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634. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Il ne faut pas oublier que Marie-Antoinette avait quinze ans et demi, lorsqu’elle arrive en France, lorsqu’elle tombe dans ce royaume du papillotage et du Plaisir, parmi cette génération de Françaises qui semblent représenter la Déraison, dans l’agitation fiévreuse de leurs existences futiles et vides. […] L’imagination, ce principe et cette faculté mère des facultés humaines, semble, dans ces premières chroniques, éveiller la vérité au berceau. […] Elle représentera cet âge sur son théâtre même, au milieu de ses entours, assis dans ce monde de choses, auquel un temps semble laisser l’ombre et comme le parfum de ses habitudes. […] Il semble qu’ils aient craint d’être notés de légèreté, en s’approchant de ce siècle dont la légèreté n’est que la surface et le masque. […] l’esprit de parti, les animosités particulières, les préjugés, l’intérêt surtout, dénaturant, décolorant les faits, en publiant d’imaginaires… Les lettres familières nous semblent plus particulièrement destinées à enrichir l’histoire de documents authentiques.

635. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Elle semble produire jusque chez les individus normaux des effets que la statistique rend sensibles. […] Les sensations de l’ouïe et de la vue semblent d’abord comme abstraites, étrangères à l’état intime des corps dont elles nous transmettent la forme ou les sons. […] On le voit, non seulement notre pensée en son fond est impersonnelle, mais de plus notre sensibilité, qui semble nous constituer plus intimement, finit par devenir en quelque sorte sociale. […] La plante vit, et son parfum est comme un signe de sa vie ; le pot de fleurs lui-même semble participer à cette vie et s’est embelli en s’embaumant. […] La solidarité et la sympathie, des diverses parties du moi nous a semblé constituer le premier degré de l’émotion esthétique ; la solidarité sociale et la sympathie universelle va nous apparaître comme le principe de l’émotion esthétique la plus complexe et la plus élevée.

636. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Charles vainqueur semblait n’avoir cherché dans la guerre qu’un plaisir barbare ; vaincu, sa grandeur d’âme est d’un exemple utile à tous. […] Lui-même y aidait par son estime extraordinaire pour le style, et par certains travers qui semblaient trahir plus de soin donné au paraître qu’à l’être. […] Ces phrases qui se développent avec une sorte de majesté sévère, semblent représenter le mouvement lent et irrésistible dont la nature accomplit ses créations. […] Non que Rollin n’exige beaucoup du maître ; il semble même, à compter les devoirs dont il le charge, que Quintilien ait plus ménagé le sien. […] Rollin, père par adoption, attentif et tendre comme les meilleurs pères par la nature, semble avoir appris des enfants eux-mêmes l’art de les élever.

637. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

» dit-il à son guide Virgile, « je serais curieux d’adresser la parole à ces deux âmes qui semblent inséparables et qui cèdent si légèrement à l’haleine du même vent qui les emporte à travers l’espace ! […] « “De ce que tu sembles désirer entendre nous sommes prêtes à parler avec toi, pendant que ce vent, un moment immobile, fait silence autour de nous comme à présent.” […] La tête de l’une semblait servir de coiffure à la tête de l’autre. […] L’âme bucolique de Virgile, son maître, semble véritablement cette fois avoir passé en lui. […] — l’heure qui poigne d’amour le voyageur à peine parti, s’il entend résonner dans le lointain la cloche qui semble pleurer le jour mourant !

638. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

. — En descendant l’escalier, pendant que je me demandais, où je pourrais trouver une voiture, je me rappelais qu’il me semblait avoir vu le bas de la maison occupé par un loueur. […] Puis une terreur secrète est en lui, de ce que son chat qui couchait sur son lit, ne veut plus y monter, et semble fuir son maître. […] Il déclarait que lui, resté un fervent catholique, sur cette terre, il sentait un peu mourir chez lui l’idée religieuse, ne croyant plus que Dieu pût s’intéresser à la prière de l’animalcule qu’il lui semblait être, en cette poussée incessante et ce fourmillement de création ! […] Puis les yeux s’habituent à la nuit de ces figures de crypte, de cave, sur lesquelles, au bout de quelque temps, un peu du rose des roses-thé, semble monter sous la grisaille de la peau. […] Il semble à Pélagie apercevoir la chatte, passer comme un éclair dans l’escalier ; au bout de quelques instants, elle va voir, où elle peut être cachée, et elle la retrouve sur son séant, avec un ronronnement d’orgue, en contemplation devant une vitrine de poteries japonaises.

639. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Niel s’est attaché dans sa collection à ne reproduire que ce qu’il y a de plus authentique et de tout à fait original, et il s’en est tenu à une seule espèce d’images, à celles qui sont dessinées aux crayons de diverses couleurs par les artistes du xvie  siècle : « On désignait alors par le nom de crayons, dit-il, certains portraits sur papier exécutés à la sanguine, à la pierre noire et au crayon blanc ; teintés et touchés de manière à produire l’effet de la peinture elle-même. » Ces dessins fidèlement reproduits, et où la teinte rouge domine, sont dus primitivement la plupart à des artistes inconnus, mais qui semblent être de la pure lignée française. […] La passion de Henri IV pour Gabrielle passa par différentes phases, et, au début, elle semble n’avoir rien eu que d’assez vulgaire. […] La reine Marguerite, première femme de Henri, ne l’était plus, en effet, que de nom ; reléguée en Auvergne dans sa résidence d’Usson, il semblait qu’il ne s’agissait que de régler avec elle les formes de son consentement pour délier à l’amiable une union qui avait été si mal assortie et si peu observée des deux parts. […] Un jour, en voyant des portraits de princesses à marier, elle disait à d’Aubigné en la lui désignant : « Celle-ci me fait peur. » Et puis, tout n’était pas aussi gagné dans le cœur du roi qu’il le semblait. […] Les poètes, qui célébraient à l’envi le tombeau de Gabrielle et le deuil du royal survivant, n’avaient pas encore achevé de rimer leurs stances et complaintes, qu’il était ou semblait consolé.

640. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Il me semble pourtant qu’elles ont toujours quelque chose de matériel pour la plus grande partie, et que le résultat ordinaire, c’est l’annonce d’un bonheur terrestre véritable, même dans leurs afflictions. […] Aux environs de Florence, les paysannes, « qui sont, à la vérité, très propres et très gracieuses, disait-il », ne lui semblaient pas avoir le type du beau italien. […] Je vous avouerai, cher ami, qu’en faisant ces observations, je ne pouvais m’empêcher de trouver l’immortel Raphaël bien au-dessous de la nature, et il me semble qu’avec son sentiment sublime, il aurait frappé bien plus fort s’il eût donné à tous ses sujets juifs tout le caractère que la nature offre. […] — Ce qui est encore pour moi un stimulant pour mieux faire, disait-il ailleurs, c’est qu’il me semble avoir quelque chose de plus saillant à faire sortir. […] Mais, cher ami, ne soyez pas étonné, je vous prie, de ce que je vous dis ; il me semble que des idées élevées, tout en mettant dans l’âme de grands principes de bonheur, donnent aussi au talent quelque chose d’original et le sortent de l’ornière que l’on suit trop généralement.

641. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Poli, doué, à ce qu’il semble, des avantages extérieurs et d’un grand esprit de sociabilité, aimant à se répandre, à voir, à savoir, à observer, et se plaisant à verser chaque matin sur une idée aisément éclose un courant de versification facile, il était heureux et si bien dans son élément, que le dégoût ne lui serait point venu. […] Maynard, après avoir épuisé le récit des infortunes d’Apollon et de ses exils terrestres, le montre rétabli dans sa gloire, mais jusque dans l’Olympe ayant à lutter toujours et à travailler, trouvant « avec l’honneur la fatigue mêlée » ; et il en tire une morale poétique qui semble d’abord toute dans le sens de Despréaux : Ne te rebute point ; change, corrige, efface. […] Ces épigrammes, qui plaisent tant aux connaisseurs et sont exquises aux délicats, ne semblent souvent presque rien à les traduire ; quelques-unes seulement ont une beauté qui subsiste ou qui se laisse deviner d’une langue 293 à l’autre. En voici une de Callimaque qui, traduite, semble peu de chose et indifférente ; elle a cependant du charme dans l’original, et elle respire un sentiment vif d’amitié et de tendresse. […] Chose singulière, ou plutôt chose ordinaire et assez commune aux vieillards, il prétendait n’y rien reconnaître de ce qu’il avait vu, à tel point que les mémoires de Retz (1717), en raison de deux ou trois erreurs de fait qu’il y relevait, lui semblaient un roman fabriqué par quelque homme de lettres de Hollande.

642. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Jamais personne ne monta au premier poste avec tant d’avantage ; la grandeur de son rang, l’attente des peuples, la faveur des grands, la jeunesse du roi, tout semblait contribuer à l’élever et à l’affermir ; lui seul se manqua à lui-même, et on peut dire de lui comme autrefois d’un empereur, qu’il ne parut digne de gouverner que tant qu’il ne gouverna point. […] « La camarera-mayor, naturellement rigide, ajoutait de nouvelles peines à cette contrainte, et semblait vouloir effacer tout d’un coup jusqu’aux moindres choses qui auraient pu lui laisser quelque souvenir de la douceur et des agréments de son pays. » On essaya de lui inspirer d’abord une entière aversion pour la reine mère, dont cette camarera-mayor craignait l’influence qui s’annonçait comme prête à renaître. […] L’ennui du palais et de la vie qu’on y mène est affreux ; « et je dis quelquefois à cette princesse, quand j’entre dans sa chambre (c’est toujours Mme de Villars qui parle), qu’il me semble qu’on le sent, qu’on le voit, qu’on le touche, tant il est répandu épais ! […] La première camarera-mayor, la duchesse de Terranova, lui a tellement imprimé dans l’esprit l’aversion pour tout ce qui a nom et apparence de français, elle a tellement cherché et réussi à le rendre jaloux du moindre Français qui paraît devant les fenêtres de la reine, qu’un jour qu’un misérable fou s’était présenté à la portière du carrosse de cette princesse pour en recevoir l’aumône, « le roi en parut tellement ému, qu’à en juger par ce qu’il dit, il semblait que, si ce n’eût été dans le palais, il l’aurait peut-être fait assommer. […] La jeune reine vécut peu d’années dans cette vie d’étouffement et de réclusion, à laquelle elle semblait pourtant s’être si tôt accoutumée.

643. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

» — « Je désire m’occuper de Mme de Staël, répondis-je alors, parce qu’il me semble que je la sens et la comprends autant que personne ; et bien que sorti de terre à un tout autre endroit et d’une tout autre génération qu’elle, un sentiment d’admiration me dit, ainsi qu’à ceux de mon âge, qu’elle nous appartient à tous. » Depuis des années, j’éprouve un regret fréquent à son sujet. […] Mme de Staël est une grande personne ; et le lecteur curieux, admis à l’entendre causer dans l’intimité, doit être un peu impatienté, ce me semble, de ne pouvoir l’aborder sans l’intervention continuelle d’une sorte de trucheman, d’un tuteur et d’un mentor qui l’explique, la commente, au risque de forcer parfois sa pensée, qui lui coupe peut-être la parole si elle est tentée d’en dire trop sur quelque point. […] Elle se repent presque ; le premier pas fait, elle semble reculer aussitôt. […] Mme Lenormant, en citant cette lettre, en use et en abuse un peu, ce me semble, quand elle en conclut que Schlegel a dû, sous peine d’inconséquence, mourir catholique, et en donnant à entendre que le soin seul de sa position comme professeur à l’université de Bonn le rejeta ensuite dans la profession extérieure du protestantisme. […] La puissance semble donner à tout le monde le même travers d’esprit.

644. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Songez seulement à ce que seraient les nôtres si nous étions venus au monde dix siècles plus tôt, ou, dans le même siècle, à Téhéran, à Bénarès, à Taïti. » C’est si évident, qu’il semblerait vraiment ridicule de dire le contraire. […] Ils sont comme des parfums trop fins : nous ne les sentons plus ; tant de délicatesse nous semble de la froideur ou de la fadeur. […] Pardon, dirai-je à l’auteur, votre conclusion est excessive, ou du moins elle ne dit pas tout ; critique, vous avez raison dans ces éloges si bien déduits et motivés, tirés des circonstances générales de la société à ses divers moments ; mais vous avez tort, selon moi, de ne voir absolument, dans les délicatesses que vous admirez et que vous semblez si bien goûter, qu’un résultat et un produit de ces circonstances. […] Je puis vous assurer que ces endroits, qui ne vous semblent indélicats que par comparaison avec la Princesse de Clèves, paraissaient, de mon temps, à la plupart des lecteurs, tout à fait indélicats en eux-mêmes. […] Il semble que Théophraste, l’auteur des Caractères, ait devancé l’objection, lorsqu’il dit tout au commencement de son livre.

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