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570. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Mais surtout le libertinage fut contenu et vaincu par des doctrines philosophiques et religieuses qui donnèrent à la raison les légitimes satisfactions qu’elle réclamait. […] C’est aux Pays-Bas qu’il naquit, dans l’esprit du pieux évêque Jansénius, au temps où les âmes inclinaient de toutes parts vers le stoïcisme philosophique ou chrétien, au temps où François de Sales, sous la douceur aimable de son langage, rétablissait l’impérieuse austérité de la morale évangélique. […] Seule de toutes les doctrines philosophiques et religieuses, la doctrine de la chute explique le contraste incompréhensible de grandeur et de bassesse, qui est le trait caractéristique de la nature humaine. […] Examen de conscience philosophique, Revue des Deux-Mondes, 15 août 1889.

571. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

La notion philosophique courante du droit suppose un état d’esprit nébuleux et assez incohérent. […] Et cela, d’ailleurs, comme beaucoup de principes philosophiques, est un insoutenable paradoxe, à moins que ce ne soit un truisme. […] Et je citerai d’autant plus volontiers Victor Cousin que le livre auquel je me réfère n’est pas une tentative originale et hardie, mais un exposé destiné à une sorte de vulgarisation philosophique. […] « Le mensonge du monde », Revue philosophique, 1906.

572. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Ses Réflexions sur les divers génies du peuple Romain dans les différents temps de la République sont d’un esprit éclairé, sensé, philosophique et pratique à la fois, qui s’explique assez bien ce qui a dû se passer dans les âges anciens par ce qu’il a vu et observé de son temps, et par la connaissance de la nature humaine : partout où il faudrait entrer dans les différences radicales et constitutives des anciennes cités et sociétés, il est insuffisant et glisse. […] Le premier des modernes français, il porte un coup d’œil philosophique dans l’histoire ancienne. […] Un sceptique de cet ordre serait tenté d’être d’un parti, d’une cause philosophique.

573. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Vinet en faveur de la liberté de tous les cultes, un peu antérieur, mais animé par une action si prochaine, ait été pour lui autre chose qu’une thèse philosophique où sa raison se complaisait : c’était une sainte et vivante cause ; et, à travers la surcharge des preuves et la chaîne un peu longue de la démonstration, à travers le style encore un peu roide et non assoupli, cette chaleur de foi communique à bien des parties de cet écrit, et surtout à la prière de la fin, une pénétrante éloquence. […] L’impression (et je ne parle d’abord que de l’impression humaine, philosophique et littéraire) qu’on en retire est celle de quelque chose d’aimable, de modéré, de sensé et d’accessible ; tout y est simple, sans un ornement ni une digression de luxe, et allant droit au but. […] Vinet le sont à certains morceaux de Pascal, c’est-à-dire quelque chose qui, incomparablement moindre sans doute pour le mouvement, l’éclat, l’invention, se rencontre plus immédiatement approprié, et d’une nourriture plus aisée, plus conforme à la moyenne et majeure classe des esprits philosophiques et chrétiens de nos jours.

574. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

J’ai souvent pensé, durant ces débats si prolongés, combien Pascal aurait souri de pitié et d’ironie s’il avait pu y assister, s’il avait pu voir comment le livre tout d’édification et de guérison intérieure qu’il méditait était venu, deux siècles après, en se dispersant en feuilles légères, à partager seulement les curiosités oisives pour un intérêt littéraire et philosophique si loin du but réel : « Je blâme également, a-t-il dit en commençant, et ceux qui prennent parti de louer l’homme, et ceux qui le prennent de le blâmer, et ceux qui le prennent de se divertir ; et je ne puis approuver que ceux qui cherchent en gémissant. » Ici on ne cherchait plus ce que pensait Pascal que par amusement et pour se distraire. […] Que ce soit le même homme de qui, il y a vingt-cinq ans, partit l’impulsion philosophique, qui vienne aujourd’hui secouer si vivement, exciter si à l’improviste une branche réputée assez ingrate de la critique française, il n’y a rien là qui puisse étonner ceux qui connaissent cet infatigable esprit de verve en tous sens et d’initiative. […] Pascal ne croyait nullement à la possibilité ni à l’utilité d’établir au préalable le vestibule philosophique en dehors de la religion.

575. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Si M ignet se produisait déjà si nettement dans son premier ouvrage par l’expression formelle de la pensée philosophique qu’il apportait dans l’histoire, il ne s’y donnait pas moins à connaître par le sentiment moral qui respire d’une manière bien vive et tout à fait éloquente dans les éloges donnés à saint Louis, à ce plus parfait des rois, du si petit nombre des politiques habiles qui surent unir le respect et l’amour des hommes à l’art de les conduire. […] M ignet, au contraire, se plaçant derrière la Révolution, tandis qu’elle tonnait comme le plus terrible des Gracques, faisait en quelque sorte l’office du joueur de flûte de l’antiquité : il la remettait au ton, il remettait au pas ce qui s’était fait tumultueusement, il en marquait la mesure au nom de la force supérieure et de l’idée philosophique. […] On eût accordé au seul prêtre parlant du haut de la chaire au nom de la Providence ce droit qu’un historien, procédant dans la froideur et la rectitude philosophique, parut usurper.

576. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Ce qui reste beau, ce sont les raisonnements philosophiques d’une haute mélancolie que se font en plusieurs endroits Cléveland et le comte de Clarendon. […] On trouva chez lui un petit papier, écrit de sa main, qui contenait ces mots : Trois ouvrages qui m’occuperont le reste de mes jours dans ma retraite : 1° L’un de raisonnement : — la Religion prouvée par ce qu’il y a de plus certain dans les connaissances humaines ; méthode historique et philosophique qui entraîne la ruine des objections ; 2° L’autre historique : — histoire de la conduite de Dieu pour le soutien de la foi depuis l’origine du Christianisme ; 3° Le troisième de morale : — l’esprit de la Religion dans l’ordre de la société. […] (Voir dans la Décade philosophique du 20 thermidor an XI une lettre de M. 

577. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Sa vie s’avançait dans ces douces occupations ; il la voyait s’écouler avec une philosophique indifférence, il vivait surtout à la campagne. […] Cela lui donne occasion de développer les dogmes philosophiques de Platon ; et après avoir soigneusement examiné la valeur réelle de tous les biens d’un ordre inférieur, de tous les avantages purement matériels et temporels, il conclut que ce n’est ni dans la condition brillante et élevée de l’un, ni dans l’état humble et obscur de l’autre, qu’il faut chercher le véritable et solide bonheur ; mais qu’on ne saurait le trouver, en dernière analyse, que dans la connaissance et l’amour de la première cause, de l’Être suprême et infini. […] XIII Pendant que Florence jouissait ainsi de la paix philosophique sous un citoyen digne de rappeler Périclès, le reste de l’Italie était bouleversé par des crimes et des assassinats.

578. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Caractère encyclopédique et philosophique de cette continuation. […] La littérature de langue française ne pouvait rester indéfiniment sevrée de réflexion sérieuse et de pensée philosophique, indéfiniment livrée aux hasards de la sensation et aux caprices de la fantaisie. […] L’action allégorique que Guillaume de Lorris avait entrepris de déduire, devient, entre les mains de Jean de Meung, une sorte de roman à tiroirs, roman philosophique, mythologique, scientifique, universitaire, ou, pour parler plus justement, roman encyclopédique : car cette seconde partie du Roman de la Rose est en effet une encyclopédie, une somme, comme on disait alors, des connaissances et des idées de l’auteur sur l’univers, la vie, la religion et la morale.

579. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Voltaire, ce prince des moqueurs, écrivait dans son Dictionnaire philosophique 110 ces lignes de généreuse inspiration : Si un animal sentant et pensant dans Sirius est né d’un père et d’une mère tendres qui aient été occupés de son bonheur, il leur doit autant d’amour et de soins que nous en devons ici à nos parents. […] La morale philosophique est d’accord avec elle pour le moment. […] Si l’on admet que l’art doive être « fainéant », comme dit Victor Hugo, si l’on veut qu’il ressemble aux lys des champs, qui ne travaillent ni ne filent et sont pourtant velus de splendeur, si l’on exige qu’il plane, indifférent et superbe, au-dessus des vils intérêts humains, sans avoir ni patrie, ni religion, ni préférence politique ou philosophique, on supprime, on retranche de la littérature plusieurs genres qui comptent pourtant plus d’un chef-d’œuvre.

580. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

À prendre le mot au sens strictement philosophique, Mme Bovary est une idéaliste. […] Sous ce jour ils personnifient l’homme moderne : à celui-ci, la vulgarisation de l’enseignement, phénomène propre à notre temps, ouvre des perspectives illimitées sur l’infinité des idées philosophiques, morales, littéraires et scientifiques élaborées par l’effort des civilisations antérieures. […] Loin qu’il soit permis de le taxer de paradoxe, il faut penser que cette thèse sur l’incertitude de la connaissance humaine, eût assumé un caractère d’une tout autre rigueur, eût ébranlé dans leurs fondements des sciences plus positives en apparence et sur lesquelles ne s’est point exercée l’analyse de l’écrivain, si quelque savant doué par surcroît de l’intelligence philosophique, à la manière d’un Claude Bernard, eût entrepris de la soutenir.

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