C’était un homme modeste, timide, ayant peur du son de sa propre voix, mais plein de bon sens et d’aperçus justes, un des hommes qui n’aiment pas à paraître en scène, mais qui ont, comme spectateurs, le sens le plus parfait des situations. […] Son sourire bienveillant donnait de la grâce au sérieux de ses pensées, et ses mots fins et à deux sens portaient d’eux-mêmes et touchaient avec justesse à leur double but, comme deux traits partis à la fois d’un même arc : l’un pour faire sourire, l’autre pour faire penser. […] Nous n’eûmes pas deux pensées, M. de Fontenay et moi ; il m’associa à tout, nous agîmes en commun sous l’inspiration de son grand sens et de son expérience. […] Le comte Gino Capponi, porté au ministère par les premiers flots de la révolution italienne, y agit dans ce sens patriotique et émancipateur de l’étranger, jusqu’au moment où la fausse idée d’une unité absorbante détruisit, sous le carbonarisme des radicaux, les vraies nationalités historiques dont l’Italie se compose, pour saper l’histoire sous la chimère et pour agir par la violence, à contresens de la nature, en détournant les peuples et les princes d’une puissante et naturelle confédération italienne. […] Ta langue, modulant des sons mélodieux, À perdu l’âpreté de tes rudes aïeux ; Douce comme un flatteur, fausse comme un esclave, Tes fers en ont usé l’accent nerveux et grave ; Et, semblable au serpent, dont les nœuds assouplis Du sol fangeux qu’il couvre imitent tous les plis, Façonnée à ramper par un long esclavage, Elle se prostitue au plus servile usage, Et, s’exhalant sans force en stériles accents, Ne fait qu’amollir l’âme et caresser les sens.
On en sort à la voix du président qui, s’adressant au père de l’enfant, un mendiant idiot, lui reproche de n’avoir pas développé le sens moral dans son enfant. […] Même sur les catastrophes qu’ils voient, qu’ils entendent, ils semblent avoir les sens de l’âme émoussés comme leurs physionomies et leurs personnes. […] J’ai lu quelque part que les personnes qui soignaient les malades étaient plus portées vers les plaisirs des sens que les autres. […] Et devant cette jeune femme, tendrement penchée sur cette horrible et breneuse mégère qui l’injurie, je pense, comme on penserait à un goujat en goguette, à ce Béranger, à cet auteur qui a trouvé drolichon de faire entrer au paradis une sœur de charité et une fille d’Opéra, avec des états de service se valant à ses yeux… Oui, il a toujours manqué aux ennemis du catholicisme, un certain sens respectueux de la femme propre, manque qui est la marque et le caractère des gens de mauvaise compagnie, et le grand patron de la confrérie, M. de Voltaire, voulant faire un poème ordurier, a été nécessairement choisir comme héroïne Jeanne d’Arc : la Sainte de la patrie. […] Je ne sais si c’est réel ou une imagination des sens, mais sans cesse il nous faut nous laver les mains.
Me parlant de l’espèce d’induration, amenée, dans les sens par la vieillesse, il me dit : « Moi, qui étais si sensible à l’odeur des fleurs des champs… maintenant il faut que je la cherche… elle ne vient plus à moi, toute seule ! […] Au fond, dans ces colères contre ma préface, ce qui m’étonne, c’est le peu d’ouverture de ces intelligences de critiques, qui blaguent tous les jours l’absence de sens artistique, chez les bourgeois. […] Depuis, tous les sens des auteurs ont été mis à contribution pour le rendu en prose d’un paysage. […] » Puis encore des ressouvenirs anciens, des détails d’une ascension au Vésuve, qui reviennent dans des paroles n’ayant plus de suite, n’ayant plus de sens. […] Et bientôt c’est une admirable voix chevrotante de vieillard — est-ce Tamberlick — que je sens mettre en elle, une inquiétude, une anxiété, la crainte de se trouver mal, de ne pouvoir aller jusqu’au bout.
Phérécyde a crié : « Je ne suis pas une ombre, » Je sens de l’être en moi pour une éternité. » Et Pythagore, instruit dans les secrets du nombre, Recompose le monde en triplant l’unité, Le zodiaque énorme à ses oreilles gronde… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . […] C’est moi-même ébloui que j’ai nommé le ciel, Et je ne sens pas bien ce que j’ai de réel. […] La grande société vivante et souffrante n’embrasse pas seulement l’humanité, mais aussi les animaux, dont Leconte de Lisle s’est plu à peindre les vagues pensées, la conscience obscure et les rêves, comme pour y mieux saisir, dans ses premières manifestations, le sens de la vie universelle. […] Voir à travers le souvenir, c’est voir à travers un rayon de lumière : tout semble devenir transparent, s’éclaire, se transfigure ; pourtant rien n’est changé à la réalité, rien, sinon peut-être qu’on en saisit mieux le vrai sens. […] C’est, dit le philosophe anglais, un bien, à mon sens, pour la doctrine chrétienne, que le pessimisme ait mûri assez pour trouver son expression complète et définitive ; car il l’a trouvée chez l’auteur des Blasphèmes.
