C’est qu’il a trouvé sa vraie place ; cet esprit qui regorgeait de sensations et d’idées était né curieux, passionné pour l’histoire, affamé d’observations, « perçant de ses regards clandestins chaque physionomie », psychologue d’instinct, « ayant si fort imprimé en lui les différentes cabales, leurs subdivisions, leurs replis, leurs divers personnages et leurs degrés, la connaissance de leurs chemins, de leurs ressorts, de leurs divers intérêts, que la méditation de plusieurs jours ne lui eût pas développé et représenté toutes ces choses plus nettement que le premier aspect de tous les visages. » « Cette promptitude des yeux à voler partout en sondant les âmes » prouve qu’il aima l’histoire pour l’histoire.
Il n’y est point question de l’essence ni de la substance des choses ; la conception d’un substrat matériel, tel que nous le représente l’imagination, est mise de côté, ainsi que l’hypothèse invérifiable des atomes ; le mot de force n’y figure que comme expression d’un fait, le mouvement sous toutes ses formes.
Vous perdez votre temps à vous demander si la réalité de la nature ou du monde est plus fidèlement représentée par les moyens qu’ont à leur disposition la mouche, l’homme ou l’orang-outang. […] Il ne faut pas la copier, mais la représenter : et des symboles remplacent l’impossible copie. […] Certains héros sont, dans l’histoire, les représentants de certaines idées plus ou moins pures et préservées ; les foules représentent la fureur des idées : et le triomphe des héros n’est point assuré dans l’histoire plus que le triomphe des idées dans la réalité illogique. […] Et puis, quelle idée de représenter le peuple barbare sous les traits d’une femme ! […] Une bizarrerie de Cécile et de sa destinée l’empêcherait de ressembler à ces filles du peuple qu’elle a mission de représenter, car l’auteur a voulu qu’elle fût à la fois elle et bien d’autres.
On nous représenta Coppenhague & Stokolm, comme des lieux de société, où les modes françoises avoient pénétré, & changé les mœurs d’une maniere étonnante, en leur donnant une nuance parisienne. […] L’écriture nous les représente comme ayant le glaive en main, c’est-à-dire, toujours prêts à frapper les méchans. […] Comment cette princesse, en effet si grande & si magnifique dans sa maniere de représenter & de donner, pourroit-elle fournir à ses dépenses, sans la ressource du commerce ? […] Je vous avoue, monsieur, que ce plan m’amuse infiniment, & que déjà je me représente à l’heure de midi, toutes les maisons ouvertes, & sur toutes les tables dressées, des mets apportés par des traiteurs aussi propres qu’agiles.
Hugo, écrit-il, loin d’avoir en rien l’organisation grecque, est plutôt comme un Franc énergique et subtil, devenu vite habile et passé maître aux richesses latines de la décadence, un Goth revenu d’Espagne, qui s’est fait Romain, très raffiné même en grammaire, savant en style du Bas-Empire et à toute l’ornementation byzantine1. » Sainte-Beuve a dit encore de Victor Hugo : « Par manque de ce tact que j’appellerai grec ou attique, et qui n’est pas moins français, il ne recule jamais devant le choquant de l’expression, quand il doit en résulter quelque similitude matérielle plus rigoureuse qu’il pousse à outrance. » Enfin, après un éloge pompeux de la Cloche, une des plus belles œuvres de Victor Hugo, le maître critique conclut : « Ce beffroi altier, écrasant, où il a placé la cloche à laquelle il se compare, représente lui-même à merveille l’aspect principal et central de son œuvre : de toutes parts le vaste horizon, un riche paysage, des chaumières et des toits bizarres entassés. » J’aime la substance d’une pareille critique, mais non le ton aigre qu’elle prend, ni les circonstances où elle se produisit. […] « Il avait, dit George Sand, mille fois moins de talent pour écrire que Balzac ; mais, comme il en avait mille fois plus pour déduire ses idées par la parole, ce qu’il racontait admirablement paraissait admirable, tandis que ce Balzac racontait d’une manière souvent impossible ne représentait souvent qu’une œuvre impossible. » L’ouvrage une fois imprimé, c’était tout autre chose, et alors Balzac l’emportait singulièrement. […] Crois-tu que l’artiste est impie, qui osa représenter la déesse toute nue ? […] On se représente bien Homère aveugle et sans toit.
Ils représentèrent, en somme, la partie la plus saine et la plus acceptable du christianisme, celle qui tâchait d’accommoder des principes destructeurs aux nécessités de la vie. […] Et son œuvre, pourtant, que représente-t-elle ? […] L’implacable raison sociale représentée par Geneviève ne lui permet de se délasser l’esprit qu’après le règlement de toutes les affaires sérieuses.
