La question du mélange des deux genres paraissait résolue.
Voici le dehors, quant au dedans, un grand esprit enterré vif dans un village, nourri de moelle spirituelle par la réflexion solitaire et une constante lecture, familier avec tous les hauts livres, un moment foudroyé par la mort d’un fils de onze ans, mais en train de reprendre son parti de la vie, « un cauchemar entre deux néants », un causeur à la parole espacée de mots qui font réfléchir, et jugeant à vol d’aigle, et allant au sommet des plus grandes questions, et enfermant sa pensée dans une formule nette, à arêtes coupantes, comme le métal d’une médaille ; un cœur tendre, mais un politique aux principes inflexibles, un génie dantonien auquel le théâtre et les circonstances ont manqué, le seul homme que j’aie vu préparé à tout et digne de tout9.
Au premier mot de cette lettre je devinais quelque cancan d’ennemi… Allons, jusqu’à la fin, même au bord de sa tombe, Sainte-Beuve sera le Sainte-Beuve de toute sa vie, l’homme toujours mené dans sa critique par les infiniment petits, les minces considérations, les questions personnelles, la pression des opinions domestiques autour de lui9.
Il est question d’une exposition à Paris des principaux tableaux des musées de province, et voilà qu’en pensant que les importants tableaux de l’École française du xviiie siècle qui sont à Angers et ailleurs, pourraient bien être oubliés, je me laisse fourrer dans la sous-commission de l’Exposition.
La plupart échappent à cette question qui touche du plus près, par stupidité ou par peur, par un effroi instinctif de l’envisager qui trahit sûrement leur ruine intérieure.
Le pape Léon X lui-même, ce restaurateur si platonique et si tendre des vestiges de l’esprit humain échappés à ce sac du monde, dit « qu’il a recueilli dans son enfance, de la bouche de Chalcondyle, homme très instruit dans tout ce qui concerne la Grèce, que les prêtres avaient eu assez d’influence sur les empereurs d’Orient pour les engager à brûler les ouvrages de plusieurs anciens poètes grecs, et c’est ainsi qu’ont été anéanties les comédies de Ménandre, les poésies lyriques de Sapho, de Corinne, d’Alcée. » « Ces prêtres, ajoute Léon X, montrèrent ainsi une honteuse animadversion contre les anciens, mais ils rendirent témoignage de la sincérité et de l’intégrité de leur foi. » À l’exception des études théologiques et morales, à l’exception de l’éloquence sacrée, qui débattait les questions d’orthodoxie ou de schisme entre les différentes sectes nées du christianisme, qui s’emparaient peu à peu d’une partie de l’Orient et de tout l’Occident, l’intelligence humaine, pendant ces siècles de chaos et d’élaboration, parut enfermée dans l’enceinte des temples ou des monastères.
Nous faisons ces questions par trop peu de connaissance de nous-mêmes et des autres. […] Mais je n’ai point voulu laisser ignorer à nos lecteurs que là encore, en sondant le fond des questions dont il n’envisage que la surface, il serait plus aisé qu’il ne croit de le poursuivre et de le combattre. […] Graves questions qu’il faudra résoudre quand on tracera le tableau de notre littérature, depuis les Méditations jusqu’à nos jours.
Chère, chère, va donc. » Questions sur questions, elle ferme la bouche à son amie, qui veut répondre.
Il est impitoyable pour les sophistes, qui, en enseignant que tout est probable, c’est-à-dire que rien n’est vrai, qu’en chaque question le pour et le contre peuvent également se soutenir, sapaient les anciennes mœurs avec les anciennes convictions.
S’il avait été question d’un opéra séria, je serais parti sur-le-champ et je l’aurais offert à Sa Grandeur le prince-archevêque ; mais, comme c’est un opéra buffa, qui demande, en outre, des personnes bouffes spéciales, il a fallu sauver notre honneur, coûte que coûte, et celui du prince par-dessus le marché ; il a fallu démontrer que ce ne sont pas des imposteurs, des charlatans qu’il a à son service, qui vont, avec son autorisation, en pays étrangers pour jeter de la poudre aux yeux comme des bateleurs, mais bien de braves et honnêtes gens qui, à l’honneur de leur prince et de leur patrie, font connaître au monde un miracle que Dieu a produit à Salzbourg.
C’est là une de ces questions que l’histoire, trop récente et trop partiale pour le vainqueur, n’a pas encore étudiée et sur laquelle nous ne partageons nullement les opinions de l’auteur du Consulat.