Comme tous les hommes qui ont le génie pratique de l’enseignement, comme ces admirables natures de maîtres, mêlées de prêtres, qui préparent eux-mêmes, de leurs saintes mains paternelles, la tête et le cœur destinés à recevoir la vérité, l’abbé Noirot se soucie peu d’écrire et n’écrit point.
Il aperçoit « la reine couchée entre des fleurs » ; elle est « dans les Champs-Elysées, elle y goûte mille charmes, conversant avec ceux qui sont saints comme elle. » Bien mieux, il a du tact ; il fait parler « à la digne moitié » du monarque un langage noble, conjugal, délicat. […] Puis, les yeux baissés et comme un saint homme : Mais j’étais en pèlerinage, Et m’acquittais d’un voeu fait pour votre santé. […] Tous les gens querelleurs, jusqu’aux moindres mâtins, Au dire de chacun étaient de petits saints. […] Pour cela il a choisi le chat, à cause de sa mine papelarde et discrète, entre tous un chat vivant comme un dévot ermite, « un chat faisant la chattemite, un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras. » Ce dernier point ne manque guère dans le personnage. […] L’une fait tort à l’autre, et monsieur le curé De quelque nouveau saint charge toujours son prône.
J’allais ajouter qu’il y a une chose à laquelle il n’a rien compris et dont il ne s’est jamais douté, pour peu qu’elle existe encore, c’est l’autre science, celle du Saint et du Divin ; et qu’il semble tout à fait se ranger à cet axiome volontiers cité par lui et emprunté des jurisconsultes : Idem judicium de iis quae non sunt et quae non apparent, Ce qu’on ne peut saisir est comme non avenu et mérite d’être jugé comme n’existant pas232. Mais j’irais trop loin en parlant ainsi ; on ne saurait trop se méfier de ces jugements absolus en telle matière, et l’Apologie renferme sur Zoroastre, Orphée et Pythagore, sur toutes ces belles âmes calomniées, ces génies des lettres, Omnes cœlieolas, omnes supera alla tenentes, des pages élevées, presque éloquentes, qui indiquent chez lui le sentiment ou du moins l’intelligence du Saint plus que je n’aurais cru. […] IV) il avait dit : « Il ne faut donc pas croupir dans l’erreur de ces foibles esprits qui s’imaginent que Rome sera toujours le siége des saints Pères, et Paris celui des rois de France. » Je trouve que, de nos jours, les sages eux-mêmes ne sont pas assez persuadés que de tels changements restent toujours possibles, et l’on met volontiers en avant un axiome de nouvelle formation, bien plus flatteur, qui est que les nations ne meurent pas. […] Mais bientôt les chanoines réguliers de Saint-Augustin, qui revendiquaient l’Imitation pour Akempis, c’est-à-dire pour leur saint, comme les bénédictins pour le leur, introduisirent l’autorité, et l’acte de Naudé dans la discussion. […] Mascurat répond à Saint-Ange, qui vient d’exprimer la conviction naïve qu’aucune doctrine pernicieuse ne saurait se fonder sur la Sainte-Écriture : « Si tu ajoutes bien entendue, dit Mascurat, je suis de ton côté ; mais, à faute de suivre l’interprétation que la seule Église catholique donne à ces Livres sacrés, ils sont bien souvent causés de beaucoup de désordres, tant es mœurs à cause du livre des Rois et autres pièces du Vieil Testament, qu’en la doctrine, laquelle est bien embrouillée dans le Nouveau et par les Épîtres de saint Paul principalement : Mare enim est Scriptura divina, habens in se sensus profundos et altitudinem tudinem propheticorum enigmatum, comme disoit saint Ambroise… » Quand j’entends un sceptique, citer si respectueusement un grand saint, je me dis qu’il y a anguille sous roche.
