Entretenez en vous le noble sentiment du respect. […] Le sentiment du beau est sa propre satisfaction à lui-même. […] Le sentiment du beau est donc un sentiment spécial, comme l’idée du beau est une idée simple. […] Il y a plus : lorsque l’illusion va trop loin, le sentiment de l’art disparaît pour faire place à un sentiment purement naturel, quelquefois insupportable. […] Ce sentiment pur et désintéressé est un noble allié du sentiment moral et du sentiment religieux ; il les réveille, les entretient, les développe, mais c’est un sentiment distinct et spécial.
Dieu revêtit d’un nom tous les sentiments de l’homme et le lui enseigna. […] Comme expression du sentiment moral, la parole a des limites qui ne peuvent se déterminer. […] L’homme seul, entre les animaux, a le sentiment de l’existence, et il ne l’a que par la parole. […] Le sentiment moral, le sentiment religieux, le sentiment de l’infini : telle est l’impression générale qui doit résulter de toute poésie. […] Chez les Romains, Virgile seul eut le sentiment de la poésie.
Rendons justice au matérialisme contemporain ; il ne se refuse à reconnaître aucun des faits qu’atteste l’expérience, soit externe, soit interne ; il admet toutes les propriétés caractéristiques qui distinguent les divers règnes de la nature ; il ne nie aucun des phénomènes de conscience proprement dits, c’est-à-dire aucun des sentiments qui répondent chez l’homme aux mots d’individualité, de personne, de moi, comme le sentiment de l’unité, le sentiment de l’identité, le sentiment de la liberté, le sentiment de la responsabilité. […] Il faut distinguer entre le sentiment et la réalité. […] Que le sentiment de la liberté est invincible et indestructible, rien de plus. […] Tant qu’il ne s’agit que du sentiment, on reste dans la sphère intérieure du moi, où ne se pose jamais le problème de la réalité objective de nos sentiments et de nos idées. […] Un pur phénomène, c’est-à-dire le sentiment de notre liberté.
Ne faudra-t-il pas que le sentiment qui est dans votre âme se répande ? […] Les sentiments passent de l’orateur au peuple, et reviennent du peuple à l’orateur. […] qui fixera la limite où le sentiment doit s’arrêter pour être vrai ? Nous avons déjà vu qu’il y a des peuples moins susceptibles de sentiment que d’autres. […] croient-ils qu’on puisse en imposer sur le sentiment ?
Un seul sentiment peut servir de guide dans toutes les situations, peut s’appliquer à toutes les circonstances, c’est la pitié : avec quelle disposition plus efficace pourrait-on supporter et les autres et soi-même ? […] Non : loin de réprimer, à cet égard, les imprudences des hommes, on devrait plutôt les détourner de calculer autant les inconvénients des sentiments généreux, et de s’arroger ainsi un jugement que Dieu seul a droit de prononcer. […] Si l’espèce de sentiment national, qui faisait en France un point d’honneur de la générosité, de cette pitié des vainqueurs ; si cette espèce de sentiment ne reprend pas quelque puissance, jamais le gouvernement n’obtiendra un empire constant et volontaire sur une nation qui n’aura pas un instinct moral quelconque, par lequel on puisse l’entraîner et la réunir ; car qu’y a-t-il de plus divisant au monde que le raisonnement ? […] Smith, dons son excellent ouvrage de la théorie des sentiments moraux, attribue la pitié à cette sympathie qui nous fait nous transporter dans la situation d’un autre, et supposer ce que nous éprouverions à sa place. C’est bien là certainement l’une des causes de la pitié ; mais l’inconvénient de cette définition, comme de toutes, est de resserrer la pensée que faisait naître le mot qu’on a défini : il était revêtu des idées accessoires et des impressions particulières à chaque homme qui l’entendait, et vous restreignez sa signification par une analyse toujours incomplète quand un sentiment en est l’objet ; car un sentiment est un composé de sensations et de pensées que vous ne faites jamais comprendre qu’à l’aide de l’émotion et du jugement réunis.
