Lord Byron s’était consolé de sa Marie Chaworth, en écrivant cette poésie qui s’appelle le Rêve. […] Si pour Byron la première douleur de l’existence ne fut bientôt que ce rêve inouï qu’il a si divinement chanté ; pour Brizeux, le rêve lui-même était la vie, et quand, éphémère comme tous nos songes, le rêve douloureux s’en alla, la vie qu’il était, la vie poétique de l’auteur de Marie, s’en fut avec lui ! […] … Le génie du poète, c’est de faire vivre l’imagination dans son rêve comme dans la réalité même, et plus, car c’est une réalité supérieure.
L’auteur semble préoccupé d’une idée qui revient souvent dans ses vers : c’est qu’il est plus poëte en dedans qu’en dehors ; il se méfie de sa force et de son art, il craint de ne point donner à son rêve tout l’éclat et la solidité d’une création. […] Deux voix s’élèvent tour à tour Des profondeurs troubles de l’âme : La raison blasphème, et l’amour Rêve un dieu juste et le proclame. […] Oui, je suis mal servi par des cordes nouvelles Oui ne vibrent jamais au rhythme de mon cœur ; Mon rêve de sa lutte avec les mots rebelles Ne sort jamais vainqueur ! […] Ils sentent que le rire est une comédie, Que la mélancolie est un cercueil usé ; Le rêve dégoûté commence à leur déplaire ; L’action sans la foi ne les satisfait pas ; Ils savent repousser d’un front chaste et colère Ces deuils voluptueux des vaincus sans combats !
Soyez sûr qu’il y a bien plutôt gagné d’agréables rêves, L’agréable, voilà son affaire ; à regarder ses fines lèvres sensuelles, on devine qu’il n’a rien pris au tragique. […] On l’appelle « le bonhomme. » En conversation, il ne sait pas de quoi on parle autour de lui, « rêve à toute autre chose, sans pouvoir dire à quoi il rêve. » Il paraît « lourd, stupide. » Il ressemble à « un idiot », ne sait raconter ce qu’il vient de voir, et, « de sa vie, n’a fait à propos une démarche pour lui-même. »14 Sa sincérité est naïve ; il pense tout haut, montre aux gens qu’ils l’ennuient. […] Il rêve toute une nuit de la princesse de Conti qu’il vient de voir parée et prête à partir pour le bal : L’herbe l’aurait portée, une fleur n’aurait pas Reçu l’empreinte de ses pas… Vous portez en tous lieux la joie et les plaisirs15 ; Allez en des climats inconnus aux zéphyrs, Les champs se vêtiront de roses.
Et puisque c’est un rêve qui se dessine à ma pensée en ce moment, qu’on me laisse continuer d’y rêver. — C’était, je vous assure, un lamentable spectacle que celui de toutes ces ombres une fois illustres, et qui elles-mêmes en leur temps, à des époques éclairées et florissantes, avaient paru distribuer la gloire et l’immortalité, — de les voir aujourd’hui découronnées de tout rayon, privées de toute parole sonore, et essayant vainement, d’un souffle grêle, d’articuler leur propre nom, pour qu’au moins le passant pût le retenir et peut-être le répéter. […] Il est, je le sais, des paroles de mauvais augure qu’on n’aime pas à prononcer devant ce qui est vivant, et qu’on hésite presque à murmurer en présence de soi-même, fût-ce en pur rêve. […] un seul lui tiendra lieu de tous ; le premier trouvé la dispensera des autres. » J’étais arrivé au dernier paroxysme de mon rêve, je m’éveillai en poussant un cri.
Dans ce même numéro figurent des vers d’Édouard Dubus, et deux poèmes, l’Attendue et le Rêve de la Reine, de Louis Le Cardonnel. Ce dernier poème vaut d’autant mieux d’être reproduit qu’il ne figure pas dans le recueil des Poèmes paru depuis : LE RÊVE DE LA REINE La reine aux cheveux d’ambre, à la bouche sanglante, Tient de sa dextre longue ouvert le vitrail d’or, Pensant que l’heure coule ainsi qu’une eau trop lente. […] Et par le voile aux plis trop onduleux, ces Femmes Amoureuses du seul semblant d’épithalames Vont irradier loin d’un soleil tentateur : Pour n’avoir pas songé vers de hauts soirs de glaives Que de leurs flancs pouvait naître le Rédempteur Qui doit sortir des Temps inconnus de nos rêves.
Je rêve d’être, sous ton corps, Une barque fragile et neuve. […] S’il ouvre cette fenêtre d’hôpital par où les yeux s’évadent des murs tristes, des linges fades, écœurants, c’est pour traduire le Rêve par quoi l’Homme s’évade de la platitude ambiante, des horreurs de la vie. […] Cette femme qui, malgré la flamme qu’elle portait au côté, ne se mit ni en dehors, ni au-dessus de la vie, qui accepta simplement sa destinée et fit simplement ses devoirs de jeune fille, d’épouse, de mère et de grand-mère, cette femme réalisait bien la vie que concevait Paul Verlaine. « Toujours le pardon, toujours le sacrifice. » Tel il s’était conçu, lui, surtout « né pour plaire à toute âme un peu fière », « tout prière et tout sourire, sorte d’homme en rêve et capable du mieux », comme il dit de lui-même quelque part.
Le malade, qui du reste ne souffrait pas, commença dès la seconde nuit par avoir des rêves plus suivis, plus accentués que de coutume. La troisième nuit, ne dormant pas, il continuait à voir les images de ses rêves, même en ouvrant les yeux dans l’obscurité ; mais à la lumière, elles disparaissaient.
Songe d’amour et rêve de la mort ! […] Rêve-t-il ? […] Tu rêves de dépayser tes sens ? […] Et, au surplus, sa géométrie n’est pas un rêve irréel. […] Tu rêves de la bien-aimée absente.
Quelle joie peut rester à un homme assiégé de tels rêves ? […] Il n’est plus maître des mots ; les paroles vides tourbillonnent dans sa cervelle, et sortent de sa bouche comme en un rêve. […] Rejetant la logique ordinaire, elle en crée une nouvelle ; elle unit les faits et les idées dans un ordre nouveau, absurde en apparence, au fond légitime ; elle ouvre le pays du rêve, et son rêve fait illusion comme la vérité. […] Le Songe d’une Nuit d’été est un rêve complet. […] Cette passion est un rêve, et cependant elle touche.
Hugo, « on jugerait bien plus sûrement un homme d’après ce qu’il rêve que d’après ce qu’il pense. Il y a de la volonté dans la pensée, et il n’y en a pas dans le rêve. Le rêve, qui est tout spontané, prend et garde, même dans le gigantesque et l’idéal, la figure de notre esprit… Nos chimères sont ce qui nous ressemble le mieux. […] L’infini rêve, avec un visage irrité. […] Toute religion est « un avortement du rêve humain » devant l’être et « devant le firmament ».
Prisonnière de son temps et de son milieu, horrifiée par ce que nous appelons notre civilisation occidentale (agio, machinisme, canons perfectionnés), elle s’en évade pour revenir aux pays chatoyants de son rêve, la Perse antique, l’Égypte, l’Inde, le Céleste-Empire, le Royaume du Soleil-Levant. […] Non, certes, elle ne rêve pas seulement : on dirait plutôt qu’elle se ressouvient, et qu’en de successifs avatars, au bord des Ganges et des Peï-hos, elle vécut d’héroïques et voluptueuses et royales existences, dont les réminiscences magiques charment ses nostalgies d’exilée, et les nôtres… [La Vogue (juillet 1900).]