Le bonheur n’est pas dans les choses, il est dans la façon dont on se les procure et dont on les possède. Pour qui se les procure et les possède d’une façon mauvaise, elles sont mauvaises. […] Savoir est posséder intellectuellement. […] Or le bien suprême étant dans l’intelligence, celui qui saurait l’absolu posséderait le bien suprême. […] D’un autre côté, on ne peut pas dire qu’ils fussent riches, puisqu’ils ne possédaient ni or ni argent.
Telle est la nature de la poésie dramatique ; c’est pour le peuple qu’elle crée, c’est au peuple qu’elle s’adresse, mais pour l’ennoblir, pour étendre et vivifier son existence morale, pour lui révéler des facultés qu’il possède, mais qu’il ignore, pour lui procurer des jouissances qu’il saisit avidement, mais qu’il ne chercherait même pas si un art sublime ne les lui apprenait en les lui donnant. […] C’est ainsi qu’en France le siècle de Richelieu et de Louis XIV connut et posséda cette portion de liberté qui nous a valu une littérature et un théâtre. […] Il ne possédait point de privilège ; de nombreux concurrents lui disputaient la foule et le succès. […] La littérature de l’Espagne, fruit naturel de sa civilisation, possède déjà son caractère original et distinct. […] Où trouverait-on des moyens égaux à ceux qu’il possède ?
Il croit en Dieu : il croit en sa femme, et la tue dès qu’il cesse d’y croire ; il a l’honnêteté de celui qui possède ; sous l’humilité dort l’instinct. […] — … Chaque bien nouveau que l’on possède Entraîne un nouveau désir de l’essayer, Et posséder pour moi c’est expérimenter. […] Est-ce à dire que ces œuvres ne possèdent nul lien commun ? […] Rostand, qui se croira possédé tour à tour du délire verbal de Hugo et de la fantaisie funambulesque de Banville. […] Le don des mots, il le possède, indéniable ; le choix des mots, nullement.
Ce passé une fois ressaisi, ces hôtes invisibles et silencieux une fois reconnus, on jouit mieux, ce semble, du séjour, on le possède alors véritablement, et le Genius loci, que notre hommage a rendu propice, anime doucement chaque objet, y met l’âme secrète, et accompagne désormais tous nos pas. […] Le xvie siècle (on avait droit de le croire à l’immensité de l’inventaire) avait et possédait tout, — tout, hormis ce seul petit fruit assez capricieux, qui ne vient, on ne sait pourquoi, qu’à de certaines saisons et à de certaines expositions de soleil, je veux dire le bon goût, ce présent des Grâces225. […] J’ai dit que le xvie siècle possédait tout, mais c’était en bloc ; la science s’y faisait en gros, en grand, et ne s’y débitait pas. […] Il y a celui qui veut posséder.
Les héros d’Eschyle et de Sophocle débordant du Dieu qui les anime, pénétrés en tous sens du sentiment énergique et profond de leur droit, sont possédés, emportés tout entiers parleur passion unique. […] Les héros possédaient en eux-mêmes le principe divin de leurs entreprises générales. […] L’Allemagne a l’honneur de posséder le plus fameux des humoristes ; mais les nations voisines ont le bon goût de ne pas trop nous envier Jean-Paul. […] Les princesses possédaient à fond l’art de traire les vaches, et allaient faire boire les troupeaux paternels à la fontaine voisine.
Cette tendance s’est de même trouvée incurable chez les Chiens qui avaient été apportés tout jeunes en Europe de contrées telles que l’Australie et la Terre-de-Feu, où les sauvages ne possèdent aucune de ces espèces d’animaux domestiques. […] Ainsi, elles ne possèdent point l’appareil destiné à recueillir le pollen qui leur serait indispensable si elles avaient à prendre le soin de nourrir leur progéniture. […] Cette faculté que possèdent les abeilles d’élever un mur grossier juste dans le plan d’intersection entre deux cellules encore inachevées est importante à constater, en ce qu’elle s’appuie sur un fait qui semble, au premier abord, complétement en opposition avec ma théorie : c’est que les cellules externes des rayons de la Guêpe sont quelquefois parfaitement hexagones, mais le manque d’espace me défend encore d’entrer dans de longs détails à ce sujet. […] Or, de pareils faits s’observent parfois et même souvent, peut-on dire, si l’on tient compte du peu de renseignements que nous possédons sur les insectes neutres des contrées situées hors de l’Europe.
