Il a toute raison de dire avec un juste sentiment de sa valeur : « Nous faisons notre art à travers notre métier. » Un autre petit finale d’article des plus achevés en son genre, qui me revient en mémoire, est dans le compte rendu des peintres anglais, à propos d’un tableau de Hook qui a pour sujet Venise telle qu’on la rêve. […] Un jour, les théâtres chômaient ; le courant dramatique était à sec ; il n’y avait pas à l’horizon, aussi loin que la longue-vue pouvait porter, la plus petite voile de vaudeville, pas un trois-mâts de mélodrame qui se laissât apercevoir ; Théophile Gautier s’en revenait de Neuilly par le bois de Boulogne, pensif, méditant son sujet de feuilleton, et tout résigné déjà à n’en pas faire : il entre au Jardin d’acclimatation, il visite l’Aquarium… son sujet est trouvé, et à peine arrivé au Moniteur, debout, sur le coin d’un bureau selon son habitude, il écrit de sa plus jolie écriture et au courant de la plume, sans rature aucune, ce feuilleton de l’Aquarium (9 décembre 1861) où tous les mystères sous-marins sont racontés, — un petit chef-d’œuvre de diction scientifique et descriptive. […] Ce sont les détails de toutes ces journées de marche qu’il faut lire : la première station à l’auberge très-suspecte du Soleil bleu, le guet-apens du brigand Agostin et cette attaque à main armée qui tourne en bonne humeur ; la rencontre du marquis de Bruyères, jeune gentilhomme aussi bien en point et aussi florissant que Sigognac est pauvre ; l’invitation et la réception des comédiens à ce brillant et confortable château de Bruyères, où ils donnent une représentation applaudie ; le congé et le départ bien rémunérés ; l’enlèvement volontaire de la soubrette à l’une des pattes d’oie du chemin ; puis la disette qui revient, la route qui s’allonge, la neige qui tombe, les rafales qui forcent le chariot de s’arrêter ; le pauvre Matamore, le plus maigre de la troupe, qui n’y peut tenir et qui succombe d’inanition et de froid ; la recherche qu’on fait de lui par ces steppes de neige, quand on s’est aperçu de sa disparition, son enterrement lugubre : — et cela s’appelle Effet de neige.
Chapelain ne perdait aucune occasion ce revenir à la charge, de faire valoir son ami, ou de l’excuser quand le cardinal s’impatientait de ne voir rien venir de ce fameux Dictionnaire, dont la première édition devait mettre encore plus de cinquante ans à paraître Chapelain à M. de Bois-Robert. […] Revenons vite à des idées moins lugubres et à ce qui a fait la réputation littéraire du plus galant homme d’entre les grammairiens. […] Le mot de Cour chez lui revient assez à ce qu’on a appelé depuis la bonne société.
Cette parole me revenait en lisant Émile et en assistant à l’analyse si ferme, si douloureuse et si ardente de cette situation profondément fouillée. […] L’estime est la plus forte de toutes les sympathies. » La religion n’est pas absente dans Émile ; sans parler de l’abbé de La Tour qui la représente dignement par la plus pure morale, le nom de Dieu y revient souvent et y est invoqué par la bouche d’Émile : « Il est impossible à l’homme qui médite souvent sur lui-même de ne pas remonter à la cause qui l’a fait naître ; toutes les grandes pensées aboutissent à Dieu… « Dieu existe ! Quiconque a reçu la faculté de sentir et de penser ne peut nier cette mystérieuse assertion ; mais quiconque aussi voudra prouver l’existence de Dieu ne pourra l’expliquer qu’à l’aide d’arguments que je m’abstiens de qualifier, parce que toutes les croyances doivent être inviolables, et qu’elles sont toutes sacrées pour moi tant qu’elles ne me sont point imposées. » Les religions, on le voit, y sont respectées dans leur formes et honorées dans leur principe : « Je crois que toutes les religions sont bonnes, je crois que, hors le fanatisme, toutes les erreurs des cultes obtiendront grâce devant Dieu, car notre ignorance est aussi son ouvrage… J’adopte toutes les idées religieuses qui peuvent élever l’esprit, je rejette celles qui le rétrécissent ; et s’il fallait décider entre toutes les religions établies celle qui me paraîtrait la meilleure, je répondrais : — La plus tolérante. » À un endroit où le fils abandonné se suppose forçant enfin la destinée par sa vertu, parvenant à percer par ses œuvres, et méritant que sa mère revienne s’offrir à lui comme fit un jour la mère de D’Alembert au savant déjà illustre, il y a une apostrophe pieuse, un mouvement dans le goût de Jean-Jacques : « Dieu !
En 1606, la Cour étant revenue résider à Madrid, Cervantes, qui suivait en fidèle satellite ses divers mouvements et révolutions, quitta Valladolid et alla s’établir là où était le soleil, un pâle soleil qui ne le réchauffait guère et dont pourtant il ne se plaignait pas trop. […] Cervantes était allé, pour changer d’air, à la petite ville d’Esquivias, pays de sa femme ; mais il revint peu après à Madrid sans avoir trouvé de soulagement et en sentant son mal empiré ; ce mal dont on ne dit pas le principe et le siège se traduisait par un hydropisie : « Il advint, cher lecteur, nous dit Cervantes, que deux de mes amis et moi, sortant d’Esquivias (lieu fameux à tant de titres, pour ses grands hommes et ses vins), nous entendîmes derrière nous quelqu’un qui trottait de grande hâte, comme s’il voulait nous atteindre, ce qu’il prouva bientôt en nous criant de ne pas aller si vite. […] Cette ancienne romance, qui fut célèbre dans son temps, et qui commence par : Déjà le pied à l’étrier, me revient à la mémoire, hélas !
