Il est heureux, dans la route de la vie, d’avoir inventé des circonstances qui, sans le secours même du sentiment, confondent deux égoïsmes au lieu de les opposer ; il est heureux d’avoir commencé l’association d’assez bonne heure pour que les souvenirs de la jeunesse aidassent à supporter, l’un avec l’autre, la mort qui commence à la moitié de la vie ; mais indépendamment de ce qu’il est si aisé de concevoir sur la difficulté de se convenir, la multiplicité des rapports de tout genre qui dérivent des intérêts communs, offre mille occasions de se blesser, qui ne naissent pas du sentiment, mais finissent par l’altérer.
Cette élite n’aura pas de femmes ; la femme restera la récompense des humbles, pour qu’ils aient un motif de vivre… Mais ce délicieux rêve oligarchique réalisé, les sages ne pourront bientôt plus supporter leur propre sagesse, leur propre toute-puissance, ni leur solitude.
Pour que la philosophie du Cas de Mme Luneau ou même de Marroca fût le vrai, il faudrait que la douleur fût absente du monde, et qu’on pût ne jamais songer à la mort.
Stéphane Mallarmé, trop haut artiste et trop autre pour qu’on puisse récuser la sincérité de son avis ; l’autre d’Émile Hennequin, théoricien indifférent aux écoles et soucieux seulement d’exactitude.
Mais ce petit nombre suffit pour que soit réalisé, d’une façon concrète, le vœu de connaissance où l’on a situé la raison d’être, la cause et la fin de l’existence phénoménale.
Une autre fois, un grand nombre de sçavans ayant entamé exprès une dispute très-vive au milieu d’un repas, pour qu’on ne fit aucune attention à ce qu’il diroit, Montmaur leur cria, en frappant sur la table : Paix donc, messieurs ; on ne sçait ce qu’on mange.
Si chacun peut en dire autant de soi, cela ira bien pour tous. » Vous voyez comment il faudrait très légèrement transformer cette phrase pour qu’un de ces grands individus que Taine traite de fous furieux la reprît : « Nous ne pouvons pas tous servir l’humanité de la même façon ; Marc-Aurèle, Spinoza, Gœthe, c’est très bien.
Arnauld et de ses amis, la princesse, qui assistait au sermon, exprima assez hautement sa plainte pour que le célèbre jésuite se crût obligé de lui venir, donner satisfaction : elle l’écouta, mais ne lui cacha point qu’elle était peu édifiée de cette partie de son discours. […] Il a été publié de ses lettres ou dépêches durant ces années un assez grand nombre pour qu’on puisse se faire une idée nette du caractère et des qualités qu’il y montra. […] Le jour même où il mourut, il dictait un billet en vers pour son médecin, et pour qu’il n’en appelât point d’autres en consultation ; il lui disait en badinant que, s’il mourait, il voulait que ce fût entre ses bras.
L’application des principes varie si souvent, les règles sont sujettes à tant d’exceptions, qu’un traité de ce genre ne saurait être trop court, parce qu’on ne peut le faire assez long ni le composer d’idées assez générales pour qu’il soit susceptible de s’adapter à toutes les conditions particulières. » Sous forme de lettres d’une belle-mère à son gendre (thermidor an XIII), elle avait parlé du plus ou moins de convenance de l’éducation publique pour les femmes, et s’était prononcée contre, avec un sens parfait, mais avec beaucoup de gaieté aussi ou plutôt de piquant, et de son ton le plus dégagé d’alors. […] Les lettres xii et xiii, d’une grande beauté philosophique, démontrent les principes de conscience et de raison sur lesquels elle fonde le devoir, et expliquent comment tout son soin est de faire apparaître et se dessiner par degrés la règle à la raison de l’enfant, pour qu’il y dirige librement de bonne heure, et dans les proportions de son existence, sa jeune volonté. — Faire régner de bonne heure autour de ces jeunes esprits une atmosphère morale, où ils se dirigent par le goût du bien, les faire gens de bien le plus tôt possible, c’est là son but, son effort, et, à moins de préjugés très-contraires, on lui accorde, en l’entendant, qu’elle a et qu’elle indique les vrais moyens de réussir. […] Mme Guizot aimait à raconter que quand, jeune fille, elle essaya ce premier roman, elle s’étudia, pour qu’il réussît, à imiter certains traits de l’esprit du temps, quelques-uns même dont son innocence parfaite soupçonnait au plus la valeur.
La difficulté sera plus grande encore auprès de la haute classe qui occupe tous les beaux appartements ; pour qu’elle accepte votre projet, il faudra que son aveuglement ou son désintéressement soient extrêmes. — En Angleterre, elle s’aperçoit très vite du danger. […] Ils agissent, ils sont vraiment généreux ; il suffit qu’une cause soit belle pour que leur dévouement lui soit acquis. […] Sans doute ils aiment le danger ; « une probabilité d’avoir des coups de fusil est trop précieuse pour qu’on la néglige540. » Mais il s’agit en outre d’affranchir des opprimés ; « c’est comme paladins, dit l’un d’eux, que nous nous montrions philosophes541 » et l’esprit chevaleresque se met au service de la liberté D’autres services, plus sédentaires et moins brillants, ne les trouvent pas moins zélés.
On croit généralement que les quatre cent mille lieues carrées, possédées en Asie et en Europe par l’empire ottoman, sont un espace peuplé de populations chrétiennes opprimées, asservies, compactes, d’une même race, d’un même culte, et qu’il suffirait de se délivrer des Ottomans pour que ces populations florissantes et libres formassent un empire européen, homogène et civilisé, au milieu de l’Asie. […] Des vœux sincères, et des bons offices licites au besoin, pour que ces diverses et inconsistantes nationalités constituées dans la Péninsule se développent en institutions propres, favorables à leur liberté, et se groupent en confédérations indépendantes pour se protéger mutuellement contre l’Autriche ou contre toute autre puissance armée, anglaise, russe, prussienne, même piémontaise, qui tenterait ou de les conquérir ou de les monopoliser à son profit. […] Le roi de Piémont abuse évidemment de l’héroïsme ; brave comme s’il n’était que soldat, et encouragé à tout oser par l’Angleterre, à qui tout convient de ce qui peut nous nuire, le roi de Piémont, comme le grand Condé, qui jetait son chapeau au milieu de la mêlée, a jeté sa couronne de Sardaigne par-dessus les Apennins à Florence, à Rome, à Naples, à Palerme, pour que les soldats lui rapportent celle d’Italie !