Ne serait-il pas ridicule que nous fussions vaincus dans cette carrière ? […] On ne peut plus rien m’apprendre de ridicule sur leur compte. […] Traduisez ridicule par odieuse. […] Comme le ridicule est une grande punition parmi les Français, ils rient souvent par vengeance. […] Quand dans la société nous nous donnons des ridicules exprès, c’est encore par excès de vanité, nous volons ce plaisir à la malignité des gens dont nous avons excité l’envie.
Il est, en effet, aussi ridicule de borner les écrivains à un seul stile, qu’il le seroit de réduire tous les peintres à n’avoir qu’une manière, tous les hommes à n’avoir qu’une façon de s’habiller. […] Cet auteur avoit la réputation de surpasser les sçavans, ses confrères, beaucoup moins en Grec & en Latin, quoiqu’il possédât supérieurement ces langues, qu’en grossièretés, en ridicule amour-propre, en prétentions de toutes les espèces, en esprit d’envie & de tracasserie, en penchant pour la calomnie, la satyre & les libèles. […] Sa naissance passa toujours pour suspecte, & fit tenir à ses ennemis beaucoup de propos ridicules. […] On accusoit même de précieux & d’afféterie ridicule tout ce qui n’étoit pas écrit de cette grande manière. […] L’auteur se propose d’y montrer le ridicule qu’il y a de prétendre bien écrire en latin, bien parler & bien entendre cette langue.
Nulle autre cause de cette étonnante supériorité, que la connoissance profonde du cœur humain, qu’une observation subtile qui saisissoit avec justesse les vices & les ridicules par-tout où ils se trouvoient, qu’une délicatesse de tact qui discernoit, à coup sûr, ce qu’il y avoit de plus saillant dans les travers de la Société, que l’art enfin de les présenter sous un jour propre à les rendre sensibles, & à les corriger par une plaisanterie sans aigreur, sans apprêt, & toujours si naturelle, que l’effet en étoit immanquable. […] Malgré les imperfections qui y regnent, on y reconnoît toujours le Fléau du ridicule, le Peintre de la Nature, le Précepteur de la Société. […] Il a guéri les Médecins du verbiage & de la pédanterie, les Marquis de leurs ridicules, les Savans de leur morgue, les Précieuses de leur jargon, les Femmes d’une folle prétention au savoir. […] Est-ce avec une Métaphysique subtile & quintessenciée, des sentimens vagues & romanesques, le jeu d’une Pantomime insipide, les détails minutieux d’une décoration péniblement combinée, une Prose froide, ou des Vers symétriques, qu’on pourra se promettre de corriger les ridicules qui fourmillent aujourd’hui, & qui demandent plus de vigueur comique que n’en exigeoient ceux qui régnoient du temps de Moliere ? […] Personne n’a jamais mieux connu les ridicules, & ne les a peints avec tant de force & de vérité.
Le mari de Pauline n’est point un héros aux yeux de Voltaire ; il lui paraît même ridicule et bourgeois lorsqu’il résigne sa femme à Sévère, comme un bénéfice. […] Et qu’importe à Corneille que l’opinion de ce ridicule pédant lui soit favorable ? L’auteur de Cinna ne savait-il pas bien que rien ne serait plus ridicule et plus indécent sur la scène tragique que la passion de J. […] Les Français, plus que tout autre peuple, sont attachés à leur ton et à leurs manières ; ils regardent comme ridicule tout ce qui choque leurs idées et leurs usages. […] S’il eût traité cet agréable sujet du Menteur en vers tels que ceux de Pompée, il n’en eût résulté qu’un ridicule galimatias.
Nous avons dans La Métromanie de Piron l’exemple d’un ridicule qui n’est point comique. […] Ici point de ridicule, mais seulement du comique. […] Je traiterais donc sans gaieté une matière ridicule. […] Il y a des ridicules complètement ignorés de la personne qui en est atteinte. […] Il consiste, comme nous l’avons vu tout à l’heure, dans les ridicules ignorés ou caches, et j’ai dit que ces ridicules ne doivent se trahir que par des traits presque imperceptibles.
