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29. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Ne peut être rendu par un peintre. […] Un poëte peut nous rendre presqu’aussi sensibles aux malheurs d’un prince, dont nous n’entendîmes jamais parler, qu’aux malheurs de Germanicus, et cela par le caractere grand et aimable qu’il donnera au heros inconnu qu’il voudra nous rendre cher. […] Or le poëte ne sçauroit rendre cette diversité sensible dans ses vers. […] Des exemples rendront encore notre reflexion plus facile à concevoir. […] L’émotion de ces assistans les rend, pour ainsi dire, des acteurs dans un tableau, au lieu qu’ils ne seroient que de simples spectateurs dans un poëme.

30. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre X. De la simplicité du style »

Quand on sait grouper les mots de façon que chacun d’eux prenne toute la valeur dont il est susceptible, on peut les rendre moins gros et les ajuster davantage à sa pensée. […] Faute de connaître l’étendue et l’énergie d’un mot, on s’imagine que l’usage domestique et quotidien qu’on en fait le rend incapable de tout autre emploi, et dès qu’on quitte les pensées vulgaires et terre à terre, on cherche des mots relevés et extraordinaires. […] Ils doivent s’adapter aux idées, et les rendre exactement, par conséquent simplement. […] Même si l’idée est fine, subtile, le style sera fin et subtil, en restant simple : Marivaux même, en dépit de sa réputation, parle souvent avec simplicité, parce qu’il rend de la seule façon possible, par les termes les plus exacts et les plus nécessaires, des pensées infiniment délicates et complexes. La simplicité n’exclut donc ni la grandeur ni la finesse du style ; elle permet les plus sublimes élans et les délicatesses les plus raffinées : mais elle veut que l’on mesure tout à la pensée et au sentiment qu’il s’agit de rendre.

31. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

« Repoussé ou peu agréé dans le principe du côté universitaire, Dübner trouva un empressé et généreux accueil parmi les membres de l’enseignement libre, qui surent apprécier aussitôt son utilité et les services qu’il pouvait rendre. […]  » Il aimait la guerre, il la faisait et on le lui rendait. — Si par là l’on entend diviser le procès, mettre les parties dos à dos et partager jusqu’à un certain point les torts, je ne demande pas mieux et je n’ai rien à opposer. […] Il voulait être un des premiers à jouir de cette découverte ; il tenait à la faire valoir, à la rendre viable, offrait et, au besoin, imposait son concours, et cela sans arrière-pensée, avec une modestie admirable, cherchant ensuite à s’effacer, et uniquement par amour de la science. […] C’est là un hommage mérité que je me plais à rendre à la mémoire de Dübner, bien persuadé que je ne serai pas démenti par tous ceux qui l’ont pratiqué un peu intimement. […] Dübner avait de près ses travers et ses défauts que vous me faites observer mais ce qui demeure, ce sont les services effectifs rendus à la littérature grecque, services que commencent seulement à rendre aujourd’hui à leur tour les Thurot, Tournier, Pierron, etc.

32. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

Les organes contractent sans peine durant ces années, toutes les habitudes dont leur premiere conformation les rend susceptibles. […] La nature des eaux de l’Hipocrene, ne les rend pas encore bien propres à éteindre de pareils incendies. […] Les poëtes dont l’apprentissage n’est pas aussi difficile que celui des peintres, se rendent toujours capables de remplir leur destinée. […] Tout le monde sera de mon avis, quand j’avancerai que Moliere n’auroit jamais pris la peine necessaire pour se rendre capable de produire les femmes sçavantes, ni celle de composer ensuite cette comédie, après s’être rendu capable de le faire, s’il se fût trouvé un homme de condition, en possession de cent mille livres de rente dès l’âge de vingt ans. […] Il se seroit bien rendu capable de composer une éneïde, mais on peut croire qu’il n’auroit pas eu la perseverance necessaire pour terminer un si long ouvrage.

33. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

On a vu le despotisme, non seulement arrêter la pensée sur les lèvres, mais l’empêcher de naître ; on l’a vu se rendre maître des âmes : il n’y a pas d’exemple qu’il se soit rendu maître de l’argent. […] Venu au monde bon et libre, c’est la société qui le rend esclave et méchant. […] Ne menez pas l’enfant à l’église ; vous le rendriez impie. […] Sa défiance finit par rendre les gens défiants. […] Pour les deux premiers, il en rend responsable la morale du monde où il vivait.

34. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

et ne voit-on pas, en revanche, des sujets admirables par une pensée noble et élevée, qui sont rendus d’une manière triviale ? […] Quand on arrive comme moi dans un pays dont on veut rendre le caractéristique, avant de pouvoir le rendre, il faut faire un véritable travail long et pénible. […] Je crois qu’il est plus facile de trouver chez les artistes des choses faites bien spirituellement et vite, que des idées profondes rendues avec science et sentiment. […] Un coin de roman et de haute ambition de cœur s’était secrètement logé en lui, et, recouvert en silence, lui rendait fastidieux tout le reste. […] [NdA] Il s’en rendait encore si peu compte en juin 1829, qu’à cette date il écrivait à M. 

35. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Les autres auteurs remarqués pour leurs jugements ou leurs comptes rendus de Salons, M.  […] Ce sont là de ces comptes rendus qui parlent et qui vivent. […] Il rend cet objet sans réagir et le réfléchit sans lui résister. […] « Ce n’est pas la nature qu’il faut rendre, mais l’apparence et la physionomie de la nature. […] Le compte rendu de Giselle par Gautier est sous la forme d’une lettre adressée à Heine.

36. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

On croit que le premier Français à qui on rendit cet hommage, fut le célèbre Du Guesclin. […] Ce fut lui qui défendit Metz contre Charles-Quint, qui rendit Calais à la France, et combattit avec succès l’Espagne, l’Angleterre et l’Empire. […] Tel est l’hommage qu’au bout de 190 ans la reconnaissance des peuples rend encore aux vertus des rois. On ne peut comparer cette espèce de culte qu’à celui que les habitants de l’ancienne Rome rendirent à la mémoire d’Antonin. […] Le parlement de Paris s’y rendit par députés.

37. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 2, du génie qui fait les peintres et les poëtes » pp. 14-24

En effet, l’extrême lassitude et l’épuisement, qui suivent une longue contention d’esprit, rendent sensible que les travaux d’imagination font une grande dissipation des forces du corps. […] L’experience prouve suffisamment que tous les hommes ne naissent pas avec un génie propre à les rendre peintres ou poëtes : nous en voïons qu’un travail continué durant plusieurs années, plûtôt avec obstination qu’avec perseverance, n’a pû élever au-dessus du rang de simples versificateurs. […] L’homme dépositaire d’un pareil génie, ne le sçauroit mettre en evidence sans être appellé aux emplois ausquels ce génie le rend propre, et il meurt souvent avant qu’on les lui ait confiez. […] Enfin les vertus rendent bien capable des grandes places, mais il arrive souvent dans tous les siecles qu’on n’y puisse parvenir que par des bassesses et par des vices. […] Combien d’hommes illustres en toutes sortes de professions, ont appris les premiers élemens des professions qui les ont rendus si célebres, de maîtres qui n’acquirent jamais d’autre réputation que celle de les avoir eu pour éleves.

38. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Jamais guerriers d’une âme plus haute ne se rendirent chez un roi en plus superbe façon. […] Je désire que mes maîtres, après avoir pris congé, se rendent à la cour d’Etzel. […] Si elle passe devant nous, rendons-lui honneur, c’est une femme noble. […] Je veux vous dire comment elle se rendit au banquet. […] Rendre à une race son origine, c’est lui rendre son histoire.

39. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Mon amie (madame de Coulanges) me mande qu’on n’aborde plus la dame sans crainte et sans respect, et que les ministres lui rendent la cour que les autres leur font. […] On se persuada aisément qu’après avoir rendu furieux et irréconciliables des malheureux qu’on n’avait pu exterminer, le moyen le plus sûr de n’avoir rien à craindre d’eux était de les chasser. […] Sans doute, après la mort de Marie-Thérèse, la religion, qui faisait encore obstacle aux désirs du roi, lui offrait aussi le moyen de les satisfaire mais ce n’était pas la religion qui l’avait rendu dès longtemps amoureux de madame de Maintenon. […] Le roi vit pour la première fois une taille parfaite, les plus beaux bras et le plus beau cou du monde… La vive rougeur de madame de Maintenon rendait en cet instant sa figure éblouissante ». […] Il est fort probable que pour déterminer le roi à l’employer comme moyen, madame de Maintenon fit tout ce qu’elle put et laissa faire tout ce qui concourait à rendre l’obstacle assez puissant pour rendre le moyen nécessaire.

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