Si l’on prend le mot humour dans son sens étymologique, véritable et le plus étendu, on trouvera qu’il exprime, chez un écrivain, un penchant prononcé à s’affecter, à s’émouvoir, à éprouver quelque humeur à propos de n’importe quel acte de l’entendement et de façon à réduire ainsi le jeu et l’importance des opérations plus particulièrement intellectuelles. […] Dans la description des lieux où ils se meuvent, l’écrivain ne tâche qu’à rendre aussi clairement que dans la délinéation de leur caractère, quelque impression sentimentale, une manière de voir, une suggestion morale ; dans les scènes où il les met en présence, il ne tend qu’à exagérer encore la saillie de leur tempérament, tout en accusant le sens et la tendance propres de l’épisode même, qui, grossi sans mesure, infléchit brusquement toute la marche du récit au gré du goût de l’auteur plus soucieux d’incidents intéressants que de l’équilibre et du progrès de l’œuvre. […] Si les caractères ont quelque peu varié de l’état sauvage au nôtre, c’est surtout grâce aux mobiles que les religions dédaignent : l’orgueil, l’amour de la vie, l’amour des jouissances, l’amour sensuel même, l’intérêt, l’égoïsme individuel, l’égoïsme patriotique ; et dans ce lent travail de formation de lui-même, auquel l’ont si peu aidé ses prêtres, l’homme, en paraissant et en croyant les écouter, ne s’est défait que de ce qui lui nuisait, et n’a recherché qu’une somme supérieure de bonheur, se pliant mieux à la vie naturelle et sociale et suivant ces commandements véritables, que personne ne lui formulait, mais que les climats, la chasse, la guerre, ses sens, toute sa chair, lui ont impérieusement imposés. […] Une œuvre d’art ne saurait proclamer de morale, dans le sens usuel de ce mot, parce que le fait seul de proclamer une morale, d’en révéler une que l’on ne connaisse pas de date immémoriale, équivaut à exprimer sur la vie des vues erronées, partielles, nuisibles. […] Dickens avait essentiellement une nature affective, sentimentale, émotionnelle, c’est-à-dire que chez lui, plus qu’en d’autres, les impressions que ses sens recevaient du monde intérieur, les images générales, les idées qu’il s’en formait, étaient toutes accompagnées de vives sensations d’agrément ou de peine, qu’ainsi elles se transformaient presque immédiatement en sentiments, en émotions, et que celles-ci enfin, étant non pas de source intellectuelle, comme par exemple l’exaltation d’un géomètre à la vue d’une belle démonstration, mais de source sentimentale, étaient presque purement bornées à l’affection et à l’aversion simples.
Les philologues nous enseignent que la langue de Joinville et de Guillaume de Lorris, — la langue de la Vie de saint Louis et de la première partie du Roman de la Rose, — moins riche assurément, moins colorée, moins souple, moins subtile et moins raffinée que la nôtre, était cependant, en un certain sens, plus voisine de sa perfection, comme étant plus logique ; et ils entendent par là plus conforme aux lois de l’évolution organique des langues. […] Le sens et la nature de l’évolution sont donc ici bien clairs : il s’agit d’une différenciation des genres. […] Mais c’est aussi pourquoi, si la pompe quasi liturgique des Mystères a d’abord continué dans la rue les cérémonies que l’on célébrait dans l’intérieur de l’église ; s’ils ont été, comme les processions, une manière d’intéresser les sens du populaire, son avidité naturelle de divertissements et de spectacle à la durée de la religion ; et enfin, s’ils ne sont morts, comme on le montrerait, que de l’anathème que l’Église a jeté sur eux, on peut dire et il faut dire que, comme la poésie, courtoise exprimait l’idéal de la noblesse et les Fabliaux celui du vilain, pareillement les Mystères ont commencé par exprimer l’idéal du clergé. […] Faute d’une connaissance assez étendue, mais faute surtout d’une connaissance assez expérimentale de la nature, les définitions de la scolastique n’ont rien de « scientifique », au sens véritable du mot ; mais elles n’en ont pas moins discipliné l’esprit français en lui imposant ce besoin de clarté, de précision et de justesse qui ne laissera pas de contribuer pour sa part à la fortune de notre prose. […] Les Enfances Guillaume], qui ont pour objet est de donner aux héros une origine et des débuts dont les merveilles s’accordent avec la grandeur de leurs exploits. — Comparaison des poèmes de ce genre avec les poèmes cycliques de la poésie grecque ; — et avec les « généalogies » sémitiques. — Que nos dernières Chansons de geste sont déjà, dans le vrai sens du mot, des épopées littéraires ; — non moins artificielles qu’en d’autres temps une Henriade ou une Pétréide ; — mais que l’inspiration vraiment sincère se retrouve, en même temps que la cause reparaît, dans les chansons qui forment le Cycle de la Croisade [Ex. la Chanson du Chevalier au Cygne].