« Que Dieu vous ait sous sa sainte protection ! […] Aimée, servie ou négligée par l’infortuné poète dont elle avait protégé les premiers chants, Léonora d’Este mérita du moins de rester, avec Laure et Béatrice, une de ces figures qui deviennent les saintes femmes du ciel ou du Calvaire de la poésie. […] Les exploits réels ou fabuleux des compagnons de Charlemagne, convertis par des ermites à une religion de douceur et d’ascétisme, avaient laissé dans les imaginations populaires des traditions tout à la fois héroïques et saintes, où la lance et la croix s’entrelaçaient dans un contresens pittoresque. […] « Non loin de là un ruisseau jaillit en murmurant du sein de la montagne : il y court, il y remplit son casque et revient tristement s’acquitter d’un saint et pieux ministère. […] « Voilà », s’écria-t-il en joignant les mains, « voilà le char triomphal sur lequel je désire être couronné, non pas du laurier du poète, mais de la gloire des saints dans le ciel !
Le cynisme, à mes yeux, était alors et est encore l’impiété de la nature envers Dieu et envers soi-même, la raillerie grossière de ce qu’il y a de plus respectable et de plus saint dans la création : la beauté et la douleur. — Un coup de sifflet à la Divinité partout où elle se montre ! […] Quiconque a passé dans ses belles années par ces épreuves si difficiles à traverser, se reconnaît dans ces limbes du pur attachement jouissant de contempler ces Béatrices de l’amour idéal, mais interdites par la sainte amitié. […] Enfant, Dieu vous nourrit de sa sainte parole : Mais bientôt le laissant pour un monde frivole, Et cherchant la sagesse et la paix hors de lui, Vous avez poursuivi les plaisirs par ennui ; Vous avez, loin de vous, couru mille chimères, Goûté les douces eaux et les sources amères, Et sous des cieux brillants, sur des lacs embaumés, Demandé le bonheur à des objets aimés. […] C’est la loi, c’est le vœu de la sainte Nature ; En nous donnant le jour : « Va, pauvre créature, Va, dit-elle, et prends garde, au sortir de mes mains, De trébucher d’abord dans les sentiers humains. […] Tu sais l’âge où tu vis et ses futurs accords ; Ton œil plane ; ta voile, errant de bords en bords, Glisse au cap de Circé, luit aux mers d’Artémise ; Puis l’Orient t’appelle, et sa terre promise, Et le Mont trois fois saint des divines rançons !
J’ignore donc encore après toutes mes refléxions, s’il est bien vrai que les hommes qui naissent durant certaines années, surpassent autant leurs ancêtres et leurs neveux en étenduë et en vigueur d’esprit, que ces premiers hommes dont parle l’histoire sainte et l’histoire profane, et qui ont vécu plusieurs siecles, surpassoient certainement leurs descendans en égalité d’humeurs et en bonne complexion. […] Puget, sculpteur de Marseille, fut choisi préferablement à plusieurs sculpteurs italiens pour tailler deux des quatres statuës dont on vouloit orner les niches des pilastres qui portent le dôme de la magnifique église de sainte Marie De Carignan à Genes. […] Avant Raphaël et ses contemporains, le martyre d’un saint n’émouvoit aucun des spectateurs. Les assistans que le peintre introduisoit à cette action tragique, n’étoient là que pour remplir l’espace de la toile que le saint et les bourreaux laissoient vuide. à la fin du quinziéme siecle, la peinture qui s’acheminoit vers la perfection à pas si tardifs, que sa progression étoit comme imperceptible, y marcha tout-à-coup à pas de géant. […] Enfin le plus précieux des joïaux antiques, l’agathe de la sainte chapelle de Paris, dont l’explication a exercé le sçavoir de cinq antiquaires des plus illustres, fut faite sous Auguste ou sous ses deux premiers successeurs.
J’avais déchiré le voile du Saint des Saints, j’avais montré quel absurde fétiche se pavanait sur l’autel. […] Et vous verrez que la sainte Vierge fera, sous peu, des miracles probants à Tilly-sur-Seules. […] Il plaint sainte Christine de Stumbèle, que le Malin barbouillait de ses excréments. […] Si la sainte Vierge les inspira, il faut avouer qu’elle fit preuve, en cette circonstance, d’un manque de perspicacité tout à fait déplorable. […] Ils inventent le socialisme chrétien, c’est-à-dire le mariage de Darwin et de sainte Thérèse.
