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2166. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Plus il entasse ou gonfle ses métaphores, plus il s’imagine élever ses idées, et il s’est attiré de Veuillot par certaines méditations délirantes le mot cruel que l’on sait : Jocrisse à Pathmos. […] Leconte de Lisle sont puissamment objectives, d’une intensité de couleurs, d’une énergie de reliefs890, à quoi rien dans la poésie contemporaine ne saurait se comparer. […] Je ne sais, et le poète ne laisse guère entrevoir sa vie dans son œuvre. Il a un esprit de généralisation, qu’il applique même aux faits de sa sensibilité ; il ne s’arrête qu’aux émotions où transparaît quelque servitude ou quelque aspiration de l’impersonnelle humanité ; mais ces généralités sentimentales ne sont pas des lieux communs, et ces poèmes exquis notent je ne sais combien de fines nuances d’impressions, l’ont apparaître je ne sais combien d’invisibles forces morales. […] Moins artiste que Gautier, sans être plus penseur, il avait débuté par des mièvreries sentimentales, dont les formes travaillées ont je ne sais quel aspect de bijouterie fausse.

2167. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Quand on sut que M. de Chateaubriand écrivait ses Mémoires, une femme du monde, qu’il avait dans un temps beaucoup aimée ou désirée, lui écrivit un mot pour qu’il eût à venir la voir. […] Or, comme tous ceux qui ont connu M. de Chateaubriand savent que ces choses ont tenu une très grande place dans sa vie, il s’ensuit que ces Mémoires, où il dit tant de vérités à tout le monde et sur lui-même, ne contiennent pourtant pas tout sur lui, si l’on n’y ajoute quelque commentaire ou supplément. […] Cela trahit, du reste, les goûts libertins que le noble auteur avait en effet dans sa vie, assurent ceux qui l’ont bien connu, mais qu’il cachait si magnifiquement dans ses premiers écrits : sa plume, en vieillissant, n’a plus su les contenir. […] Il se révolte contre cette idée d’une bienveillance dont il serait l’objet : Je ne sais qui vous voyez et qui peut vous parler de moi : quelque bienveillant qu’on puisse être, on ne me connaît pas, car je ne connais personne. […] J’habite seul, pendant une absence, un grand appartement où je m’ennuie et attends vaguement je ne sais quoi que je ne désire pas et qui ne viendra jamais.

2168. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Si je sais quelque chose, je le dois particulièrement à ces trois ou quatre années d’études. […] Quand vinrent les querelles de la Sorbonne sur la grâce, dont tout le monde parlait sans y rien entendre, Charles et Claude Perrault et quelques autres amis voulurent « savoir à fond de quoi il s’agissait ». […] Colbert eût fait fermer les Tuileries, je ne sais pas quand on les aurait rouvertes. […] On ne saurait se figurer la colère qui s’empara de quelques académiciens, en entendant exprimer ces doctrines. […] Il nous montre le procédé par lequel on les fabrique, et, si cette raillerie ne saurait en aucun temps atteindre les dignes et véritables érudits, elle frappait d’aplomb sur « un certain peuple tumultueux de savants » qui, à cette époque, se maintenait encore.

2169. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Je ne sais que trop votre inclination à la retraite, et plût à Dieu que vous voulussiez vous séquestrer un peu moins du commerce des hommes ! […] On sait que, la charmante reine à laquelle elle appartenait étant morte à l’âge de vingt-six ans (14 février 1714), Philippe V dut songer incontinent à se remarier. […] Une femme de chambre et deux officiers des gardes étaient montés avec elle dans le carrosse : Je ne sais comment j’ai pu résister à toutes les fatigues du voyage (écrivait-elle à Mme de Maintenon en errant sur la frontière de France, dix-huit jours après la scène de Xadraque). […] Je vais à Saint-Jean-de-Luz pour me reposer un peu et savoir ce qu’il plaira au roi que je devienne. […] La publication des pièces officielles et des dépêches des ambassadeurs de France, pendant la durée de l’influence de Mme des Ursins à Madrid (si cette publication se fait un jour), pourra seule achever de déterminer avec précision toute l’importance et la qualité de son action politique ; nous en savons déjà assez pour porter sur elle une appréciation morale ; et quant à son mérite littéraire, nous osons dire qu’il ne manque à ce qu’on a de Mme des Ursins que des éditeurs moins négligents pour qu’elle devienne un de nos classiques épistolaires.

2170. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Je ne connais pas la rose qu’on a baptisée de votre nom ; je ne sais si l’Académie d’horticulture a enregistré votre rose au nombre des roses officielles, et si Vilmorin lui a donné la consécration de son catalogue. […] Ils auront beau vous renvoyer à l’école — apprendre la grammaire de l’intrigue, à côté du petit Ponson du Terrail et du petit La Landelle, ils ne savent ce qu’ils disent. […] Comme vous savez, l’auteur de la Vie de Bohême est chasseur. […] Leur bien-être et vos convenances y perdent ; — qui sait ? […] J’en sais tant, et de renommés par le monde des lettres, qui sont toujours chez les autres !

