Au reste, il nous semble que Zaïre, comme tragédie, est encore plus intéressante qu’Iphigénie, pour une raison que nous essayerons de développer : ceci nous oblige de remonter au principe de l’art.
Un petit corollaire de ce qui précède [Mon mot sur l’architecture] Mais que signifient tous ces principes, si le goût est une chose de caprice, et s’il n’y a aucune règle éternelle, immuable, du beau ?
Il ne pouvait être regardé comme le fondateur de la civilisation grecque, puisque, dès l’époque de Deucalion et Pyrrha, elle avait été fondée avec l’institution des mariages, ainsi que nous l’avons démontré en traitant de la sagesse poétique qui fut le principe de cette civilisation.
Il faut, a dit Hegel, comprendre l’inintelligible comme tel : éclaircissons le principe de cette obscurité. […] En principe, dans sa source toute pure, un livre sincère et vivant serait écrit pour un seul : on sait que les chefs-d’œuvre ignorés de la littérature d’amour — en France en est-il une autre ? […] Et ce principe ou cette visée, beaucoup l’appelleront le paradoxe mallarméen. […] Précurseurs du Parnasse et Parnassiens proprement dits, le Parnasse revint à certains principes de l’art classique. L’objet poétique fut présenté comme une notion précise, gardant toute sa valeur, non plus comme le principe d’une allusion.
Fontanes se tenait sans effort dans les mêmes principes que La Harpe : en traduisant Pope, le sage Pope, il ne l’approuvait pas toujours. […] C’est dans cet ouvrage, dont je m’occupe depuis plusieurs années, qu’il faut chercher mes principes, et non dans les calomnies des délateurs subalternes qui ne seront plus écoutés. […] Il était monarchiste par goût, par principe : « Un pouvoir unique et permanent convient seul aux grands États », disait-il ; sa plus grande peur était l’anarchie. […] Les ferveurs de la Chambre de 1815 ne le trouvèrent que froid : monarchien décidé en principe, mais modéré en application, il inclina assez vers M. […] Aussi le Président disputa-t-il le fauteuil au Roi, se fondant sur ce principe, que le Président de l’Assemblée de la Nation était avant les Autorités de la Nation.
Boileau ne semble pas s’apercevoir qu’il y a là deux principes très différents de classification des genres, et que des poèmes à forme fixe tels que la ballade et le sonnet, qu’on est obligé de caractériser à la mode antique, par leur forme métrique, et qui peuvent recevoir toutes les idées et tous les sentiments de tout ordre, ne sont pas du tout des genres comparables à l’élégie ou à la tragédie, ni à tous les autres, où, sous-entendant les conditions particulières de versification et de disposition métrique, il détermine surtout la nature du modèle à imiter et la qualité de l’émotion à produire. […] Il en est des genres comme des langues : ce qui se fixe, c’est ce qui meurt, et les genres ne vivent que par une adaptation, c’est-à-dire une transformation continuelle ; dans cette évolution, ils semblent périr lorsque leur principe de vie abandonne la forme qui les caractérisait pour en revêtir une autre, qui fera la même fonction, sans pourtant avoir rien de commun en apparence avec ce qu’elle remplace. […] La distinction des genres, que nous estimons trop absolue aujourd’hui, a pourtant eu pour Boileau ce bon effet de l’obliger à se représenter le propre et l’essence de chaque genre : et l’on peut s’assurer, à propos de l’ode, que cette recherche lui a fait entrevoir ce que ni son tempérament, ni son expérience, ni ses principes ne pouvaient lui révéler.
Ce mérite de composition, après tant d’ouvrages sans méthode et sans plan ; cet art de persuader ce dont on est convaincu, après ce doute et cette peur de s’engager dans quelque vérité à laquelle il eût fallu faire des sacrifices ; cette harmonie, cette pureté de l’élocution, après ce mélange de toutes les langues et de tous les tons dans un discours dont les parties ne tiraient pas leur valeur de l’ensemble ; le caractère de l’homme, pour accréditer les principes de l’écrivain, et pour montrer que le plus homme de bien est l’écrivain le plus habile : tout cela était si nouveau que Balzac put faire impression même sur un homme de génie ; avec combien plus de raison sur tous les esprits cultivés de l’époque ! […] Soit esprit de corps, soit que le jeune feuillant n’eût été que le prête-nom de sa jalousie, il répondit à l’Apologie par des lettres qui, parmi beaucoup de critiques passionnées ou puériles, exprimaient les vrais principes et donnaient les vraies raisons du refroidissement qui suivit le premier enthousiasme pour les écrits de Balzac. […] Le caractère personnel de Balzac ne démentit pas ses principes.
