/ 2851
331. (1762) Réflexions sur l’ode

Suite des Réflexions sur la poésie, et sur l’ode en particulier La pièce qui a mérité le prix, et les fragments que le public vient d’entendre de plusieurs autres, ont échappé avec honneur au naufrage d’environ soixante autres odes que l’académie a vu périr avec regret, sans pouvoir en sauver les débris. […] Les poètes, par exemple, ont ouï dire qu’on désirait aujourd’hui de la philosophie partout ; que le public n’entendait point raison sur ce sujet ; qu’il était las de mots, et voulait des choses. […] Le public, soit lassitude, soit humeur, paraît aujourd’hui un peu dégoûté de ce genre ; il marque même ce dégoût assez fortement, pour que l’académie ait balancé, si en laissant aux poètes le choix du sujet, elle ne leur laisserait pas aussi celui de l’ode, du poème, ou de l’épître. […] Elle n’a pas eu lieu de s’en repentir ; et le public, par ce qu’il vient d’entendre et d’applaudir avec justice, peut juger des espérances et des ressources qui lui restent.

332. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

Cadio et Les Messieurs de Bois-Doré sont, dans l’opinion du public, de ce gros public qui fait les gros succès, uniquement de madame Sand, dont la jupe, comme un éteignoir, a couvert et éteint tout net la collaboration de Meurice, et l’a payé ainsi de son manque de fierté ; car si toute espèce de collaboration est déjà un assez humble aveu d’infériorité, la collaboration spéciale dans laquelle un homme sera toujours pris pour avoir fait la femme de l’association, est un manque absolu de fierté. […] Et, en effet, Paul Meurice vaut bien, après tout, la plupart des romanciers de ce temps ; et de talent il était bien capable de nous dresser en pied un Césara grandiose qui aurait été un double héros, tout à la fois le héros de la vie publique et celui de la vie privée. […] Et non seulement le héros de la vie publique est misérablement rapetissé dans ces fades mièvreries d’un jouvenceau et d’un poète, mais l’autre héros, le héros de la vie privée, disparaît aussi dans cet amour benêt… et adultère ; car le noble Césara est marié.

333. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Il faut joindre ces livrets aux œuvres de Quinault, si l’on veut comprendre sur quel public tombèrent les furieux amants de la tragédie racinienne. […] Hormis la révélation de certaines résistances du goût public sur lesquelles nous reviendrons, nulle question de doctrine ou d’art n’est enveloppée dans es attaques ; et l’étude des pamphlets dirigés contre Racine n’a qu’un intérêt anecdotique. […] Le public mit vingt-cinq ans à s’apercevoir que le poète avait fait là un chef-d’œuvre, et son chef-d’œuvre416. […] Ailleurs voici Agrippine, une mère aussi, mais ennemie de son fils, et l’aimant pourtant d’un reste d’instinct : fière, ardente, ambitieuse, d’une ambition de femme, qui n’est pas une énergie d’ordre supérieur, aspirant à pouvoir plus pour agir plus, ni une confiance superbe de savoir réaliser mieux que personne le bien public, mais une vanité avide de l’extérieur, de l’enivrement, des flatteries de la puissance : Agrippine est ambitieuse comme une autre est coquette. […] Mathan est une Ame envieuse, ambitieuse, qui joue de la religion, hypocrite tragique, à qui nulle vie innocente, nul intérêt public n’est précieux, dès qu’il trouve jour à satisfaire ses haines ou son orgueil : serviteur égoïste et sans dévouement d’Athalie, servi lui-même par le zèle intéressé de Nabal.

334. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Tous les professeurs de sciences vous le diront comme moi… » Cette remarque très grave d’un professeur qui, sous ses yeux, chaque jour, voit se former et se développer les jeunes intelligences nouvelles, est confirmée d’une façon extrêmement forte par une lettre au ministre de l’Instruction publique, écrite par M.  […] Les pouvoirs publics semblent bien décidés à n’en tenir aucun compte. […] En face de lui, nous avons eu nettement l’impression qu’il serait difficile de convaincre les pouvoirs publics et le parlement, et que nous trouverions de ce côté de grands préjugés à combattre. […] Mais il faudrait prouver aux hommes publics que les artistes se désintéressent de la chose publique, et un homme public ne s’avouera jamais une chose pareille. […] Les oreilles de nos jeunes camarades doivent entendre des propos encore plus modernes… Si nous poursuivons maintenant notre enquête auprès du grand public, de cette fraction de la société que l’on a pompeusement dénommée « l’élite », le mal est encore plus profond.

335. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

N'est-ce pas insulter à la crédulité publique, & ont-ils pu espérer qu'on les en croiroit sur leur parole ? […] Il faut qu'il soit bien foible à cet égard, puisque, malgré le talent qu'il a de peindre, & d'embellir jusqu'à ses défauts, il n'a pu se concilier les suffrages du Public. […] Et cependant toutes les fois qu’il abuse de la crédulité publique, il ne manque jamais de lancer de terribles anathêmes contre les imposteurs. […] De là, ces transports d'estime & ces haines implacables contre tant d'Hommes de Lettres, qui, tour à tour, ont été comblés de ses éloges ou accablés de ses sarcasmes, selon le cas qu'ils ont paru faire de son mérite, ou selon l'opinion du Public sur le leur. […] Il a traité le Public de la même maniere.

336. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Tel fut enfin Wallstein, duc de Friedland, le héros des tragédies allemandes que je me suis proposé de faire connaître au public. […] Dans nos tragédies, tout se passe immédiatement entre les héros et le public ; les confidents sont toujours soigneusement sacrifiés. […] Leur opinion est, pour ainsi dire, devancée et dirigée par un public intermédiaire, plus voisin de ce qui se passe, et non moins impartial qu’eux. […] Mais en France, où l’on ne perd jamais le public de vue, en France, où l’on ne parle, n’écrit et n’agit que pour les autres, les accessoires pourraient bien devenir le principal. […] Mais en France je ne crois pas que ce caractère eût obtenu l’approbation du public.

337. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Quand on respecte aussi peu le public, il faudrait avoir la prudence de ne pas lui révéler un pareil secret. […] Voltaire se moque, à son ordinaire, de cette inconstance du public ; il s’égaie dans des anecdotes plaisantes. […] La voix publique m’a accusé d’abord d’avoir mis sur le théâtre un prince du sang pour en faire de gaîté de cœur, un assassin. […] Il est étrange qu’un homme d’esprit tel que Voltaire méprise assez le public pour lui débiter ces sottises métaphysiques : il est malheureux que le public fût assez sot pour justifier ce mépris par ses applaudissements. […] le public, l’usage !

338. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Le public, malheureusement, n’est pas ainsi. […] Elle demeure, immuablement, à l’état de divertissement public. […] Le public veut de l’amour et ne veut que de l’amour. […] C’est ainsi que finissent, en général, les grandes passions publiques. […] S’il n’est point encore arrivé au grand public qui fait les réputations populaires et éphémères, il jouit, auprès d’un autre public plus enviable — le public artiste et lettré — d’une réputation qui va, chaque jour, grandissant.

339. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Le public a goûté les deux premiers romans de M.  […] Et les romans d’aventures sont tout à fait adaptés à la mesure de ce public. […] Et la traduction même n’est pas nécessaire pour lui créer un public international. […] Un immense public, dit M.  […] Le roman s’adresse à un public de plus en plus étendu.

340. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Phèdre se moque de certains artistes & écrivains de son temps qui, pour en imposer au public, mettoient à la tête de leurs ouvrages des noms Grecs extrêmement connus. […] Tous ces efforts ne suffisoient pas pour faire revenir le public sur le compte des anciens. […] L’Iliade lui sembloit le comble de toutes les impertinences poëtiques ; & pour amener le public à son opinion, il se déchaînoit contre Homère. […] Le procès de ces deux hommes, si différens pour le goût, pour le génie & le caractère, fut porté au tribunal du public. […] Elle a fait encore des vers de société que le public ne connoit pas.

341. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Dans la salle un public moitié composé d’ouvriers et de portiers retraités de leurs cordons. […] Au fond un public naïf sur lequel la pièce historique exerce une fascination. […] » J’aurais mis : « Tu es à moi, mon trésor » qu’il aurait été ravi, — absolument, disons-le, comme le public des Français. […] Et dans la salle, le public riait sans s’arrêter, d’un rire délicat, français, national. […] Au-dessus de la porte : ÉCRIVAIN PUBLIC ICI, et sous une main à la sanguine : Plans, décalques et autographes.

/ 2851