C’est ainsi que les Précieuses ridicules et les Femmes savantes ont survécu aux ridicules qu’elles représentaient. […] Le ridicule est essentiellement l’objet de la comédie. […] Il faut observer que tout ridicule n’est pas risible. Il y a un ridicule qui nous ennuie, qui est maussade : c’est le ridicule grossier. […] Il y a des ridicules dans la société ; mais ils sont moins frappants, parce qu’ils sont moins fréquents.
Cette grande éloquence, si ridicule quand elle est déplacée, semble faite pour traiter l’objet le plus important de l’homme. […] Mais toutes les tentatives réunies de ces ridicules ennemis du goût & des vrais intérêts de la religion, furent inutiles & tournèrent contr’eux-mêmes. […] La Rue, qui achevèrent de les rendre ridicules. […] Par cette annonce ridicule, l’action du discours est nécessairement affoiblie. […] On ne seroit point en danger de compromettre sa réputation devant la multitude qui fait circuler, dans la société, comme un très-grand ridicule, un moment d’absence de mémoire.
Ils en font, en un mot, une mijaurée excessivement ridicule. Faire de Julie une amoureuse ridicule, c’est faire de Montausier un amoureux plus ridicule encore. […] Le mariage de Julie de Rambouillet avec le duc de Montausier est un fait de si peu d’importance historique, qu’il ne mériterait pas qu’on en recherchât les circonstances, s’il ne concourait d’abord à marquer l’époque où la société de l’hôtel Rambouillet commença à se dissoudre, et ensuite à faire tomber les applications que nos biographes modernes lui ont faites, des traits lancés par Molière en 1650 contre Les Précieuses ridicules. […] Quand la société-mère se dispersa, les femmes ridicules qui étaient contenues par le grand nombre les autres, et surtout par la marquise de Rambouillet et sa fille, voulurent avoir à leur tour leur petit empire et leur petite cour. […] Toutefois, ce serait être injuste et aussi frivole que ces écrivains, dont l’observation n’a pas été plus loin que le ridicule des précieuses, de ne pas remarquer qu’elles eurent leur côté estimable, et ne servirent pas médiocrement au progrès de la socialité.
Il n’y eut point de ridicules au xviie siècle, Cousin l’a dit, et au xixe nous cousinons tous ! […] Courbet, Champfleury et leurs œuvres, il n’y a plus de précieuses ridicules ! […] il voudrait bien tirer ces pauvres victimes, après tout, de dessous les plaisanteries de Molière, — ces plaisanteries gravées sur un marbre éternel, et sous lesquelles le Titan du grand rire les a écrasées ; mais il craint que le ridicule qui pèse sur elles, par ricochet ne tombe sur lui. […] II La distinction de Livet entre les précieuses ridicules et les précieuses qui ne le sont pas, est essentiellement aristocratique. […] Plaisirs ridicules emportés par une guerre ridicule !
L’amour eût été ridicule dans leur bouche, autant qu’il doit plaire dans celle de nos excellentes actrices. […] Point d’amour au théâtre, s’écrioit-on ; point d’intrigue froide & ridicule ; point de M. […] On envisage ensuite le but de la comédie, qui est de représenter les ridicules des hommes. […] On ne s’attachera plus à peindre les sottises humaines, à jouer les ridicules qu’on remarque dans la société. […] Il ne paroissoit guère, à Athènes, de bonne tragédie qui ne fût tournée en ridicule.
Pour ne parler que de ces premières ébauches de comédies, on y trouve, au lieu de caractères, des situations ; au lieu des ridicules de la nature, les ridicules imaginaires ; au lieu de personnages, les types de certaines professions, un docteur, un capitan, un juge ; au lieu de la vraisemblance dans l’action, un auteur employant tout ce qu’il a d’esprit à la violer. […] Ce sont quatre comédies d’intrigue, même les Précieuses ridicules, quoique le fond en soit un portrait des mœurs du temps. […] Les galants emportent l’attache de ridicule que Célimène leur a mise au dos. […] Il y a d’autres vilaines gens dans son théâtre, et il ne les a pas ménagées ; mais la preuve qu’il ne leur en veut guère, c’est qu’il se contente de les rendre ridicules. […] La comédie voulait pourtant qu’il y eût du ridicule dans la pièce : Molière l’a mis tout entier du côté des dupes de Tartufe ; mais, comme pour ajouter à la force du préservatif, ce ridicule est à la fois si honteux et si odieux, qu’il a désormais contre lui notre conscience et notre vanité.