Au reste, d’un bout à l’autre de ce recueil on n’a rien modifié à la rédaction de Gaston Paris, On a simplement retranché, en deux endroits, une phrase qui, rattachant un article aux circonstances de la publication, n’avait désormais plus de sens. […] Les Annales quasi officielles, rédigées peu de temps après, sans doute sous les yeux de Charles, terminent ainsi le récit du triste épisode : « Le souvenir de cette blessure effaça presque entièrement, dans le cœur du roi, la satisfaction des succès qu’il avait obtenus en Espagne. » On peut croire que cette phrase fut dictée à l’annaliste par le roi lui-même : elle tranche, par sa note intime et personnelle, avec la sécheresse habituelle des Annales ; et quel autre que Charles aurait pu révéler ainsi les sentiments de son grand cœur ? […] Toute cette dernière phrase manque dans la traduction de Garcin de Tassy, mais il est clair que, sous une forme plus ou moins différente de celle que je lui donne par conjecture, elle devait figurer dans l’original.
C’est lui qui fixa l’objet des travaux de la Compagnie naissante : en émettant l’idée qu’elle devrait travailler à la pureté de notre langue, et la rendre capable de la plus haute éloquence ; que, pour cet effet, il fallait premièrement en régler les termes et les phrases, par un ample Dictionnaire et une Grammaire fort exacte, qui lui donnerait une partie des élémens qui lui manquaient ; et qu’ensuite on pourrait acquérir le reste par une Rhétorique et une Poétique que l’on composerait pour servir de règle à ceux qui voudraient écrire en vers et én prose. […] Mais il y a en même temps des qualités nouvelles alors dans la prose française ; un effort vers le développement de l’idée, une justesse et une propriété de l’expression, une harmonie de la phrase, un nombre oratoire enfin que vous chercheriez inutilement chez les prédécesseurs de Balzac, je dis chez les plus grands, chez Montaigne même et chez Rabelais. […] Une rhétorique tout entière est pour ainsi dire contenue dans ces phrases qui sentent le travail, sans doute, mais qui donnent aussi l’idée d’un discours plus naturel, plus libre, moins orné, mais aussi net et aussi savamment arrangé que celui qu’elles composent. […] On veut se « distinguer », se tirer de la foule ; on veut dire des choses « qui ne s’attendent point » ; et l’originalité qu’il n’est jamais facile, ni même toujours possible, de mettre dans les choses que l’on dit, parce qu’il faut avoir quelque chose à dire, on la met, on essaye au moins de la mettre dans la manière dont on dit les choses, dans l’usage imprévu que l’on fait des mots, dans le tour de la phrase.
Piron est un excellent préservatif contre l’ennui ; mais il s’en va dans huit jours, et je vais retomber dans mes langueurs. » L’abbé, dans sa citation, soit malice, soit inadvertance, oublia la dernière ligne et s’arrêta après le mais, en ajoutant un et cætera qui laissait le lecteur libre de remplir la phrase de toute espèce de malice.
A entendre Balzac cette fois, on croirait vraiment qu’il est d’une autre école que Malherbe, qu’il est un homme tout de pensée, et qu’il a en profond dédain ceux qui prennent garde à leurs phrases.
Et si on ajoute à cette admiration que cet interprète si intelligent, si fidèle et si éloquent, décrit, parle et chante dans une langue aussi divine et aussi harmonieuse que sa pensée ; si on ajoute que cette langue cadencée et transparente comme les vagues et comme l’éther dont il est entouré dans ses paroles rythmées, l’ordre logique des idées, le nœud puissant et serré du verbe qui relie en faisceau la phrase, la clarté du plein jour sous un soleil d’Orient, la force de l’expression, la délicatesse des nuances, la saillie du marbre, la vivacité des couleurs, la sonorité des armures d’airain dans le combat, des vagues de la mer dans les cavernes du rivage, le sifflement de la tempête dans les vergues et dans les voiles, le susurrement du zéphire dans les brins d’herbe ou dans les feuilles des forêts, enfin jusqu’aux plus imperceptibles palpitations du cœur dans la poitrine des hommes, on reste confondu, en présence d’un tel prodige d’expression, de tout ce que les sens perçoivent, de tout ce que l’âme sent et pense, et l’on se demande par quel étrange phénomène le plus ancien des poètes en est en même temps le plus parfait, par quel contresens apparent le génie poétique de la Grèce sort des ténèbres le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre à la main ; et on ne peut s’empêcher de se récrier sur le blasphème ou sur la cécité de ceux qui préconisent notre vieille jeunesse au détriment de cette jeune antiquité.
Une partie de la jeunesse française ayant rédigé et publié une protestation contre une phrase d’une pièce où j’étais nommé, cette protestation ayant été mentionnée dans le journal l’Opinion nationale, et M.
Moi, pédant (tout ignorant que je suis), je trouverais bien encore à guerroyer contre quelques mots, quelques phrases ; mais vous vous amendez de si bonne grâce et de vous-même, qu’il ne faut que vous attendre à un troisième volume.
Au reste, une souplesse incroyable, une extrême diversité de ton et d’accent depuis la manière concise, à petites phrases courtes et savoureuses, et depuis la façon liée, serrée, pressante du style démonstratif, jusqu’au style largement périodique de l’éloquence épandue, et jusqu’à la grâce inventée et non analysable de l’expression proprement poétique… Bref, il me semble avoir toute la gamme, et la grâce et la force ensemble, et toujours, toujours le mouvement, et toujours aussi la belle transparence, la clarté lumineuse et sereine.
La destinée des romanciers, et de tous les écrivains, est de prendre beaucoup les uns aux autres ; quelquefois ils s’en aperçoivent et, de la meilleure foi du monde, s’écrient avec Rossini : « Vous croyez que cette phrase n’est pas de moi ?
Si nos Céphalopodes actuels prennent leurs caractères définitifs dès les premières phrases de leur vie, c’est sans doute que toute cette grande classe est aujourd’hui en pleine décadence, et que, chez la plupart de ses types vivants, la dégénérescence ou la rétrogression de l’organisme vers d’anciens types éteints a joué un rôle de quelque importance pour hâter leur développement embryonnaire.
Mais il est si stupide dès le commencement que la sympathie pour lui n’est encore que tiède.Cet imbécile qui, parce que deux de ses filles lui font chacune une phrase assez bien tournée, les comble de tous ses biens et se dépouille en leur faveur ; et qui, parce que sa troisième fille, sa favorite et sa préférée, ne trouve qu’un mot simple, vrai et un peu sec, la déshérite et la dépouille et la maudit ; ce triple sot commence par nous étonner sans nous émouvoir.