Si on lit son livre après celui d’un autre que nous allons nommer, on reconnaît, en son ouvrage, bien moins présente la Correspondance qu’il affirme que la vieille biographie de Southey dont il ne parle pas. […] Forgues a lissé, je le reconnais, et toiletté, les plumes qu’il a prises à Southey, mais enfin il les a prises, et j’aurais mieux aimé les siennes. […] Mais ce n’est pas tout : j’y reconnais jusqu’aux points de vue particuliers et aux expressions individualisantes qui appartiennent à l’historien et sont la seule originalité possible en Histoire, quoique ces points de vue et ces expressions soient infiniment rares dans Southey, esprit pompeux et vide. […] Son gouvernement le breveta de génie et lui mit le harnachement poétique ; mais, sous les caparaçons officiels, on reconnaissait toujours l’indigente nudité de cette majestueuse figure d’Académie, comme on dit dans les Écoles de dessin, laquelle se faisait feuille de vigne avec sa branche de faux laurier. […] Jamais elle ne reconnut un tel maître.
Or bien, si vous voulez savoir, — car la vie ne se discute point, — combien il est aisé de reconnaître la présence ou l’absence de la vie, dans un livre où magnifiquement elle abonde et dans un livre où elle n’est pas, comparez seulement l’œuvre de Balzac à l’œuvre de M. […] En règle stricte, on ne doit jamais abdiquer sa personnalité en littérature, et j’en reconnais à M. […] Gautier, je ne la reconnais point dans le livre du Capitaine Fracasse. […] Je n’y ai pas reconnu le poëte dans le rabâcheur des mêmes images et des mêmes comparaisons qu’on y trouve. Je n’y ai pas reconnu non plus l’écrivain au vaste dictionnaire dans le recureur d’une vingtaine de mots tombés en désuétude, entre lesquels il roule la langue de tout le monde, et c’est surtout cette disparition totale de l’écrivain et du poëte, dont l’union donne M.
Reconnaîtrions-nous ce qui se déroule si nous ne connaissions pas ce qui est encore enroulé ? […] Je reconnais celui-là, je vais donc sûrement reconnaître celui-ci. Ainsi je me trouve sans cesse, vis-à-vis de ce qui est sur le point d’arriver, dans l’attitude d’une personne qui reconnaîtra, et qui par conséquent connaît. […] Comme on reconnaît chaque mot dès qu’on le prononce, on sent qu’on le tient avant de le prononcer, et pourtant on ne le retrouve qu’en le prononçant. […] Supposons que tout à coup l’élan s’arrête : le souvenir rejoint la perception, le présent est reconnu en même temps qu’il est connu.
L’exposition Bodinier Si, flânant dans la rue, lorsque rien ne vous presse, vous ne vous êtes jamais arrêté devant les vitrines où sont exposées les photographies des comédiens et des comédiennes ; si vous n’avez jamais pris un plaisir absurde, mais vif, à les reconnaître, depuis M. […] S’il en était ainsi, Monval aurait tout de suite reconnu, l’année dernière, la mâchoire de l’auteur du Misanthrope. […] Or, Monval lui-même n’a pas osé la reconnaître : c’est un fait. […] le diable lui-même ne s’y reconnaîtrait pas), — nous ne saurions trop les fêter pendant que nous jouissons d’eux, ni leur tresser trop de couronnes, ni trop multiplier ce que nous prenons pour leurs figures, ni trop les décorer, ni trop les gorger de louanges et d’honneurs, — dussions-nous pour cela faire violence à leur inexorable modestie.
Parallèlement on a reconnu que la réclame murale faite pour être vue, non lue, comporte les plus brèves et les plus voyantes mentions. […] Or, sans hésitation je reconnais, et toute personne ayant regardé quelques estampes reconnaîtra, que de ces quatre œuvres celle de Lautrec et celle de Bradley sont d’un art très supérieur.
Cette publication, en effet, ajoutera-t-elle beaucoup aux mérites reconnus et à la renommée d’Alexis de Tocqueville ? […] On y reconnaît l’écrivain de la Démocratie en Amérique, diminué de cela seul qu’il s’applique à un sujet moins neuf. […] Nous sortons des Œuvres inédites pour entrer dans la Correspondance, qui est le fond réel et sérieux de cette publication, et nous n’avons plus devant nous que le Tocqueville connu, et qui n’est pas couleur de rose, le Montesquieu du xixe siècle pour la vieillesse de Royer-Collard, devenue indulgente ; car c’est un singulier Montesquieu, il faut le reconnaître, qu’un Montesquieu fluide et pâlot, sans épigrammes et sans facettes ! […] Prenez et lisez-en une page au hasard, sans dire le nom de l’auteur, et je défie qu’on reconnaisse plus le style d’Alexis de Tocqueville que le style d’un autre ! […] Voilà pour la forme, c’est-à-dire pour ce qui fait la vie des livres et leur durée, quand les idées sur lesquelles ils reposent sont décrépites ou mortes ; mais pour le fond, c’est aussi les idées de tout le monde qui lui créent son originalité, à ce penseur, comme c’est la courte vue de tout ce monde qui se chausse de lunettes d’écaille qu’il promène sur les événements contemporains et la politique, qui devait les dominer… Seulement, penser et parler comme tout le monde pense et parle à une certaine hauteur de société, explique peut-être suffisamment aux esprits profonds que tout ce monde, qui se reconnaît en de Tocqueville, lui ait fait un honneur si exceptionnel !
