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1576. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Le départ de Scaramouche ne fut qu’un prétexte ; il restait au Théâtre-Italien assez d’autres acteurs en état de jouer les Plaideurs, si l’auteur eût voulu employer leur ministère. […] Acomat force le sérail par un coup hardi, que la mort de Bajazet rend inutile ; il s’embarque avec ses amis et ses richesses ; et Atalide, restée seule en proie au désespoir, se donne le coup mortel. […] … Je suis content de vous, ma fille… — Iphigénie : Que ne restez-vous chez vous avec vos enfants ? […] — Agamemnon : Elle me perdra et d’autres avant moi. — Iphigénie : Vous êtes resté bien longtemps en Aulide ? […] Oui, tandis qu’on enlève aujourd’hui avec une espèce de fureur des nouveautés poétiques assez médiocres, seulement parce que l’auteur a un nom, l’Athalie de Racine resta dans la boutique du libraire.

1577. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Et l’on y restait englué pour la vie. […] Sauf ces quelques nuances, le fond est resté ce qu’il était ; les péripéties, les combinaisons, les types d’un usage éprouvé s’y retrouvent pour nous à l’état de vieilles connaissances ; et le but unique, le but suprême ; battre monnaie avec l’encrier, n’a fait que se préciser davantage. […] Il ne lui restait plus qu’à mettre ses manchettes ; c’était pour tout à l’heure, quand le feu serait allumé. […] Ce que deviennent ensuite ces rocambolades, l’impression morale qui doit en rester, le bien ou le mal qu’elles sont susceptibles de produire, la part plus ou moins forte qu’elles risquent d’avoir à la perversion des consciences et du goût publie : voilà des points qui ne les touchent guère. […] Il devrait se surveiller lui-même, s’imposer de bonnes habitudes d’esprit, une scrupuleuse attention à ne pas violer les règles élémentaires de la logique ; il devrait s’interdire le mensonge et la calomnie, présenter ses idées avec clarté, exercer par des discussions lucides et simples le jugement de ses lecteurs, à tout le moins rester fidèle aux grands principes qu’a consacrés la tradition morale de l’humanité, ne jamais glorifier la violation des lois, le faux, l’assassinat.

1578. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Fils aîné de la création, consubstantiel à la terre, il est resté plein d’elle en s’en détachant. […] Il restera durant de longs siècles, gisant et râlant dans les bas-fonds du Tarlare, sous le quartier de montagne qui lui broiera la poitrine. […] Les Océanides sont restées sur le rocher en détresse ; effrayées par instants, mobiles comme leurs ondes, suppliant Prométhée de se soumettre au plus fort. […] Les Océanides, restées fidèles à son agonie, lui apparaissaient comme les figures lointaines des Saintes Femmes, pleurant au pied de la Croix. […] Angoisses de l’homme luttant contre des lois implacables dont le plan échappe à sa vue, protestations de la conscience indignée par les triomphes du mal et l’injustice distributive de la destinée, alternatives d’immenses espérances et de désespoirs infinis, attente anxieuse d’un ordre meilleur qui recule à mesure que le pressentiment s’en approche ; Prométhée est resté le prophète permanent, la voix inextinguible de ces cris de l’âme.

1579. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Les images du passé qui restent dans la mémoire présente n’apparaissent pas comme affectées de repos et d’immobilité ; chacune est le résidu d’une série de pulsations et de changements ; et ce résidu conserve lui-même quelque chose de l’agitation première, de l’évolution dynamique qui a constitué la première perception125. […] Il est clair que les conditions dc tout phénomène précèdent ce phénomène ; que, si nous n’avions pas un cerveau capable de sentir, nous ne sentirions pas ; que, si nos sensations n’étaient pas successives, nous ne les sentirions pas successivement ; que, s’il ne restait rien de la première sensation lors de la seconde, nous n’aurions pas de mémoire ; que, si nous n’avions pas de mémoire, nous ne concevrions pas la succession des représentations ; mais les propriétés de nos représentations ne sont ni des propriétés a priori, ni des lois a priori, ni des intuitions a priori, ni (les formes a priori, pas plus que la forme de la vague n’est a priori par rapport à la vague. […] Toutes ces séries restent d’abord flottantes et discontinues dans son imagination, sa vie étant un rêve. […] Si, par impossible, vous videz complètement votre conscience de tout contenu sensitif ou appétitif, vous restera-t-il le temps ? — Il ne vous restera absolument rien.

