La raison doit collaborer avec les passions. […] Est-ce la raison ? […] « Ma raison me dit, ma raison m’affirme, ma raison est arrivée à découvrir… » Il y a une logique à peu près universelle, il n’y a que des raisons absolument individuelles. […] Il avait dit que le libéralisme était la prétention dans chaque homme de penser par lui-même sans aucun contrôle et de préférer sa raison à la raison commune, et que c’est là un commencement de folie ; car la raison individuelle n’existe pas et la raison commune existe seule ; et il était réduit à sa raison personnelle, et la préférait décidément à la raison commune. […] Il doit y avoir à cela une raison ; mais une raison élevée, une raison philosophique, une raison qui se rattache au plan du monde, une belle raison. » Il a essayé de la trouver, dans son âge mûr.
Parce que je soutiens-et tout se ramène là, en effet-que poésie n’est pas raison, il me reproche de « jeter l’anathème à la raison ». […] Si elle s’ajoute à la raison, c’est qu’elle n’est pas la raison. […] Cette « beauté », pour parler sa langue, « qui s’ajoute à la raison », ne peut pas ne pas être autre chose que la raison. […] La raison est sa bête noire. […] Ce sens, on ne le définira jamais qu’en le distinguant de la pure raison.
On y demandait, comme dans nos tribunaux, plus de raisons que de pathétique ; et les juges d’Athènes, ainsi que les nôtres, eussent fait perdre à Cicéron la plupart des causes qu’il avait gagnées à Rome. […] Je ne sais par quelle raison tant d’écrivains modernes nous parlent de l’éloquence des choses, comme s’il y avait une éloquence des mots. […] Ne serait-ce point par cette raison qu’il est rare de lire de suite et sans dégoût un long ouvrage en vers, et que les charmes de la versification nous touchent moins à mesure que nous avançons en âge ? […] un philosophe rigide ne balancerait pas ; la raison est son maître, je dirais presque son tyran. […] La sévérité de la controverse rejette et proscrit tout ce qui n’est pas preuve et raison ; instruire et convaincre, voilà son unique objet.
Ces deux idées contradictoires en présence lui posaient une sorte d’énigme oppressante et douloureuse : sa raison approuvait et se révoltait à la fois dans une même cause. […] Cette raison grave, cette conscience parfaite, ne traçait autour d’elle aucun cercle factice pour s’y enfermer. […] Aucun faux scrupule, aucune tradition superstitieuse ne gêne sa raison sagace dans ce délicat examen. […] » Et de ce ton de douairière du Marais qu’elle affectionne : « La manie de votre âge, dit-elle en terminant, est de vouloir faire entendre la raison aux hommes : l’expérience du mien enseigne qu’il est plus sûr de les y laisser revenir ; que le temps les ramène d’ordinaire à la raison et à la vérité ; mais que la raison et la vérité n’ont presque jamais convaincu personne. » Cet esprit si expérimenté et si sûr, qui débute par où d’autres sages finissent, patience ! […] Ainsi le combat allait bien à cette âme ; elle naissait à la passion sérieuse du vrai, à la chaleur de la raison.
Ce qui distingue Pascal, ce n’est pas la force de sa raison, car souvent il voit faux ; ce n’est pas non plus la pureté de sa foi, car souvent elle est troublée. […] Le dix-huitième siècle, qui avait bien ses raisons pour ne pas aimer la poésie, l’a assez insolemment toisé du bas de sa prose, de sa raison et de sa froideur ! […] Voltaire, Voltaire, qui se croyait avec raison plus philosophe que poëte, eut les pitiés les plus impertinentes pour Pascal. […] S’il l’était, c’était de cette folie dont il faut avoir trois quarts avec un seul quart de raison, pour être un homme de génie, disait M. Royer-Collard et cette folie-là, avec ses trois quarts de raison, Voltaire ne l’avait pas !
La raison s’en offre d’elle-même. […] La raison en est évidente. Nous portons au théatre une raison et un coeur. […] C’est à la raison à décider. […] Vous n’avez fait ni l’un ni l’autre ; et la raison ne vous l’a pas permis.
5º Quel est le gouvernement le plus propre à développer en lui et dans le peuple, la raison publique ? […] Aussi nos historiens en ont fait grand usage, et avec raison. […] Confucius résume en lui seul la raison d’un hémisphère. […] Et cela simplement parce qu’il était l’homme de plus de bon sens qu’il y eût dans l’empire et dans le siècle, la raison vivante et enseignante. […] Nous poursuivrons, dans le prochain Entretien, l’étude de la raison en Chine.
La question même implique déjà une solution anticipée, qui est la loi primitive et fondamentale de la raison. […] Si tout le monde a raison, tout le monde a tort, puisque tous se contredisent : ou plutôt on n’a ni tort ni raison, et le vrai et le faux vont se perdre dans l’abîme de l’absolue indifférence. […] Admet-on que la raison atteint l’absolu, si peu que ce soit, c’est Kant qui a tort. Admet-on au contraire qu’elle ne l’atteint pas, c’est Kant qui a raison, et tous les autres ont tort. […] Par la même raison qu’elle s’est développée dans le passé, elle doit se développer encore dans l’avenir.
Plus les hommes sont médiocres, plus ils mettent de soin à s’assortir ; ils repoussent loin d’eux la raison éclairée, comme quelque chose d’hétérogène avec leur nature, et qui doit être éminemment nuisible à leur empire. […] Montesquieu, quoique avec plus de ménagement, sut montrer, quand il le fallait, la hardiesse de la raison. […] Il ne faut pas prétendre, en apportant le vieil esprit des cours dans la république nouvelle, qu’il y ait en administration quelque chose de plus nécessaire que la pensée, de plus sûr que la raison, de plus énergique que la vertu. […] On se livre à l’étude de la philosophie, non pour se consoler des préjugés de la naissance qui, dans l’ancien régime, déshéritaient la vie de tout avenir, mais pour se rendre propre aux magistratures d’un pays qui n’accorde la puissance qu’à la raison. […] La raison n’a rien à craindre de la raison, et les esprits philosophiques fondent leur force sur leurs pareils.
Notre littérature est comme l’image vivante de ce gouvernement de toutes les facultés par la raison. On y voit l’homme tout entier, son imagination, ses sens, sa raison ; car, où l’une de ces choses manque, il n’y a point de vie mais la raison gouverne. […] Si l’imagination, dans notre pays, changeait de rôle, et si d’auxiliaire de la raison elle devenait maîtresse, nous perdrions la raison de Descartes et de Pascal, sans acquérir les grâces de l’imagination de Platon. […] Je sais bien que, dans les langues à inversion, la raison finit le plus souvent par trouver son compte. […] L’inversion sied bien aux peuples chez qui l’imagination et la sensibilité dominent la raison.
Aux trois âges répondirent encore trois espèces de jurisprudences appuyées d’autant d’autorités et de raisons diverses, donnant lieu à autant d’espèces de jugements, et suivies dans trois périodes (sectæ temporum). […] Le troisième âge fut celui de la nature humaine intelligente, et par cela même modérée, bienveillante et raisonnable ; elle reconnaît pour lois la conscience, la raison, le devoir. […] La Providence voulut que les premiers peuples naturellement fiers et féroces trouvassent dans leur croyance religieuse un motif de se soumettre à la force, et qu’incapables encore de raison, ils jugeassent du droit par le succès, de la raison par la fortune ; c’était pour prévoir les événements que la fortune amènerait qu’ils employaient la divination. Ce droit de la force est le droit d’Achille, qui place toute raison à la pointe de son glaive. En troisième lieu vint le droit humain, dicté par la raison humaine entièrement développée.