l’unisson de ses branches dans la poitrine.

118. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Les soirs du dimanche, M. l’évêque d’Amiens a l’habitude de recevoir ; on vient avec plaisir dans ce salon qui n’a rien de sévère et où la bonne compagnie se trouve naturellement chez elle. […] Ces nigauds de l’abbé Gerbet sont pleins d’esprit et d’à-propos : il les fait par obéissance, ce qui le sauve, dit-il, de tout reproche et de toute idée de ridicule, il est difficile de détacher ces riens des circonstances de société qui les produisent ; voici pourtant une de ces petites pièces improvisées à l’usage et pour la consolation des perdants, elle a pour titre Le Jeu du soir : C’est aujourd’hui la Fête de la Vierge, Mais, entre nous, je voudrais bien savoir Si, quand on doit le matin prendre un cierge, On peut tenir une carte le soir. […] Rappelez-vous, à chaque loterie, Que tous nos jours sont un frivole jeu, Si l’on ne gagne, au soir de cette vie, Un lot tombé du grand trésor de Dieu. Si Dieu préside à vos heures légères, Ce jeu du soir est un temps bien passé, Et, du matin rejoignant les prières, Finit le jour comme il a commencé.

119. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

On en rencontre jusqu’à cinq ou six, et, après quelques années de soins, si l’on aime véritablement la discussion abstraite, on acquiert le droit d’aller se chauffer, le soir au coin de leur feu. […] Vers onze heures du soir, ordinairement tous deux sont en verve, et le spectacle est curieux. […] « Vous pensez donc, mon cher enfant, me dit-il, qu’on décrit une méthode par occasion au bout d’un livre, en un chapitre, ou bien un soir entre un verre d’eau sucrée et une tasse de thé ? […] N’importe, venez ce soir. […] Nous causerons, et, s’il se dit quelque chose d’utile, vous en ferez ce qu’il vous plaira. » Le soir venu, il me prit la main avec sa grâce ordinaire, m’installa dans un fauteuil, me versa du thé, m’avertit d’en boire beaucoup, disant qu’il voulait me tenir éveillé, qu’il en avait besoin, qu’il allait faire le professeur, que c’était la première fois de sa vie, et que d’avance il m’en demandait pardon. « Je ne vous parlerai que d’analyse.

120. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Nous marchions à travers champs ; le soir tombait et vesper brillait déjà. […] Oubliez mes duretés d’hier soir, oubliez toutes les duretés que je vous ai dites depuis six mois. […] Quelle sensibilité, — pour ce soir, — voulez-vous attendre d’un homme assommé ? […] Cinq partent le matin, cinq à midi et les dix autres le soir. […] — Le Roi viendra ce soir — dit Auréa.

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