C’est là que je respirais la sainte componction de la douleur de l’âme chrétienne dans la statue de la Madeleine, statue pour ainsi dire d’une âme et non d’une femme, où le corps s’évanouit pour laisser apparaître l’âme, contresens sublime de la sculpture, qui n’exprime ordinairement que des formes et de la beauté. […] Le saint est l’idéal du christianisme, parce que la sainteté est le beau dans l’âme ! […] Quant aux anges et aux saints, leur corps n’est que le signe extérieur d’une vie toute spirituelle. […] LXVII À mesure que les religions se spiritualisent, les temples s’en vont : le christianisme lui-même, qui a construit le gothique pour l’animer de son souffle, laisse ses admirables basiliques tomber peu à peu en ruine ; les milliers de statues de ses saints descendent par degrés de leurs socles aériens autour de ses cathédrales ; il se transforme aussi, et ses temples deviennent plus nus et plus éclairés à mesure qu’il se dépouille des superstitions de ses âges de crépuscule et qu’il résume davantage la grande lumière qu’il propagea sur la terre, la pensée du Dieu unique prouvé par la raison et adoré par la vertu.
Mais, au temps de Pascal, et dans le saint asile de Port-Royal, l’œuvre passant avant l’ouvrier, on ne croyait pas faire tort à un écrit, en le retouchant au profit des doctrines communes ou de la paix chrétienne. […] Le jésuite fit une réfutation du règlement de Saint-Cyran, et y établit, entre autres doctrines, que plus on est dépourvu de grâce, plus hardiment on doit s’approcher de la sainte table. […] C’est principalement à ces deux ouvrages que Saint-Simon fait allusion, à l’endroit de ses Mémoires où, parlant de la dispersion de Port-Royal par l’influence des jésuites, il loue ces « saints solitaires illustres que l’étude et la pénitence avaient assemblée à Port-Royal, qui firent de si grands disciples, et à qui les chrétiens seront à jamais redevables de ces ouvrages fameux qui ont répandu une si vive et solide lumière pour discerner la vérité des apparences, le nécessaire de l’écorce, en faire toucher au doigt l’étendue si peu connue, si obscurcie, et d’ailleurs si déguisée ; pour développer le cœur de l’homme, régler ses mœurs…74 » Cet éloge comprend tout en quelques paroles, le mérite des personnes, celui de la communauté, les grands exemples qu’ils ont donnés, les traditions qu’ils ont laissées, ce qu’ils ont réglé, ce qu’ils ont inventé. […] l’Académie, qui se composait en grande partie d’écrivains célèbres par le bel-esprit, ne travaillait pas moins à le détruire que Port-Royal, où l’on n’entrait qu’après l’avoir en quelque façon abjuré au seuil du saint asile.
Cependant ma mère, femme supérieure et sainte, épiait jour à jour ma pensée, pour la tourner à sa première apparition vers Dieu, comme on épie le ruisseau à sa source pour le faire couler vers le pré où l’on veut faire reverdir l’herbe nouvelle. […] La jonction de la matière et de l’âme dans l’homme, la transformation apparente des sens en intelligence, et de l’intelligence en matière, est le plus étonnant, et sans doute le plus saint de ses secrets. […] Ce fut mon premier sentiment littéraire ; il se confondit dans ma pensée avec ce je ne sais quoi de saint qui respirait sur le front de la sainte femme, quand elle ouvrait ou qu’elle refermait ces mystérieux volumes.
Ainsi, tout en visant à Jérusalem et à la délivrance de la Cité sainte, ils ne reculaient pas devant les entreprises qui, en les écartant de leur but, leur semblaient glorieuses et suffisamment légitimes. […] Ce siège ne se passe point sans opposition de la part de bon nombre des pèlerins zélés ou soi-disant tels, ni de la part de Rome, qui craint de voir se dissiper une expédition sainte.