Enfin un géomètre qui avait dans son corps une réputation méritée, et dont la Prusse a privé la France, s’est trouvé par hasard posséder dans un degré peu commun, cet agrément dans l’esprit dont nous faisons tant de cas, mais qu’il orne par des qualités plus solides, et que la géométrie ne peut pas plus ôter quand on l’a, que les belles-lettres ne peuvent le donner quand on ne l’a pas. […] Nos gens de lettres qui ont tant contribué à la manie et au progrès de l’anglicisme, n’ont que de trop bonnes raisons de protéger et de respecter leur ouvrage ; ils se flattent que la considération qu’ils témoignent aux étrangers sera payée du même prix ; que ces étrangers de retour chez eux célébreront leurs admirateurs, et feront connaître à la France par leurs écrits des trésors qu’elle possédait quelquefois incognito et sans ostentation. […] Racine, à qui peut-être il n’a manqué pour surpasser Corneille que d’avoir vécu comme lui, n’a pas laissé d’avoir des adversaires à combattre ; cet esprit de courtisan qu’il possédait trop, et qui sans Athalie, Phèdre, et Britannicus, serait une espèce de tache à sa gloire, ne l’a pas empêché d’essuyer bien des chagrins de la part de ceux dont Pradon était l’esclave et l’idole. […] Ils paraissent persuadés qu’eux seuls méritent d’être riches ; et dans le temps même où ils se plaignent de leur indigence au milieu d’un bien très honnête, parlez-leur d’un homme de lettres qui possède à peine le nécessaire, ils ne manquent pas de le trouver fort à son aise.
Les puissantes faveurs dont Parnasse m’honore Non loin de mon berceau commencèrent leur cours ; Je les possédais jeune, et les possède encore À la fin de mes jours… Le ton de Corneille est déjà trouvé.
Un sentiment de bonheur circule dans ces descriptions aimables ou savantes, et montre Cowper sous son jour le plus riant : « Si j’avais le choix d’un bien terrestre, que pourrais-je souhaiter que je ne possède ici ? […] Un jour qu’on demandait en présence de Wordsworth s’il en était nécessairement ainsi, le grave poète des lacs répondit : « Ce n’est point parce qu’ils ont du génie qu’ils font leur intérieur malheureux, mais parce qu’ils ne possèdent point assez de génie : un ordre plus élevé d’esprit et de sentiments les rendrait capables de voir et de sentir toute la beauté des liens domestiques23. » J’ai le regret de rappeler que Montaigne n’était pas de cet avis et qu’il penchait du côté du déréglement : citant les sonnets de son ami Étienne de La Boétie, il estime que ceux qui ont été faits pour la maîtresse valent mieux que ceux qui furent faits pour la femme légitime, et qui sentent déjà je ne sais quelle froideur maritale : « Et moi, je suis de ceux, dit-il, qui tiennent que la poésie ne rit point ailleurs comme elle fait en un sujet folâtre et déréglé. » Nous nous sommes trop souvenus en France de cette parole de Montaigne, et nous nous sommes laissés aller à cette idée de folâtrerie.
Leur politique dut être de se fortifier dans les places de sûreté qu’ils avaient conservées, et d’en ravoir d’autres qu’ils avaient perdues ; en un mot, pour se faire respecter, ils durent se rendre plus à craindre que jamais : Je sais, disait Rohan à l’assemblée de Saumur (1611), qu’on nous opposera que nous demandons plus que nous ne possédions du temps du feu roi ; que nous devons, pour entretenir la paix en l’enfance de ce règne, nous contenter de pareil traitement. […] On n’a pas toutes les qualités à la fois, et des qualités qui tiennent en propre à des conditions distinctes ; si Richelieu, avec toutes celles qu’il possédait comme le premier des grands ministres, avait eu encore la clémence, il eut été vraiment un roi.
Non, encore une fois, dirons-nous à ces fils obstinés, qu’une idée honorable et malheureuse oppresse et possède, vous ne sauriez remettre en bonne odeur une mémoire sanglante ou souillée ; c’est une erreur, à vous, d’y prétendre et de vous y acharner ; vous n’avez qu’une ressource : faites oublier votre père, à tous ceux qui vous voient, par vos mérites et vos vertus. […] Cette Notice est bien faite et d’un homme qui possède son sujet ; le Mémoire de Garat est spirituel, mais spécial et par trop rétrospectif pour nous intéresser beaucoup. — Je ne fais qu’indiquer les deux volumes de Mémoires publiés par M.