Même au temps de Buffon, les Portugais ne reconnaissaient pas un homme dans le nègre, et plus d’un philosophe était de leur avis. […] Dans Descartes, l’âme se révèle d’abord à elle-même, puis reconnaît Dieu, son auteur ; après quoi, regardant son enveloppe, elle la distingue de soi, mais sans l’affirmer, tant il lui est impossible d’être assurée d’une autre existence que la sienne. […] On reconnaît là son point faible : trop de confiance dans la vue de l’esprit, et l’observation négligée comme le petit côté du naturaliste. […] Elle ne reconnaît pas, dans les animaux du Nord, des animaux du Midi qu’aurait séparés du lieu de leur population primitive le déchirement des continents. […] Je reconnais là l’orgueil du siècle et l’orgueil de l’écrivain.
Je me garderai de rechercher dans l’histoire les griefs respectifs de ces deux forces : s’il y avait quelque logique dans les choses humaines, elles auraient toujours marché d’accord et reconnu la communauté de leurs intérêts ; au lieu de cela, elles n’ont jamais eu l’une pour l’autre assez de critiques acerbes, et, aujourd’hui, leur hostilité, il faut bien le reconnaître, est plus marquée que jamais. […] Chaque époque — la nôtre comme les autres — produit, à côté d’une foule d’œuvres qui dépendent de la mode du moment et disparaissent avec elle, quelques œuvres d’une portée plus, sérieuse, destinées à survivre un temps plus ou moins long, dignes en tout cas d’être examinées et reconnues : les écrivains sont trop disposés à consacrer par des admirations exagérées les productions éphémères dont ils subissent l’attrait ; l’Université englobe trop souvent dans le même mépris les écrits insignifiants et les œuvres durables. […] De son côté, avec plus d’indulgence, l’enseignement officiel serait un guide plus sûr pour les jeunes gens ; et, en reconnaissant et en leur laissant reconnaître ce qu’il y a de bon dans les efforts contemporains, il leur épargnerait peut-être bien des faux pas et bien des erreurs. […] On la reconnut dépendante de toutes les circonstances qui gouvernent son auteur, du milieu, du pays, du climat, du moment, de la race. […] Je dis l’illusion, Messieurs, car si vous examinez le mouvement littéraire, artistique et intellectuel du Moyen-Âge, vous reconnaîtrez bientôt que cette nuit n’était pas aussi obscure qu’on a voulu le dire et que, si le courant était tout autre que celui qui devait triompher par la suite, il avait sa force, sa grandeur et sa beauté.
En laissant de côté la physique et les explications particulières, en ne s’attachant qu’à ce que j’appelle les idées, il est aisé de reconnaître dans Pline un philosophe, un esprit supérieur à la plupart des choses qu’il va enregistrer. […] Cet éloquent regret revient en plus d’un endroit, bien qu’ailleurs il reconnaisse aussi les facilités et les bienfaits que l’on doit à cette unité pacifique de l’Empire. […] Lysandre, ayant demandé alors les noms des citoyens nouvellement morts dans Athènes, y reconnut aussitôt celui que le dieu voulait désigner, et laissa faire en paix ses funérailles. […] Cuvier insiste moins que Buffon sur les mérites littéraires et philosophiques de Pline ; il les reconnaît pourtant, et fait la part de tout avec une stricte mais incontestable justesse. […] Cette manière de penser en grand leur a échappé, et Buffon seul l’a reconnue ; il a eu, en jugeant Pline, de ces mots qu’aucun autre que lui n’aurait trouvés.
Taine le reconnaît. […] Renan est conduit à reconnaître l’existence d’un je ne sais quoi dans la nature et dans l’homme. […] Il faut reconnaître que non ; c’est sur ce terrain, c’est sur la définition de Dieu que M. […] Je le regrette ; mais partout où je reconnais les vestiges du divin Platon, je reconnais aussi une âme poétique, religieuse, amie du beau éternel, d’une race profondément différente de la race des athées. […] Reconnaissons de bonne foi ce qui nous manquait.
Il est des esprits chagrins qui ne regardent jamais un tableau qu’avec le désir d’y reconnaître des fautes de dessin, qui ne prennent jamais un livre qu’avec l’espoir d’y découvrir des incorrections de style. […] Malheureusement, il n’est point de pays où la fausse monnaie ait plus de cours que dans le domaine de la littérature, et nous reconnaissons avec peine que de nos jours la saine et bonne critique est au nombre des réformes de notre siècle réformateur. […] L’une reconnaît plus vite la réalité du mérite dans un ouvrage, l’autre en découvre plus aisément la fausseté. […] À quel signe reconnaître le véritable goût ? […] Lorsque nous voyons les hommes de tous les pays et de tous les siècles reconnaître hautement qu’une chose est grande et belle, elle l’est réellement.