/ 2218
1198. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Eh bien, le talent de Diderot mérite-t-il cette illustration des « œuvres complètes », qui est comme la statue en pied des grands écrivains ? […] Ni la bonne compagnie, cette bonne compagnie du temps qui ouvrait ses bras aveugles aux gens de lettres qui lui baisaient platement le pied, comme ce Normand de Rollon à Charles le Sot, dit le Simple, pour le renverser ! […] Mais, quelles que soient les impuissances de l’homme à saisir et à expliquer les mystères que Dieu a mis devant nous, comme un mur, pour faire mourir l’orgueil au pied, je ne confonds pourtant ni les hommes ni les choses. […] L’opinion moderne, reconnaissante, probablement, de ce qu’il avait travaillé à la destruction de l’autorité religieuse et politique, l’accepta beaucoup trop sur le pied où il se donna d’un homme de génie, et la Critique, si basse souvent, suivit l’opinion, au lieu de la conduire. […] il en a surtout la froideur, et c’est par la froideur qu’il règne sur cette génération d’à moitié morts et d’un pied dans la tombe, sur ces Narcisses de l’épuisement qui viennent mirer leur pâleur blême dans le blême miroir de ses œuvres et qui la trouvent intéressante.

1199. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Que chacun d’eux découvre à son tour son cœur au pied de ton trône avec la même sincérité : et puis qu’un seul te dise s’il l’ose : je fus meilleur que cet homme-là. […] Jean-Jacques fait la route à pied ; ne s’entend pas avec le père de son élève, apprend que madame de Warens est retournée en Savoie, et repart à pied de Paris. […] Peu en état de paye des fiacres, à deux heures après-midi j’allais à pied quand j’étais seul, et j’allais vite pour arriver plus tôt. […] L’ancien petit ami de la grosse Warens, l’amant de Thérèse, oublieux de ses cinq infanticides probables, enseignerait la morale à l’univers entier, du pied même de la chaire de Calvin. […] Alors M. de Wolmar intervenant : « Jamais ma femme depuis son mariage n’a mis les pieds dans les bosquets dont vous parlez.

1200. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

On peut dire sans métaphore que son cerveau a des pieds et des mains. […] Pendant des siècles, on marche à travers les ténèbres et l’horreur, la tête dans le brouillard et les pieds dans le sang. […] Cependant, à quelque distance, un autre chevalier, armé de pied en cap et descendu de son coursier, observe amicalement ce nonchalant dont il voudrait bien s’approcher. […] Un de mes laquais, garçon du comté de Shrewsbury, débarrassa alors mon pied de l’étrier ; l’autre, un grand gaillard, s’était enfui dès le premier choc. […] Le perce-neige et la primevère, ces premiers et bienvenus visiteurs, jaillissent sous tes pieds.

1201. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Quand on venait le visiter, on le trouvait ordinairement « dans une chambre tendue d’une vieille tapisserie verte, assis dans un fauteuil, et habillé proprement de noir » ; « son teint était pâle, dit un visiteur, mais non cadavéreux ; ses mains, ses pieds avaient la goutte » ; « ses cheveux, d’un brun clair, étaient divisés sur le milieu du front et retombaient en longues boucles ; ses yeux, gris et purs, ne marquaient point qu’il fût aveugle. » Il avait été extrêmement beau dans sa jeunesse, et ses joues anglaises, délicates jadis comme celles d’une jeune fille, restèrent colorées presque jusqu’au bout. « Sa contenance était affable ; sa démarche droite et virile témoignait de l’intrépidité et du courage. » Quelque chose de grand et de fier respire encore dans tous ses portraits ; et certainement peu d’hommes ont fait autant d’honneur à l’homme. […] Il combattit de la plume, comme les côtes-de-fer de l’épée, pied à pied, avec une rancune concentrée et une obstination farouche. […] L’enfer à la main, Milton menace ; il s’enivre de justice et de vengeance parmi les abîmes qu’il ouvre et les flammes qu’il brandit. « Ils seront jetés éternellement dans le plus noir et le plus profond gouffre de l’enfer, sous le règne outrageux, sous les pieds, sous les dédains de tous les autres damnés, qui, dans l’angoisse de leurs tortures, n’auront pas d’autre plaisir que d’exercer une frénétique et bestiale tyrannie sur eux, leurs serfs et leurs nègres, et ils resteront dans cette condition pour toujours, les plus vils, les plus profondément abîmés, les plus dégradés, les plus foulés et les plus écrasés de tous les esclaves de la perdition482. » La fureur ici monte au sublime, et le Christ de Michel-Ange n’est pas plus inexorable et plus vengeur. […] Ses pieds étaient semblables à l’airain le plus fin qui serait dans une fournaise ardente, et sa voix était comme le bruit des grandes eaux. […] Dès que je l’eus vu, je tombai à ses pieds comme mort.