1580. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Rose restée cent ans en bouton, sa gloire n’a fleuri dans toute l’ampleur de sa corolle que vers la fin du siècle dernier, mais depuis qu’elle ombrage la terre, depuis que, comme l’a dit Emerson, je crois, tout le monde intellectuel s’est shakespearisé, les critiques en masse se sont abattus sur le grand mûrier des bords de l’Avon pour en déchiqueter les feuilles gigantesques sous leurs analyses. […] ces différents travaux n’ont abouti à aucun résultat certain, même un des meilleurs, et peut-être le meilleur des critiques de Shakespeare, le poète Coleridge, qui a essayé plusieurs fois, avec une patience de Pénélope qui attend Ulysse, de reconstituer cet ordre chronologique, n’a pu nous éclairer par ce côté-là ce phénomène de production qui fut Shakespeare, dont la personnalité ne se démasqua jamais de son génie et qui est resté impénétrable pour son propre compte à travers le monde de personnages qu’il fit si merveilleusement parler ! […] Il fut un être moral quelconque, dont le degré de moralité est resté un secret entre lui et Dieu, un être dont nous n’avons vu passer que l’extrémité des passions ou des sentiments dans des traditions incertaines, mais ce fut à ciel ouvert un être de génie qui a déposé non pas le secret, mais la révélation de son génie en des œuvres splendides sur le compte desquelles il n’est pas permis de s’abuser. […] L’étude historique des caractères est encore du costume, — du costume, à la vérité, par son côté le plus profond et le plus élevé, — mais cette étude, si réussie qu’elle puisse être, restera toujours inférieure à l’étude de la nature humaine dans ses spontanéités les plus jaillissantes ou dans ses replis les plus enveloppés. […] ce qui fait l’originalité de la physionomie de Henri V, c’est que, tout sublime qu’il soit devenu sous l’influence de la fonction de Roi, il n’en est pas moins resté, au fond, l’être gracieux qu’il était dans sa coupable jeunesse, le séduisant d’esprit et de cœur que, malgré tous les emportements et les déportements de la vie, il était impossible de ne pas aimer.

1581. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Un grand nombre d’entre eux, néanmoins, parmi les moins hardis, restèrent attachés au sol, sous l’épithète trompeuse de « nouveaux convertis », attendant, en vérité, des jours meilleurs. […] Ce conseil se composait de deux théologiens et de deux jurisconsultes, dont les noms sont restés inconnus. […] La stoïque devise que les libres penseurs ont popularisée, c’est justement le fait de l’émigration protestante, bravant la mort et les galères, pour rester digne et véridique : Vitam impendere vero. […] N’est-il pas stupéfiant d’entendre dire à tel de ces critiques « membre du conseil supérieur de l’instruction publique » que « sa gloire si pure doit toujours rester une des religions de la France » ? […] Les noms des hommes qui assumèrent sur leurs têtes les conséquences d’une telle décision sont restés inconnus, sans doute le confesseur La Chaise fut l’un des théologiens ; quel fut l’autre ?

1582. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Cinq ans durant, dit-on, il resta ivre. […] alors tu vas rester ici et garder la porte à ma place, pendant que j’entre à ta place. […] C’est là tout ce qui restait de l’homme dans ce triste monde. […] Le fonds brutal était resté, l’écorce seule était unie. […] Je n’ose rester.

