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478. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — I »

∾ La seconde règle de vie, c’est de se garder de toute querelle personnelle.

479. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

C’est l’homme des réflexions personnelles et des déductions patientes. […] Inutile d’ajouter que ce qu’il poursuit ainsi de sa haine, ou, si l’on veut, de sa défiance, c’est en dernière analyse le Dieu personnel. Si les hommes ont mis dans l’idée de Dieu tout ce qu’ils avaient dans l’âme dont ils étaient fiers, c’était pour le rendre aussi personnel que possible. […] C’est pour pouvoir aimer Dieu que les hommes l’ont imaginé si précisément personnel, au risque, je le reconnais, de le faire trop semblable à eux. […] Alors le progrès s’arrête, plus de perfectionnement, ou personnel, ou d’outillage, ou d’organisation.

480. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Ce taillable paye pour sa taille réelle, personnelle et industrielle 36 livres 14 sous, pour les accessoires de la taille 17 livres 17 sous, pour sa capitation 21 livres 8 sous, pour ses vingtièmes 24 livres 4 sous : en tout 99 livres 3 sous ; à quoi il faut ajouter environ 5 livres pour le remplacement de la corvée : en tout 104 livres pour un bien qu’il louerait 240 livres, plus des cinq douzièmes de son revenu  C’est bien pis si l’on fait le compte pour les généralités pauvres. […] Suivons-les d’impôt en impôt  En premier lieu, non seulement les nobles et les ecclésiastiques sont exempts de la taille personnelle, mais encore, ainsi qu’on l’a déjà vu, ils sont exempts de la taille d’exploitation pour les domaines qu’ils exploitent eux-mêmes ou par leurs régisseurs. […] Notez de plus qu’une infinité de places et de fonctions, sans conférer la noblesse, exemptent leur titulaire de la taille personnelle et réduisent sa capitation au quarantième de son revenu : d’abord toutes les fonctions publiques, administratives ou judiciaires, ensuite tous les emplois dans la gabelle, dans les traites, dans les domaines, dans les postes, dans les aides et dans les régies714. « Il est peu de paroisses, écrit un intendant, où il n’existe de ces employés, et l’on en voit dans plusieurs jusqu’à deux ou trois715. » Un maître de poste est exempt de taille pour tous ses biens et facultés, et même pour ses fermes jusqu’à concurrence de cent arpents.

481. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Plaçons ici une observation plus personnelle. […] Les esprits impartiaux rendront justice aux sentiments de convenances personnelles et politiques qui lui imposent désormais le devoir de ne répondre aux fausses interprétations que par le silence, aux injures littéraires que par l’oubli, aux insultes personnelles que par la mesure et la fermeté que tout homme doit retrouver en soi, quand on en appelle de son talent à son caractère.

482. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Or, on ne peut nier que telle fut la conduite de M. de Chateaubriand, lorsque, à son retour de Londres, il écrivit avec toutes les séductions de son génie personnel le livre du Génie du Christianisme, au lieu de l’Essai sur les Révolutions. […] LXV Après ces jours d’égarement à la fois personnel et politique, madame Récamier passa deux ans en Italie. […] Dans un autre temps, c’eût été un événement national, mais le bruit qu’il avait trop adoré couvrit l’émotion publique par une émotion plus personnelle à la nation.

483. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Mais, si les considérations que j’ai émises tout à l’heure sont vraies, une telle comparaison entre Werther et les œuvres analogues qui l’ont suivi, même en se restreignant à celles qui ont le plus de rapport avec lui, ne serait rien moins qu’un tableau et une histoire de la littérature européenne depuis près d’un siècle : ce serait la formule générale de cette littérature, donnant à la fois son unité et sa variété, ce qu’il y a de permanent en elle et ce qu’il y a de variable, à savoir la forme que revêt, suivant l’âge de l’auteur, suivant son sexe, son pays, sa position sociale, ses douleurs personnelles, et au milieu des événements généraux et des divers systèmes d’idées qui l’entourent, cette pensée religieuse et irréligieuse à la fois que le Dix-Huitième Siècle a léguée au nôtre comme un funeste et glorieux héritage. […] Il raconte donc une multitude de faits personnels pour montrer comment de toute son existence sortit un jour Werther, écrit (ce sont ses expressions) dans une sorte de somnambulisme. […] Toute peinture ainsi faite par l’auteur d’un ouvrage, dans le but d’expliquer cet ouvrage, devient personnelle au point de manquer de largeur et de lumière : au lieu de la Providence qui enfante les chefs-d’œuvre de l’esprit humain, on ne découvre plus que le hasard des causes accessoires.

484. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Tout au plus s’agit-il de ce qui lui est le plus personnel. […] Puis il compare, sur chaque point particulier, le présent avec le passé, les opinions que d’autres en ont eues avec celle qu’il en a lui même, les actions qui s’y rattachent avec sa conduite personnelle. […] Sans grammaires, sans règles, guidé par son instinct et par l’analogie, il osa tout pour exprimer sa pensée, et il traita la langue non comme l’héritage de tous, mais comme sa propriété personnelle.

485. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Il a vu que deux musiques étaient possibles ; l’une personnelle, traduisant, dans le minutieux détail, les émotions d’une âme individuelle ; l’autre exprimant les émotions générales, totales, d’une masse humaine, la résultante d’états multiples, mais surgis en des âmes pareilles de foule. Le Mage Divin Beethoven comprit que, à la traduction d’émotions personnelles et intimes, seyait seulement une musique discrète, pouvant être lue dans le recueillement, ou jouée sur quelque piano, tandis qu’autour est le silencieux oubli. […] Entre les deux musiques, dont l’une exprime et analyse les émotions d’un individu, dont l’autre recrée les émotions collectives de masses humaines, Offenbach a, constamment, choisi la seconde : les personnages de ses opérettes n’ont point de nature propre : les plaies mélodies par eux débitées ne traduisent nullement des états d’âme personnels.

486. (1904) En méthode à l’œuvre

Tandis que, délaissant la théorie du « Devenir » de Darwin (mais, sans doute, adéquatement à la hideuse morale pratique, n’arriveraient-ils qu’à l’erronée interprétation de Spencer), ils paraissent surtout séduits par l’idéalisme de Hégel, son éternel-devenir de Dieu, — pour ce qu’il n’est qu’un mode du panthéisme dont toute notre poésie se trouve imprégnée, en vague-à-l’âme… Or, des poètes qui eurent ainsi de tardives velléités de se rénover, des poètes nouveaux qui eurent la sensation d’être à de plus essentiels travaux, occultement astreints, nous n’avons saisi même le rêve stérile d’une personnelle destination de l’homme aux lois du monde : mais, au hasard des philosophies spiritualistes dont ils parurent s’inspirer, ni une œuvre, ni des livres en suite logique de poèmes. […] Nous n’avons vu d’eux, qu’une hasardeuse et dangereuse innovation prosodique, quand, détruisant ainsi les valeurs mathématiques du vers dont la mesure est tenue pour naturelle, disons-nous, et par le génie des temps et l’organe de l’ouïe, — ils pensèrent à le délivrer de la monotonie qui provient de ses entraves intérieures, en s’ingéniant à l’allonger ou le diminuer au gré personnel du poète et selon d’autres mesures seulement empiriques, qui souvent s’apparentèrent aux prosaïques cadences. […] Et alors, en construit-elle, par une sorte d’atavisme superstitieux, un idéal de Foi matérialiste à violences d’appétits et sanctions de Besoins : et en même temps se dénature ou se détruit, d’être passé par elle qui lui demande ainsi que des prolongements décuplés de ses seuls sens, le sens universel et sacré, — Et parce que la hâtive Science moderne multipliant ses vulgarisations à la mesure des inaptes cerveaux, ne voit pas qu’ainsi elle s’amoindrit et se disperse, et ne grandit autour d’elle qu’une audace ou un scepticisme hostilement présomptueux : il se peut que se désagrège avant de se résumer une conscience, l’Occident…   — Nous arrivons donc à une proposition « d’Altruisme » vrai, qui ne soit plus de sentiment, ni n’implique de renoncement personnel.

487. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Il est composé de deux styles disparates : d’un style alors amoureux de Janin, celui du frère cadet ; d’un style alors amoureux de Théophile Gautier, celui du frère aîné ; — et ces deux styles ne se sont point fondus, amalgamés en un style personnel, rejetant et l’excessif sautillement de Janin et la trop grosse matérialité de Gautier : un style dont Michelet voulait bien dire plus tard, qu’il donnait à voir, d’une manière toute spéciale, les objets d’art du xviiie  siècle, un style peut-être trop ambitieux de choses impossibles, et auquel, dans une gronderie amicale, Sainte-Beuve reprochait de vouloir rendre l’âme des paysages, et de chercher à attraper le mouvement dans la couleur, un style enfin, tel quel, et qu’on peut juger diversement, mais un style arrivé à être bien un. […] nous les romanciers, les ouvriers du genre littéraire triomphant au xixe  siècle, nous renoncerions à ce qui a été la marque de fabrique de tous les vrais écrivains de tous les temps et de tous les pays, nous perdrions l’ambition d’avoir une langue rendant nos idées, nos sensations, nos figurations des hommes et des choses, d’une façon distincte de celui-ci ou de celui-là, une langue personnelle, une langue portant notre signature, et nous descendrions à parler le langage omnibus des faits divers ! […] Et peut-être l’espèce d’hésitation du monde lettré à accorder à Balzac la place due à l’immense grand homme, vient-elle de ce qu’il n’est point un écrivain qui ait un style personnel ?

488. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Il s’agit pour eux non de sauver les institutions, mais de sauver le personnel. […] N’y verra-t-il qu’un moyen de contenter son ambition personnelle, et ne se servira-t-il de la France que comme d’un instrument pour réaliser un rêve de gloire insensé ? […] Les desseins de Bonaparte se découvraient : ils tendaient sûrement au pouvoir personnel. […] Il ne saura que nous dire les émotions personnelles que suscitent en lui les images défilant sous ses yeux. […] De là ce personnel où le roman moderne n’a pas encore cessé de recruter ses types, détraqués, hystériques, névrosés, hallucinés, maniaques, aliénés, dégénérés, personnel d’hôpital et de Salpêtrière.

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