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291. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

« Ne pleurez pas, lui dit Chrémès, et quelle que soit la chose, dites-moi tout : pas de réticence, ne craignez rien ; confiez-vous à moi, vous dis-je, et consolation ou conseil, ou de tout autre manière, je vous aiderai. » Et Ménédème, que son secret oppresse, et qui a besoin de l’épancher, ne résiste plus : « Vous voulez le savoir ?  […] C’est le secret des âges polis. […] Vous connaissez le tableau de Meissonier, la Confidence, ce jeune amoureux qui, à la première lettre reçue, n’a de cesse qu’il n’ait versé son secret dans le sein d’un ami plus expérimenté, et qui, après le déjeuner qu’il pavera, au dessert, lit avec feu cette missive si tendre à l’ami tranquille et satisfait qui écoute et qui digère.

292. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Notre métier de critique (je parle de ceux qui le font avec délicatesse et en honnêtes gens) a ses secrets, et il n’est que de les bien connaître. Un homme d’esprit et de tact qui avait vieilli dans le journalisme me disait un jour « Un critique, en restant ce qu’il doit être, peut avoir jusqu’à trois jugements, — trois expressions de jugement : — le jugement secret, intime, causé dans la chambre et entre amis, un jugement d’accord avec le type de talent qu’on porte en soi, et, par conséquent, comme tout ce qui est personnel, vif, passionné, primesautier, enthousiaste ou répulsif, un jugement qui, en bien des cas, emporte la pièce : c’est celui de la prédilection ou de l’antipathie. […] J’en demande pardon à ceux qui ont ce secret et qui ne sentent pas que c’est une injustice.

293. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Dans un voyage qu’il fit en Alsace, en juin 1679, les magistrats de Strasbourg étaient venus à Schelestadt lui faire leurs protestations les plus humbles pour l’avenir ; il dissimula, répondit par des paroles assez polies, et noua probablement dès lors des intelligences secrètes avec quelques-uns du dedans. […] L’argent pour le payement des troupes, une fois qu’elles seraient en campagne, fut envoyé à l’avance avec des précautions infinies, de manière à ne donner aucun éveil et que les trésoriers ordinaires des troupes, auxquels on ne voulait pas confier le secret du projet, n’en eussent vent ni soupçon. […] Il n’était pas plus dans le secret que le bourgmestre de Sardam.

294. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

On tint la négociation secrète pour ne pas trop donner l’éveil au parti espagnol. […] En un mot, le comte Vitzthum ne laisse rien perdre de l’influence manifeste ou secrète du maréchal de Saxe ; mais certainement il exagère, au moins dans l’expression, lorsqu’il semble donner à entendre que Maurice, dans ces circonstances et dans les mois qui suivirent, parla en maître, que la paix et la guerre dépendaient de lui, qu’il gouvernait à cette heure la France, qu’il fit son coup d’État (les mots y sont). […] Le duc de Richelieu, indépendamment de sa mission ostensible, en avait une autre secrète, mais qui ne devait nullement être désagréable à la Saxe, puisqu’elle consistait à offrir à celle-ci d’être médiatrice entre la France et l’Autriche.

295. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

On a cherché à expliquer un début si tardif dans un génie si facile, et certains critiques sont allés jusqu’à attribuer ce long silence à des études secrètes, à une éducation laborieuse et prolongée. […] Jeté jeune et sans éducation régulière au milieu d’une littérature compassée et d’une poésie sans âme, il a dû hésiter longtemps, s’essayer en secret, se décourager maintes fois et se reprendre, tenter du nouveau dans bien des voies, et, en un mot, brûler bien des vers avant d’entrer en plein dans le genre unique que les circonstances ouvrirent à son cœur de citoyen. […] Mais il avait, comme tout poëte, ses secrets, ses finesses, sa correction relative ; il s’en souciait peu ou point dans ses lettres en vers ; peu encore, mais davantage, dans ses contes ; il y visait tout à fait dans ses fables.

296. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Mais cela suffit à mettre un large fossé entre Despréaux et lui, aussi longtemps du moins que Boileau ne le franchit pas, pour donner satisfaction à son instinct secret et au goût de son siècle. […] Ce n’étaient pas les doctrines de Boileau, c’était le goût français, qu’on cherchait dans l’Art poétique : au temps où Voltaire était le plus grand poète de l’Europe, on demandait à Boileau le secret de faire des vers à la mode de la Henriade. […] Mais le xviiie  siècle ramena Boileau à son niveau pour l’adapter à son usage : et sous le nom de Boileau, ce fut lui-même, son goût personnel, ses secrètes tendances, qu’il déifia.

297. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Car Beaumarchais, en vrai fils de son siècle, trouva le secret d’unir l’excellence du cœur à l’immoralité foncière. […] Surtout quand il raconte ses confrontations avec Mme Goëzman, une jolie petite sotte, étourdie, impudente, menteuse, frivole au point de ne pas se douter de l’importance morale de l’escroquerie qu’elle s’est permise, se fâchant dès que son adversaire lui rive son clou ou la force à se couper, soudain radoucie par un madrigal dont elle ne sent pas la secrète impertinence : ces scènes sont charmantes, et d’une irrésistible drôlerie. […] Il court tous les chemins de l’Europe, chargé de missions secrètes en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, pour procurer la suppression de pamphlets injurieux à Louis XV ou à Marie-Antoinette.

298. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Du moment que le traité d’alliance entre les deux nations est conclu, il n’a qu’une réponse à opposer à toutes les ouvertures qui lui sont faites pour écouter les propositions de l’Angleterre : « Nous ne pouvons négocier sans la France. » L’Amérique a été une fille soumise jusqu’au jour où elle s’est émancipée de l’Angleterre ; mais celle-ci a beau la rappeler en secret et la vouloir tenter sous main, l’Amérique sera une épouse fidèle. Telle est la théorie que Franklin professe en toute circonstance publique ou secrète, et qui lui attire en Amérique la réputation d’être trop Français. […] [NdA] L’arrivée de Franklin à Paris, en 1767, avait été, au reste, très remarquée des savants ; on lit dans les Mémoires secrets dits de Bachaumont, à la date du 19 septembre de cette même année : « M. 

299. (1923) Paul Valéry

C’est le secret des inventeurs. » Le secret aussi de l’invention qui nous fait inventer nous-mêmes pour nous-mêmes et qui tire de cette famille de figures la figure que nous sommes. […] Pour voir cette idée poétique se transposer en création poétique, prenez l’Ode secrète. […] dans ma lourde plaie une secrète sœur Brûle ! […] Elle brûle un diamant secret, comme la machine un charbon terrestre. […] Quels secrets dans son cœur brûlent ma jeune amie ?

300. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

a-t-il entrevu tous les secrets du cœur d’Alceste ? […] L’amour n’a plus de mystères, le cœur plus de secrets pour le philosophe. […] comme il a percé à jour, comme il nous a révélé le secret des fortunes politiques ! […] Elle essaie, mais en vain, de lui arracher son secret. […] n’y a-t-il pas chez lui un secret instinct pour l’avertir qu’il est près de sa fille ?

301. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

XVIII Or il s’agissait de savoir à Londres, en 1823, si l’Angleterre, qui avait été, quatre ans avant, le moteur et le payeur de la réaction européenne de l’Europe contre la France bonapartiste et oppressive de l’Europe, voudrait continuer à fomenter et à solder la guerre des rois contre l’insurrection des peuples et contre les sociétés secrètes de l’Italie et de l’Espagne. […] Le premier ministre, M. de Villèle, qui gouvernait alors sagement, mais sans audace, répugnait à cette guerre et se plaisait à temporiser ; M. de Chateaubriand avait pour M. de Villèle le dédain secret des hautes imaginations pour les timides conseils ; il brûlait de la passion d’amener un congrès, bien convaincu que l’éclat de son nom forcerait M. de Villèle à l’y envoyer, et qu’une fois envoyé à Vérone, en apparence sans parti pris, il serait maître des résolutions de l’Europe. […] Ils n’avaient aucun secret l’un pour l’autre. […] XXI M. de Marcellus, en son absence, resta chargé d’affaires à Londres, correspondant secret de M. de Chateaubriand. […] J’ai passé huit jours dans la grotte d’un santon retiré dans les rochers du Liban ; je couchais près de lui sur des feuilles sèches ; il m’expliquait le Coran et m’initiait aux secrets de sa vieille expérience.

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