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1534. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

À un an de là, à la Malmaison, en janvier 1801, le premier consul disait aux sénateurs Laplace et Monge, et à Roederer, au sujet même des injures qu’on s’était permises au Tribunat contre le Conseil d’État pour la loi sur les tribunaux spéciaux : « Je suis soldat, enfant de la Révolution, sorti du sein du peuple : je ne souffrirai pas qu’on m’insulte comme un roi. » Il disait dans un autre moment : « Il faut que le peuple français me souffre avec mes défauts, s’il trouve en moi quelques avantages : mon défaut est de ne pouvoir supporter les injures. » Vers le même temps à Paris, toujours au sujet de la même affaire, comme Roederer lui disait : Les parlements autrefois parlaient toujours aux rois dans leurs remontrances des conseils perfides qui trompaient Leur Majesté, mais leurs séances n’étaient pas publiques. — Et d’ailleurs, reprenait vivement le premier consul, ces choses-là les ont renversés ; et moi j’ose dire que je suis du nombre de ceux qui fondent les États, et non de ceux qui les laissent périr. […] c’est en partie ce qu’il a voulu. — Dans tous les cas, il a gagné un point ; il n’est plus permis, après l’avoir lu, de parler de l’hôtel Rambouillet du ton de dédain qu’on y mettait auparavant.

1535. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Toutes les idées politiques répandues et dans L’Esprit des lois, et dans l’ouvrage si bien fait, si sagement ordonné, sur la grandeur et la décadence des Romains, sont contenues en germe dans les Lettres Persanes, et le sujet y permet certaines idées qui déparent la dignité d’un ouvrage aussi grave que L’Esprit des lois. […] Il est permis de croire toutefois qu’il ne s’y est peint que de profil, et en se figurant par endroits qu’il ne nous présentait que le meilleur de ses amis.

1536. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Ami de la propriété des termes, de l’ordre logique et direct dans le langage, il se disait que l’esprit n’a ses coudées franches et son juste instrument que dans la prose ; « qu’elle seule a droit sur tous genres d’ouvrages indistinctement ; qu'elle a seule l’usage libre de toutes les richesses de l’esprit ; que, n’étant asservie à aucun joug, elle ne trouve jamais d’obstacles à exprimer ce que le génie lui présente ; qu’elle n’est jamais forcée de rejeter les expressions propres et les tours uniques que demandent les idées successives et les sentiments variés que ses sujets embrassent. » Mais, avec les vers, il faut toujours faire quelque concession, quelque sacrifice, tantôt pour la clarté, tantôt pour l’élégance, ces deux qualités dont la prose est toujours comptable : « Quand une pensée se trouve, à quelque chose près, aussi bien exprimée en vers qu’elle pourrait l’être en prose, on applaudit au succès du poète, on lui voue son indulgence, on lui permet de grimacer de temps à autre ; les expressions impropres sont chez lui de légères fautes ; les constructions inusitées deviennent ses privilèges. » Et il en citait des exemples jusque dans Boileau. […] La santé affaiblie de l’abbé de Pons et ses infirmités croissantes, qui ne lui permettaient plus les relations de société, lui firent prendre le parti de se retirer en 1727 à Chaumont, dans le sein de sa famille.

1537. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Toutes ces gracieuses et généreuses personnes, Mme de Luxembourg, son amie la comtesse de Boufflers, n’étaient après tout coupables que de vouloir faire le bonheur d’un malheureux homme de génie et de tourment, qui ne le permettait pas : « Je craignais excessivement, nous dit Rousseau en commençant le récit de cette liaison, Mme de Luxembourg ; je savais qu’elle était aimable : je l’avais vue plusieurs fois au spectacle et chez Mme Dupin, il y avait dix ou douze ans, lorsqu’elle était duchesse de Boufflers et qu’elle brillait encore de sa première beauté ; mais elle passait pour méchante, et dans une aussi grande dame cette réputation me faisait trembler. […] Avec Mme du Deffand et de la part de celle-ci, nous allons rencontrer plus d’une mauvaise humeur, plus d’une injustice également, plus d’une méchanceté même, comme les femmes du monde s’en permettent en langage envers des amies de tous les jours ; mais la suite aidera à corriger ce qui n’était que jugement hasardé, boutade, et à établir le vrai point.

1538. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Bouilly et se déshonorer, si l’on s’était permis de s’attendrir ;  on arborait, peu s’en faut, pour devise le vers de Térence ainsi retourné : « Je suis homme, et en conséquence je ne m’intéresse à rien d’humain. » Mais, tout compte fait et tout balancé, la rue des Canettes me paraît d’ailleurs fort inférieure en visée à l’impasse du Doyenné : elle vit au jour le jour, elle n’a pas l’horizon du passé, l’enthousiasme exalté pour tous les vieux maîtres gothiques et non classiques, le mépris du médiocre, l’horreur du lieu commun et du vulgaire, l’ardeur et la fièvre d’un renouvellement. […] Il a soif de posséder et de s’assimiler ce qu’il n’est donné à nul homme de ravir et ce qu’il est permis tout au plus de concevoir et de contempler.

1539. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Le respect qu’il inspirait autour de lui ne permettait pas d’aller au fond de ses pensées. […] Je laisse parler le capitaine Bernard : « Encore, dans cette misérable situation, s’il nous eût été permis de jouir d’un peu de liberté, nous eussions rendu grâces au ciel.

1540. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Pour moi en particulier, aide de camp d’un général qui ne s’était pas informé un instant si j’avais un cheval en état de supporter de pareilles fatigues, si je comprenais un service si nouveau pour moi, l’on me confiait un ordre de mouvement à porter au milieu de la nuit, dans un moment où tout avait une grande importance, et l’on ne me permettait pas même de demander où je devais aller. […] Les réflexions se pressent, et il n’est pas besoin d’être du métier pour se les permettre.

1541. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Il lui avait été permis dès 1817 de se fixer à Paris pour se consacrer à ses travaux de cabinet. […] Des raisons de politique extérieure et d’alliance anglaise firent alors prévaloir le choix d’Anvers comme une tête de pont qui permît à l’Angleterre de venir, en cas de péril, au secours de sa protégée.

1542. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Il est permis, en parlant d’un tel homme, de s’attacher à l’esprit des temps plutôt qu’aux détails vulgaires qui, chez d’autres, pourraient être caractéristiques. […] En faisant ici la part de ce qu’il y a de spontané et d’évolutif dans ce progrès du talent, nous croyons qu’il nous est permis de noter une influence heureuse du dehors.

1543. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Mais cet Arthur, qu’un hasard heureux, une saison plus recueillie, a laissé écrire avec plus de soin et de suite à un homme du monde redevenu chrétien ; ce roman, bien fait pour plaire à beaucoup, nous permet de parler, selon notre cœur et notre goût, d’un poëte aimable, d’un des naturels les plus charmants de ce temps-ci, et auquel il n’a manqué que le travail et l’haleine. […] — Mais au moins, pour demain, belle Élise, N’est-il pas, n’est-il pas, vers cette heure indécise Où tout permet d’oser, N’est-il pas un sentier dans le myrte et la rose, Un bosquet de Clarens où le ramier se pose, Où descend le baiser ?

1544. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Dans ce que je me permettrai de dire de l’association naissante, je m’enquerrai moins de son objet positif et financier que des conséquences littéraires probables et de certains abus (il s’en glisse partout, et surtout dans les corps) qui pourraient s’entrevoir déjà. […] Il n’est donc peut-être plus permis de dire que les gens de lettres sont, non pas indisciplinables, mais trop disciplinés, et que la coalition en ce sens aurait d’étranges conséquences.

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