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894. (1908) Après le naturalisme

Aussi, remplaçant l’idée par la sensation, il se fermait la porte de l’entendement humain, qui n’est qu’esprit. […] Les mots ne peignent pas les images, n’en donnent pas une sensation exacte. […] La peinture, la sculpture peuvent être uniquement arts de sensations et nous présenter grand intérêt.

895. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Tout était aussi tranquille autour de moi ; mais il n’y avait plus cette pesante sensation de la forêt. […] À force de la regarder, il me sembla que je comprenais le sens de la vie de la nature ; une animation tranquille et lente, une absence de hâte, rien de trop, l’équilibre de toutes les sensations. […] Il se ressouvint que dans son enfance il n’achevait jamais la prière qu’après avoir senti sur son front, comme une faible sensation, le contact d’une aile invisible : c’était, pensait-il alors, son ange gardien qui venait le visiter et manifestait son consentement.

896. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Le prosateur Les langues humaines sont loin d’être aussi éloquentes que le cœur ; elles ne savent pas exprimer toutes les sensations et la plupart du temps, impuissantes à reproduire la différence des sentiments, elles doivent se borner à parler de leur intensité. […] Janin vous a fait un article, vous l’avez lu, il vous a plu ou déplu, dans tous les cas il vous a produit une sensation quelconque, vous en avez pour votre argent et il serait de bien mauvaise grâce de venir encore réclamer autre chose. […] Janin est plus artiste que le grand nombre de ceux qui l’attaquent ; il a, dans un degré bien supérieur, la sensation du beau qui est tout autre chose que le jugement ; la nature l’a doué de sens exquis sous ce rapport : c’est un malheur qu’elle ait oublié aussi complètement de le pourvoir des facultés sérieuses de l’écrivain.

897. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Dimanche 11 mars Quinze jours sans crise, et la sensation de la rentrée en pleine jouissance de la vie. […] Mardi 28 août Un jour arrivera-t-il, où la science pourra traduire les tentatives parlantes de l’animal, voulant dire à l’homme, ses sensations, ses besoins, ses désirs, et ne pouvant les exprimer ? […] C’est comme fond, un blanc qui vous donne la sensation de la neige, et là-dessus, des oiseaux bleuâtres, ayant l’air de l’ombre portée de ces oiseaux, sur des glaciers.

898. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Aujourd’hui, José-Maria de Heredia, l’un des Quarante de l’Académie française, auteur d’un livre qui a donné la sensation de la beauté à ceux qu’affligent la mort de Leconte de Lisle et le silence de Sully Prudhomme, a tiré le gros public de la prose où il s’enfonçait et l’a forcé à saluer, à applaudir, à acheter (ô miracle !) […] À Dieu ne plaise que j’attribue à Wordsworth, à Lamartine les émotions ni les sensations qu’il a chantées ! […] Et l’illustre auteur de l’Intelligence ajoutait : « Un flux et un faisceau de sensations et d’impulsions qui, vus par une autre face, sont aussi un flux et un faisceau de vibrations nerveuses, voilà l’esprit. […] Il ressemblait, par sa difficulté de langage, à ces personnes, d’ailleurs bien douées, que l’abondance des idées, l’afflux des sensations condamne au bredouillement. […] Je crois même que, trop fidèle aux exemples de son illustre maître, il a cherché en Amérique moins des sensations neuves que des arguments pour une doctrine préconçue.

899. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Roméo, a dit encore bien superficiellement Hazlitt, Hazlitt dont Shakespeare semble avoir parfois troublé la vue, Roméo, c’est Hamlet amoureux , comme si ce qui fait cette étincelante et exquise création de Roméo, cette incarnation de toutes les sensations poétiques et heureuses de l’existence, était une affaire de soleil ! […] L’un, c’est la Pensée assez intense pour arriver à la folie ; — l’autre, la Sensation assez passionnée pour arriver à la souffrance ; car Dieu ne veut pas plus qu’on s’enivre avec sa pensée qu’il ne veut qu’on s’enivre avec son bonheur !

900. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

L’intuition n’est pas à confondre avec la sensation ; toute véritable intuition est déjà, par elle-même, expression. […] , il affirme de plus en plus son mode personnel, par la richesse des images, la subtilité des sensations, la vision nette des contours et des couleurs ; à la magnificence de l’expression, il joint un art raffiné et sévère ; peu ou pas d’idées, des émotions purement sensuelles, mais enfin c’est la jeunesse enivrée de soleil et d’amour ; sa forme, toute vibrante d’énergie contenue, semble une lame d’acier au poing d’un conquérant.

901. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Il en veut à mort aux La Harpe, à tous les professeurs de littérature et de goût, qui précisément corrompent le goût, dit-il, et qui, en fait de plaisirs dramatiques, vont jusque dans l’âme du spectateur « fausser la sensation ».

902. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

On a dit que, dans les dernières années, il croyait voir un abîme ouvert à ses côtés ; si cela est exact, c’était une pure sensation physique dont il n’était pas la dupe et qu’il repoussait.

903. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Je ne crois pas qu’elle ait visé à l’effet ; et c’est heureux, sa beauté et sa célébrité étant sur leur déclin : les débris nefont guère de sensation dans un pays de ruines.

904. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Il faut s’y accoutumer avec Dominique ; sa vie ne se compose d’aucun grand événement extérieur ; elle est toute de sensations, de sentiments et d’analyse.

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