Nous verrons, en nous arrêtant à cette œuvre singulière, jusqu’où va le talent inné d’Edgar Poe et où il se brise, se fausse et cesse d’être, sous les influences du milieu social le plus positif et le plus raisonnable dans le sens que Locke et Bentham donneraient à ce mot. […] Sans rien préjuger de l’atroce croyance de Poe sur l’état de son âme, on peut assurer, dans le sens littéraire, que ce sera là de la littérature de damné. […] C’est l’application du mot de Bacon : « Les hommes ont peur de la mort comme les enfants ont peur de l’ombre. » Cette peur des sens soulevés prend mille formes dans les Histoires de Poe ; mais soit qu’elle se traduise et se spécifie par l’horreur qu’il a d’être enterré vivant, ou par le désir immense de tomber, ou par quelque autre hallucination du même genre, c’est toujours la même peur nerveuse du matérialiste halluciné. […] Edgar Poe est arrivé, en quelques années, à cette renommée posthume qui venge de la vie… Cet écrivain, d’une originalité si sombrement étrange et si cruelle, a mordu avec une telle force sur l’imagination contemporaine, blasée de tout et devenue impuissante, qu’elle en est actuellement timbrée dans les deux sens du mot, et qu’on retrouve sur elle, plus ou moins appuyée, l’empreinte de ce cachet de Poe, sinistre et funèbre. […] Littérairement, je suis vraiment contristé de cette traduction, qui n’est peut-être pas une trahison dans le sens de l’expression italienne, mais qui n’en est pas moins une trahison, — la trahison d’une admiration indiscrète qui n’a pas ici le droit d’exister.
Les sens n’ont point de part à toutes leurs ardeurs, Et ce beau feu ne veut marier que les cœurs. […] Ils parlent en hommes de sens, en fonctionnaires, en croyants teintés d’un honnête rationalisme… Alors un homme se présente, pâle, effaré, lamentable. […] Les malheureux ne tenaient compte que du sens des phrases, ou plutôt de leur construction grammaticale ; de la rime, jamais. […] Silvestre et Morand n’aient eu la singulière étourderie d’employer ce mot de « légende » au sens courant et vulgaire. […] … Elle n’a pas plus de sens qu’un panier à bouteilles ».
Je sens les éperons qui me poussent d’eux-mêmes aux talons, mon cheval hennit, mon sabre frémit dans ce fourreau. […] Mais il ne s’agit point de politique, au sens malheureux qu’on donne à ce mot. […] une duchesse, « démocrate sans le savoir, et dans le meilleur sens du mot » ! […] Alors je demeure silencieux, je me sens stupide. […] C’est possible : au sens qu’on attribue à ce mot, certes il n’avait aucune imagination.
N’a-t-on pas un peu abusé par la suite de ce symbolisme, et un peu trop cru, dans un sens littéral, que les aveugles étaient moralement privilégiés ? […] Mais c’est une métaphore aussi, et dans le sens où il faut voir — c’est à dire connaître — pour aimer, les aveugles voient suffisamment. […] Massis cite cette phrase, mais pourquoi supprime-t-il ce qui suit, et qui en éclaire le sens : « … tandis que, grâce aux circonstances étranges qui l’acculent, c’est, lui, vous le savez, sur qui se concentre l’intérêt dramatique du livre. » Intérêt dramatique, monsieur Massis ! […] Ce qu’un autre aurait aussi bien fait que toi, ne le fais pas… Ne t’attache qu’à ce que tu sens qui n’est nulle part ailleurs qu’en toi-même… » D’abord comment le saura-t-il, ce Nathanael, s’il repousse la culture comme diminuant la vie, à l’imitation du héros de l’Immoraliste ? […] Si je comprends en quel sens Gide peut déclarer qu’il n’est ni royaliste, ni républicain, j’ajoute que dans ce sens-là je ne suis non plus l’un ni l’autre.
Quand Domingue eut repris ses sens: « Ô mes jeunes maîtres, leur dit-il, que vos mères ont d’inquiétude ! […] Lorsque je t’approche, tu ravis tous mes sens. […] Cependant on avait mis Paul, qui commençait à reprendre ses sens, dans une maison voisine, jusqu’à ce qu’il fût en état d’être transporté à son habitation. […] Elle ne reprit ses sens que pour s’occuper de son amie, qui tombait de temps en temps dans de longs évanouissements. […] Il avait repris l’usage de ses sens ; mais il ne pouvait proférer une parole.