Un sujet en galvano bronzé représentait Paul sous un palmier, la main droite au-dessus des yeux, regardant tous les jours vers la mer et le cher vaisseau qui ne ramènera Virginie que pour le naufrage et pour la mort. […] méprisées, exclusifs ou néants (si je puis forger ce participe pour les besoins de la cause) — clarté, netteté, dont mon cher ancien compagnon du Parnasse et de ma jeunesse représente bien, avec toutes ses qualités et ses rares défauts, le pour et le contre. […] La divine imagination de Shakespeare l’a généralement représentée sous une forme idéalisée et impersonnelle, telle Lady Macbeth, qui figure l’Ambition, Desdémone, l’être passif, la femme modeste, Ophélie, la jeune fille, au songe chaste : toutes sont des types — et combien différentes des femmes de Racine !
Dès la seconde page, Saint-Simon nous montre sa mère qui lui donne dès l’enfance de sages conseils et qui lui représente la nécessité, à lui fils tardif d’un vieux favori oublié, d’être par lui-même un homme de mérite, puisqu’il entre dans un monde où il n’aura point d’amis pour le produire et l’appuyer : « Elle ajoutoit, dit-il, le défaut de tous proches, oncles, tantes, cousins germains, qui me laissoit comme dans l’abandon à moi-même, et augmentoit le besoin de savoir en faire un bon usage sans secours et sans appui ; ses deux frères obscurs, et l’aîné ruiné et plaideur de sa famille, et le seul frère de mon père sans enfants et son aîné de huit ans. » Or, ne trouvant pas la phrase assez claire dans son tour un peu latin, l’édition de 1829 a dit : « Elle ajoutoit le défaut de tous proches, oncles, tantes, cousins germains, qui me laissoit comme dans l’abandon à moi-même, et augmentoit le besoin de savoir en faire un bon usage, me trouvant sans secours et sans appui ; ses deux frères étant obscurs, et l’aîné ruiné et plaideur de sa famille, et le seul frère de mon père étant sans enfants et son aîné de huit ans. » Me trouvant et deux fois étant sont ajoutés.
Venu à Paris, à Versailles, il y rejoignit son compatriote et camarade Bertin, qui sortait également des études ; ils se lièrent étroitement, et dans ces années 1770-1773 on les trouve tous deux membres de cette joyeuse et poétique confrérie qui s’intitulait l’Ordre de la Caserne ou de Feuillancour : « Représentez-vous, madame, écrivait Bertin dans son Voyage de Bourgogne, une douzaine de jeunes militaires dont le plus âgé ne compte pas encore cinq lustres ; transplantés la plupart d’un autre hémisphère, unis entre eux par la plus tendre amitié, passionnés pour tous les arts et pour tous les talents, faisant de la musique, griffonnant quelquefois des vers ; paresseux, délicats et voluptueux par excellence : passant l’hiver à Paris et la belle saison dans leur délicieuse vallée de Feuillancour 166 ; l’un et l’autre asile est nommé par eux la Caserne… » Et Parny, au moment où il venait de se séparer de cette chère coterie, écrivait à son frère, durant les ennuis de la traversée : « … Mon cœur m’avertit que le bonheur n’est pas dans la solitude, et l’Espérance vint me dire à l’oreille : Tu les reverras, ces épicuriens aimables, qui portent en écharpe le ruban gris de lin et la grappe de raisin couronnée de myrte ; tu la reverras cette maison, non pas de plaisance, mais de plaisir, où l’œil des profanes ne pénètre jamais… » C’est ainsi, je le soupçonne, si l’on pouvait y pénétrer, que commencent bien des jeunesses, même de celles qui doivent se couronner plus tard de la plus respectable maturité ; mais toutes ne s’organisent point aussi directement, pour ainsi dire, que celle de Parny pour l’épicuréisme et le plaisir.
Là, tandis que le ciel du Midi brillait de son pur éclat, ou que par un temps de pluie, sur les rives de l’Orénoque, la foudre en grondant illuminait la forêt, nous avons été pénétrés tous deux de l’admirable vérité avec laquelle se trouve représentée, en si peu de pages, la puissante nature des tropiques, dans tous ses traits originaux.
Ce néologisme s’entend aisément ; mais ce qu’il représente n’est pas très facile à déterminer, car le moderne change insensiblement, et puis ce qui est moderne est toujours superposé ou mêlé à ce qui ne l’est point ou à ce qui ne l’est déjà plus.