Dante combine et calcule ; Newton rêve. […] Le rêve qu’on a en soi, on le retrouve hors de soi.
Et n’établit-elle pas ainsi la norme même du rêve, rapport mystérieux entre ce qui est nous et ce qui est tout, entre la vie individuelle et la vie universelle ? […] Et n’est-ce pas à ces fins que nous ont préparés tous nos glorieux devanciers, grands initiés de tous les âges, prophètes et voyants, grands émancipateurs de la conscience humaine, dont nous ne pouvons évoquer le souvenir sans une étreinte au cœur, mais dont le verbe puissant sonne si haut tout au fond de notre rêve, que nous levons la tête pour les suivre ?
Il y aura toujours une chose qu’il préférera aune femme ou à des enfants : son art ou son rêve ; à ce rêve il sacrifiera, invinciblement et ingénument, les cœurs dont il est aimé. […] Ses poèmes dialogués sont de la quintessence de drame dans du rêve. […] Il y a un bois, et il y a une belle dame qui rêve, comme l’indique le titre. […] Dans ses dernières années, elle racontait un rêve qu’elle avait fait : « J’étais morte. […] On l’a vu pareillement dans le Bonheur des dames et dans le Rêve.
Et voici commencer le rêve de Shakespeare. […] Ces trois mots réunis : « Thésée, duc d’Athènes », ouvrent toute grande la porte du rêve. […] cette vie est elle-même un si pénible rêve ! […] Le romanesque est surtout un rêve moral, et il se passe de l’expression plastique. […] La veillée criminelle n’a été qu’un mauvais rêve.
Ô rêves reposée de langueur et de charme, Ô calmes songes !
Hérold, âme droite et sereine, amant des formes eurythmiques, et de qui la phrase souple et légère ondoie d’une harmonie personnelle, adéquate à son rêve, et telle que son style, suivant le juste critérium de Paul Adam, peut être dit excellent.
Est-il un fol qui veuille Faire le joli rêve, Faire la jolie cueille Des lèvres ?
En écoutant une de ces ouvertures bien écrites par Mozart, par Rossini, par Meyerbeer ou par leurs émules, on dirait qu’un sylphe de l’air a entendu avant vous l’opéra que vous allez entendre, ou qu’il en a retenu seulement quelques motifs, et qu’il s’amuse comme un enfant en rêve à en balbutier en se jouant des notes éparses aussitôt interrompues par un autre souvenir qui brise son balbutiement sur ses lèvres pour lui en suggérer un autre. […] Il était arrivé à cette heure suprême de la vie d’un grand artiste, où sa main peut écrire couramment sous la dictée de son cœur, et réaliser, comme il disait, les rêves de son génie. » Son esprit profondément religieux, sa piété naïve, semblaient pressentir confusément l’approche d’une révolution qui viendrait détruire tout ce qu’il adorait. […] Écoutez ce rêve éveillé : « Un bruit assourdissant, le cri répété : “Le théâtre commence ! […] C’était comme l’accomplissement longtemps attendu de mes plus doux rêves, comme la réalisation de mes pressentiments les plus secrets. […] Laisse-moi pénétrer dans le cercle de tes ravissantes apparitions ; puissent les rêves qui tantôt m’inspirent l’effroi, et tantôt se changent en messagers de bonheur, tandis que le sommeil retient mon corps sous des liens de plomb, délivrer mon esprit et le conduire aux plaines éthérées !
Rousseau ou de Proudhon contre l’ordre social, un rêve de liberté absolue se faisant à elle-même sa propre législation par l’énergie du cœur et par la force du bras. […] Une correspondance assidue entre la jeune fille et le majestueux poète nourrit ces deux imaginations de rêves brûlants d’un côté, tièdes de l’autre. […] La maison que tu habites avait disparu déjà dans le lointain ; je me rappelais tout alors : comment, la nuit, tu t’étais promené avec moi dans le jardin ; comment tu souriais quand je t’expliquais les formes fantastiques des nuages et mes beaux rêves ; comment tu écoutais avec moi le murmure des feuilles au vent de la nuit. » On croit véritablement entendre les confidences de Daïamanti au dieu son amant, dans une scène des drames indiens ; l’imagination allemande est teinte des eaux du Gange. […] … » Goethe répond par des sonnets froids et compassés comme des politesses allemandes à ces rêves de jeune cœur. Le rêve se poursuit aussi coloré et aussi tendre pendant deux volumes.