Cette œuvre en porte l’empreinte ; elle est le fruit d’une lutte de principes qui se contredisent. […] L’invention mélodique dans Lohengrin est, en grande partie, celle de la mélodie absolue (III, 311 ; IV, 212), se rapprochant de la mélodie italienne et contraire au principe du motif musical dramatique ; ces formes peuvent se produire comme épisodes, — tels le chant d’amour de Siegmund, les adieux de Wotan, — elles ne sauraient servir de charpente à une construction symphonique, Wagner l’a démontré. […] Par l’enchevêtrement des parties, par la complication des dessins, par la variété surprenante des timbres, l’oreille est sollicitée de telle sorte qu’elle reçoit désormais une impression d’ensemble, une résultante de tous les bruits, et goûte d’autant moins la pureté des principes qu’elle est moins à même de les discerner.
La Revue Wagnérienne, partant des principes que nous estimons ceux du véritable wagnérisme, jugera, avec l’entière, l’absolue indépendance qu’exige sa situation spéciale et qui est incompatible avec les conditions d’existence de la plupart des autres publications, les faits wagnériens qui s’annoncent pour 1887. […] S’ils étaient des adeptes de la philosophie de Schopenhauer, ils sauraient dompter la passion qui les ronge, puisqu’ils sauraient que l’amour n’est qu’un leurre tendu par la nature pour la préservation du genre aux dépens de l’individu (Die Welt als Wille… II, 638) ; ils ne se répandraient pas en plaintes interminables, puisque leur maître enseigne qu’il faut bénir les souffrances (1, 468) ; et surtout ils n’appelleraient pas constamment la mort, puisque rien n’est plus contraire aux principes et aux doctrines de l’école. […] Ce qui est en effet écœurant, c’est de trouver chez tant d’écrivains une si profonde inintelligence des principes fondamentaux de l’art, tels que Wagner les a énoncés avec une clarté merveilleuse dans de nombreux écrits.
De plus, et quand bien même ce critère serait vraiment distinctif de l’état de santé, il aurait lui-même besoin d’un autre critère pour pouvoir être reconnu ; car il faudrait, en tout cas, nous dire d’après quel principe on peut décider que tel mode de s’adapter est plus parfait que tel autre. […] Le même principe s’applique à la sociologie quoiqu’il y soit souvent méconnu. […] Il n’existe pas de société ou il ne soit de règle que la peine doit être proportionnelle au délit ; cependant, pour l’école italienne, ce principe n’est qu’une invention de juristes, dénuée de toute solidité46.
Dans sa critique, sans principe d’ailleurs, sans métaphysique, sans absolu, toute de goût et de sensation comme celle de Villemain, Sainte-Beuve, il faut le reconnaître, est encore supérieur à Villemain, qui ne fut jamais qu’un humaniste plus ou moins vernissé par l’Université, tandis que lui, Sainte-Beuve, est un talent qui existait par lui-même, et ce talent nous allons le juger à distance des tapages d’une mort qui, si on se le rappelle, fut un événement. […] … C’est qu’il n’était critique que de pure description et d’infatigable analyse niant les principes tout aussi bien en esthétique qu’en morale et en gouvernement, cet homme que des esprits qui ne connaissant pas plus Goethe que lui, appelaient hier le plus grand critique qui ait existé depuis Goethe… Sainte-Beuve a toujours repris toutes ses idées en sous-œuvre pour y ajouter ou y retrancher, tant elles lui semblaient incertaines ! refaisant, raturant, savetant, ajoutant de nouvelles impressions aux anciennes, à ses notes d’autres notes, fourmi de travail entassant fétus sur fétus, grains de poussière sur grains de poussière… Cela peut être intéressant à voir faire, mais assurément ce n’est pas là de la Critique, cette grande chose de mesure et de poids, de principes et de certitude.