2171. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Nous en aurons probablement un troisième ou un quatrième un jour, et qui sait ? […] Pichot, au contraire, s’est, toute sa vie, tellement frotté à de grands poètes, qu’il a pris je ne sais quels grains de poussière étincelante au velours de ces fleurs lumineuses… Eh bien, pour cette raison-là seule, Amédée Pichot vaut mieux que M.  […] S’il était un chef de parti, je sais la considération intellectuelle que j’aurais pour lui, en la mesurant au mot de Goethe : « Un chef de parti n’est jamais, après tout, qu’un bon caporal. » Mais Macaulay n’est qu’un soldat, le soldat d’un parti. […] On sait, d’ailleurs, que le mot essai n’a pas en Angleterre le même sens qu’en France, où un homme qui s’essaie à faire quelque chose et qui, par modestie, appelle, la chose qu’il a peut-être manquée un essai, ne se nomme point un essayist. […] Avant que madame de Staël, comme fécondée par je ne sais quel mystérieux pollen littéraire, écrivît son livre De l’Allemagne, qui se doutait que la Critique, avec ses œillères, pût relever son front, laborieusement abaissé vers les œuvres dont elle avait à rendre compte, et regarder autour d’un livre, — au-dessus, — à côté, — pour mieux le comprendre et le voir ?

2172. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Animé au plus haut degré de l’esprit de sacrifice, il sait le communiquer aux troupes dont il exalte les forces morales. […] » Il insistait sur l’exaltation des blessés de ces journées rayonnantes, qui arrivaient au poste de secours avec de très laides blessures et après des assauts furieux, et qui, tout secoués d’enthousiasme, ne savaient que dire au major : « Les Boches sont percés ; ils sont chassés de France. […] Vous savez qu’avant de partir j’avais fait le sacrifice de ma vie. […] Ma grande peine est de vous quitter, mais je sais vous retrouver bientôt. […] Il prépare les siens au deuil : « Prie le bon Dieu bien fort, chère petite femme, pour que le grand déclanchement qui ne peut tarder beaucoup désormais soit couronné de succès… Dis-toi que la souffrance est une grâce qui nous est offerte par Dieu et un bienfait pour qui sait en profiter.

2173. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Car, de même que dans l’enfance des sciences physiques les hommes savaient quelques règles des phénomènes physiques, de même, dans cette enfance des sciences morales, nous savons quelques règles des phénomènes moraux. Ils savaient que la chaleur fond le plomb, et qu’une pierre abandonnée à elle-même tombe vers la terre ; nous savons que toute résolution est précédée par la vue d’un motif, que tout souvenir est précédé et suscité par une idée associée, que l’attention rend le souvenir plus sûr et plus prompt. […] Manquant de précision, il ne savait point noter les faits. […] Mais nous savons qu’il en est partout de même, et que l’univers est composé de forces ou causes individuelles dont les phénomènes visibles sont les effets. « Les causes ne sont pas matérielles. […] J’en savais autant avant de les lire.

2174. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Ecrire, peindre, sculpter, c’est savoir choisir. […] Une faculté extraordinaire, dont il ne savait pas l’objet, lui était venue. […] Elle donne au vers je ne sais quoi de tendu, de ronflant et de monotone. […] J’ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l’être, jamais ce que je savais être faux. […] si tu savais, au milieu de la comme guerre, je pense à toi !

2175. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

L’homme passionné sait cela ; il vit avec lui-même ; si sa pensée parle haut, il sait que c’est en lui, et qu’elle est ce qu’elle doit être, intérieure comme son objet : elle aura beau crier, il lui refusera avec persistance l’extériorité, comme au sentiment qu’elle traduit. […] Il faut savoir nager quand on est marinier. » Je marchais fort vite vers l’Ecole militaire. […] Despine, De la folie au point de vue philosophique, p. 235 et suivantes. — On ne saurait en dire autant de Cardan, qui, lui aussi, avait un démon familier (Lélut, p. 226), ni de Pascal, ni de la plupart des mystiques. […] Je crois bien que ces paroles involontaires n’expriment ni un sentiment ni une pensée, qu’elles ne correspondent à rien d’intérieur, et que la personne qui les prononce n’a pas conscience de ce qu’elle dit ; elle l’entend seulement et ne l’écoute pas, sachant qu’on sait qui elle est et qu’on lui pardonnera. […] [Les stances du poème « A Ninon » commencent effectivement par ces deux vers : « Si je vous le disais pourtant, que je vous aime, / Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ? 

2176. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

La question, disions-nous, est de savoir pourquoi il y a de l’ordre, et non pas du désordre, dans les choses. […] Nous n’en voulons rien savoir. […] Il nous suffit de savoir, d’une manière générale et indéterminée, que tous ces actes sont des mouvements. […] Notre physique date du jour où l’on a su isoler de semblables systèmes. […] Ceux-ci n’apercevaient qu’une seule manière de savoir définitivement.

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