1583. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Qu’on se figure bien la difficulté pour un écrivain de la Suisse française, qui tiendrait à la fois à rester Suisse et à écrire en français, comme on l’entend et comme on l’exige ici. […] Obligé par métier de rester un grand nombre d’heures chaque jour dans une classe peuplée de nombreux garçons, M. […] Une épigraphe commune sert de préface à ces petits drames en caricature : « Va, petit livre et choisis ton monde ; car aux choses folles, qui ne rit pas bâille ; qui ne se livre pas résiste ; qui raisonne se méprend, et qui veut rester grave en est maître. » Mais, sans vouloir raisonner, et en croyant seulement consulter notre goût d’ici, j’avouerai que je leur préfère et je n’hésite pas à recommander surtout deux relations de voyages par M. […] Ce chapitre de réhabilitation est victorieux et restera dans l’espèce116 ; mais, pour commencer, on ne peut tout citer.

1584. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

L’ange se retire dans son inaccessible solitude ; Elsa, l’âme malheureuse, expire ; et nous restons sous l’impression navrante que l’idéal n’est qu’un rêve. — Après avoir achevé cette œuvre, Wagner tomba sous l’influence de la philosophie pessimiste de Schopenhauer, et cette influence se combine curieusement avec la phase la plus païenne de sa vie et de sa pensée. […] Il avait déjà touché au Saint-Graal dans Lohengrin, qui restera son chef-d’œuvre par la beauté de l’inspiration comme par l’harmonie de l’ensemble. […] Entre les drames d’Eschyle dont presque tout nous est resté par la conservation des paroles, et les drames de Wagner, il n’y a exactement pas plus d’analogie qu’entre l’Anneau des Nibelungen et les opéras de Verdi. […] MUNICH. — Dernier mot sur le cycle Wagnérien de septembre : le succès de Tristan aurait été encore plus grand que celui de la Tétralogie ; quelques Parisiens étaient restés à Munich pour cette représentation, entre autres, M. 

1585. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Nous restons donc en présence d’une vingtaine de meneurs que je ne veux pas nommer, car je ne compte pas leur faire une réclame que vous-même, mon cher Carvalho, ne leur ferez pas au détriment de vos intérêts et du repos de Paris. […] Paul Déroulède s’étant déclaré neutre, restaient MM.  […] S’il faut, au lieu d’une soirée artistique d’un haut intérêt, rencontrer une bataille entre fanatiques opposés, je préfère de beaucoup rester chez moi et relire Lohengrin au coin de mon feu. […]   Vous vous rappellerez sans doute, monsieur le directeur, que quand vous eûtes l’intention, si je ne me trompe, en 1881, de faire représenter Lohengrin à Paris, au théâtre des Nations, je fis tout ce qui était en mon pouvoir pour faire aboutir cette tentative, et vous savez que cette fois aussi, si j’ai cru devoir rester neutre vis-à-vis des passions trop excitées, je n’ai cependant pas pris une attitude hostile qui aurait pu me mettre en conflit avec les éditeurs d’Henry VIII, lesquels sont aussi ceux de Lohengrin.

1586. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Et si faible enfin est l’hérédité morale individuelle, même entre membres des peuplades autochtones restées presque pures dans les nations dont ils font partie, qu’il est impossible d’apercevoir des similitudes bien caractérisées entre leurs représentants artistiques et littéraires. […] Aucun motif tiré soit de l’hérédité, soit de l’ascendant du milieu, ne peut faire que dans une nation restée politiquement et socialement intacte, un artiste ou plusieurs en viennent à essayer d’imiter les productions d’artistes étrangers. […] Ni la race, ni le milieu, hostiles ou tout au plus indifférents à ces importations, n’ont pu pousser les artistes latins ou français à choisir à l’étranger des modèles, qu’ils ont altérés ou dépassés, mais dont l’influence est restée prépondérante. […] De même, en Angleterre et en Allemagne, au XVIIIe siècle, toute l’influence d’un milieu national restée absolument intacte et vivace, ne put empêcher l’aristocratie, les cours et les arts, de subir la mode étrangère.

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