Nous y reviendrons tout à l’heure. […] J’ai moi-même ici, tout récemment84, discuté trop à fond ce chapitre pour y revenir ; je me suis efforcé de montrer en quel sens et dans quelle juste mesure il convient de réduire Saint-Simon. […] Il m’en revient plus d’un à l’esprit en ce moment.
On peut dire qu’après le règne plus régulier et composé des xviie et xviiie siècles, nous sommes revenus, retombés, à quelques égards, dans un état analogue à celui du xvie , pour la confusion, la multiplicité. […] Bref, le jeune Siècle, déjà un peu vieilli, s’en revient, rapportant… quoi ? […] Un jour qu’elle descendait, accompagnée d’une de ses suivantes favorites, par un petit sentier très-rude que l’on montre encore, portant dans les pans de son manteau du pain, de la viande, des œufs, et d’autres mets pour les distribuer aux pauvres, elle se trouva tout à coup en face de son mari qui revenait de la chasse.
Combien de fois n’ai-je pas essayé de revenir, particulièrement au sujet de Théophile, le plus signalé d’eux tous ! […] Nombre de pages qu’il y a semées et qui me reviennent à la fois, par exemple, sur Ronsard pédant et poëte, sur le paganisme d’art au xvie siècle, sur ce que les Français ne sont pas une nation poétique, sur ce que les poëtes ne sont que rarement musiciens et réciproquement, etc., toutes ces pages se lisent avec plaisir et se retiennent ; elles sont suffisamment vraies ou auraient peu à faire pour le devenir. […] pourquoi ne reviendrait-il pas quelque jour, à loisir, sur ces études, la plupart trop improvisées ?
Il essaye de décomposer et d’expliquer la fortune d’André Chénier par toutes les raisons les plus étrangères au talent même et au charme de ses vers ; il côtoie complaisamment les suppositions les plus gratuites en finissant par les rejeter sans doute, mais avec un regret mal dissimulé de ne les pouvoir adopter : « On se demanda, écrit-il (lorsque ces Poésies parurent), si on n’admirait pas sous la garantie d’une muse posthume l’effort d’un esprit moderne ; si, sous la main d’un éditeur célèbre et poëte lui-même, telle épître ou telle élégie n’avait pas pu s’envoler d’un champ dans un autre, et sans qu’il lui fût bientôt permis de revenir à la voix de son premier maître. […] Ce nom de Philétas revient plus d’une fois dans Properce comme symbole du genre : Talia Calliope ; lymphisque a fonte petitis Ora Philetea nostra rigavit aqua. […] Ce qu’on pourrait faire, ce serait de comparer le sentiment de cette Jeune Captive qui ne veut pas mourir à l’Antigone de Sophocle qui le dit plus énergiquement et avec des cris désespérés, qui se plaint de s’en aller périr d’une mort misérable, non pleurée, non aimée, non épousée, ἄϰλαυτος, ἄϕιλος, ἀνυμέναιος… ; et elle revient plus d’une fois sur cette dernière idée.
Pour revenir à Jean Paul, il faut convenir qu’il serait difficile de trouver un plus grand allégoriste. […] Ces deux îles jetées aux deux extrémités de la terre, L’une aux mers d’Annibal, l’autre aux mers de Vasco, ces deux îles que le poète décrit si sombres et si terribles, où Napoléon a pu naître et mourir, où son ombre revient régner dans les tempêtes, et où viendront, à l’appel de son ombre, tous les peuples de l’avenir, ces deux îles sont le symbole de la fortune de Napoléon. […] Les pieds d’acier , les froides ailes , toutes les expressions qui étaient prises au propre reviennent au figuré.
Je reviens, pour un rapide salut, à M. […] Lucien Halande n’a que dix ans d’exil et il reviendra pour toujours à la terre maternelle : aussi n’est-il, avant son heureuse conversion, qu’un sceptique un peu agaçant. […] La fortune d’Hartevel résiste, mais le souci ruine sa santé : son cerveau s’affaiblit, il revient aux croyances de son enfance et meurt.
Tous les deux sont des politiques qui ont commencé par être écrivains ; ils ont passé par la littérature, ils y reviennent au besoin, ils l’honorent par leurs œuvres ; mais ils n’appartiennent pas à la famille des littérateurs proprement dits, à cette race qui a ses qualités et ses défauts à part. […] Quand un ouvrage est fait, il n’y revient guère ; il ne le reprend pas pour le revoir à loisir, pour le retoucher et le caresser, pour y réparer les parties inexactes ou faibles, les imperfections d’une rédaction première ; il passe à un autre. […] À travers les interruptions et les intervalles, il y a ceci de commun entre le début de 1826 et la reprise de 1850, qu’il publiait alors cette Histoire comme une leçon donnée au temps présent, et que c’est encore à titre de leçon donnée à notre temps qu’il y revient aujourd’hui.