Malebranche ne pouvait lire sans ennui les meilleurs vers, quoiqu’on remarque dans son style les grandes qualités du poète, l’imagination, le sentiment et l’harmonie. […] On pourrait d’abord répondre que le second vers exprimant un sentiment plus naturel, devrait au moins précéder le premier, et par conséquent qu’il l’affaiblit. […] n’est-il pas évidemment inutile au vieil Horace d’exprimer le sentiment que ce vers renferme ? […] La logique froide et lente des esprits tranquilles n’est pas celle des âmes vivement agitées : comme elles dédaignent de s’arrêter sur des sentiments vulgaires, elles sous-entendent plus qu’elles n’expriment, elles s’élancent tout d’un coup aux sentiments extrêmes ; semblables à ce dieu d’Homère, qui fait trois pas et qui arrive au quatrième. […] Mais, dira-t-on, comme ils ne seront pas toujours d’accord, ne vaudrait-il pas mieux s’en tenir dans tous les cas à la première décision que le sentiment prononce ?
La mélancolie, dira-t-on, est un sentiment de décadence : c’est un sentiment qui naît de la vue des ruines, du doute, du dégoût de la vie, c’est donc un sentiment peu viril et sans beauté. […] Nisard, « d’amour et de dégoût de la vie », du sentiment de la vanité des choses uni à un désir insatiable d’être et de vérité ; c’est le sentiment que l’âme éprouve en présence du problème de sa destinée, comme te disait M. […] Il y a encore dans Rousseau un autre sentiment original et personnel, et en même temps durable et fécond : c’est le sentiment des beautés chrétiennes. […] » Mais le sentiment est-il déjà une si petite chose ? […] Montesquieu lui-même paraît avoir plutôt un sentiment juste des convenances qu’un respect réfléchi de la loi.
Spencer, en analysant le sentiment du beau, finit par arriver à une conséquence assez curieuse, déjà exprimée par Kant : c’est que le sentiment du beau est plus désintéressé que celui même du bon et du juste. […] Spencer, comme Darwin et toute l’école évolutionniste, donne pour origine première aux sentiments moraux le besoin et l’intérêt ; les sentiments esthétiques, au contraire, se ramenant au jeu, sont plus purs de toute idée utilitaire. […] Si les mouvements empruntent la plus grande partie de leur beauté aux sentiments, en quoi consistera la beauté des sentiments eux-mêmes ? […] C’est un accord, une harmonie entre les sensations, les pensées et les sentiments. […] Le sentiment de la couleur n’a même fait que croître depuis l’antiquité.
Les Anglais appellent quelquefois la reconnaissance d’un nom expressif : le « sentiment de la familiarité ». […] Cette diminution supprime le choc intérieur, la transition brusque, le sentiment de la surprise dont parle Bain. Notre activité se sent couler dans un lit tout fait ; notre pensée rencontre un cadre tout préparé à la recevoir : l’image présente, et en ce sens nouvelle, se trouve remplir une sorte de vide intérieur dont nous avions le sentiment, et c’est ce sentiment vague que nous appelons attente. […] C’est l’habitude, tantôt à l’état naissant, tantôt plus ou moins complète, qui se révèle à elle-même dans la conscience par un sentiment spécial, et ce sentiment spécial fait le fond de la reconnaissance. […] Parfois enfin le sentiment de familiarité et de reconnaissance produit par une impression nouvelle vient de ce que nous avons rêvé des choses analogues.
— qui se font tout seuls au fond des âmes, par une mystérieuse assimilation du sentiment et de la vie, celui que Dargaud a publié sous le simple titre de : La Famille, nous semble un de ces livres-là. […] Si le sentiment y est perpétuellement profond et juste, le raisonnement ne l’est pas toujours. […] Il laisse les choses du sentiment dans lesquelles il excelle, pour exprimer des idées générales de cette force et de cette largeur. […] Nous l’avons dit déjà, ce qui entraîne le plus naturellement Dargaud, c’est la poésie des sentiments ressouvenus et exprimés, c’est la peinture des plus douces images. […] Il enseigne avec les arabesques au fusain d’un livre d’imagination et de fantaisie ; il enseigne en racontant des sentiments ou des sensations.
Nous pouvons aussi régler et contenir nos sentiments. […] La volonté peut donc arrêter tout ce qui dépend de ses muscles ; quand on arrête la manifestation extérieure d’un sentiment qui n’est pas trop violent, comme cela modère la diffusion nerveuse, il y a par là tendance à diminuer le sentiment intérieur. […] En amenant en nous certaines idées, nous pouvons nous exciter aux sentiments tendres. […] Elle est suivie d’un sentiment d’une nature particulière que nous appelons l’effort […] Y a-t-il outre les sentiments, la volition et l’intelligence, une quatrième région inexplorée : celle du moi ?