1202. (1887) Essais sur l’école romantique

Sous ses pieds délicats déjà le flot frémit. […] Ainsi va le fleuve, qui commence de même à rien ; il sort du pied des montagnes, sans savoir ni le chemin qu’il va suivre, ni s’il deviendra fleuve, ou s’il mourra humble ruisseau. […] Les révolutions ne touchent qu’aux choses qui sont à plusieurs pieds de terre. Quand les grands vents soufflent, ils ne courbent que les cimes des arbres ; l’herbe qui pousse à leurs pieds n’en est pas même troublée. […] Du reste, dans une discussion du genre de celle-ci, on ne doit pas s’attendre à des plaidoiries régulières, où l’on oppose une raison à une raison, une vue à une vue, et où l’on se suit pied à pied, comme des avocats au barreau, ou des philologues « à l’Institut.

1203. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Savourez, je vous prie, ce petit tableau : « … A ces mots, il assujettit au haut d’une colonne le câble d’un navire, et l’étend tout autour du donjon, de sorte que les pieds des captives ne puissent toucher la terre. […] Elles remuent un moment les pieds, pas longtemps. » Mais, tandis que Dantès ne venge que lui-même, songez qu’Ulysse venge sa femme, son fils et ses sujets. […] Il vient de peindre l’âpre solitude de la haute montagne et les tempêtes dont elle est battue, et de montrer, à ses pieds, la vallée charmante où le lac recueille l’onde des glaciers. […] Et Gaud tombe tout de son long au pied de la croix. […] Mme de Laversée le surprend, un soir, aux pieds de Valentine, qui n’en peut mais, et les jette tous deux à la porte.

1204. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Nous étions là, au pied de votre chaire, tranquilles et attentifs, ne perdant ni un mot, ni un geste. […] Comme M. d’Aurevilly étend l’historien des Longueville et des Chevreuse aux pieds « de ses amours » par ce coup de poing de la fin : « M.  […] sa vanité de femme se réjouit à l’idée de dompter celui que nulle n’a pu apprivoiser, de le coucher docile à ses pieds, d’en faire un lion domestique ? […] Et ce titre, l’Ensorcelée, il faut le prendre au pied de la lettre. […] De cette coupure la composition du poème était toute difformée : une tête, des pieds, et plus de corps.

1205. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Il voit la racine pousser son pied chevelu, l’épaisseur des feuilles dans la plante grasse, la dentelure des épines sur les côtes des verts poignards. […] Octave Feuillet nous la donne comme l’élève d’un matérialiste, et, dans une scène d’une rare nouveauté, il la dresse en pied devant son maître à qui elle crie : « Un crime ? […] Je marchais les pieds dans leurs souliers percés. […] Tu te couches sur le coussin, juste à mes pieds. […] Le voici plus âgé, ses membres robustes pris dans son habit de drap marron, sans or ni argent, ses pieds chaussés de souliers à double semelle, les jambes moulées dans de gros bas de fil, si c’est l’été, de laine, si c’est l’hiver.

1206. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

attrape ceci à la pointe de mon épée, ou je te l’enfonce jusqu’au cœur. » Bajazet prend la nourriture et la foule aux pieds. […] Et c’est pourquoi Tamerlan, soupirant aux pieds de Zénocrate, ne nous étonne point. […] Quand un personnage se tue au théâtre, neuf fois sur dix il se rate, et on le revoit sur ses pieds à l’acte suivant. […] Mais il faut que Métella souffre auparavant, et qu’elle soit précipitée au pied de la croix par un désespoir d’amour. […] Il n’y a que le silence qui puisse comprendre ce qui se passe en moi, et qui soit digne de le porter aux pieds de l’Éternel.

1207. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Il m’en dit quelques-uns, en réciprocité de mes essais, en de longues promenades à pied que nous faisions dans les coins excentriques de Paris, trace indéniable d’une influence naturaliste qui s’apâlissait. […] Barbou lâchait pied et repartait à la campagne se refaire une santé. […] Donc, à premier examen, ce distique se compose de quatre vers de six pieds, dont deux seulement riment. […] Mais si l’étreinte du songe laisse Borluut brisé, elle la rejette, cette douce Godelieve, dans la file des pénitents qui, au jour anniversaire, venus d’un proche couvent, marchent pieds nus sur le pavé inégal et dur. […] Je suis assis, lépreux, sur les pots cassés et les orties, au pied du mur rongé par le soleil ; plus tard, reître, j’aurais bivouaqué sous les nuits d’Allemagne.

1208. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

En 1816, il entre dans la garde royale à pied, sous-lieutenant. […] Puis remarquons-le : un alexandrin de quatre et de huit pieds n’est pas scandaleux ; comment le serait-il plus que le décasyllabe des poètes classiques, divisé, non pas en deux hémistiches de cinq pieds, mais en deux parties inégales, l’une de quatre et l’autre de six pieds ? […] Vous ne dénombrez pas les roses, les dahlias et les pieds de jacinthe : c’est la besogne de l’aide-jardinier. […] On dirait que je suis maudite, et il me prend des envies atroces de mettre les deux pieds sur mon amour. […] Il ne me suffit pas de lire que les sables des plages sont doux ; je veux que mes pieds nus le sentent… Oh !

/ 2218