Année 1874 1er janvier 1874 Je jette dans le feu l’almanach de l’année passée, et les pieds sur les chenets, je vois noircir, puis mourir dans le voltigement de petites langues de feu, toute cette longue série de jours gris, dépossédés de bonheur, de rêves d’ambition, — de jours amusés de petites choses bêtes. […] Et dans la réverbération brûlante des deux fleuves, ivre de lecture et d’alcool sucré, — et myope comme il l’était — l’enfant arrivait à vivre, ainsi que dans un rêve, une hallucination, où, pour ainsi dire, rien de la réalité des choses ne lui arrivait. […] Ces jours-là, j’aime à lire de l’histoire, surtout de la vieille histoire : il me semble que je ne la lis pas, mais bien plutôt que je la rêve. […] C’est, comme si j’allais en un rêve, conduit par mon frère sur une eau morte, dans un paysage de l’autre monde. […] Elle parle en phrases douces, et non comédiennes, du désagrément de se séparer, de l’ennui de ne pas toujours continuer cette vie commune, et elle bâtit bientôt dans le rêve et l’impossible humain, une espèce de phalanstère, où l’on mêlerait ses existences jusqu’à la mort.
VIII Dante ne trouvait donc rien d’épique autour de lui dans l’histoire d’Italie qui pût servir de texte à son imagination ; mais le monde théologique était plein de dogmes nouveaux, de foi savante ou de foi populaire, de croyances surnaturelles, de vérités morales ou de fantômes imaginaires, flottant pêle-mêle dans le vide de l’esprit humain, comme les figures tronquées des rêves au moment d’un réveil. […] mille fois inférieur en conception, en éloquence et en poésie, au grand exilé de Florence, j’avais conçu, dès ma jeunesse, une épopée, le grand rêve de ma vie, la seule épopée qui me paraisse aujourd’hui réalisable, sur un plan à peu près analogue au plan de la Divine Comédie. […] Les créations infinies et de dates immémoriales de Dieu dans les profondeurs sans mesure de ces espaces qu’il remplit de lui seul par ses œuvres ; les firmaments déroulés sous les firmaments ; les étoiles, soleils avancés d’autres cieux, dont on n’aperçoit que les bords, ces caps d’autres continents célestes, éclairés par des phares entrevus à des distances énormes ; cette poussière de globes lumineux ou crépusculaires où se reflétaient de l’un à l’autre les splendeurs empruntées à des soleils ; leurs évolutions dans des orbites tracées par le doigt divin ; leur apparition à l’œil de l’astronomie, comme si le ciel les avait enfantés pendant la nuit et comme s’il y avait aussi là-haut des fécondités de sexes entre les astres et des enfantements de mondes ; leur disparition après des siècles, comme si la mort atteignait également là-haut ; le vide que ces globes disparus comme une lettre de l’alphabet laissent dans la page des cieux ; la vie sous d’autres formes que celles qui nous sont connues, et avec d’autres organes que les nôtres, animant vraisemblablement ces géants de flamme ; l’intelligence et l’amour, apparemment proportionnés à leur masse et à leur importance dans l’espace, leur imprimant sans doute une destination morale en harmonie avec leur nature ; le monde intellectuel aussi intelligible à l’esprit que le monde de la matière est visible aux yeux ; la sainteté de cette âme, parcelle détachée de l’essence divine pour lui renvoyer l’admiration et l’amour de chaque atome créé ; la hiérarchie de ces âmes traversant des régions ténébreuses d’abord, puis les demi-jours, puis les splendeurs, puis les éblouissements des vérités, ces soleils de l’esprit ; ces âmes montant et descendant d’échelons en échelons sans base et sans fin, subissant avec mérite ou avec déchéance des milliers d’épreuves morales dans des pérégrinations de siècles et dans des transformations d’existences sans nombre, enfers, purgatoires, paradis symbolique de la Divine Comédie des terres et des cieux ; Tout cela, dis-je, m’apparut, en une ou deux heures d’hallucination contemplative, avec autant de clarté et de palpabilité qu’il y en avait sur les échelons flamboyants de l’échelle de Jacob dans son rêve, ou qu’il y en eut pour le Dante au jour et à l’heure où, sur un sommet de l’Apennin, il écrivit le premier vers fameux de son œuvre : Nel mezzo del cammin di nostra vita , et où son esprit entra dans la forêt obscure pour en ressortir par la porte lumineuse. […] C’étaient des rêves où Béatrice se montrait à lui radieuse. […] Là, comme un voyageur attendu à l’arrivée, il rencontrait Béatrice, qui l’avait précédé de quelques jours ; il la voyait telle qu’il se l’était faite dans ses plus beaux rêves ; il la possédait dans son triomphe.